Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Résiliation de bail et redressement judiciaire : interdiction des poursuites.
→ RésuméPar acte authentique en date du 18 juillet 2016, un bail commercial a été consenti par la société RC Aulnay 1 S.C.I. à la société ZS PN pour un local situé dans le centre O’Parinor, avec un loyer annuel initial de 70 875 euros. Le 14 février 2023, la société RC Aulnay 1 S.C.I. a délivré un commandement de payer à la société ZS PN pour un montant de 80 241,08 euros, invoquant la clause résolutoire du bail.
Le 27 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a constaté la résolution du bail à compter du 15 mars 2023 et a ordonné l’expulsion de la société ZS PN des locaux. Il a également condamné cette dernière à verser à la société RC Aulnay 1 S.C.I. une somme provisionnelle de 126 943,25 euros pour loyers et charges impayés, ainsi qu’une indemnité d’occupation jusqu’à la libération des lieux. La société ZS PN a fait appel de cette décision le 18 décembre 2023. Le 26 juin 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société ZS PN, fixant la date de cessation des paiements au 15 mai 2024. Par la suite, la cour a statué sur l’appel de la société ZS PN, en considérant que l’action en constatation de la clause résolutoire ne pouvait être poursuivie en raison de l’ouverture de la procédure collective. Le 19 décembre 2024, la cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu de constater l’interruption de l’instance et a renvoyé l’examen de l’affaire à une date ultérieure. Les dernières conclusions des parties ont été remises en février 2025, et la cour a finalement infirmé l’ordonnance de référé, déclarant irrecevables les demandes de la société RC Aulnay 1 S.C.I. en raison de l’interdiction des poursuites édictée par l’article L.622-21 du code de commerce. |
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 3
ARRÊT DU 03 AVRIL 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/00480 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CIWLG
Décision déférée à la cour : ordonnance du 27 octobre 2023 – président du TJ de Bobigny – RG n° 23/00500
APPELANTE
S.A.S.U. ZS PN, placée en redressement judiciaire, RCS de Bobigny n°821453255, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Michael HADDAD de la SELARL HADDAD & LAGACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2092
INTIMÉE
S.C. RC AULNAY 1 SCI, RCS de Paris n°527514939, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Louis-David ABERGEL de la SELARL GOUAUX ABERGEL ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE
SOCIÉTÉ M.J.S. PARTNERS, en qualité de mandataire judiciaire de la société ZS PN suivant jugement du tribunal de commerce de Bobigny le 2 juin 2024, pris en la personne de Maître Nicolas SOINNE
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Michael HADDAD de la SELARL HADDAD & LAGACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2092
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 11 mars 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Anne-Gaël BLANC, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Michel RISPE, président de chambre
Anne-Gaël BLANC, conseillère
Valérie GEORGET, conseillère
Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Michel RISPE, président de chambre et par Jeanne BELCOUR, greffier, présent lors de la mise à disposition.
********
Par acte authentique reçu le 18 juillet 2016, la société RC Aulnay 1 S.C.I. a consenti un bail commercial à la société ZS PN portant sur un local situé dans le centre O’Parinor à [Localité 8] (93), moyennant un loyer annuel initial de 70 875 hors taxes et hors charges, payable trimestriellement et d’avance.
Le 14 février 2023, la société RC Aulnay 1 S.C.I. a fait délivrer à la société ZS PN un commandement de payer visant la clause résolutoire contractuelle pour la somme en principal de 80 241,08 euros.
Par ordonnance du 27 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :
constaté la résolution du bail liant les sociétés ZS PN et RC Aulnay 1 S.C.I. à compter du 15 mars 2023 ;
ordonné si besoin avec le concours de la force publique l’expulsion de la société ZS PN ou de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 9] à [Localité 8] ;
condamné la société ZS PN à payer à la société RC Aulnay 1 S.C.I. la somme provisionnelle de 126 943,25 euros correspondant aux loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d’occupation impayés, somme arrêtée au 6 septembre 2023, terme du 3ème trimestre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal;
condamné la société ZS PN au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer augmenté des charges, taxes et accessoires qu’elle aurait dû payer si le bail ne s’était pas trouvé résilié, jusqu’à complète libération des lieux ;
dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de majoration du taux d’intérêt, de pénalité forfaitaire, d’indemnité forfaitaire de retard et de conservation du dépôt de garantie ;
rejeté pour le surplus ;
condamné la société ZS PN à payer à la société RC Aulnay 1 S.C.I. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société ZS PN à supporter la charge des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 14 février 2023 et les frais de levée de l’état des nantissements et privilèges, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par Me Abergel ;
rappelé que la décision est exécutoire par provision.
