Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Clause d’indexation : validité et remboursement des loyers trop-perçus.
→ RésuméLa SCI Epargne foncière, héritière de la SCI St-Gervais Delteral, a conclu un bail commercial avec la SAS Monoprix exploitation pour un local à usage commercial, avec un loyer annuel de 340.000 euros. Ce bail a pris effet le 16 juillet 2009. En 2020, la SAS Monoprix exploitation a assigné la SCI Epargne foncière devant le tribunal judiciaire de Bobigny, contestant la clause d’indexation du bail, qu’elle souhaitait voir déclarée non écrite, et demandant le remboursement de loyers et de TVA trop-perçus.
Le tribunal a rendu un jugement le 15 septembre 2021, déclarant la clause d’indexation non écrite et condamnant la SCI Epargne foncière à rembourser un montant total de 695.589,94 euros à la SAS Monoprix exploitation, incluant des frais de justice. La SCI Epargne foncière a interjeté appel, contestant plusieurs points du jugement, notamment la validité de la clause d’indexation et le montant des remboursements. Dans ses conclusions, la SCI Epargne foncière a soutenu que la clause d’indexation était valide et que les demandes de la SAS Monoprix exploitation étaient mal fondées. Elle a également soulevé des questions de prescription concernant les demandes de remboursement, arguant que certaines sommes étaient prescrites. De son côté, la SAS Monoprix exploitation a demandé la confirmation du jugement, affirmant que la clause d’indexation était effectivement non écrite et que ses demandes de remboursement étaient recevables. La cour a examiné la validité de la clause d’indexation, concluant qu’elle ne pouvait être réputée non écrite dans son ensemble, mais seulement certaines stipulations. Concernant la prescription, la cour a jugé que les demandes de remboursement pour les paiements effectués avant le 31 juillet 2015 étaient irrecevables. Finalement, la cour a confirmé certaines décisions du tribunal tout en infirmant d’autres, notamment en ce qui concerne le remboursement des loyers trop-perçus. |
RÉPUBLIQUE FRAN’AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRÊT DU 03 AVRIL 2025
(n° 56 /2025, 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/18396 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEQ2Q
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 septembre 2021-Tribunal judiciaire de Bobigny (Chambre 5/Section 3)- RG n° 20/06748
APPELANTE
Société EPARGNE FONCIERE société civile de placement immobilier, venant aux droits de la S.C.I. EUROFONCIERE 2 (R.C.S. n° 324 419 183) à la suite d’un traité de fusion absorption approuvé par assemblée générale extraordinaire du 15 janvier 2021 et mise en oeuvre à compter du 16 mars 2021
Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 305 302 689
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de Paris, toque : C2477
Assistée de Me Catherine SAINT GENIEST, membre de l’AARPI JEANTET, avocat au barreau de Paris, toque : T04
INTIMÉE
S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION ‘MPX’
Immatriculée au R.C.S. de Nanterre sous le n° 552 083 297
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de Paris, toque : K0065
Assistée de Me Gilles HITTINGER-ROUX de la SCP H.B. & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : P497, substitué à l’audience par Me Emmanuel WELLER
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et Mme Stéphanie Dupont, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
Mme Stéphanie Dupont, conseillère
Mme Marie Girousse, conseillère
Un rapport a été présenté à l’audience par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte du 27 juillet 2007, la SCI St-Gervais Delteral, aux droits de laquelle vient désormais la SCI Epargne foncière, elle-même venant aux droits de la société Eurofoncière 2 à la suite d’un traité de fusion absorption mise en ‘uvre à compter du 16 mars 2021, a donné à bail commercial à la SAS Monoprix exploitation un local en état futur d’achèvement situé sur un terrain à l’angle des [Adresse 6] et [Adresse 5] (93)pour une durée de douze année commençant à courir à compter de l’achèvement des biens, moyennant un loyer annuel de 340.000 ‘ hors taxes et hors charges.
