Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Inadéquation de la mise en cause et conséquences sur la recevabilité des demandes
→ RésuméDans cette affaire, une société appelante a contesté une décision de première instance concernant des obligations convertibles souscrites par deux sociétés. La déclaration d’appel n’a pas mentionné la société Open City Promotion, qui n’a pas été régulièrement mise en cause, ce qui a conduit la cour à déclarer irrecevables les demandes dirigées contre elle. En revanche, l’appel a été jugé recevable pour la société Open City Immobilier.
La décision contestée a condamné solidairement deux sociétés, Prestige Invest 6 et Angelys Group, à verser une somme provisionnelle d’un million d’euros à Open City Immobilier et Open City Promotion, en raison d’un engagement contractuel. Les obligations de paiement étaient divisibles, ce qui signifie que chaque souscripteur n’était pas responsable des obligations des autres. La cour a confirmé que la décision était définitive pour Open City Promotion, qui n’avait pas été appelée en cause. Les sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group ont également soutenu que la décision était nulle en raison d’une violation des articles du code de procédure civile, arguant que le premier juge avait modifié l’objet du litige en accordant une provision sans en avoir été saisi. Cependant, la cour a constaté que les parties avaient clairement demandé une provision, et que le premier juge avait agi dans ses compétences. Concernant la demande de délais de paiement formulée par les sociétés appelantes, la cour a rejeté cette demande, notant l’absence de justificatifs concernant leur situation financière. Enfin, les sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group ont été condamnées aux dépens d’appel et à verser une somme à Open City Immobilier pour couvrir les frais non compris dans les dépens. |
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 3
ARRÊT DU 03 AVRIL 2025
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/09027 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJN52
Décision déférée à la cour : ordonnance du 03 avril 2024 – président du TC de Paris – RG n° 2023059748
APPELANTES
S.A.S. ANGELYS GROUP, RCS de Paris n°841397276, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
S.A.S. PRESTIGE INVEST 6, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentées par Me Jean-Oudard DE PREVILLE de l’AARPI RICHELIEU AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0502
Ayant pour avocat plaidant Me Luc LHUISSIER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE
S.A.S. OPEN CITY IMMOBILIER, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Arnaud BERNARD de l’AARPI ARC PARIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R176
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 février 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Michel RISPE, président de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Michel RISPE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne BELCOUR, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Début 2021, la société Prestige Invest 6, qui est une filiale de la société Angelys Group, a envisagé de se porter acquéreur d’un ensemble immobilier à usage d’habitation situé [Adresse 1] à [Localité 8] d’une surface habitable de 787,30 m² en vue de sa revente par lots après réalisation de travaux d’aménagement.
Afin d’assurer le financement du projet, le 26 mars 2021, un contrat a été conclu portant sur l’émission par la société Prestige Invest 6 de 100.000 obligations convertibles d’un montant nominal de 10 euros chacune, soit pour un montant total de 1.000.000 d’euros, souscrit par moitié respectivement par les sociétés Open City Immobilier et Open City Promotion (les souscripteurs), qui ont apporté les fonds au notaire en charge de la vente.
Par acte séparé du même jour, la société Angelys Group a consenti un cautionnement personnel et solidaire au profit des souscripteurs en garantie du paiement de toutes les sommes dues au titre du contrat d’émission.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 mars 2023, le conseil des souscripteurs a mis en demeure la société Prestige Invest 6 de procéder au paiement de toutes les sommes dues au titre du contrat d’émission, soit en tout 1.240.000 euros, outre intérêts de retard calculés à la date du paiement effectif. Toutefois, les souscripteurs ont proposé un calendrier à la société Prestige Invest 6 pour lui permettre de se libérer de cette dette en quatre échéances jusqu’au 30 juin 2023.
La société Prestige Invest 6 a procédé au paiement d’un montant global de 141.073,25 euros, dont 41.073,25 euros le 28 décembre 2022, 50.000 euros le 3 avril 2023 et 50.000 euros le 17 avril 2023.
Le 15 septembre 2023, le conseil des souscripteurs a adressé à la société Prestige Invest 6 une nouvelle lettre de mise en demeure lui réclamant paiement du solde restant dû à hauteur de 1.211.506,67 euros.
Par acte de commissaire de justice du 24 octobre 2023, les sociétés Open City Immobilier et Open City Promotion ont fait assigner les sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group ainsi que M. [T] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins notamment de l’entendre
condamner les sociétés Prestige Invest 6, Angelys Group et M. [T], avec solidarité entre eux, à payer aux sociétés Open City Immobilier et Open City Promotion la somme de 1.180.705.63 euros, à hauteur de la moitié à chacune, en paiement des sommes dues au titre du contrat d’émission obligatoire du 26 mars 2021,
débouter les sociétés Prestige Invest 6, Angelys Group et M. [T] de leur demande de délais de paiement,
condamner les sociétés Prestige Invest 6, Angelys Group et M. [T], avec solidarité entre eux, aux dépens de la présente instance.
