Cour d’appel de Paris, 3 avril 2025, RG n° 23/19357
Cour d’appel de Paris, 3 avril 2025, RG n° 23/19357

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Prêt personnel : vérification de la solvabilité et déchéance des intérêts.

Résumé

La société Banque Postale Financement a accordé un prêt personnel à un emprunteur et à une co-emprunteuse d’un montant de 28 000 euros, remboursable en 60 mensualités. Suite à des impayés, la société Banque Postale Consumer Finance, ayant succédé à la première, a invoqué la déchéance du terme du contrat. Le 2 mai 2023, elle a saisi le tribunal pour obtenir le paiement d’une somme due, soit 7 427,94 euros, en plus des intérêts.

Le juge des contentieux de la protection a rendu un jugement le 24 octobre 2023, prononçant la déchéance du droit aux intérêts, réduisant la clause pénale à 1 euro, et condamnant les emprunteurs à payer 1 491,27 euros, correspondant au capital et à l’indemnité de résiliation, avec des intérêts au taux contractuel. Il a également autorisé les emprunteurs à rembourser leur dette en 14 mensualités. La société Banque Postale Consumer Finance a été déboutée de ses autres demandes, y compris celle de capitalisation des intérêts.

L’appelante a contesté cette décision, arguant que le juge ne pouvait soulever d’office la déchéance du droit aux intérêts en raison de la prescription quinquennale. Elle a produit des documents prouvant qu’elle avait vérifié la solvabilité des emprunteurs. De son côté, la co-emprunteuse a demandé la confirmation du jugement, tout en sollicitant des délais de paiement supplémentaires en raison de sa situation financière difficile.

Le tribunal a examiné la recevabilité de l’action et a confirmé que la déchéance du terme avait été mise en œuvre régulièrement. Il a également statué sur la vérification de la solvabilité, concluant que le prêteur avait respecté ses obligations. En conséquence, le jugement a été infirmé sur le point de la déchéance des intérêts, et les emprunteurs ont été condamnés à rembourser une somme de 6 147,20 euros, augmentée des intérêts contractuels.

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 03 AVRIL 2025

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/19357 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CITVI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 octobre 2023 – Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 23/04106

APPELANTE

LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE, anciennement dénommée la BANQUE POSTALE FINANCEMENT, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 487 779 035 00046

[Adresse 1]

[Localité 8]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l’audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Monsieur [T] [I]

né le [Date naissance 4] 1973 en TUNISIE

[Adresse 5]

[Localité 7]

DÉFAILLANT

Madame [J] [H]

née le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Lucas DOMENACH, avocat au barreau de PARIS, toque : C1757

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-008708 du 19/04/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Hélène BUSSIERE Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– DÉFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 3 janvier 2018, la société Banque Postale Financement a consenti à M. [T] [I] et à Mme [J] [H] épouse [I] un prêt personnel d’un montant de 28 000 euros remboursable en 60 mensualités de 536,59 euros chacune avec assurance au taux d’intérêts annuel de 3,40 %, le TAEG étant de 3,66 %.

Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société Banque Postale Consumer Finance venant aux droits de la société Banque Postale Financement a entendu se prévaloir de la déchéance du terme du contrat.

Saisi le 2 mai 2023 par la société Banque Postale Consumer Finance d’une demande tendant principalement à la condamnation solidaire de M. et Mme [I] au paiement de la somme de 7 427,94 euros outre intérêts contractuels au titre du solde du crédit avec capitalisation des intérêts, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par un jugement réputé contradictoire rendu le 24 octobre 2023 auquel il convient de se reporter, a :

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts,

– réduit la clause pénale à 1 euro,

– écarté l’application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier,

– condamné solidairement M. et Mme [I] à payer la société Banque Postale Consumer Finance la somme de 1 491,27 euros correspondant au capital et à l’indemnité de résiliation augmentée des intérêts au taux contractuel de 3,40 % à compter du 18 janvier 2023,

– dit que les versements effectués par les emprunteurs et non justifiés dans le cadre de la présente procédure s’imputeront sur les sommes arrêtées aux termes de la présente décision sur présentation des justificatifs correspondant par M. et Mme [I],