Par déclaration du 18 décembre 2023, la société ZS PN a fait appel de cette décision en critiquant l’ensemble des chefs de son dispositif.
Les parties ont conclu les 19 avril et 28 mai 2024.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2024.
Par jugement du 26 juin 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société ZS PN, fixé au 15 mai 2024 la date de cessation des paiements et désigné la société MJS Partners en qualité de mandataire judiciaire.
Suivant arrêt du 10 septembre 2024, la clôture a été révoquée afin de recueillir les observations et conclusions des parties sur l’interruption de l’instance et les conséquences de la procédure de redressement judiciaire.
Par arrêt du 19 décembre 2024, au motif que la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard de la société ZS PN le 26 juin 2024 n’emportait pas assistance du débiteur et que l’instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une provision n’était pas une instance en cours interrompue par l’ouverture de la procédure collective du débiteur, la cour a dit n’y avoir lieu de constater l’interruption de l’instance et renvoyé l’examen de l’affaire à une date postérieure.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 12 février 2025, la société ZS PN, et la société MJS Partners, intervenant volontairement en qualité de mandataire judiciaire de la société ZS PN, demandent à la cour de :
infirmer l’ordonnance de référé rendue le 27 octobre 2023 par le juge des référés du tribunal Judiciaire de Bobigny en ce qu’elle a :
‘Constaté la résolution du bail commercial liant les parties à compter du 15 mars 2023 ;
Ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l’expulsion de la société ZS PN ou de tous occupants de son chef des locaux situés local [Adresse 2] à [Localité 8] ;
Condamné la société ZS PN à payer à la société RC Aulnay 1 SCI la somme provisionnelle de 126.943,25 euros correspondant aux loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d’occupation impayés, somme arrêtée au 6 septembre 2023, terme du 3e trimestre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal; Condamné la société ZS PN au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer, augmenté des charges, taxes et accessoires qu’elle aurait dû payer si le bail ne s’était pas trouvé résilié, jusqu’à complète libération des lieux ; Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes au titre de la majoration du taux d’intérêt, de la pénalité forfaitaire, de l’indemnité forfaitaire de retard et de la conservation du dépôt de garantie ;
Condamné la société ZS PN à payer à la société RC Aulnay 1 SCI la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société ZS PN à supporter la charge des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 14 février 2023 et les frais de levée de l’état des nantissements et privilèges.’
et statuant à nouveau :
à titre principal,
déclarer irrecevables la demande en paiement par provision, et partant la demande en résiliation de bail, formées par la société RC Aulnay,
dire n’y avoir lieu à référé,
à titre subsidiaire,
si par extraordinaire, la cour de céans ne considérait pas la demande en paiement de provision irrecevable,
déclarer recevable et bien fondé l’appel de la société ZS PN,
débouter la société RC Aulnay 1 de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et notamment son appel incident,
statuant à nouveau,
suspendre les effets de la clause résolutoire,
dire et juger que, pour toute somme qui serait jugée due par la société ZS PN au profit de la société RC Aulnay 1, la société ZS PN se verra octroyer des délais de paiement de 24 mois afin de s’en acquitter en 24 échéances mensuelles d’égal montant à l’exclusion de tout intérêt ou pénalités contractuels,
dire que chaque partie conservera à sa charge les frais et les dépens.