Par ordonnance contradictoire du 3 avril 2024, le dit juge des référés a :
par provision, condamné solidairement les sociétés Angelys Group et Prestige Invest 6 au paiement de la somme de 1 million d’euros en principal augmentée des intérêts acquis le 11 mars 2023, à raison de 12% sur le principal chaque année sans anatocisme, soit 240.000 euros, diminuée des remboursements et augmentée des intérêts sur la somme restante à payer après chaque remboursement, soit la somme restant à payer de 1. 180. 705.63 euros à la date de la signification de la présente ordonnance au taux annuel contractuel de 12 % (sans anatocisme),
condamné par provision et solidairement Angelys Group et Prestige Invest 6 à payer aux sociétés Open City Promotion et Open City Immobilier la somme de 7.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
condamné en outre solidairement les sociétés Angelys Group et Prestige Invest 6 aux dépens de l’instance.
Par ordonnance rectificative du 23 avril 2024, le même juge des référés a dit qu’il convenait de compléter le dispositif de l’ordonnance rendue le 3 avril 2024 comme suit :
par provision, condamné solidairement les sociétés Angelys Group et Prestige Invest 6 à payer à Open City Immobilier et Open City Promotion la somme de 1 million d’euros en principal augmentée des intérêts acquis le 11 mars 2023, à raison de 12% sur le principal chaque année sans anatocisme, soit 240.000 euros, diminuée des remboursements et augmentée des intérêts sur la somme restante à payer après chaque remboursement, soit la somme restant à payer de 1. 180. 705.63 euros à la date de la signification de la présente ordonnance au taux annuel contractuel de 12 % (sans anatocisme),
maintenant dans leur intégralité les autres termes de son ordonnance.
Par déclaration effectuée par voie électronique le 13 mai 2024, les sociétés Angelys Group et Prestige Invest 6 ont relevé appel de la décision susvisée du 3 avril 2024, limité aux chefs expressément critiqués suivants : ‘Par provision, condamnons solidairement Angelys Group et Prestige Invest 6 au paiement de la somme de 1 million d’euros en principal augmentée des intérêts acquis le 11 mars 2023, à raison de 12% sur le principal chaque année sans anatocisme, soit 240 000′, diminuée des remboursements et augmentée des intérêts sur la somme restante à payer après chaque remboursement, soit la somme restant à payer de 1 180 705,63′ à la date de la signification de la présente ordonnance au taux annuel contractuel de 12% ( sans anatocisme). Condamnons par provision et solidairement Angelys Group et Prestige Invest 6 à payer à la société Open City Promotion et à la société Open City Immobilier la somme de 7.500′ au titre de l’article 700 cpc. Rejetons toutes demandes plus amples ou contraires des parties. Condamnons en outre solidairement Angelys Group et Prestige Invest 6 aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 92,90′ TTC dont 15,27′ de TVA’.
L’acte d’appel n’était dirigé que contre la société Open City Immobilier.
Par acte de commissaire de justice du 21 juin 2024, les sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group ont fait signifier à la société Open City Immobilier l’acte d’appel, ainsi que l’avis de fixation du 14 juin 2024.
Par acte du 3 juillet 2024, Me [K] a fait connaître qu’il se constituait devant la cour pour la société Open City Immobilier.
