Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Nullité des contrats pour non-respect des obligations d’information précontractuelle.
→ RésuméLe 18 septembre 2017, une acheteuse a signé un bon de commande avec une société spécialisée dans l’installation de systèmes photovoltaïques, ainsi qu’un contrat de crédit affecté avec une banque pour financer l’opération. Le montant total de l’installation s’élevait à 26 000 euros, remboursable en 150 mensualités. Les fonds ont été débloqués après la signature d’une fiche de réception des travaux, bien que l’installation n’ait été raccordée au réseau électrique que plusieurs mois plus tard.
En décembre 2018 et janvier 2019, l’acheteuse et un co-demandeur ont saisi le tribunal pour demander l’annulation des contrats, le remboursement des sommes versées et l’indemnisation de leurs préjudices. Le tribunal a prononcé la nullité des contrats en raison de l’absence de mentions obligatoires sur le bon de commande, telles que les caractéristiques essentielles des biens et les modalités de livraison. Il a également ordonné à la société de récupérer les équipements installés et à la banque de restituer les sommes perçues. La banque a interjeté appel, contestant la décision du tribunal. Elle a soutenu que les irrégularités du bon de commande ne justifiaient pas la nullité des contrats et a demandé la résiliation judiciaire du contrat de crédit en raison de l’impayé de l’acheteuse. En réponse, l’acheteuse a affirmé avoir subi un préjudice financier et moral en raison de l’installation défectueuse et des mensualités à rembourser. La cour d’appel a confirmé l’annulation des contrats, soulignant que l’absence de mentions essentielles sur le bon de commande justifiait la nullité. Elle a également statué sur les conséquences financières, ordonnant la restitution des sommes versées par l’acheteuse, tout en reconnaissant une faute de la banque pour avoir débloqué les fonds sans s’assurer de la régularité du contrat principal. La cour a fixé le préjudice de l’acheteuse en lien avec la faute de la banque, tout en ordonnant la compensation des créances réciproques. |
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 03 AVRIL 2025
(n° , 22 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/17010 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIMRQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 juillet 2020 – Juge des contentieux de la protection de LONGJUMEAU – RG n° 11-19-001583
APPELANTE
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d’administration agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 542 097 902 04319
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
substitué à l’audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
INTIMÉS
Monsieur [S] [I]
né le 26 mars 1989 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représenté par Me Harry BENSIMON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524
Madame [C] [R]
née le 22 août 1989 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Harry BENSIMON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524
PARTIES INTERVENANTES
La SELARL S21Y, pris en la personne de Maître [U] [Z], en qualité de mandataire judiciaire de la société Iratek 92
[Adresse 6]
[Localité 8]
DÉFAILLANTE
SAS IRATEK 92
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Hélène BUSSIERE Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon bon de commande en date du 18 septembre 2017, dans le cadre d’un démarchage à domicile, Mme [C] [R] a signé avec la société Iratek 92 sous l’enseigne APA, les Artisans de la performance énergétique, un bon de commande en vue de l’installation d’une centrale photovoltaïque un thermostat connecté et un système mylight pour un montant total de 26 000 euros.
Le même jour, et afin de financer l’installation, elle a conclu avec la société BNP Paribas Personal Finance ci-après société BNPPPF sous l’enseigne Cetelem, un contrat de crédit affecté d’un montant de 26 000 euros, remboursable en 150 mensualités de 227,46 euros hors assurance facultative, au taux d’intérêts de 4,70 % l’an avec un différé d’amortissement de 6 mois.
Les fonds ont été débloqués sur la base d’une fiche de réception des travaux sans réserve signée par Mme [R] le 4 octobre 2017.
L’installation a été raccordée au réseau électrique le 13 février 2018 et des revenus ont ensuite été perçus de la revente d’énergie à la société EDF.
Saisi les 12 décembre 2018 et 2 janvier 2019 par M. [S] [I] et Mme [R] d’une demande tendant principalement à l’annulation des contrats de vente et de crédit affecté, le remboursement des sommes versées, et l’indemnisation de leurs préjudices, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Longjumeau, par un jugement contradictoire rendu le 23 juillet 2020 auquel il convient de se reporter, a :
– rejeté la demande de suspension des échéances du crédit formée avant-dire droit,
– prononcé la nullité du contrat de vente et celle subséquente du contrat de crédit affecté,
– dit que M. [I] et Mme [R] devront permettre à la société Iratek 92 de venir récupérer es équipements installés chez eux, et que faute pour cette société d’y procéder, dans un délai de deux mois de la signification du jugement, ils pourront disposer librement des éléments de cette installation,
– dit que la société Iratek 92 devra remettre en état la toiture,
– condamné la société BNPPPF à restituer à M. [I] et à Mme [R] l’intégralité des sommes perçues au titre du crédit au jour du jugement avec intérêts au taux légal à compter de la décision outre les mensualités postérieures,
– condamné in solidum les sociétés Iratek 92 et BNPPPF à verser à M. [I] et à Mme [R] une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– ordonné l’exécution provisoire.
Pour statuer ainsi, le juge a constaté qu’une précédente demande de suspension du crédit avait déjà été examinée et rejetée par le tribunal d’instance de Laon le 6 mai 2019 de sorte que la nouvelle demande devait être rejetée au regard de l’autorité de la chose jugée attachée à cette décision.