Le bail a pris effet le 16 juillet 2009 suivant procès-verbal de mise à disposition et état des lieux d’entrée régularisé entre la SAS Monoprix exploitation et la SCI Saint Gervais Delteral.
Par acte extrajudiciaire du 31 juillet 2020, la SAS Monoprix exploitation a fait assigner la société Eurofoncière 2 devant le tribunal judiciaire de Bobigny au motif que la clause d’indexation du contrat de bail commercial doit être réputée non écrite et aux fins d’obtenir le remboursement des loyers et de la TVA trop-perçus.
Par jugement en date du 15 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
– déclaré recevable l’intervention volontaire de la SCI Epargne foncière, venant aux droits de la société Eurofoncière 2 ;
– déclaré non écrite la clause d’indexation insérée au contrat de bail commercial du 27 juillet 2007 liant la SAS Monoprix exploitation et la SCI Epargne foncière ;
– condamné la SCI Epargne foncière à rembourser à la SAS Monoprix exploitation l’intégralité du trop-perçu pour une somme de 579.658,27 euros hors taxes, outre la taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 115.931,67 euros, soit un total de 695.589,94 euros toutes taxes comprises ;
– condamné la SCI Epargne foncière à payer à la SAS Monoprix exploitation la somme de 3.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– condamné la SCI Epargne foncière aux dépens de l’instance et autorise la SCP Hb&Associés, représentée par Maître Gilles Hittinger-Roux, avocat, à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– rappelé que la présente décision est de droit assortie de l’exécution provisoire.
Par déclaration en date du 21 octobre 2021, la société Epargne foncière a interjeté appel du jugement en ce qu’il a :
– déclaré non écrite la clause d’indexation insérée au contrat de bail commercial du 27 juillet 2007 liant la SAS Monoprix exploitation et la SCI Epargne foncière ;
– condamné la SCI Epargne foncière à rembourser à la SAS Monoprix exploitation l’intégralité du trop-perçu pour une somme de 579.658,27 euros hors taxes, outre la taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 115.931,67 euros, soit un total de 695.589,94 euros toutes taxes comprises ;
– condamné la SCI Epargne foncière à payer à la SAS Monoprix exploitation la somme de 3.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– condamné la SCI Epargne foncière aux dépens de l’instance et autorise la SCP Hb&Associés, représentée par Maître Gilles Hittinger-Roux, avocat, à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– rappelé que la présente décision est de droit assortie de l’exécution provisoire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Aux termes de ses conclusions notifiées le 21 novembre 2023, la société Epargne foncière, appelante, demande à la cour de :
– infirmer le jugement dont appel du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 15 septembre 2021 en ce que celui-ci, à tort : « Déclare non écrite la clause d’indexation insérée au contrat de bail commercial du 27 juillet 2007 liant la SAS Monoprix exploitation et la SCI Epargne foncière » ; « Condamne la SCI Epargne foncière à rembourser à la SAS Monoprix exploitation l’intégralité du trop-perçu pour une somme de 579.658,27 euros hors taxes, outre la taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 115.931,67 euros, soit un total de 695.589,94 euros toutes taxes comprises » ; « Condamne la SCI Epargne foncière à payer à la SAS Monoprix exploitation la somme de 3.000 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile », « Déboute les parties du surplus de leurs demandes », mais uniquement lorsqu’il déboute la SCI Epargne foncière de ses demandes ; « Condamne la SCI Epargne foncière aux dépens de l’instance et autorise la SCP Hb&Associés, représentée par Maître Gilles Hittinger-Roux, avocat, à les recouvrer directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile » ; « Rappelle que la présente décision est de droit assortie de l’exécution provisoire » ;
– et plus généralement, l’infirmer également en toutes dispositions non visées au dispositif et faisant grief à l’appelante, selon les moyens développés dans ses conclusions et au vu des pièces de première instance et de celles communiquées devant la cour ;