Par leurs premières et dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 juillet 2024, au visa des articles 4, 16, 455, 873 et suivants du code de procédure civile et L. 228-54 du code de commerce, les sociétés Angelys Group et Prestige Invest 6 ont demandé à la cour de:
à titre principal, prononcer la nullité de l’ordonnance rendue le 3 avril 2024 par le tribunal de commerce de Paris pour défaut de respect du principe du contradictoire et défaut de motivation;
à titre subsidiaire, infirmer l’ordonnance entreprise ce qu’elle a :
par provision, condamné solidairement les sociétés Angelys Group et Prestige Invest 6 au paiement de la somme de 1 million d’euros en principal augmentée des intérêts acquis le 11 mars 2023, à raison de 12% sur le principal chaque année sans anatocisme, soit 240.000 euros, diminuée des remboursements et augmentée des intérêts sur la somme restante à payer après chaque remboursement, soit la somme restant à payer de 1. 180. 705.63 euros à la date de la signification de la présente ordonnance au taux annuel contractuel de 12 % (sans anatocisme)
condamné par provision et solidairement Angelys Group et Prestige Invest 6 à payer à la société Open City Promotion et à la société Open City Immobilier la somme de 7.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
condamné en outre solidairement les sociétés Angelys Group et Prestige Invest 6 aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 92,90 euros TTC dont 15,27 euros de TVA’;
statuant à nouveau,
in limine litis, rejeter les demandes des sociétés Open City Immobilier et Open City Promotion Immobilier en ce qu’elles sont irrecevables au regard de l’article L228-54 du code de commerce et du contrat d’émission des obligations convertibles ;
à titre principal, rejeter les demandes les sociétés Open City Immobilier et Open City Promotion en présence de contestations sérieuses constituées par la nécessaire interprétation des termes du contrat d’émission des obligations convertibles et de son articulation avec les modalités de remboursement de l’emprunt bancaire souscrit par la société Prestige Invest 6 auprès de la Socfim ;
à titre subsidiaire, reporter la date du terme de l’emprunt obligataire prévu à l’article 5 de l’annexe 2.1 du contrat d’émission d’obligations convertibles ;
accorder, par conséquent, un délai de grâce expirant au 11 mars 2026 à la société Prestige Invest et à la société Angelys Group pour s’acquitter des sommes dues au titre du contrat d’émission d’obligations convertibles ;
ordonner que les sommes correspondantes aux échéances reportées portent intérêt au taux légal et que les paiements éventuels réalisés s’imputeront d’abord sur le capital ;
en tout état de cause, condamner les sociétés Open City Immobilier et Open City Promotion au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
Par leurs premières et dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 août 2024, les sociétés Open City Immobilier en tant qu’intimée et Open City Promotion en tant que ‘partie non intimée dans la procédure d’appel’ ont demandé à la cour de :
à titre liminaire, dire que l’effet dévolutif de l’appel interjeté par les sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group est limité aux chefs de jugement concernant Open City Immobilier, à l’exclusion d’Open City Promotion , soit à la moitié de la condamnation prononcée en première instance ;
à titre principal, confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 3 avril 2024, telle que modifiée par ordonnance rectificative d’erreur matérielle du 23 avril 2024, et en conséquence:
dire et juger qu’il n’existe pas de contestation sérieuse quant à l’existence de la créance globale de 1.180.705,63 euros (montant à parfaire au cours de la procédure) due à Open City Immobilier et Open City Promotion , à hauteur de la moitié à chacun, au titre du contrat d’émission obligataire du 26 mars 2021 ;
condamner les sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group, avec solidarité entre elles, à payer à Open City Immobilier à titre de provision la somme de 500.000 euros en principal augmentée des intérêts acquis le 11 mars 2023, à raison de 12% sur le principal chaque année sans anatocisme, soit 120.000 euros, diminuée des remboursements et augmentée des intérêts sur la somme restante à payer après chaque remboursement, soit la somme restante à payer de 590.352,82 euros à la date de signification de l’ordonnance de première instance au taux annuel contractuel de 12% au titre du contrat d’émission obligataire du 26 mars 2021 (somme à parfaire en cours de procédure) ;
à titre subsidiaire, dans le cas où l’effet dévolutif de l’appel ne serait pas limité aux chefs de jugement concernant Open City Immobilier ;
confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 3 avril 2024, telle que modifiée par ordonnance rectificative d’erreur matérielle du 23 avril 2024
et en conséquence :
dire et juger qu’il n’existe pas de contestation sérieuse quant à l’existence de la créance globale de 1.180.705,63 euros (montant à parfaire au cours de la procédure) due à Open City Immobilier et Open City Promotion , à hauteur de la moitié à chacun, au titre du contrat d’émission obligataire du 26 mars 2021 ;
condamner les sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group, avec solidarité entre elles, à payer à Open City Immobilier et Open City Promotion à titre de provision la somme de 1.000.000 euros en principal augmentée des intérêts acquis le 11 mars 2023, à raison de 12% sur le principal chaque année sans anatocisme, soit 240.000 euros, diminuée des remboursements et augmentée des intérêts sur la somme restante à payer après chaque remboursement, soit la somme restante à payer de 1.180.705,63 euros à la date de signification de l’ordonnance de première instance au taux annuel contractuel de 12% au titre du contrat d’émission obligataire du 26 mars 2021 (somme à parfaire en cours de procédure) ;
en tout état de cause, débouter les sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group de l’intégralité de leurs demandes ;
condamner les sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group, avec solidarité entre elles, au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre aux dépens de la présente instance.
L’ordonnance de clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 9 janvier 2025, l’affaire étant renvoyée pour être plaidée à l’audience du 3 février 2025.
