Cour d’appel de Paris, 3 avril 2025, RG n° 23/01850
Cour d’appel de Paris, 3 avril 2025, RG n° 23/01850

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Indemnité compensatrice de préavis : conditions de dispense et conséquences.

Résumé

Un salarié a été engagé par une société en tant que channel account manager et a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Après avoir pris acte de la rupture de son contrat, le conseil de prud’hommes a considéré cette prise d’acte comme une démission, déboutant le salarié de ses demandes, à l’exception de certaines sommes dues. Le salarié a interjeté appel, et la cour d’appel a confirmé en partie le jugement, condamnant l’employeur à verser des sommes pour heures supplémentaires et repos compensateurs, tout en maintenant la qualification de démission.

La Cour de cassation a ensuite partiellement cassé l’arrêt de la cour d’appel concernant l’indemnité compensatrice de préavis, en soulignant que l’employeur n’avait pas répondu aux conclusions du salarié qui avait proposé d’effectuer son préavis. En conséquence, l’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

Dans ses conclusions, le salarié a demandé l’infirmation du jugement sur plusieurs points, y compris le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, ainsi que des dommages-intérêts pour procédure abusive et préjudice moral. De son côté, l’employeur a demandé la confirmation du jugement initial et a formulé des demandes de condamnation du salarié au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.

La cour a déclaré irrecevables les conclusions de l’employeur pour non-respect des délais de notification. Elle a confirmé le jugement en ce qui concerne le débouté de l’employeur pour l’indemnité compensatrice de préavis, tout en infirmant le jugement sur le montant dû au salarié, le condamnant à verser une somme pour solde d’indemnité compensatrice de préavis. Les demandes de dommages-intérêts du salarié ont été rejetées, et l’employeur a été condamné aux dépens de la procédure.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 03 AVRIL 2025

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/01850 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHIKA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mars 2018 rendu par le conseil des prud’hommes de Longjumeau, confirmé par l’arrêt du 16 décembre 2020 par le pôle 6-3 de la cour d’appel de Paris, cassé partiellement par arrêt du 14 décembre 2022 de la chambre sociale de la Cour de Cassation.

DEMANDEUR A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

Monsieur [Y] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

DEFENDEUR A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

S.A.S. HEWLETT- PACKARD FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Christine LECOMTE, avocat au barreau de PARIS, toque :L0014

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre

Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Marika WOHLSCHIES

ARRET :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Florence MARGUERITE, présidente de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 novembre 2011, M. [Y] [B] a été engagé en qualité de channel account manager (statut cadre) par la société ARUBA EUROPE LIMITED, aux droits de laquelle est venue la société HEWLETT-PACKARD FRANCE à compter du 1er janvier 2016.

M. [B] a saisi la juridiction prud’homale le 17 mai 2016 aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, puis il a pris acte de la rupture de son contrat de travail suivant courrier recommandé du 30 juin 2016.

Par jugement du 22 mars 2018, le conseil de prud’hommes de Longjumeau a :

– dit que la prise d’acte de la rupture s’analyse en une démission,

– dit que l’article 14 du contrat de travail est constitutif d’une clause de non-concurrence nulle,

– débouté M. [B] du surplus de ses demandes,

– débouté la société HEWLETT-PACKARD FRANCE de l’ensemble de ses demandes,

– condamné M. [B] aux dépens.

M. [B] a interjeté appel du jugement.

Par arrêt du 16 décembre 2020, la cour d’appel de Paris a :

– confirmé le jugement sauf en sa disposition concernant les heures supplémentaires et l’indemnité compensatrice de préavis, et, statuant à nouveau sur ces chefs,

– condamné la société HEWLETT-PACKARD FRANCE à payer à M. [B] les sommes suivantes :

– 47 387,50 euros au titre des heures supplémentaires sur la période de mai 2013 à mai 2016,

– 8 660 euros au titre des repos compensateurs outre 866 euros au titre des congés payés y afférents,

– dit que la prise d’acte de M. [B] s’analyse en une démission,

– condamné M. [B] à payer à la société HEWLETT-PACKARD FRANCE la somme de 37 895,70 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– débouté M. [B] de sa demande au titre de l’article 14 de son contrat de travail,

– confirmé le jugement en ses autres dispositions et, y ajoutant,

– dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,

– ordonné la remise par la société HEWLETT-PACKARD FRANCE de documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt,

– dit n’y avoir lieu à astreinte,

– condamné la société HEWLETT-PACKARD FRANCE à payer à M. [B] en cause d’appel la somme de 1 500 euros au titre de l’artic1e 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus des demandes,

– condamné la société HEWLETT-PACKARD FRANCE aux dépens de première instance et d’appel.