et statuant de nouveau et ajoutant en tant que de besoin :
A titre principal :
– déclarer valable en son ensemble la clause résultant de l’application combinée des articles 4.2 des conditions particulières et 4.4 des conditions générales du contrat de bail commercial du 27 juillet 2007 liant la SAS Monoprix exploitation et la SCI Epargne foncière, et ;
– débouter en conséquence la société Monoprix exploitation de l’intégralité de ses demandes principales tendant à voir (i) « confirmer le jugement entrepris en toutes ses disposition » et (ii) « déclarer les demandes de la société Epargne foncière prétendument irrecevables et mal fondées » et par conséquent à voir (iii) juger que ladite clause est prétendument réputée non écrite et (iv) condamner la société Epargne foncière à lui rembourser l’intégralité d’un prétendu trop-perçu des loyers correspondants, arrêté à un montant de 579.658,37 euros HT ainsi qu’un prétendu trop-perçu de TVA s’élevant à 115.931,67 euros ;
– déclarer au surplus que ladite clause n’est ni ambiguë, ni inapplicable, ni sujette à interprétation, que ce soit sur le jour d’application de l’indexation, l’indice applicable à l’indexation ou encore la formule d’indexation, et ;
– débouter en conséquence également la société Monoprix exploitation de l’intégralité de ses demandes subsidiaires tendant à voir (i) interpréter ladite clause comme prévoyant une indexation au 16 juillet de l’année, sur la base de l’indice du coût de la construction du 4e trimestre, et selon la formule d’indexation à base évolutive et (ii) condamner la société Epargne foncière à lui rembourser un prétendu trop-perçu de loyers au titre des cinq dernières années à compter de l’introduction de la procédure, arrêté à un montant de 176.386,28 euros HT ainsi qu’un prétendu trop-perçu de TVA s’élevant à 35.277,26 euros ;
– et débouter plus généralement la société Monoprix exploitation de l’intégralité de ses demandes, fins, et conclusions ;
A titre subsidiaire, si par impossible, la Cour devait estimer que la clause résultant de la lecture combinée 4.2 des conditions particulières et 4.4 des conditions générales du contrat de bail (i) constitue une simple clause d’indexation comportant une période de variation d’indice supérieure à la durée s’étant écoulée entre la date de prise d’effet du bail et la première révision ou (ii) devrait à ce titre être « interprétée » comme soutenu à titre subsidiaire par la locataire :
– déclarer (i) que seule est susceptible d’être réputée non-écrite la stipulation définissant le premier indice de base générant distorsion ponctuelle lors de la première révision, (ii) que cette stipulation est divisible de la clause dans son ensemble, et (iii) que ladite clause est a contrario valable pour le surplus de ses stipulations (en prenant en compte comme premier indice de référence l’indice du Coût de la Construction du 1er trimestre 2009, ou plus subsidiairement l’indice du Coût de la Construction du 4ème trimestre 2008 comme subsidiairement demandé par la locataire) ;
– déclarer par suite prescrite et par conséquent irrecevable la société Monoprix exploitation en toute demande de répétition ou remboursement des sommes trop perçues afférentes à la période antérieure au 31 juillet 2015, dès lors que son exploit introductif d’instance a été délivré le 31 juillet 2020, et par conséquent l’en débouter ;
– débouter en outre la société Monoprix exploitation de toute demande de répétition ou remboursement de la Taxe sur la Valeur Ajoutée afférente aux sommes à restituer dès lors qu’elle ne prouve pas avoir été ou être dans l’incapacité de récupérer ladite Taxe sur la Valeur Ajoutée ;
– ordonner en conséquence que la restitution / le remboursement à opérer au profit de la société Monoprix exploitation soit limité(e) à la somme de 144.403,70 ‘ (en prenant en compte l’indice du Coût de la Construction du 1er trimestre 2009 comme premier indice de référence), et à titre plus subsidiaire à la somme de 174.808,59 ‘ (en prenant en compte, comme subsidiairement demandé par la locataire, l’indice du Coût de la Construction du 4ème trimestre 2008 comme premier indice de référence), excluant tout remboursement de la Taxe sur la Valeur Ajoutée y afférent(e) ;
