Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Déchéance du terme et régularité des mises en demeure dans un contrat de crédit.
→ RésuméLa société Sogefinancement a accordé un crédit renouvelable à un emprunteur, avec des augmentations successives de la fraction disponible. En raison de plusieurs impayés, la société a décidé de prononcer la déchéance du terme du contrat. L’emprunteur a contesté cette décision, arguant que la déchéance n’avait pas été régulièrement prononcée, ce qui a conduit la société à engager une action en justice pour récupérer le solde du crédit.
Le tribunal a examiné la situation et a conclu que la déchéance du terme n’était pas régulière, en raison d’une mise en demeure envoyée à une adresse incorrecte. Par conséquent, le tribunal a prononcé la résolution du contrat et a rejeté les demandes de la société Sogefinancement, qui a ensuite interjeté appel de cette décision. Dans ses conclusions, la société a demandé à la cour d’infirmer le jugement, de reconnaître la régularité de la déchéance du terme et de condamner l’emprunteur à rembourser les sommes dues, majorées des intérêts. Elle a également soutenu que la mise en demeure préalable était conforme aux dispositions contractuelles et légales, et que la déchéance du terme devait être considérée comme acquise en raison des manquements de l’emprunteur. La cour a constaté que la société Sogefinancement n’avait pas prouvé la remise effective de la fiche d’informations précontractuelles (FIPEN) à l’emprunteur, ce qui a entraîné la déchéance de son droit aux intérêts. En conséquence, la cour a confirmé le jugement de première instance, sauf en ce qui concerne la régularité de la déchéance du terme, qu’elle a jugée valide. La société a donc été condamnée aux dépens, et l’emprunteur n’était plus redevable d’aucune somme. |
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 03 AVRIL 2025
(n° , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/19053 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIS6T
Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er juin 2023 – Juge des contentieux de la protection d’AULNAY SOUS BOIS – RG n° 11-23-001091
APPELANTE
La société FRANFINANCE, société anonyme, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, venant aux droits de la société SOGEFINANCEMENT suite à une fusion-absorption en date du 1er juillet 2024
N° SIRET : 719 807 406 00884
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
substitué à l’audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
INTIMÉ
Monsieur [T] [D]
né le [Date naissance 2] 1982 au MAROC
[Adresse 1]
[Localité 5]
DÉFAILLANT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Hélène BUSSIERE Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon offre préalable acceptée le 31 juillet 2013, la société Sogefinancement a consenti à M. [T] [D] un crédit renouvelable destiné à financer la réalisation d’achats ou à permettre le retrait d’espèces auprès de distributeurs automatiques de billets par l’utilisation d’une carte bancaire, avec l’octroi immédiat d’une fraction disponible de 4 500 euros.
Le montant de la fraction disponible a fait l’objet d’une offre d’augmentation acceptée le 24 juin 2016 portant la fraction disponible à 7 500 euros, le TAEG variant en fonction des montants d’utilisation et des options (lente, moyenne, rapide) de 7,6% à 16,9%.
Les parties ont convenu d’un avenant de réaménagement de la dette due au 13 avril 2021 pour 5 349,83 euros, rééchelonnée en 84 mensualités de 104,75 euros chacune assurance comprise au TAEG de 9,96 %, du 10 juin 2021 au 10 mai 2028.
Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société Sogefinancement a entendu se prévaloir de la déchéance du terme du contrat.
Par acte délivré le 9 mars 2023, la société Sogefinancement a fait assigner M. [D] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Aulnay-sous-Bois en paiement du solde du crédit, lequel par jugement réputé contradictoire 1er juin 2023 auquel il convient de se référer, a déclaré l’action recevable, a constaté que la déchéance du terme du contrat n’était pas régulière, a prononcé la résolution du contrat, a rejeté toutes les demandes et a condamné la société Sogefinancement aux dépens.
Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande au regard de la forclusion, le juge a retenu que le courrier préalable à la déchéance du terme avait été envoyé à [Localité 6] alors que M. [D] avait une adresse déclarée à [Localité 5], de sorte que ce courrier était revenu avec la mention «’destinataire inconnu à cette adresse’» sans que la banque ne s’en explique. Il a considéré que la déchéance du terme du contrat n’avait donc pas été prononcée de manière régulière et a fait droit à la demande de résolution du contrat du fait des impayés non régularisés.
Il a rappelé que la résolution était rétroactive et a donc déduit du capital versé de 23 310 les sommes payées soit 26 425,23 euros de sorte que M. [D] n’était plus redevable d’aucune somme au prêteur.