Pour dire que la nullité du contrat était encourue sur le fondement notamment des articles L. 111-1 et L. 221-5 du code de la consommation, le premier juge a relevé que le bon de commande ne comportait pas la marque, le modèle, les références, les dimensions, l’aspect, le poids des panneaux photovoltaïques ni un délai prévisible de réalisation des travaux ni encore les modalités d’installation de la centrale sur le toit. Il a noté que sur le bon de commande communiqué par les demandeurs et contrairement à celui communiqué par les deux sociétés, le détail du prix de chaque matériel n’apparaissait pas.
Il a estimé que rien ne permettait de considérer que Mme [R] connaissait les vices et ait entendu couvrir la nullité en toute connaissance de cause, l’exécution des contrats étant indifférente.
Il a prononcé la nullité du contrat principal et celle subséquente du contrat de crédit et ordonné à la société Iratek 92 de récupérer à ses frais le matériel et de remettre en état la toiture.
Il a retenu une faute de la banque qui aurait dû vérifier la régularité du contrat principal et qui a débloqué les fonds au vu d’une fiche de réception des travaux du 4 octobre 2014 et d’une demande de financement, documents équivoques, contradictoires et incomplets quant à l’achèvement des travaux, devant la priver se son droit à obtenir restitution du capital prêté et à rembourser les sommes versées en exécution du contrat de crédit.
Il a rejeté les demandes indemnitaires formées par les demandeurs en l’absence de démonstration d’un préjudice qu’il s’agisse de la remise en état de la toiture, du trouble de jouissance, du préjudice financier et du préjudice moral.
Le juge n’a pas retenu de faute de la part de M. [I] et de Mme [R] dans la signature de l’attestation de livraison de sorte qu’il a débouté la banque de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts.
Par une déclaration enregistrée électroniquement sous le numéro RG 20/12439 le 26 août 2020, la société BNPPPF a relevé appel de cette décision.
La société BNPPPF a déposé ses premières écritures le 26 novembre 2020.
Le 23 novembre 2020, Maître Harry Bensimon, avocat, s’est constitué dans l’intérêt de M. [I] et de Mme [R] et a déposé ses premières écritures le 10 février 2021.
Le 16 décembre 2020, Maître [F] [N], avocate, s’est constituée dans l’intérêt de la société Iratek 92, et a déposé ses premières écritures le 22 mars 2021.
Suivant ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 10 janvier 2023, l’affaire a été radiée du rôle de la cour en raison de l’absence de toute évolution des pourparlers entre les parties.
L’affaire a été reprise sous le numéro RG 23/07909.
Le 14 juin 2023, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société Iratek 92 et a désigné la Selarl S21Y prise en la personne de Maître [U] [Z] en qualité de liquidateur.
Le 24 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a constaté l’interruption de l’instance par suite de cette liquidation judiciaire, subordonnant sa reprise à l’accomplissement des formalités prévues à l’article R. 622-20 du code de commerce.
Le 19 octobre 2023, la société BNPPPF a fait assigner la Selarl S21Y prise en la personne de Maître [U] [Z] en intervention forcée par acte délivré à personne morale, laquelle n’a pas constitué avocat.
L’affaire a été reprise sous le numéro RG 23/17010.
Aux termes de ses conclusions numéro 3 remises le 9 janvier 2025, la société BNPPPF demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le rejet de la demande de suspension du crédit et en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses prétentions et demandes, en ce compris sa demande subsidiaire en cas de nullité des contrats en condamnation in solidum de M. [I] et de Mme [R] à lui payer la somme de 26 000 euros en restitution du capital prêté, sa demande plus subsidiaire de condamnation in solidum à lui payer la somme de 26 000 euros à titre de dommages et intérêts, sa demande subsidiaire en condamnation à restituer à leurs frais l’installation à la société Iratek 92, sa demande subsidiaire de compensation des créances réciproques à due concurrence, sa demande en condamnation de la société Iratek 92 à lui payer la somme de 26 000 euros, sa demande de condamnation in solidum des demandeurs au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
– statuant sur les chefs critiqués,
– de déclarer recevable et bien fondée l’intervention forcée à l’instance de la Selarl S21Y en qualité de liquidateur judiciaire de la société Iratek 92,
– à titre principal,
– de déclarer irrecevable la demande de M. [I] et de Mme [R] en nullité du contrat conclu avec la société Iratek 92 et de déclarer, par voie de conséquence, irrecevable la demande en nullité du contrat de crédit conclu avec elle, de dire et juger, à tout le moins, que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées et les rejeter ainsi que la demande de restitution des mensualités réglées,
– de constater que Mme [R] est défaillante dans le remboursement du crédit, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit du fait des impayés avec effet au 7 novembre 2019 et de la condamner, en conséquence, à lui payer la somme de 25 997,49 euros avec les intérêts au taux contractuel de 4,70 % l’an à compter du 7 novembre 2019 sur la somme de 24 071,75 euros et au taux légal pour le surplus, outre la restitution des sommes versées en exécution du jugement au titre des mensualités précédemment réglées, soit la somme de 4 946,16 euros et de la condamner, en tant que de besoin, à restituer cette somme de 4 946,16 euros et subsidiairement, de la condamner à lui régler les mensualités échues impayées au jour où la cour statue et de lui enjoindre de reprendre le remboursement des mensualités à peine de déchéance du terme,
– subsidiairement, en cas de nullité des contrats,
– de débouter les intimés de leur demande de décharge de l’obligation de restituer le capital prêté et de condamner, en conséquence, Mme [R] à lui régler la somme de 26 000 euros en restitution du capital prêté,
– en tout état de cause, de débouter les intimés de leur demande visant à la privation de la créance de la société BNPPPF ainsi que de leur demande de dommages et intérêts,
– très subsidiairement, de limiter la réparation qui serait due eu égard au préjudice effectivement subi par l’emprunteur à charge pour lui de l’établir et eu égard à la faute de l’emprunteur ayant concouru à son propre préjudice, de limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour Mme [R] d’en justifier et en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, de limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et de dire et juger que les intimés restent tenus de restituer l’entier capital à hauteur de 26 000 euros,
– à titre infiniment subsidiaire, en cas de décharge de l’obligation de l’emprunteur, de condamner Mme [R] à lui verser la somme de 26 000 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de sa légèreté blâmable et de lui enjoindre ainsi qu’à M. [I] de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux chez la Selarl s21y, prise en la personne de Maître [U] [Z], ès qualité de liquidateur de la société Iratek 92, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d’électricité, et dire et juger qu’à défaut de restitution, Mme [R] restera tenue de la restitution du capital prêté et subsidiairement, de la priver de sa créance en restitution des mensualités réglées du fait de sa légèreté blâmable,
– de dire et juger, en tout état de cause, en cas de nullité des contrats, que la société Iratek 92 est garante du remboursement par l’emprunteur du capital prêté, ce qui n’exonère pas l’emprunteur de son obligation et de la condamner, en conséquence, à garantir la restitution du capital prêté, et donc à payer à la société BNPPPF la somme de 26 000 euros au titre de la créance en garantie de la restitution du capital prêté et subsidiairement, de la condamner au paiement de cette somme sur le fondement de la répétition de l’indu, et à défaut sur le fondement de la responsabilité ; en tout état de cause, de fixer la créance de la société BNPPPF au passif de la procédure collective de la société Iratek à hauteur de la somme de 26 000 euros,
– de débouter les intimés de toutes autres demandes, fins et conclusions,
– de débouter la société Iratek 92 de toutes autres demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société BNPPPF,
– d’ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
– en tout état de cause, de condamner in solidum Mme [R] et M. [I] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil.
Elle s’estime recevable et bien fondée à appeler à la procédure la Selarl S21Y, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Iratek 92.
Elle invoque le caractère irrecevable, à tout le moins infondé de la demande de nullité des contrats sur le fondement de l’article 1103 du code civil en faisant valoir que la nullité d’un contrat doit rester une sanction exceptionnelle et affirme que les règles gouvernant leur validité sont en réalité instrumentalisées, ici, pour obtenir le financement gratuit d’une installation fonctionnelle, que le vendeur se trouvera dans l’impossibilité de la récupérer.
Elle soulève le caractère irrecevable, à tout le moins non-fondé du grief tiré de la nullité du contrat de vente entraînant la nullité du contrat de crédit sur le fondement d’une irrégularité formelle du bon de commande au regard des dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation.
Elle prétend que le bon de commande est parfaitement régulier au regard des dispositions du code de la consommation, lesquelles doivent s’interpréter de façon restrictive en ce que seule l’absence d’une mention doit entraîner la nullité du contrat et pas son imprécision. Elle estime que l’ensemble des informations mentionnées sont suffisantes pour informer l’acquéreur des caractéristiques essentielles du matériel acquis, que le juge est allé au-delà des exigences textuelles et rappelle que la Cour de cassation a elle-même retenu, à deux reprises, que la marque du matériel n’est pas nécessairement une caractéristique essentielle de l’installation photovoltaïque. Elle note que l’acheteur a exécuté le contrat sans former de contestations sur les caractéristiques du matériel pendant 2 ans, ce alors même qu’il n’est pas contesté que l’installation est fonctionnelle, preuve de ce qu’il n’avait pas de motif de contestation au titre des caractéristiques du matériel installé.
Elle juge que les griefs retenus par le tribunal et repris par les intimés selon lesquels le bon de commande serait irrégulier car n’y figureraient pas les modalités de pose et de délai de livraison, de mise en service ainsi que le lieu de livraison doivent être écartés. Elle rappelle que le texte vise les modalités au titre du délai global de réalisation de la prestation et non un « planning détaillé » de la réalisation de la prestation et qu’il est matériellement impossible de détailler dans le bon de commande les « détails techniques de la pose des matériels vendus », de sorte que si l’on devait suivre l’acquéreur dans son raisonnement, cela en ferait une cause automatique et systématique de nullité des bons de commande. Elle ajoute qu’il n’est pas davantage possible de mentionner le délai de raccordement, puisque celui-ci dépend d’un tiers, ERDF, le vendeur ne pouvant s’engager pour le compte d’ERDF sur les délais. Elle indique que l’article 4 des conditions générales du bon de commande était précisément consacré aux délais de livraison et prévoyait notamment à cet effet une livraison dans un délai maximum de 200 jours ce qui exclut le prononcé d’une nullité du bon de commande sur ce fondement et qu’à supposer que lesdites mentions ne seraient pas suffisamment détaillées, cela pourrait fonder, le cas échéant, une action en responsabilité, si l’acquéreur établissait le caractère tardif de celle-ci ou une mauvaise exécution, mais non une action visant au prononcé de la nullité, alors que la mention est bien présente sur le bon de commande.
S’agissant des modalités de paiement, elle rappelle que l’article L. 111-1 du code de la consommation prévoit lui-même la mention du « 2° Le prix du bien ou du service » de sorte que le moyen est infondé, que la mention de prix unitaires concernant une installation photovoltaïque, qui constitue un seul et unique produit n’aurait pas de sens pour procéder à des comparaisons, car il s’agit d’un prix forfaitaire pour une installation globale, de sorte que c’est ce seul prix forfaitaire qui est une base de comparaison pour des installations de même puissance et que s’agissant des mentions relatives au crédit, toutes les mentions ont été portées à la connaissance de l’acquéreur. Elle souligne que l’article L. 111-1 n’impose pas la mention du coût de l’assurance contrairement à ce que soutiennent les consorts [I]-[R].
Elle conteste les griefs de pure mauvaise foi relatifs au bordereau de rétractation puisque le bon de commande est doté dudit formulaire et relatif au nom du démarcheur puisque l’article L. 111-1 ne prévoit nullement l’apposition de cette mention, et a fortiori, à peine de nullité et qu’il en est de même des pièces détachées. Enfin, elle note que les conditions générales du bon de commande prévoient bien à l’article XII, la possibilité de saisir le médiateur de la consommation.
Elle fait état de ce que les intimés ne démontrent aucun préjudice en lien avec les griefs formulés.
Elle estime que la preuve d’un dol n’est pas démontrée s’agissant de promesses du vendeur concernant la rentabilité de l’installation et son autofinancement en l’absence de toute pièce justificative et alors que le bon de commande ne fait état d’aucune garantie de revenus ou d’autofinancement, bien au contraire puisque l’article X, consacré aux « subventions et réglementations » exclut précisément toute garantie par la venderesse à ce titre. Elle ajoute qu’il n’est pas justifié, au vu des pièces produites, de la rentabilité effective de l’installation puisqu’aucune expertise sérieuse n’est produite à cet égard et que la preuve d’une réticence dolosive ou d’une erreur en résultant n’est pas apportée au débat.
Elle soutient que les acquéreurs ont eu l’intention de couvrir les irrégularités et de renoncer à l’annulation en laissant le vendeur procéder à l’installation du matériel, en signant une attestation de livraison sans réserve ayant permis le déblocage des fonds puis en ayant débuté le remboursement du crédit et laissé l’installation être raccordée. Elle ajoute que postérieurement à l’introduction de leur action, les consorts [I]-[R] ont poursuivi l’exécution des contrats en continuant à revendre de l’électricité à EDF et ce en pleine connaissance des moyens allégués, ce qui confine à l’estoppel.
En l’absence d’annulation des contrats, elle rappelle que le crédit est maintenu et elle explique que l’infirmation du jugement entraînera l’obligation pour Mme [R] de lui restituer la somme de 4 946,16 euros.
Elle indique que Mme [R] ayant cessé de régler les échéances du crédit du fait de l’exécution provisoire qu’elle a sollicitée, et l’exécution provisoire s’opérant aux risques de celui qui la sollicite, qu’elle n’a d’autre choix que de solliciter le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de crédit avec effet au 7 novembre 2019 du fait des mensualités impayées et la condamnation de l’emprunteur au paiement 25 997,49 euros avec les intérêts au taux contractuel de 4,70 % l’an à compter du 7 novembre 2019 sur la somme de 24 071,75 euros et au taux légal pour le surplus, outre la restitution des sommes versées en exécution du jugement au titre des mensualités précédemment réglées. Subsidiairement, elle demande sa condamnation à régler les échéances échues impayées au titre du crédit depuis le 7 novembre 2019 jusqu’à la date de l’arrêt à venir, et son injonction d’avoir reprendre le remboursement du crédit sous peine de déchéance du terme.
A titre subsidiaire, en cas de nullité des contrats, elle fait valoir que l’emprunteur doit lui rembourser le montant du capital emprunté et ce indépendamment du fait que les fonds aient été initialement adressés au vendeur.
Elle rappelle qu’en cas de nullité du contrat de crédit, seule la responsabilité civile délictuelle des parties peut être engagée, ce qui ne permet pas à celles-ci de faire valoir l’inexécution d’une obligation contractuelle supposée n’avoir jamais existé.
Elle conteste toute obligation de contrôler la régularité du contrat principal et à supposer même que l’on pourrait éventuellement reprocher à un établissement de crédit de n’avoir pas relevé une anomalie grossière sur un contrat, elle estime qu’on ne peut lui reprocher toute imprécision qui y figurerait, sauf à générer un principe de co-responsabilité automatique. Elle conteste toute irrégularité du contrat en l’espèce.
Elle conteste tout manquement dans le déblocage des fonds sur la base d’un mandat donné par l’acquéreur au vu d’un certificat de livraison sans réservé signé de l’acquéreur. Elle indique que le raccordement est réalisé par ERDF, l’entreprise venderesse ne procédant qu’aux démarches administratives, que si l’entreprise venderesse a à sa charge la réalisation des démarches administratives, ce n’est pas elle qui délivre les autorisations, lesquelles sont accordées par des organismes tiers et que le contrôle ne portant que sur les prestations à charge de l’entreprise venderesse, il ne porte pas ni sur les autorisations données par des organismes tiers, ni sur la réalisation du raccordement réalisé ultérieurement par ERDF, ce d’autant plus que cela s’inscrit dans le cadre du service après-vente, lequel ne peut bloquer le versement du prix afférent à la prestation de la société venderesse qui est bien réalisée.
Elle estime que la preuve d’un préjudice et d’un lien de causalité n’est pas démontré, que l’installation a été livrée, posée et mise en service, et que les intimés revendent l’énergie produite à la société EDF.
Elle rappelle que lorsque la prestation a bien été achevée, et même si elle l’a été après versement des fonds prêtés, l’emprunteur ne subit aucun préjudice et n’est pas fondé à solliciter une réparation sous forme de privation complète ou même partielle de la créance de restitution du capital prêté. Elle soutient que la juridiction ne pourrait considérer que le préjudice serait constitué par l’impossibilité pour l’emprunteur de récupérer le prix de vente versé au vendeur en liquidation judiciaire, car le préjudice résulte dans ce cas de la liquidation judiciaire, mais non d’une faute de la banque et qu’il n’y a pas de lien de causalité. Elle ajoute qu’en outre, il doit être tenu compte du fait que l’emprunteur va rester – de fait – en possession du matériel d’une valeur de 25 300 euros ce qui limite d’autant son préjudice, étant souligné que le matériel est fonctionnel.
A titre subsidiaire, si la cour d’appel devait estimer qu’un préjudice a été subi et que le lien de causalité est caractérisé, elle demande de limiter sa condamnation à hauteur du préjudice effectivement subi en lien de causalité avec la faute opérée, à savoir la part de la prestation qui n’aurait pas été achevée, à charge pour l’acquéreur d’en justifier en prenant en considération la limitation de responsabilité liée à la signature fautive de l’attestation et demande de versement des fonds prêtés.
Très subsidiairement, en cas de décharge de l’obligation de l’emprunteur, elle demande sa condamnation au paiement de dommages et intérêts en raison d’une légèreté blâmable à hauteur de 26 000 euros.
En cas de nullité des contrats, elle demande que la société venderesse garantisse la restitution du capital à hauteur de la somme de 26 000 euros sur la base de l’article L. 312-56 du code de la consommation. Subsidiairement, si par extraordinaire la Cour ne devait pas faire droit à la demande de restitution du capital prêté sur le fondement de la garantie, elle demande qu’il y soit fait droit sur le fondement de la répétition de l’indu, et à défaut sur le fondement des règles de la responsabilité, dès lors que l’annulation ou résolution du contrat résulterait bien du fait du vendeur.
Elle précise qu’eu égard à la liquidation judiciaire intervenue, elle a déclaré sa créance et s’estime bien fondée à solliciter la fixation au passif de la procédure collective de cette créance de garantie, de restitution ou à défaut de dommages et intérêts.
Sur les manquements à ses obligations de dispensateur de crédit, elle fait remarquer qu’à supposer que ces fautes seraient établies, elles ne pourraient donner lieu, le cas échéant, qu’à l’octroi de dommages et intérêts à concurrence du préjudice subi, à charge pour le requérant de l’établir, mais nullement à une décharge complète de l’obligation de restitution du capital prêté en cas de nullité des contrats.
Elle conteste tout manquement à un devoir de mise en garde auquel elle n’était pas tenue, tout manquement à une obligation précontractuelle d’information puisque l’emprunteur a expressément attesté aux termes de l’offre de crédit avoir reçu la FIPEN au vu de la clause figurant juste au-dessus de sa signature et que cette clause fait foi. Elle rappelle qu’en cas de non-respect de l’obligation précontractuelle prévue par l’article L. 312-12 du code de la consommation, la sanction est la déchéance du droit aux intérêts contractuels et non l’octroi de dommages et intérêts, et moins encore la déchéance du droit à restitution du capital prêté en cas de nullité des contrats.
Elle note enfin que Mme [R] ne peut à la fois demander une exonération à rembourser le montant du crédit et la restitution des échéances déjà prélevées mais aussi l’octroi de dommages et intérêts à hauteur de 16 000 euros ce qui constitue une double indemnisation. Elle fait valoir que les préjudices allégués n’ont aucun rapport avec les griefs formés.