– débouter la société Monoprix exploitation du surplus de ses demandes, fins, et conclusions, comme de toute demande autre, plus ample, ou contraire ;
A titre encore plus subsidiaire, si par impossible, la cour devait estimer non-écrite dans son ensemble la clause résultant de la lecture combinée 4.2 des conditions particulières et 4.4 des conditions générales du contrat de bail :
– déclarer prescrite et par conséquent irrecevable la société Monoprix exploitation en toute demande de répétition ou remboursement des sommes trop perçues consécutives à l’invalidation de la clause dans son ensemble et afférentes à la période antérieure au 31 juillet 2015, dès lors que son exploit introductif d’instance a été délivré le 31 juillet 2020, et par conséquent l’en débouter ;
– débouter en outre la société Monoprix exploitation de toute demande de répétition ou remboursement de la Taxe sur la Valeur Ajoutée afférente aux sommes à restituer dès lors qu’elle ne prouve pas avoir été ou être dans l’incapacité de récupérer ladite Taxe sur la Valeur Ajoutée ;
– ordonner en conséquence que la restitution / le remboursement à opérer au profit de la société Monoprix exploitation soit limité(e) à la somme de 319.861,12 ‘, excluant tout remboursement de la Taxe sur la Valeur Ajoutée y afférent(e) ;
– débouter la société Monoprix exploitation du surplus de ses demandes, fins, et conclusions, comme de toute demande autre, plus ample, ou contraire ;
En tout état de cause :
– constater qu’aux termes de ses conclusions d’intimée du 29 mars 2022, la société Monoprix exploitation demande à la cour d’appel de « confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions » et ne forme donc à l’encontre dudit jugement aucun appel incident tendant à l’infirmation partielle de celui-ci en ce qu’il la déboute de sa demande de « juger que les sommes auxquelles la société Epargne foncière est condamnée produiront intérêts au taux légal, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil. » ;
– ordonner dès lors qu’en l’absence de toute demande d’infirmation formée à cet égard par voie d’appel incident, la cour d’appel ne peut que confirmer sur ce point la décision entreprise ;
– confirmer dès lors le jugement entrepris en ce qu’il déboute la société Monoprix exploitation de sa demande de « juger que les sommes auxquelles la société Epargne foncière est condamnée produiront intérêts au taux légal, conformément aux dispositions de 42 l’article 1231-6 du code civil » et débouter corrélativement la société Monoprix exploitation de sa demande de « juger que les sommes auxquelles la société Epargne foncière est condamnée produiront intérêts au taux légal, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil » formée dans ses conclusions d’intimée ;
– débouter la société Monoprix exploitation de toutes demandes formées aux titres (i) de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et (ii) des dépens de première instance et d’appel ;
– débouter plus généralement la société Monoprix exploitation de toutes demandes, fins ou conclusions autres, plus amples, ou contraires au présent dispositif ;
– condamner la société Monoprix exploitation à payer à la société Epargne foncière les sommes de (i) 8.000 ‘ au titre de ses frais irrépétibles de première instance, et de (ii) 8.000 ‘ complémentaires au titre de ses frais irrépétibles d’appel, le tout sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Monoprix exploitation aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont, pour ceux d’appel, bénéfice de la distraction prévue par l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Lexavoue Paris Versailles, agissant par Maître Matthieu Boccon-Gibod, avocat au Barreau de PARIS ;
– rappeler que l’arrêt à intervenir constitue un titre exécutoire de restitution des fonds versés en application des dispositions infirmées du jugement assorti de l’exécution provisoire, cette restitution portant elle-même intérêts au taux légal, à compter de la date à laquelle l’exécution provisoire a été mise en ‘uvre jusqu’à complet remboursement et bénéfice de la capitalisation prévue par l’article 1154 ancien du code civil devenu l’article 1343-2 actuel du code civil.