Par message adressé par voie électronique le 3 février 2025, le greffe a signalé au conseil des appelantes que la cour n’avait pas été destinataire de son dossier de plaidoirie, l’invitant à le déposer ou à l’envoyer par courrier dans les plus brefs délais.
Par message responsif du 4 février 2025, le conseil des sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group a fait connaître que l’avocat plaidant de ces parties ayant été dessaisi par celles-ci, il ne déposerait pas de dossier.
Sur ce,
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Il sera rappelé que les demandes tendant à voir donner acte, constater, juger ou encore dire et juger, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais des moyens au soutien de celles-ci en sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer de ces chefs.
En outre, selon une jurisprudence constante, les juges ne sont pas tenus de répondre à un simple argument, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni encore de répondre à une simple allégation dépourvue d’offre de preuve.
Sur la portée de l’appel et la recevabilité des demandes dirigées contre la société Open City Promotion
L’article 546, alinéa 1er, du code de procédure civile prévoit que ‘Le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé.’
Selon l’article 547, alinéa 1er, du même code ‘ En matière contentieuse, l’appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance. Tous ceux qui ont été parties peuvent être intimés.’
Alors qu’en vertu des dispositions précitées, le droit d’intimer toutes les parties présentes en première instance n’est pas une obligation pour l’appelant, mais une simple faculté, sauf en cas d’indivisibilité du litige, les seules parties intimées sont celles indiquées dans l’acte d’ appel (cf. Cass. 2e civ., 22 oct. 1981 : Gaz. Pal. 1982, p. 58 , note Viatte). Et, si l’appelant n’intime que certaines des parties en cause, le jugement de première instance passe en force de chose jugée à l’égard des parties non intimées (cf. Cass. civ., 4 févr. 1946 : Gaz. Pal. 1946, 1, p. 138 ; S. 1946, 1, p. 80).
En outre, selon l’article 905-1 du même code, dans sa rédaction applicable à l’espèce: ‘Lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.
A peine de nullité, l’acte de signification indique à l’intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l’article 905-2, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables.’
En l’espèce, il convient de constater que la déclaration d’appel ne vise pas la société Open City Promotion, qui n’y est pas désignée au rang des intimés, contrairement à ce qu’il en est pour la société Open City Immobilier, outre que, dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation, l’appelant n’a fait signifier sa déclaration qu’à cette dernière.
Au jour où elle statue, la cour ne peut que constater que la société Open City Promotion n’a pas été régulièrement mise en cause au cours de l’instance d’appel, outre qu’aucune demande n’a été formée régulièrement contre-celle ci.
La décision dont appel, telle que rectifiée par le premier juge, emporte notamment condamnation solidaire des sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group, compte tenu de l’engagement respectivement contracté par celles-ci le 26 mars 2021, à payer aux sociétés Open City Immobilier et Open City Promotion la somme provisionnelle d’un million d’euros en principal outre intérêts, ces dernières ayant souscrit chacune pour une moitié à l’émission d’obligations convertibles pour un montant total de 1.000.000 d’euros.
La convention liant les parties et en vertu de laquelle le premier juge a prononcé la condamnation des sociétés Angelys Group et Prestige Invest 6 prévoit que les obligations de chacun des deux souscripteurs sont divisibles. En effet, selon l’article 2.3 du contrat d’émission, ‘les Souscripteurs et Titulaires d’OC [obligations convertibles] agissent sans aucune solidarité entre eux, que les obligations de chaque Souscripteur ou ensuite de chaque Titulaire d’OC sont divisibles et que les droits de chacun d’eux peuvent être exercés séparément et indifféremment des autres, sauf les droits et prérogatives expressément réservés à la masse des Titulaires d’OC et sauf autre exception contraire expressément prévue par un texte législatif ou réglementaire en vigueur. En conséquence, aucun Souscripteur ou Titulaire d’OC ne peut être tenu pour responsable des obligations d’un autre Souscripteur ou Titulaire d’OC ni se voir restreindre, modifier ou interdire l’exercice d’un droit’.
Il apparaît donc que la décision entreprise doit être regardée comme définitive à l’égard de la société Open City Promotion, non intimée. Aussi, les demandes des sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group dirigées contre la société Open City Promotion, qui n’a pas été appelée régulièrement en la cause, outre qu’elles n’ont pas été faites contradictoirement à son égard, seront déclarées irrecevables.
L’appel sera en revanche reçu en ce qui concerne la société Open City Immobilier.
Sur la prétendue nullité de la décision entreprise
Selon l’article 4 du code de procédure civile, ‘L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant’.
Selon l’article 16 du même code, ‘Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.’
Selon l’article 455, alinéa 1er, du même code, ‘Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé.’, ce qui doit être observé à peine de nullité en application de l’article 458, alinéa 1er, du dit code.
Au cas d’espèce, les sociétés Angelys Group et Prestige Invest 6 prétendent que la décision entreprise est nulle pour violation des articles 4 et 16 du code de procédure civile. Elles font valoir, d’une part, que le premier juge a modifié l’objet du litige dès lors qu’il a accordé une provision sans avoir été saisi d’une telle demande, puisque les sociétés adverses sollicitaient le prononcé d’une condamnation formulée à titre définitif. D’autre part, elles font valoir que le premier juge n’a pas répondu au moyen qu’elles soulevaient tenant à l’irrecevabilité des demandes adverses en application de l’article L. 228-54 du code de procédure civile [en réalité, du code de commerce].
Cependant, comme le fait valoir à juste titre la société Open City Immobilier, il ne ressort pas des éléments en débat que le premier juge, saisi en référé, aurait dénaturé les termes du litige en allouant une provision, alors que dans leurs écritures en première instance, soutenues oralement devant lui, les parties demanderesses précisaient clairement que leurs prétentions visaient à l’obtention d’une provision et se fondaient explicitement sur l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile. Et, contrairement à ce que soutiennent à titre subsidiaire les sociétés Angelys Group et Prestige Invest 6, le premier juge, statuant en référés, avait bien compétence pour trancher une telle demande.
De même, s’agissant du prétendu défaut de motivation, comme l’observe à raison la société Open City Immobilier, le premier juge a visé dans sa décision les conclusions écrites remises par les parties en s’y référant expressément. En outre, l’absence de réponse apportée à l’un des moyens soulevés ne peut entraîner la nullité de la décision dès lors que le premier juge a suffisamment motivé celle-ci, notamment en retenant qu’aucune contestation sérieuse n’était démontrée et en précisant qu’il prenait acte des raisons des différents retards qui avaient conduit l’emprunteur à ne pas rembourser à l’échéance prévue, en relevant que le prêteur n’était pas la cause des retards, que l’emprunteur avait lui-même signé le contrat et ne pouvait décemment pas se prévaloir de l’impossibilité de remboursement de l’emprunt obligataire à la date prévue à cause.
Il suit de ce qui précède que les demandes de ce chef seront rejetées.
Sur la prétendue irrecevabilité de la demande de la société Open City Immobilier
Selon l’article L.228-54 du code de commerce, ‘Les représentants de la masse, dûment autorisés par l’assemblée générale des obligataires, ont seuls qualité pour engager, au nom de ceux-ci, les actions en nullité de la société ou des actes et délibérations postérieurs à sa constitution, ainsi que toutes autres actions en justice ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires, et notamment requérir la mesure prévue à l’article L. 237-14.
Les actions en justice dirigées contre l’ensemble des obligataires d’une même masse ne peuvent être intentées que contre le représentant de cette masse.
Toute action en justice intentée contrairement aux dispositions du présent article doit être déclarée d’office irrecevable.’
Au cas présent, les sociétés Angelys Group et Prestige Invest 6 déduisent des dispositions qui précèdent que l’action directe des sociétés Open City Immobilier et Open City Promotion a été intentée en violation de celles-ci ainsi que des clauses contractuelles qui prévoyaient une représentation de la masse des obligataires.
Cependant, alors que le législateur a institué la masse des obligataires en vue d’assurer la protection des intérêts communs des porteurs d’obligations et a donné, en la personne de ses représentants, un contradicteur légitime aux actions dirigées par ou contre cette collectivité ‘ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires’, ces dispositions n’ont pas lieu de s’appliquer à l’action des obligataires qui cherchent à obtenir le remboursement de leurs obligations, outre que celle-ci a été exercée conjointement devant le premier juge par les deux seules obligataires.
La demande de ce chef sera rejetée et la décision entreprise sera complétée en ce sens.
Sur la demande de provision
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevables les demandes formées par les sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group à l’encontre de la société Open City Promotion, non intimée ;
Rejette la demande d’annulation de la décision entreprise et la confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Déclare recevable la demande de condamnation provisionnelle de la société Open City Immobilier, l’exception tirée de l’article L.228-54 du code de commerce étant rejetée ;
Rejette la demande de délais de paiement formée par les sociétés Angelys Group et Prestige Invest 6 ;
Condamne les sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group in solidum aux dépens d’appel;
Condamne les sociétés Prestige Invest 6 et Angelys Group in solidum à payer à la société Open City Immobilier la somme de cinq mille (5.000) euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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