– autorisé M. et Mme [I] à se libérer de sa dette en 14 mensualités de 100 euros chacune et une dernière de 91,27 euros devant solder la dette, avec clause de déchéance,

– débouté la société Banque Postale Consumer Finance du surplus de ses demandes et notamment de sa demande de capitalisation des intérêts,

– débouté Mme [H] du surplus de ses demandes,

– condamné solidairement M. et Mme [I] aux entiers dépens de l’instance lesquels seront recouvrés conformément aux textes régissant l’aide juridictionnelle,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Après avoir examiné et admis la recevabilité de l’action sur le fondement de l’article L. 311-52 du code de la consommation, et relevé que la déchéance du terme du contrat avait été mise en ‘uvre de manière régulière, le juge a considéré par référence à l’article L. 311-9 du code de la consommation, que le prêteur n’avait pas vérifié suffisamment la solvabilité des emprunteurs à défaut d’avoir sollicité de leur part des relevés de compte bancaire et un avis d’imposition ou des pièces attestant de leurs charges de sorte qu’il devait être déchu de son droit aux intérêts.

Il a déduit du capital emprunté les versement pour 26 509,73 euros et réduit à 1 euro le montant de l’indemnité de résiliation réclamée au regard de son caractère excessif.

Il a maintenu l’application d’un taux contractuel inférieur au taux légal.

Il a débouté la banque de sa demande de capitalisation des intérêts prohibée au regard de l’article L. 312-38 du code de la consommation.

Il a écarté les arguments de Mme [I] qui se prévalait d’une ordonnance de non-conciliation mettant provisoirement à la charge de son ex-mari la charge des échéances du prêt et du jugement de divorce ayant renvoyé la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux à un partage amiable ou judiciaire s’agissant de règles relevant de la liquidation des intérêts des époux et a rejeté la demande de garantie formée contre M. [I] en l’absence de tout caractère contradictoire.

Par une déclaration enregistrée le 4 décembre 2023, la société Banque Postale Consumer Finance a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses derrières conclusions remises le 4 mars 2024, l’appelante demande à la cour :

– d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté Mme [H] du surplus de ses demandes et quant au sort des dépens et en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes en ce compris sa demande de condamnation solidaire au paiement de la somme de 7 427,94 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 3,40 % l’an à compter du 28 septembre 2022, date de la mise en demeure, sa demande de capitalisation des intérêts à compter de la date de l’assignation, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil et sa demande de condamnation solidaire au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– statuant à nouveau sur les chefs contestés,

– de déclarer irrecevables les moyens visant à faire prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme contractuel ou précontractuel comme prescrits eu égard au délai de prescription quinquennale, de dire et juger subsidiairement que la déchéance du droit aux intérêts contractuels n’est pas encourue et de rejeter le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

– de constater que la déchéance du terme a été prononcée et subsidiairement, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit au vu des manquements de l’emprunteur à son obligation de rembourser les échéances du crédit et de fixer la date des effets de la résiliation au 27 septembre 2022,

– en conséquence, et en tout état de cause, de condamner solidairement M. et Mme [I] à lui payer la somme de 6 727,94 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 3,40 % l’an à compter du 28 septembre 2022 en deniers ou quittances pour les règlements postérieurs au 16 mai 2023 ; subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, de les condamner solidairement au paiement de la somme de 2 405,59 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2022 date de la mise en demeure,

– d’ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la date de l’assignation dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil dans sa rédaction postérieure au 1er octobre 2016,

– en tout état de cause, de les condamner in solidum au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de la Selas Cloix& Mendes-Gil en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que le juge ne pouvait soulever au 29 août 2023 un moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts compte tenu de la prescription quinquennale intervenue au 3 janvier 2023 compte tenu d’une offre validée le 3 janvier 2018.

Elle précise produire aux débats la fiche de ressources et charges annexée au contrat de crédit, les avis d’imposition du couple et des fiches de paie de M. [I] et des attestations de paiement CAF corroborant les revenus déclarés par ceux-ci. Elle estime s’être suffisamment renseignée sur la solvabilité des emprunteurs et que le juge est allé au-delà des exigences textuelles rappelant que l’article L. 312-17 du code de la consommation n’est pas applicable puisque le contrat a été conclu en agence. Elle note que le couple a déclaré 2 900 euros de salaire et 598 euros d’allocations familiales pour 600 euros de loyer et qu’elle a bien consulté par ailleurs le FICP de sorte qu’elle n’encourt pas de déchéance du droit aux intérêts. Elle rappelle que la Cour de cassation juge de manière constante, que l’établissement de crédit n’a pas à vérifier les informations communiquées par l’emprunteur dans la fiche patrimoniale.

