Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Validité de la mise en demeure et effets de la procédure collective sur le bail commercial.
→ RésuméPar acte sous seing privé du 4 janvier 2016, une société a consenti un bail commercial à une autre société pour des locaux situés à une adresse précise. En novembre 2022, un juge des référés a condamné la locataire à verser une somme importante à la société bailleur, tout en lui permettant de régler cette dette en plusieurs mensualités. Le juge a également suspendu les effets de la clause résolutoire, stipulant que si la locataire ne respectait pas ses paiements, le bail serait résilié et l’expulsion pourrait être ordonnée.
En octobre 2023, un tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la locataire, désignant un administrateur judiciaire et un mandataire judiciaire. En novembre 2023, la société bailleur a délivré un commandement de quitter les lieux à la locataire. En décembre 2023, la locataire a assigné la société bailleur devant le juge de l’exécution pour annuler ce commandement. En janvier 2024, le juge de l’exécution a annulé le commandement, considérant que la mise en demeure envoyée par la société bailleur ne pouvait produire d’effet qu’à partir de sa réception, et non de son envoi. Cela a conduit à la conclusion que la clause résolutoire ne pouvait être acquise avant l’ouverture de la procédure collective. La société bailleur a fait appel de cette décision. En avril 2024, la locataire et les organes de la procédure ont demandé la confirmation du jugement. En octobre 2024, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la locataire. La société Btsg, en qualité de liquidateur, a également demandé la confirmation du jugement annulant le commandement de quitter les lieux. Le tribunal a finalement confirmé le jugement initial, condamnant la société bailleur aux dépens et déboutant les parties de leurs demandes respectives. |
RÉPUBLIQUE FRAN’AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 03 AVRIL 2025
(n° 192, 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/04278 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJAXP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2024-Juge de l’exécution de Paris- RG n° 23/81980
APPELANTE
S.N.C. JMK INVESTISSEMENTS
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Emmanuel SOURDON de la SELEURL SOURDON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0290
INTIMÉES
S.A.R.L. ROUCOULE PRODUCTION
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me Marie-jeanne CUJAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1598
S.E.L.A.R.L. 2M ET ASSOCIES prise en la personne de Maître [D] [B] ès-qualités d’administrateur judiciaire de la société en redressement judiciaire ROUCOULE PRODUCTION
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Marie-jeanne CUJAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1598
S.C.P. BTSG prise en la personne de Maître [V] [T] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société en redressement judiciaire ROUCOULE PRODUCTION
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Marie-jeanne CUJAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1598
INTERVENANTE
S.C.P. BTSG La société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège social est situé [Adresse 3], prise en la personne de Maître [V] [T], ès qualités de liquidateur de :
la société ROUCOULE PRODUCTION, société à responsabilité limitée, en liquidation judiciaire, dont le siège social est situé [Adresse 5],
désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de commerce de PARIS en date du 17 octobre 2024 ayant prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire de la SARL ROUCOULE PRODUCTION en procédure de liquidation judiciaire,
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Nicolas MONTADIER de la SELARL MARIGNY AVOCATS & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0170
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 mars 2025 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Valérie Distinguin, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte Pruvost, président
Madame Catherine Lefort, conseiller
Madame Valérie Distinguin, conseiller
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte Pruvost, président et par Monsieur Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition.
*************
Par acte sous seing privé du 4 janvier 2016, la société Gatsby, aux droits de laquelle vient la Snc Jmk Investissements, a consenti un bail commercial à la Sarl Roucoule Production, portant sur des locaux situés [Adresse 5] à [Localité 8].
Par ordonnance du 9 novembre 2022, signifiée le 19 décembre suivant, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a notamment :
– condamné la société Roucoule Production à payer à la société Jmk Investissements la somme de 209 752,99 euros à titre de provision à valoir sur les loyers et charges échus au 4 octobre 2022, 4ème trimestre inclus ;
– autorisé la société Roucoule Production à se libérer de cette somme en vingt mensualités consécutives égales, en sus du loyer et des charges courants ;
– pendant cette période, suspendu les effets de la clause résolutoire et autorisé la société Roucoule Production à payer les loyers et charges mensuellement en dérogation aux conditions fixées par le bail commercial ;
– dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité (loyer ou arriéré) à son échéance et dans son intégralité, et 30 jours après l’envoi d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception, le solde restant dû deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendra ses effets ;
– constaté en ce cas la résiliation de plein droit du bail avec autorisation de procéder à l’expulsion de la locataire et de tous occupants de son chef des lieux loués.
Par jugement du 11 octobre 2023, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Roucoule Production et désigné la Selarl 2M associés en qualité d’administrateur judiciaire, ainsi que la SCP Btsg en qualité de mandataire judiciaire.
Le 3 novembre 2023, la société Jmk Investissements a fait délivrer un commandement de quitter les lieux à la société Roucoule Production.
Par acte du 1er décembre 2023, la société Roucoule Production a fait assigner la société Jmk Investissements devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’annulation du commandement de quitter les lieux.
Par jugement contradictoire du 10 janvier 2024, le juge de l’exécution a :
– annulé le commandement de quitter les lieux, délivré le 3 novembre 2023 ;
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Jmk Investissements aux dépens.
Pour statuer ainsi, le juge a considéré que l’intervention volontaire des organes de la procédure collective avait permis de régulariser le vice dont était entachée l’assignation ; que si l’ordonnance de référé avait prévu que la résiliation du bail serait acquise 30 jours après l’envoi d’une mise en demeure, celle adressée à la débitrice le 8 septembre 2023 ne pouvait produire d’effet que dans les termes qu’elle employait, à savoir que le point de départ du délai de 30 jours se situait à la date de la réception de la lettre, soit au plus tôt le 14 septembre 2023 ; qu’en conséquence, l’acquisition de la clause résolutoire ne pouvait intervenir avant le 14 octobre 2023 ; que le jugement d’ouverture de la procédure collective étant antérieur à cette date, l’expulsion ne pouvait être valablement poursuivie.
Par déclaration du 25 février 2024, la société Jmk Investissements a formé appel de cette décision.
Par conclusions du 28 octobre 2024, la société Jmk Investissements demande à la cour de :
– réformer le jugement du 10 janvier 2024 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– dire et juger irrecevables les demandes de la Sarl Roucoule Production et des organes de la procédure, sauf à annuler l’assignation qui lui a été délivrée par la société Roucoule Production devant le juge de l’exécution ;
A titre subsidiaire,
– débouter la Sarl Roucoule Production et les organes de la procédure de leurs demandes, notamment d’annulation du commandement de quitter les lieux ;
En toutes hypothèses,
– condamner la Sarl Roucoule Production et les organes de la procédure à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions du 25 avril 2024, la société Roucoule Production, la Selarl 2M&Associés, ès- qualités d’administrateur judiciaire et la société Btsg, ès-qualités de mandataire judiciaire demandent à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris ;
– débouter la société Jmk Investissements de toutes ses demandes ;
– condamner la société Jmk Investissements à leur payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Jmk Investissements aux entiers dépens.
Par jugement de conversion du 17 octobre 2024, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Roucoule Production, mis fin à la mission de la Selarl 2M & Associés et nommé la société Btsg en qualité de liquidateur judiciaire.
Par conclusions du 7 novembre 2024, la société Btsg ès- qualités demande à la cour de :
– confirmer le jugement du 10 janvier 2024 ;
– débouter la société Jmk Investissements de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– condamner la société Jmk Investissements à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Jmk Investissements aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SNC Jmk Investissements aux dépens d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le Président,
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