M. [B] s’est pourvu en cassation.

Par arrêt du 14 décembre 2022, après avoir relevé que :

« Vu l’article 455 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

13. Pour condamner le salarié à payer à l’employeur une somme au titre du préavis non effectué, la cour d’appel retient qu’en raison de la démission du salarié, l’employeur est bien fondé à solliciter la condamnation de M. [B] au titre du préavis non exécuté.

14. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait avoir proposé à son employeur d’effectuer son préavis, ce que l’employeur avait expressément et catégoriquement refusé par courrier en réponse, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.», la chambre sociale de la Cour de cassation a :

– cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il condamne M. [B] à payer à la société HEWLETT-PACKARD FRANCE la somme de 37 895,70 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, l’arrêt rendu le 16 décembre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Paris,

– remis, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

La cour de renvoi a été saisie dans le délai imparti à l’article 1034 du code de procédure civile par déclaration de saisine de M. [B] du 3 mars 2023.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 29 septembre 2023, M. [B] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a « débouté M. [B] du surplus de ses demandes », et, statuant à nouveau,

– juger inopérantes les conclusions signifiées par la société HEWLETT-PACKARD FRANCE le 31 juillet 2023, et par suite, juger qu’elle est réputée s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elle avait soumis dans ses conclusions signifiées à la cour d’appel dont l’arrêt a été partiellement cassé,

– condamner la société HEWLETT-PACKARD FRANCE à lui payer la somme de 52 119,95 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts légaux à compter du prononcé de la décision,

– condamner la société HEWLETT-PACKARD FRANCE à lui rembourser la somme de 37 895,70 euros avec intérêts majorés de deux points et capitalisés à compter du 14 décembre 2022,

– condamner la société HEWLETT-PACKARD FRANCE à lui payer les indemnités complémentaires suivantes :

– 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

– 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et de réputation,

– débouter la société HEWLETT-PACKARD FRANCE de ses demandes plus amples ou contraires,

– condamner la société HEWLETT-PACKARD FRANCE au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance de renvoi, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Grappotte Benetreau, avocat aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 31 juillet 2023, la société HEWLETT-PACKARD FRANCE demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [B] de l’intégralité de ses demandes,

– débouter M. [B] de l’intégralité de ses demandes,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de M. [B] à lui payer une somme au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et, statuant à nouveau,

à titre principal,

– condamner M. [B] à lui payer la somme de 37 895,70 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

à titre subsidiaire,

– si la cour estimait que la société HEWLETT-PACKARD FRANCE était redevable de l’indemnité compensatrice de préavis excluant les heures supplémentaires, la condamner à payer à M. [B] une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 6 423 euros du 19 juillet au 31 juillet 2016,

à titre très subsidiaire,

– si la cour estimait que la société HEWLETT-PACKARD FRANCE était redevable de l’indemnité compensatrice de préavis, la condamner à payer à M. [B] une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 37 895,70 euros du 19 juillet au 30 septembre 2016,

à titre infiniment subsidiaire,

– si la cour estimait que la société HEWLETT-PACKARD FRANCE était redevable de l’indemnité compensatrice de préavis sur la base d’un salaire moyen incluant les heures supplémentaires, la condamner à payer à M. [B] une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 41 002,19 euros,

en tout état de cause,

– débouter M. [B] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [B] au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.

L’instruction a été clôturée le 8 janvier 2025 et l’affaire a été fixée à l’audience du 14 janvier 2025. Lors de l’audience, la cour a invité la société HEWLETT-PACKARD FRANCE à produire ses conclusions remises à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé, lesdites conclusions (notifiées le 22 mars 2019) ayant été transmises suivant message RPVA du 16 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare irrecevables les conclusions de la société HEWLETT-PACKARD FRANCE remises au greffe et notifiées le 31 juillet 2023 ;

Statuant dans les limites de sa saisine sur renvoi après cassation partielle,

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté la société HEWLETT-PACKARD de sa demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis ;

Infirme le jugement en ce qu’il a débouté M. [B] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société HEWLETT-PACKARD FRANCE à payer à M. [B] la somme de 31 334,45 euros à titre de solde d’indemnité compensatrice de préavis ;

Condamne la société HEWLETT-PACKARD FRANCE aux dépens de la procédure de renvoi après cassation, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Grappotte Benetreau pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société HEWLETT-PACKARD FRANCE à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés dans le cadre de la procédure de renvoi après cassation ;

Déboute M. [B] du surplus de ses demandes ;

Rappelle que la cassation d’un arrêt d’appel qui a été exécuté constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées en exécution de la décision cassée ;

Déboute la société HEWLETT-PACKARD FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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