Cour d’appel de Paris, 3 avril 2025, RG n° 24/00022
Cour d’appel de Paris, 3 avril 2025, RG n° 24/00022

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Prescription des actions de recouvrement et nullité d’un commandement de paiement.

Résumé

Le 11 mai 2023, un organisme de recouvrement a délivré un commandement de payer aux fins de saisie-vente à une débiteur, réclamant le paiement d’une somme de 40.975,41 euros, fondée sur trois contraintes émises en 2018 et 2020. En réponse, la débiteur a assigné l’organisme devant le juge de l’exécution, demandant la constatation de la prescription des actions en recouvrement et l’annulation du commandement.

Le 7 novembre 2023, le juge a déclaré prescrites les actions en recouvrement des trois contraintes, annulant ainsi le commandement de payer. Il a également condamné l’organisme à verser 2.000 euros à la débiteur au titre des frais de justice. Le juge a précisé que l’organisme ne pouvait pas invoquer certaines dispositions législatives pour prolonger les délais de prescription, car celles-ci ne s’appliquaient pas aux contraintes en question.

Le 8 décembre 2023, l’organisme a interjeté appel de ce jugement. Dans ses conclusions, il a demandé la validation du procès-verbal de saisie-vente et le déboutement de la débiteur de ses demandes, tout en réclamant 2.000 euros pour ses propres frais. L’organisme soutenait que les délais de prescription avaient été suspendus durant l’état d’urgence sanitaire.

En réponse, la débiteur a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que les délais de prescription avaient effectivement expiré avant la délivrance du commandement. Elle a également demandé des frais supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour a confirmé le jugement du 7 novembre 2023, déclarant que la prescription était acquise pour les trois contraintes et que le commandement de payer était nul. L’organisme a été condamné aux dépens d’appel, sans que la cour n’accorde de frais à la débiteur.

RÉPUBLIQUE FRAN’AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 03 AVRIL 2025

(n° 189, 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/00022 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CIVG7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Novembre 2023-Juge de l’exécution d’EVRY- RG n° 23/04990

APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Florence CHARLUET-MARAIS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

Madame [F] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Véronique DEVILLIERES de la SELARL DELPEYROUX & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 mars 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Bénédicte Pruvost, président, chargé du rapport et Madame Valérie Distinguin, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bénédicte Pruvost, président de chambre

Madame Emmanuelle Lebée, président de chambre honoraire

Madame Valérie Distinguin, conseiller

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire Grospellier

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte Pruvost, président et par Monsieur Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Le 11 mai 2023, l’Urssaf Île-de-France a fait délivrer à Mme [L] un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour avoir paiement d’une somme totale de 40.975,41 euros, en vertu de trois contraintes délivrées les 29 juin 2018, 29 novembre 2018 et 17 janvier 2020.

Par acte de commissaire de justice en date du 8 juin 2023, Mme [L] a fait assigner l’Urssaf devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Évry aux fins de constatation de la prescription et de l’irrecevabilité de l’action en exécution desdites contraintes et d’annulation de ce commandement.

Par jugement du 7 novembre 2023, le juge de l’exécution a :

– déclaré prescrites les actions en recouvrement des contraintes des 29 juin, 29 novembre 2018 et 17 janvier 2020,

– déclaré nul le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 11 mai 2023,

– condamné l’Urssaf à payer à Mme [L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Après avoir rappelé les règles de prescription applicables aux contraintes délivrées par un organisme de sécurité sociale, le juge de l’exécution a retenu que l’Urssaf ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 1er de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 que si le délai de prescription expirait au cours de la période comprise entre les 12 mars et 23 juin 2020 ; que les dispositions de l’ordonnance n°2020-312 relatives à la prolongation des droits sociaux n’étaient pas applicables en l’espèce ; qu’enfin l’article 25 de la loi de finances rectificative n°2021-953 du 19 juillet 2021 avait pour seul effet de prolonger d’un an la possibilité d’émettre un acte de recouvrement qui aurait dû l’être entre les 2 juin 2021 et 30 juin 2022 et, par suite, le délai de prescription.

Par déclaration du 8 décembre 2023, l’Urssaf Île-de-France a fait appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 24 janvier 2024, l’Urssaf demande à la cour de :

– valider le procès-verbal de saisie-vente signifié le 11 mai 2023,

– débouter Mme [L] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [L] à lui payer la somme de 2000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Sur la prescription, elle soutient que les délais ont été suspendus du 12 mars 2020 au 23 juin 2020 par l’ordonnance n° 2020-312 du 25 mars 2020 relative à l’état d’urgence sanitaire et prorogés par l’article 25 VII de la loi de finance rectificative n°2021-953 du 19 juillet 2021.

Par conclusions notifiées le 20 février 2024, Mme [L] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– « confirmer en conséquence la prescription » de l’action en exécution des contraintes des 29 juin, 29 novembre 2018 et 17 janvier 2020,

– déclarer irrecevable l’action en recouvrement de l’Urssaf en vertu des contraintes précitées,

– déclarer nul et de nul effet le commandement aux fins de saisie-vente signifié le 11 mai 2023,

–  débouter l’Urssaf de ses demandes,

– condamner l’Urssaf à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’Urssaf aux dépens.

Elle invoque la prescription de l’action en exécution des trois contraintes et, par suite, la nullité du commandement. Elle explique que le délai de trois ans courant à compter de chacune des significations de contrainte avait expiré avant la signification du commandement aux fins de saisie-vente ; que l’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 12 mars 2020 ne s’applique qu’aux prescriptions intervenues pendant la période comprise entre les 12 mars et 23 juin 2020, ce qui n’est le cas d’aucune des trois contraintes litigieuses ; que l’ordonnance n°2020-312 du 25 juin 2020 ne concerne que la suspension du recouvrement des cotisations pendant la période d’urgence sanitaire, et ce au profit des seuls cotisants ; que le report de délai institué par l’article 25 de la loi de finance rectificative du 19 juillet 2021 proroge d’un an tous les délais dès lors que l’acte de recouvrement aurait dû être émis entre les 21 juin 2021 et 30 juin 2022, mais qu’en l’espèce le commandement aux fins de saisie-vente a, dans le cas des deux premières contraintes, été délivré après l’expiration de la période de report, et que, dans le troisième cas, le délai de prescription n’a pas été prolongé comme ayant expiré après le 30 juin 2022.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’Urssaf d’Île de France aux dépens d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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