Elle estime être bien fondée en ses demandes et rappelle avoir prononcé la déchéance du terme du contrat de manière parfaitement régulière au vu des impayés.

En cas de déchéance du droit à percevoir les intérêts contractuels, elle indique que le juge a commis une erreur de calcul, qu’il ressort de l’historique de compte que le couple a réglé la somme de 26 488,73 euros avant le prononcé de la déchéance du terme et 700 euros antérieurement à l’audience, selon décompte arrêté au 16 mai 2023 et affirme que les cotisations d’assurance échues restent par ailleurs dues, car la déchéance du droit aux intérêts contractuels ne remet pas en cause le contrat d’assurance souscrit et donc les cotisations d’assurances échues qui restent dues par l’emprunteur et doivent par voie de conséquence être ajoutées au capital prêté. Elle fixe sa créance à la somme de 2 405,59 euros (capital ‘ versements + cotisations d’assurance échues ((56 x 28,47) = 1 594,32) = 28 000 ‘ 27 188,73 + 1 594,32) avec intérêts au taux légal.

Suivant conclusions remises le 11 avril 2024, Mme [J] [H] demande à la cour :

– de confirmer le jugement sauf en ce qui concerne l’octroi de délais de paiement,

– statuant sur ce seul chef de jugement critiqué,

– de lui accorder un report de 24 mois de l’exigibilité des échéances de remboursement de le dette,

– à défaut, de l’autoriser à s’acquitter du montant des sommes dues en 24 échéances mensuelles,

– de condamner la société Banque Postale Consumer Finance à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

Elle fait sienne la motivation du juge ayant déchu le prêteur de son droit à intérêts contractuels et fait valoir qu’il est erroné de soutenir, comme le fait la partie adverse, que la déchéance du droit aux intérêts ne constituerait pas une défense au fond, mais en réalité une demande reconventionnelle. Elle ne conteste pas le montant de la créance retenue par le juge.

Elle invoque les dispositions de l’article 1343-5 du code civil pour solliciter les plus larges délais de paiement. Elle explique assumer seule la charge de 4 enfants, percevoir 989 euros par mois en 2022, et pointe la volonté délibéré de son ex-époux notamment par son installation en Allemagne, de se soustraire à ses obligations au titre de la contribution à l’entretien et à l’éducation de ses trois enfants. Elle rappelle le crédit litigieux du 3 janvier 2018 a été mis à la charge exclusive de M. [I] par décision du 10 janvier 2019 et qu’il conviendra de tenir compte des versements effectués par lui à hauteur de 100 euros par mois.

Régulièrement assigné par acte d’huissier délivré le 21 février 2024 dans les formes de l’article 659 du code de procédure civile, M. [I] n’a pas constitué avocat. Les conclusions de la société Banque Postale Consumer Finance lui ont été signifiées le 21 mars 2024 selon les mêmes modalités.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2025 et l’affaire a été appelée à l’audience du 12 février 2025 pour être mise en délibéré au 3 avril 2025.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a en ce qu’il a réduit la clause pénale à 1 euro, débouté la société Banque Postale Consumer Finance du surplus de ses demandes et notamment de sa demande de capitalisation des intérêts, débouté Mme [J] [H] du surplus de ses demandes, quant au sort des dépens et frais irrépétibles ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Déclare l’action recevable ;

Dit que la société Banque Postale Consumer Finance a mise en ‘uvre la clause résolutoire insérée au contrat de manière régulière ;

Dit n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne M. [T] [I] et à Mme [J] [H] à payer à la société Banque Postale Consumer Finance la somme de 6 147,20 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 3,40 % l’an à compter du 28 septembre 2022 ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la société Banque Postale Consumer Finance conservera la charge de ses dépens d’appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente

 


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon