Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Transformation d’un bail dérogatoire en bail commercial et conséquences des manquements locatifs.
→ RésuméPar acte sous seing privé du 31 mars 2016, une société immobilière a conclu un bail dérogatoire avec une société automobile pour des locaux situés à Pierrefitte-sur-Seine, d’une durée de 36 mois, avec un loyer mensuel de 4.300 euros HT. Un avenant du 24 juillet 2018 a réduit ce loyer jusqu’à la fin du bail, prévue pour le 31 mars 2019. Après cette date, la société immobilière a délivré une sommation de quitter les lieux, mais la société automobile est restée dans les locaux.
Le 4 octobre 2021, la société immobilière a réclamé le paiement de loyers impayés, s’élevant à 58.000 euros, et a assigné la société automobile devant le tribunal judiciaire de Bobigny le 4 janvier 2022. Le jugement du 20 février 2023 a établi qu’un bail commercial avait été substitué au bail dérogatoire à partir du 1er avril 2019, rejetant les demandes d’expulsion et de paiement d’indemnité d’occupation de la société immobilière, tout en condamnant cette dernière à verser 1.000 euros à la société automobile pour les frais de justice. La société immobilière a interjeté appel le 24 mars 2023. Dans le cadre de l’appel, la société automobile a demandé la constatation d’une cession de fonds de commerce à une autre société, ainsi que la reconnaissance qu’elle n’était pas redevable des loyers échus après cette cession. En réponse, la société immobilière a soutenu que le bail dérogatoire avait pris fin et que la société automobile occupait les lieux sans droit. Le tribunal a confirmé que le bail commercial était en vigueur et a rejeté les demandes de résiliation et d’expulsion de la société immobilière, tout en condamnant la société automobile à payer des arriérés de loyers. La cour a également statué sur les frais de justice, condamnant la société immobilière à verser 6.000 euros à la société automobile. |
RÉPUBLIQUE FRAN’AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRÊT DU 03 AVRIL 2025
(n° 61 /2025, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/05746 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHLOS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 février 2023- Tribunal judiciaire de Bobigny (Chambre 5/section 3)- RG n° 22/00572
APPELANTE
S.C.I. IMMO SAINT JUST
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 5] sous le n° 341 275 485
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l’AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de Paris, toque : L0069
Assistée de Me Elsa GIANGRASSO, avocat au barreau de Paris, toque : A438
INTIMÉE
S.A.S. CENTRE AUTO
Immatriculée au R.C.S. de [Localité 5] sous le n° 801 694 506
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Kamel AIT HOCINE, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, toque : 41
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 20 novembre 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
Mme Stéphanie Dupont, conseillère
Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 31 mars 2016, la SCI Immo Saint Just a donné loyer à la Société Centre Auto des locaux sis [Adresse 1] à Pierrefitte sur seine (93380), pour une durée dérogatoire de 36 mois entiers et consécutifs, à compter du 1er avril 2016 pour prendre fin le 31 mars 2019, et moyennant le versement d’un loyer mensuel de 4.300 euros HT, soit 5.160 euros TTC.
Par avenant en date du 24 juillet 2018, les parties ont convenu d’une réduction du montant du loyer à partir du mois de juillet 2018 jusqu’à la fin du bail fixé au 31 mars 2019.
Par acte d’huissier de justice du 11 avril 2019, la SCI Immo Saint Just a fait délivrer une sommation de quitter les lieux. En dépit de cette sommation, la Société Centrale auto est restée dans les lieux.
Par exploit du 4 octobre 2021, la SCI Immo Saint Just a fait délivrer une sommation de payer les loyers, à hauteur de 58.000 euros, et de produire l’attestation d’assurance, dans un délai d’un mois.
Par exploit du 4 janvier 2022, la SCI Immo Saint Just a fait assigner la SAS Centre Auto devant le tribunal judiciaire de Bobigny.
Par jugement en date du 20 février 2023, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
– dit qu’un bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 1] à Pierrefite sur seine (93380) s’est substitué au bail dérogatoire conclu le 31 mars 2016 entre la SCI Immo Saint Just et la Société Centre Auto, à compter du 1er avril 2019, aux entières clauses et conditions du bail expiré du 31 mars 2016, et de son avenant du 24 juillet 2018, et sauf sur la durée, qui est de neuf ans ;
– dit que la présente décision vaudra bail par application des dispositions de l’article L. 145-57 du code de commerce, sauf meilleur accord des parties ;
– rejeté les demandes de la SCI Immo Saint Just en expulsion de la Société Centre Auto, séquestration de ses biens meubles et objets mobiliers et paiement d’une indemnité d’occupation ;
– condamné la SCI Immo Saint Just à payer à la Société Centre Auto la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SCI Immo Saint Just aux entiers dépens ;
– rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.
Par déclaration en date du 24 mars 2023, la SCI Immo Saint Just a interjeté appel total du jugement.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 octobre 2024.
Par conclusions notifiées le 7 novembre 2024, la société Centre Auto, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :
– recevoir la S.A.S. Centre Auto en sa demande de rabat de l’ordonnance de clôture ;
En conséquence,
– constater la cession du fonds de commerce sis [Adresse 2] entre le S.A.S. « Centre Auto » et la S.A.S. Pièces Auto Des Pierrefittois signé le 8 avril 2024 ;
– constater que la S.A.S. Pièces Auto Des Pierrefittois est le nouveau locataire du bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 6] ;
– constater que la S.A.S. Centre Auto n’est pas redevable des loyers échus postérieurement à la cession du fonds de commerce sis [Adresse 2] signée le 8 avril 2024 ;
– constater que la S.A.S. Pièces Auto Des Pierrefittois s’est acquittée de chacun des loyers échus depuis le mois d’avril jusqu’au mois d’octobre 2024 ;
– ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture rendue par le juge de la mise en état le 23 octobre 2024 ;
– renvoyer à telle date qu’il plaira d’une audience de mise en état.
Par conclusions au fond notifiées le 7 novembre 2024, la société Centre Auto, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :
– confirmer le jugement du tribunal Judiciaire du 20 février 2023 en ce qu’il a :
dit qu’un bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 1] à Pierrefitte sur Seine (93380) s’est substitué au bail dérogatoire conclu le 31 mars 2016 entre la SCI Immo Saint Just et la Société Centre Auto, à compter du 1er avril 2019, aux entières clauses et conditions du bail expiré du 31 mars 2016, et de son avenant du 24 juillet 2018, et sauf sur la durée, qui est de neuf ans ;
dit que la présente décision vaudra bail par application des dispositions de l’article L. 145-57 du code de commerce, sauf meilleur accord des parties ;
rejeté les demandes de la SCI Immo Saint Just en expulsion de la Société Centre Auto, séquestration de ses biens meubles et objets mobiliers et paiement d’une indemnité d’occupation ;
condamné la SCI Immo Saint Just aux entiers dépens ;
– recevoir S.A.S. Centre Auto en son appel incident ;
– réformer le jugement du tribunal judiciaire du 20 février 2023 en ce qu’il a condamné la SCI Immo Saint Just à payer à la Société Centre Auto la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant de nouveau :
– condamner la S.C.I. Immo Saint Just à payer la S.A.S. Centre Auto la somme de 3.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en première instance ;
Y ajoutant :
– condamner la S.C.I. Immo Saint Just à payer la S.A.S. Centre Auto la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés devant la cour, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance ;
– rejeter l’ensemble des demandes de la S.C.I. Immo Saint Just.
Par conclusions en réponse signifiées le 13 novembre 2024, la SCI Immo Saint Just, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la cour de :
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
jugé qu’un bail commercial portant sur les locaux sis [Adresse 1] à Pierrefitte sur Seine, s’était substitué au bail précaire conclu le 31 mars 2016 entre la SCI Immo Saint Just et la SAS Centre Auto, à compter du 1er avril 2019, aux entières clauses et conditions du bail expiré du 31 mars 2016 et de son avenant du 24 juillet 2018, sauf pour la durée qui est de neuf ans ;
dit que la présente décision vaudra bail, sauf meilleur accord des parties ;
rejeté les demandes en expulsion, séquestration des biens meubles et paiement d’une indemnité d’occupation ;
condamné la SCI Immo Saint Just à payer à la SAS Centre Auto, la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
rejeté toute autre demande plus ample ou contraire ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– juger que le contrat de bail dérogatoire a pris fin le 31 mars 2019 ;
– juger que la Société Centre Auto se maintient dans les locaux, sans droit ni titre et sans assurance locative ;
A titre subsidiaire,
– juger que la Société Centre Auto a commis des manquements graves au contrat de bail commercial en cours, à savoir le défaut d’assurance locative, le changement de destination du bail et le non-paiement du loyer contractuel ;
– ordonner la résiliation judiciaire du contrat ;
En tout état de cause,
– ordonner l’expulsion pure, simple et immédiate de la société SARL Centre Auto, ainsi que de tous occupants de son chef, des locaux qu’elle occupe illégalement, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, en la forme ordinaire et avec l’assistance du commissaire de police et de la force publique si besoin est ;
– condamner la société SAS Centre Auto à payer à la SCI Immo Saint Just, la somme mensuelle de 5.160 euros TTC au titre de l’indemnité d’occupation à compter du 1er avril 2019 et ce, jusqu’à la complète libération des locaux et restitution des clés, ou à titre subsidiaire, à la somme de 4.000 euros TTC ;
– condamner la Société Centre Auto à payer à la SCI Immo Saint Just, la somme de 105.720 euros TTC au titre de l’indemnité d’occupation due à la date des présentes depuis avril 2019 jusqu’au 8 octobre 2024 ou à titre subsidiaire, à la somme de 28.000 euros TTC en considérant le montant issu de l’avenant du 24 juillet 2018 ;
– ordonner l’expulsion pure, simple et immédiate de la société SAS Centre Auto, ainsi que de tous occupants de son chef, des locaux qu’elle occupe illégalement, sis [Adresse 1] à [Localité 6], à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, en la forme ordinaire et avec l’assistance du commissaire de police et de la force publique si besoin est ;
– autoriser la SCI Immo Saint Just à faire transporter et entreposer les meubles et objets mobiliers garnissant les lieux en tel garde-meubles qu’il lui plaira, aux frais, risques et périls de la société SAS Centre Auto ;
– débouter la SAS Centre Auto de son appel incident et de sa demande de rabat de clôture ;
– condamner la société SAS Centre Auto à payer à la SCI Immo Saint Just, la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel et la condamner aux entiers dépens en vertu de l’article 696 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;
Rejette la demande de rabat de l’ordonnance de clôture ;
Déclare recevables les conclusions signifiées par la SAS Centre Auto le 7 novembre 2024 et les conclusions signifiées les 13 novembre 2024 par la SCI Immo Saint Just ;
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 20 février 2023 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la SCI Sain Just de sa demande de résiliation judiciaire du bail, d’expulsion, de transport des meubles et de paiement d’une indemnité d’occupation à hauteur de 5.160 euros TTC à compter du 1er avril 2019 ;
Condamne la SAS Centre Auto à payer à la SCI Saint Just la somme de 28.000 euros TTC au titre de l’arriéré locatif arrêté à fin octobre 2024 ;
Condamne la SCI Saint Just à payer à la SAS Centre Auto la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Saint Just à supporter la charge des dépens d’appel.
La greffière, La présidente,
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