Par déclaration réalisée par voie électronique le 28 novembre 2023, la société Sogefinancement a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 28 février 2024, la société Sogefinancement demande à la cour :
– d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a déclaré l’action recevable et en ce qu’il a rejeté le surplus de ses demandes en ce compris sa demande en paiement de la somme de 5 609,08 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 9,53 % l’an à compter du 23 novembre 2022, date de la mise en demeure, sa demande de capitalisation des intérêts à compter de la date de l’assignation, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil et sa demande en paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuant à nouveau des chefs contestés,
– de constater que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée, de dire et juger à tout le moins, que la déchéance du terme est acquise à la date de l’assignation et de dire et juger qu’elle était fondée à défaut à prononcer la déchéance du terme pour manquement grave de l’emprunteur à son obligation de remboursement sur le fondement des dispositions de l’article 1184 du code civil et subsidiairement, de prononcer judiciairement la résiliation du contrat, et donc la déchéance du terme, pour manquement de l’emprunteur à son obligation de remboursement, en l’absence de régularisation des échéances impayées, et de fixer la date de déchéance du terme au 12 mai 2022, date du constat des manquements par la banque, et subsidiairement au 28 février 2024, date du dépôt des conclusions d’appel,
– de condamner M. [D] à lui payer la somme de 5 210,76 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 9,53 % l’an à compter du 12 mai 2022 sur la somme de 5 204,19 euros et au taux légal pour le surplus en remboursement du contrat de crédit et subsidiairement, en cas de fixation des effets de la résiliation judiciaire au 28 février 2024, de le condamner au paiement de la somme de 6 779,36 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 9,53 % l’an à compter du 28 février 2024 sur la somme de 6 277,19 euros et au taux légal pour le surplus en remboursement du contrat de crédit,
– subsidiairement, si la Cour devait considérer que la déchéance du terme n’est pas acquise et qu’il n’y a pas lieu de la prononcer ; de dire et juger qu’elle est bien fondée à solliciter le paiement de l’intégralité des échéances impayées échues au jour où la cour statue et de condamner en conséquence M. [D] au paiement desdites échéances outre les intérêts au taux contractuel de 9,53 % l’an et subsidiairement, à la somme de 2 618,75 euros outre intérêts au taux contractuel de 9,53 % l’an à compter du 10 février 2022 au titre des échéances échues impayées jusque celle du 10 février 2024 incluse et de le condamne par ailleurs au paiement des échéances à échoir jusqu’au terme du prêt à leur date d’échéance et de dire et juger qu’en cas de non-respect d’une seule échéance à bonne date, la déchéance du terme interviendra de plein droit, l’intégralité des sommes dues devenant alors exigibles, en ce compris la mensualité échue impayée, le capital restant dû à la date de l’impayé, et l’indemnité d’exigibilité anticipée de 8 % sur le montant du capital restant dû, outre les intérêts courant au taux contractuel de 9,53 % l’an,
– en tout état de cause, de condamner M. [D] à une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur la déchéance du terme, elle explique que le premier juge n’a pas tenu compte de la dernière adresse contractuelle renseignée par M. [D] qui, dans le cadre de la conclusion de l’avenant de réaménagement de dette du 13 avril 2021, avait déclaré résider à une adresse à [Localité 6] ce qui explique qu’elle ait donc adressé sa mise en demeure préalable à la dernière adresse contractuelle déclarée par l’intimé. Elle juge la mise en ‘uvre de la clause de déchéance régulière et demande à défaut le prononcé de la résiliation du contrat au vu des impayés. Elle rappelle que l’article L. 311-24 du code de la consommation n’impose pas l’envoi préalable d’un courrier de mise en demeure et observe que l’article 4-6D du contrat dispensait expressément et sans équivoque l’établissement de crédit d’une mise en demeure préalable. Elle note enfin que la cour de céans juge classiquement qu’à défaut de mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, le courrier opérant déchéance du terme vaut comme « mise en demeure préalable », la déchéance du terme étant alors reportée au second courrier de mise en demeure, ou à défaut à la date de signification de l’assignation en paiement et que l’assignation vaut en elle-même mise en demeure.