Aux termes de leurs seules conclusions remises le 10 février 2021, M. [I] et Mme [R] demandent à la cour :
– de les recevoir en leurs écritures et de les déclarer bien fondés,
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les parties du surplus de leurs demandes à savoir en ce qu’il les a déboutés de leur demande tendant à la condamnation des sociétés Cetelem et Iratek 92 à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture en son état initial, la somme de 8 000 euros au titre de la réparation de leur préjudices financiers et de leur trouble de jouissance et la somme de 3 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
– de confirmer le jugement pour le surplus et en conséquence,
– de déclarer leurs demandes recevables et les déclarer bien-fondées,
– partant, de déclarer que le contrat conclu avec la société Iratek 92 est nul car contrevenant aux dispositions éditées par le code de la consommation,
– de déclarer que cette société a commis un dol à leur encontre,
– de déclarer que la société Cetelem a délibérément participé au dol commis par la société Iratek 92,
– au surplus, de déclarer que la société Cetelem a commis des fautes personnelles en laissant prospérer l’activité du vendeur par la fourniture de financements malgré les nombreux manquements de cette dernière qu’elle ne pouvait prétendre ignorer, en accordant des financements inappropriés s’agissant de travaux construction, en manquant à ses obligations d’informations et de conseils à leur égard, en délivrant les fonds sans s’assurer de l’achèvement des travaux,
– en conséquence,
– de déclarer que les sociétés Iratek 92 et Cetelem sont solidairement responsables de l’ensemble des conséquences de leurs fautes à leur égard,
– de prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de vente et celle du contrat de crédit affecté,
– de déclarer que la banque ne pourra se prévaloir des effets de l’annulation à l’égard des emprunteurs,
– d’ordonner le remboursement des sommes versées au jour du jugement à intervenir, outre celles à venir soit la somme de 38 857,07 euros, sauf à parfaire,
– de condamner solidairement les sociétés Iratek 92 et Cetelem au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial à défaut de dépose spontanée
– de condamner la société Cetelem à leur payer les sommes de 8 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance et de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
– de dire qu’à défaut pour la société Iratek 92 de récupérer le matériel fourni dans un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement, celui-ci sera définitivement acquis par eux,
– de condamner la société Iratek 92 à les garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à leur encontre,
– d’ordonner leur radiation du FICP à la diligence et aux frais de la société Cetelem sous astreinte de 100 euros par jour à compter du jugement à intervenir et de se réserver la liquidation de l’astreinte,
– de condamner solidairement les sociétés Iratek 92 et Cetelem au paiement des entiers dépens outre 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et in solidum dans l’hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, à supporter le montant des sommes retenues par l’huissier par application des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 relatif au tarif des huissiers, en application de l’article R631-4 du code de la consommation,
– de prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Ils poursuivent la nullité du contrat principal en faisant valoir l’absence sur leur bon de commande des mentions exigées par les articles L. 111-1 et L. 221-5 et suivants du code de la consommation, en ce qui concerne les caractéristiques essentielles des biens et prestations vendus. Ils affirment que la marque, le modèle des produits vendus, le poids des panneaux, leur surface, le rendement sont essentiels. Ils indiquent que le prix unitaire est aussi une caractéristique essentielle et font valoir que plusieurs juridictions ont considéré qu’un calendrier détaillé de l’exécution de l’ensemble des prestations de service doit figurer sur le bon de commande. Ils ajoutent que le bon de commande doit également préciser les modalités de paiement à savoir l’établissement prêteur, le montant emprunté, le durée du crédit, le nombre d’échéances mensuelles, hors et avec assurance, le coût total du financement, hors et avec assurance, le taux débiteur, le taux effectif global et les frais de dossier. Ils déplorent l’absence de tout délai de livraison, le fait que le nom du démarcheur mentionné sur le bon de commande est un faux nom et rappellent que le bon de commande doit comporter un formulaire de rétractation.
Ils évoquent une nullité du contrat pour non-respect de l’article L. 111-8 du code de la consommation et sur le fondement de l’article 6 du code civil, s’agissant de la période de disponibilité des pièces détachées. Ils indiquent que le contrat doit mentionner le médiateur à la consommation et concluent qu’en l’espèce, il n’existe aucune désignation précise du bien vendu, et indiquent « quid de la marque, référence, données techniques ‘ quid du prix détaillé ‘ quid des erreurs sur les données financières ‘quid de la date de livraison ‘ quid du coût de l’assurance ‘ quid du coût total du financement’ quid du nom du démarcheur’ quid du médiateur de la consommation ‘ quid de l’information précontractuelle ‘ ».
Ils invoquent également la nullité du contrat principal pour dol. Ils soutiennent que leur consentement a été vicié par les agissements dolosifs de la venderesse qui a sciemment fait état de partenariats mensongers avec EDF pour pénétrer leur habitation, de labels et accréditations destinés à attirer leur confiance, de l’utilisation de l’image de la banque Cetelem, sans jamais réaliser de diagnostic de performance énergétique.
Ils lui reprochent aussi de leur avoir présenté l’offre de financement comme étant sans grandes conséquences, une candidature sans engagement et qu’ils n’ont pu apprendre le caractère définitif du contrat en cause qu’après écoulement du délai de rétractation.
Ils reprochent à la société Iratek 92 une présentation fallacieuse de la rentabilité de l’installation et une promesse autofinancement non réalisées en se gardant bien de laisser des documents ou simulations produites lors du démarchage.
Ils lui reprochent aussi d’avoir passé sous silence de nombreuses informations relatives à la durée de vie des matériels et notamment celle de l’onduleur en moyenne de 6 à 8 ans dont le remplacement sera donc nécessaire au moins 3 fois au cours de l’exploitation de la centrale sur 20 ans, au prix d’achat de l’électricité pratiqué par EDF et aux rendements envisageables, aux frais supplémentaires comme la location obligatoire d’un compteur, au remplacement de l’onduleur, l’assurance habitation complémentaire, la remise de la toiture en son état initial après obsolescence des panneaux. Ils estiment qu’à l’issue d’une durée de 20 années, l’installation photovoltaïque leur aura fait perdre une somme avoisinant 38 857,07 euros, après déduction du crédit d’impôt.