Par conclusions remises et notifiées le 16 octobre 2024, la société RC Aulnay 1 S.C.I. demande à la cour de :
confirmer l’ordonnance dont appel, en ce qu’elle a condamné la société ZS PN à payer à la société RC Aulnay 1 SCI la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 14 février 2023 et les frais de levée de l’état des nantissements et privilèges, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par Maître Louis-David Abergel ;
déclarer recevable et bien-fondé l’appel incident formé par la société RC Aulnay 1 SCI ;
infirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a constaté la résolution du bail liant les parties à compter du 15 mars 2023, ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l’expulsion de la société ZS PN ou de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 9] à [Localité 8], condamné la société ZS PN à payer à la société RC Aulnay 1 SCI la somme provisionnelle de 126 943,25 euros correspondant aux loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d’occupation impayés, somme arrêtée au 6 septembre 2023, terme du 3ème trimestre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal, condamné la société ZS PN au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer, augmenté des charges, taxes et accessoires qu’elle aurait dû payer si le bail ne s’était pas trouvé résilié, jusqu’à complète libération des lieux ;
et, statuant à nouveau, de :
dire n’y avoir lieu à référé et déclarer irrecevables l’ensemble des demandes formées par la société RC Aulnay 1 SCI en première instance en vertu de la règle de l’interdiction des poursuites édictée par l’article L.622-21 du code de commerce;
en tout état de cause, recevoir la société RC Aulnay 1 SCI en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
débouter la société ZS PN de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, juger n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
condamner la société ZS PN aux entiers dépens, dont distraction sera ordonnée au profit de la société LX Paris-Versailles-Reims, prise en la personne de Maître Matthieu Boccon-Gibod, avocat au barreau de Paris, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2025.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
Sur ce,
Sur l’intervention volontaire du mandataire
Il convient, à titre liminaire, de donner acte à la société MJS Partners de son intervention volontaire en qualité de mandataire judiciaire de la société ZS PN.
Sur les demandes de la société RC Aulnay 1
L’article L.622-21 du code du commerce applicable au redressement judiciaire par renvoi de l’article L. 631-14 du même code, dispose que :
Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;
2° A la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.
II.-Sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est mentionnée au I de l’article L. 622-17, le jugement d’ouverture arrête ou interdit toute procédure d’exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture.
III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.
IV.-Le même jugement interdit également de plein droit, tout accroissement de l’assiette d’une sûreté réelle conventionnelle ou d’un droit de rétention conventionnel, quelle qu’en soit la modalité, par ajout ou complément de biens ou droits, notamment par inscription de titres ou de fruits et produits venant compléter les titres figurant au compte mentionné à l’article L. 211-20 du code monétaire et financier, ou par transfert de biens ou droits du débiteur.
Toute disposition contraire, portant notamment sur un transfert de biens ou droits du débiteur non encore nés à la date du jugement d’ouverture, est inapplicable à compter du jour du prononcé du jugement d’ouverture.
Toutefois, l’accroissement de l’assiette peut valablement résulter d’une cession de créance prévue à l’article L. 313-23 du code monétaire et financier lorsqu’elle est intervenue en exécution d’un contrat-cadre conclu antérieurement à l’ouverture de la procédure. Cet accroissement peut également résulter d’une disposition contraire du présent livre ou d’une dérogation expresse à son application prévue par le code monétaire et financier ou le code des assurances.
Il résulte de ce texte que l’action introduite par le bailleur avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu’elle n’a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.
En l’espèce, par jugement du 26 juin 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’endroit de la société ZS PN.
Il en résulte que la décision entreprise n’était pas passée en force de chose jugée lors du jugement d’ouverture et que l’action en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure ne peut être poursuivie.
En outre, l’instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une provision n’est pas une instance en cours interrompue par l’ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d’appel, statuant sur l’appel formé par ce dernier contre l’ordonnance l’ayant condamné au paiement d’une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n’y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l’interdiction des poursuites édictée par l’article L.622-21 du code de commerce.
Il convient, en conséquence, au vu de l’évolution du litige, d’infirmer l’ordonnance entreprise et de dire n’y avoir lieu à référé sur la demande tendant à l’acquisition de la clause résolutoire, les demandes subséquentes et celles tendant au paiement de provisions.
Sur les demandes accessoires
L’infirmation de l’ordonnance intervient en raison de l’évolution de la situation de la société ZS PN, placée en redressement judiciaire. L’ordonnance sera donc confirmée des chefs relatifs aux frais irrépétibles et aux dépens.
A hauteur d’appel, les dépens seront partagés par moitié entre les parties et pris en frais privilégiés de la procédure collective pour la part incombant à la société ZS PN, avec faculté de recouvrement accordée à Me Boccon-Gibod pour ceux dont il a fait l’avance en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Il ne sera pas fait droit aux demandes au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile.
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