Elle rappelle qu’outre la mise en demeure préalable du 20 avril 2022, la mise en demeure du 23 novembre 2022 est produite, laissant le temps au débiteur de régulariser les impayés et donc sa situation, ce qu’il n’a pas fait de sorte que la déchéance du terme est bien acquise. Elle demande de fixer la date de la déchéance du terme à celle correspondant au constat de multiples échéances impayées fondant la résiliation, soit le 12 mai 2022, en l’absence de régularisation ultérieure des impayés, et de faire droit aux demandes de condamnation et subsidiairement, en cas de la résiliation judiciaire du contrat avec effet à la date de dépôt des présentes conclusions, soit au 28 février 2024, et condamnation à payer 25 échéances impayées du 10 février 2022 au 10 février 2024 outre le capital de 3 658,44 euros et l’indemnité d’exigibilité anticipée de 8 % de 502,17 euros.
Si la cour estimait que la déchéance du terme n’est ni acquise, ni ne peut être prononcée judiciairement, elle demande le paiement des échéances échues au jour où la cour statue, soit 25 échéances de 104,75 euros soit la somme de 2 618,75 euros.
Aucun avocat ne s’est constitué pour M. [D] à qui la déclaration d’appel a été signifiée par acte du 13 février 2024 délivré à étude et les conclusions par acte du 12 mars 2024 délivré dans les formes de l’article 659 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 janvier 2025 et l’affaire a été appelée à l’audience le 12 février 2025 pour être mise en délibéré au 3 avril 2025.
A l’audience la cour ayant examiné les pièces a relevé que la FIPEN produite n’était pas signée. Elle a fait parvenir le 12 février 2025 au conseil de la banque par RPVA un avis rappelant que dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre de la cour de cassation avait considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque, souligné que l’intimé ne comparaissait pas et a invité la banque à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard le 3 mars 2025.
Le 28 février 2025, la société Franfinance indiquant venir aux droits de la société Sogefinancement a fait parvenir une note en délibéré aux termes de laquelle elle fait valoir :
– qu’aucun texte ne prévoit que la FIPEN soit signée et que sa seule obligation consiste à remettre cette fiche d’information,
– que jusqu’à l’arrêt du 7 juin 2023 visé dans l’avis, la Cour de cassation admettait que la remise d’un document constituant un fait juridique, il pouvait être prouvé par tous moyens et notamment par une clause de reconnaissance, et qu’il en était déduit, de manière constante, que la clause combinée à la production de la copie du document permettait à l’établissement de crédit de rapporter la preuve de la remise du document sans qu’il soit nécessaire que ledit document soit signé par l’emprunteur,
– que l’exigence d’un document émanant du débiteur n’est requise qu’en matière de preuve des actes juridiques par l’article 1362 du code civil,
– que l’apposition de la signature de l’emprunteur sur le document ne confère, en outre, pas à la production un caractère plus probant que celui résultant de la signature sous la clause de reconnaissance corroborée par la production d’une copie du document,
– que la FIPEN soit ou non signée laisse à l’emprunteur la faculté de rapporter la preuve contraire que le document qui lui a été remis n’est pas celui que le prêteur a produit, en produisant le cas échéant l’exemplaire qui lui a été remis,
– que l’arrêt du 7 juin 2023 apparaît en contradiction avec une position jusqu’alors clairement établie, qu’il ne peut qu’être analysé qu’en un arrêt d’espèce voire d’égarement isolé et ne saurait être suivi, étant rappelé que la loi a une valeur normative supérieure et que jusqu’alors la présente cour statuait différemment,
– que changer de jurisprudence conduirait à heurter gravement le principe de sécurité juridique et que cette règle ne peut au mieux valoir que pour l’avenir et ne saurait être appliquée rétroactivement car la banque n’était pas en mesure de prévoir cette exigence nouvelle,
– qu’il y a donc lieu de ne pas prononcer de déchéance du droit aux intérêts de ce chef.
Elle justifie en outre que le 1er juillet 2024 a été publiée la déclaration de régularité et de conformité du même jour approuvant les termes du projet de fusion par absorption de la société Sogefinancement par la société Franfinance signé le 7 mai 2024 et déposé au greffe du tribunal de commerce de Nanterre le même jour et constatant la réalisation de ladite fusion suite à la décisions des associés de Sogefinancement et de l’Assemblée générale extraordinaire de Franfinance du 1er juillet 2024 et la dissolution sans liquidation de la société Sogefinancement à compter du même jour.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,
Constate que la société Franfinance vient aux droits de la société Sogefinancement ;
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a constaté que la déchéance du terme du contrat n’était pas régulière et prononcé la résolution du contrat ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Constate que la société Franfinance venant aux droits de la société Sogefinancement a mise en ‘uvre la déchéance du terme du contrat de manière régulière ;
Prononce la déchéance du droit aux intérêts ;
Laisse les dépens d’appel à la charge de la société Franfinance venant aux droits de la société Sogefinancement ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?