Ils se prévalent de l’article L. 312-55 du code de la consommation pour réclamer la nullité du contrat de crédit affecté puis soutiennent que la société BNPPPF a commis une faute en participant délibérément au dol du vendeur, qu’elle ne pouvait ignorer les mécanismes douteux de conclusion des nombreux contrats de vente qu’elle a eu à connaître et qu’elle a accepté de financer une installation réalisée avant écoulement du délai laissé à la municipalité pour s’opposer aux travaux ‘ alors pourtant qu’il s’agissait d’une condition suspensive du contrat. Ils ajoutent que la banque a nécessairement été informée par les centaines de réclamations et signalements faisant état des partenariats illusoires, des promesses d’autofinancement ou de la désinformation quant à la nature même du contrat de crédit, souvent présenté comme un prêt remboursé directement par la société EDF.
Ils imputent à la banque différentes fautes à savoir d’avoir financé un contrat nul et en ne s’assurant pas de sa régularité ce qui doit la priver de créance de restitution. Ils ajoutent en visant les articles L. 312-48 et L. 312-55 du code de la consommation que la banque a commis une faute en libérant les fonds sans s’assurer que l’intégralité des prestations prévues était finalisée allant jusqu’au raccordement au réseau et à la mise en service. Ils affirment que le prêteur doit impérativement s’assurer que la société venderesse a obtenu l’accord de la mairie pour installer les panneaux solaires sur le toit du client. Ils ajoutent que la banque ne peut s’exonérer de sa responsabilité en se fondant sur un certificat de livraison pré-rédigé et ne faisant référence, ni au raccordement au réseau, ni à la mise en service, ni à l’accomplissement des démarches administratives prévues au contrat.
Ils dénoncent en outre un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, le crédit consenti étant excessif au regard de leurs capacités financières.
Les intimés soutiennent que la déchéance de la banque de son droit à la restitution ne doit pas être subordonnée à la démonstration d’un préjudice, car cette privation doit uniquement être analysée comme une sanction du professionnel visant à le priver de son droit à la restitution et non en une demande relative à la mise en cause de la responsabilité civile d’un professionnel. Ils indiquent que quoi qu’il en soit, leur préjudice est caractérisé par le fait que l’annulation des contrats après ce déblocage fautif des fonds entre les mains du vendeur ayant permis la réalisation d’une opération commerciale hasardeuse placera le consommateur dans la situation de devoir restituer le capital emprunté sans perspective de pouvoir se retourner contre le fournisseur susceptible de faire l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire à tout moment.
Ils indiquent qu’ils vont être contraints de faire démonter à leurs frais l’installation et de remettre la toiture de leur habitation en état, qu’ils ont subi un préjudice financier, en étant contraint d »avancer des frais conséquents pour faire valoir leur défense en justice et de régler les échéances du crédit, qu’ils devront subir d’importants travaux de désinstallation, qu’ils supportent également une installation aussi inutile qu’inesthétique, nonobstant le bruit permanent d’un onduleur électrique et le temps perdu en démarches administratives. Ils invoquent un préjudice moral lié au dol dont ils ont été victimes, en faisant état de ce qu’en réglant les mensualités des financements, ils ont dû se passer des agréments et plaisirs de la vie, que ce soit des sorties, changer de véhicule, partir en vacances.
Aux termes de ses conclusions déposées le 22 mars 2021 avant son placement en liquidation judiciaire, la société Iratek 92 demande à la cour :
– de la dire et juger fondée dans l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf quant au rejet de la demande de suspension du crédit,
– de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société BNPPPF de ses demandes d’appel en garantie et de condamnation à son encontre,
– statuant à nouveau,
– de dire et juger que le contrat conclu entre la société Iratek 92 et Mme [R] est valable et ne saurait être entaché de nullité,
– par conséquent, de dire et juger qu’il ne saurait être procédé à la désinstallation du matériel, à savoir les 10 panneaux photovoltaïques, la pompe à chaleur et le système GSE E-Connect,
– subsidiairement,
– de dire et juger que toute condamnation prononcée à son encontre doit être ramenée à plus juste proportion,
– en tout état de cause, de dire et juger que M. [I] et Mme [R] font preuve d’une mauvaise foi certaine,
– de les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
– de condamner M. [I] et Mme [R] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles et aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Iratek 92 soutient que le bon de commande comprend toutes les mentions nécessaires en ce qui concerne les caractéristiques essentielles des biens vendus et fait valoir qu’une plaquette d’information précisant les caractéristiques des biens vendus a été remise à l’acquéreur comme en atteste l’attestation sur l’honneur signée en parallèle du bon de commande. Elle note que seule la mention du prix global est exigée, que s’agissant du délai de livraison, les conditions générales de vente prévoient un article IV dans lequel une référence explicite est faite à l’article L. 226-1 du code de la consommation, lequel prévoit qu’à défaut d’indication ou d’accord quant à la date de livraison ou d’exécution, le professionnel livre le bien ou exécute la prestation sans retard injustifié et au plus tard trente jours après la conclusion du contrat et qu’il est également prévu un délai supplémentaire plus large de 200 jours maximum à compter de la signature du présent contrat et sous réserve d’obtention des autorisations administratives nécessaires et de l’acceptation du dossier de financement. Elle observe que la livraison et la pose ont eu lieu le 4 octobre 2017 dans le délai de 30 jours.
Elle conteste tout engagement de rentabilité économique de l’opération, observant que les demandeurs se gardent bien de produire leurs relevés de consommation ERDF qui permettraient de constater la production effective d’énergie. Elle indique qu’il n’était pas possible de prévoir un calendrier détaillé de l’exécution des prestations de services en ce qu’il dépend des autorisations administratives et que toutes ces informations figurent bien au sein des conditions générales de vente.
Elle fait valoir avoir fourni toutes les informations nécessaires relatives à l’ampleur, les modalités et la durée de la livraison et de l’installation de la centrale photovoltaïque, les informations relatives au mode de règlement, par financement (montant, durée, mensualité, TAEG, coût total, établissement financier) et la possibilité de se rétracter, à son identité, à celle du démarcheur qui n’est en aucun cas un faux nom.
Elle soutient que les allégations de dol ne sont aucunement étayées, la preuve d’une intention de nuire n’étant pas rapportée, et fait observer que les intimés développent un argumentaire de plus de cinquante pages et ne versent pourtant que cinq pièces aux débats dont la mise en demeure préalable à la présente instance et le contrat de vente également versés par elle.
Elle estime que les intimés font preuve de mauvaise foi, qu’ils n’ont pu se tromper sur la réalité de leur engagement dans la mesure où leur signature a été apposée sur un document clairement intitulé « DEVIS ‘ BON DE COMMANDE », que la rentabilité et l’autofinancement en sont pas entrés dans le champ contractuel. Elle conteste toute réticence dolosive.
Elle vise les dispositions de l’article 1182 du code civil pour rappeler que si la nullité était encourue, celle-ci n’est que relative et qu’en réceptionnant les travaux, en n’exerçant pas le droit de rétractation, en remboursant le crédit et en utilisant l’installation, M. [I] et Mme [R] ont couvert les éventuelles causes de nullité. Elle ajoute qu’ils profitent d’une installation parfaitement fonctionnelle comme le démontre le suivi de consommation disponible grâce au système mylight commandé par les demandeurs depuis février 2018.
Elle met en avant sa bonne foi, indique que le matériel installé est reconnu comme parfaitement conforme par le Consuel et que cette installation est parfaitement fonctionnelle, qu’elle est en outre parfaitement en règle concernant ses obligations en matière d’assurance puisqu’elle renouvelle chaque année son assurance responsabilité décennale ainsi que son assurance multirisque professionnelle. Elle considère en revanche que M. [I] et Mme [R] font preuve de mauvaise foi, qu’ils n’ont jamais eu de volonté de se rétracter, qu’ils ont exécuté les contrats et utilisé l’installation et ont attendu le 12 septembre 2018 soit plus d’un an après la conclusion et la réalisation du contrat pour contester. Elle note que la preuve d’un quelconque préjudice n’est pas rapportée.
Elle demande le rejet de la demande d’appel en garantie car elle n’a aucunement manqué à ses obligations.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 14 janvier 2025 et l’affaire appelée à l’audience le 12 février 2025 pour être mise en délibéré au 3 avril 2025.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt réputé contradictoire,
Rejette les fins de non-recevoir ;
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a dit que M. [S] [I] et Mme [C] [R] devront permettre à la société Iratek 92 de venir récupérer les équipements installés chez eux, et que faute pour cette société d’y procéder, dans un délai de deux mois de la signification du jugement, ils pourront disposer librement des éléments de cette installation et dit que la société Iratek 92 devra remettre en état la toiture ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Ordonne à Mme [C] [R] de tenir à disposition de la société Iratek 92 prise en la personne de son mandataire liquidateur la Selarl S21Y prise en la personne de Maître [U] [Z] l’ensemble des matériels installés à son domicile pendant un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt et de dire que passé ce délai, si le liquidateur n’a pas émis la volonté de reprendre les matériels elle pourra en disposer comme elle l’entend et les conserver ;
Condamne la société BNP Paribas personal finance à rembourser à Mme [C] [R] les mensualités réglées au titre du crédit soit la somme de 4 946,16 euros ;
Fixe le préjudice de Mme [C] [R] en lien avec la faute de la banque à la somme de 19’505,78 euros si le mandataire vient effectivement procéder à la dépose dans ce délai, et dit qu’à défaut elle ne subit pas ce préjudice en lien avec cette faute ;
En conséquence, condamne Mme [C] [R] passé un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, à rembourser à la société BNP Paribas personal finance la somme de 26 000 euros sauf à justifier de la reprise effective du matériel par la société Iratek 92 prise en la personne de son mandataire liquidateur dans les trois mois de la signification de l’arrêt et réduit le montant de cette condamnation à la somme de 19 505,78 euros si elle justifie que cette reprise a effectivement eu lieu dans le délai imparti ;
Ordonne la compensation des créances réciproques ;
Déboute M. [S] [I] et Mme [C] [R] et la société BNP Paribas personal finance de leurs autres demandes ;
Rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre permettant le remboursement des sommes perçues dans le cadre de l’exécution provisoire ;
Dit n’y avoir lieu à application des disposition de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société BNP Paribas personal finance aux dépens d’appel ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente
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