Au soutien de ses prétentions, la société Epargne Foncière fait valoir :
A titre principal,
– Sur la validité de la clause litigieuse
sur le fait que l’indexation est distincte de l’actualisation du loyer, qui échappe à l’ensemble des dispositions régissant la clause d’indexation, en ce que l’actualisation fait varier le loyer pour la seule période entre la signature du bail et sa date d’effet et, à ce titre, elle doit clairement être distinguée de la clause d’échelle mobile qui est applicable pendant la durée du bail ;
sur le fait que la clause figurant au bail comporte un double mécanisme d’actualisation puis d’indexation, sur le fondement de l’article 1188 du code civil, anciennement 1156, contrairement à ce que soutient l’intimée, l’absence du mot « actualisation » dans les termes du bail ne démontre pas que la commune intention des parties n’était pas d’actualiser le loyer à une date ultérieure à celle de la signature du bail, qui transparaissait de la stipulation d’une date de prise d’effet du bail différée ; que le fait que le preneur n’ait pas contesté ce mécanisme pendant les 10 dernières années démontre sa compréhension parfaite de ce mécanisme ;
sur l’approche erronée des premiers juges qui se sont déterminées uniquement en fonction de leur interprétation personnelle de la convention des parties ; que, sur le fondement de l’article 1188 du code civil, ancien 1156, au-delà du seul sens littéral, la clause litigieuse devait être regardée comme combinant les effets de l’actualisation puis de l’indexation du loyer ; que, sur le fondement de l’article 1189 du code civil, ancien 1161, et de l’article 1191 du même code, ancien 1157, les premiers juges ont privé de sens la stipulation voulue par les parties et manqué d’assurer l’application de la clause en respectant la cohérence de l’acte en son entier ;
sur l’absence d’ambiguïté de la clause litigieuse que, sur le jour d’application de l’indexation, le bail indique que l’indexation sera pratiquée au début de chaque « nouvelle période », s’entendant par le début de « chaque période annuelle » selon la lettre de l’article 4.4 des conditions générales du bail ; que, sur l’indice applicable à l’indexation, le contrat de bail ne fait aucunement référence à « l’indice du 4ème trimestre » et, au contraire, sa prise en compte aurait conduit à des distorsions ; que, sur le fait que la formule d’indexation est parfaitement applicable, l’intimée ne peut soutenir que le bail ne serait sujet à actualisation du fait de sa prise d’effet différé alors que ladite date de prise d’effet constitue un terme suspensif à l’application de la clause d’indexation du bail. La formulation de la clause d’indexation est ainsi parfaitement applicable concernant les baux tels que celui en l’espèce ; que, sur l’interprétation de la clause, aucune des clauses du contrat n’apparaît équivoque et le preneur n’a jamais contesté que les clauses stipulées sont régulières ;
– Sur le fait que la distorsion créée par la clause, à la supposer établie, ne serait que ponctuelle et donc insusceptible d’invalider la clause dans son ensemble, que, sur le fondement de l’article L. 112-1 du code monétaire et financier, une distorsion ponctuelle ne permet pas d’invalider la clause en son entier et l’entier déroulement du contrat doit être pris en compte dans l’appréciation de la distorsion ; qu’au cas d’espèce, à supposer que la cour considère être en présence d’une clause d’indexation comportant une période de variation d’indice supérieure à la durée s’étant écoulée entre la date de prise d’effet du bail et la première révision, seule cette stipulation divisible de l’ensemble de la clause litigieuse, à savoir la seule stipulation de l’indice du 1er trimestre 2007 comme indice de référence, devrait alors être réputée non-écrite sur le fondement de la jurisprudence de la Cour de cassation ; que l’intimée a reconnu elle-même que l’hypothétique distorsion ne peut conduire à réputer non-écrite dans son ensemble la clause litigieuse dès lors qu’elle a demandé à titre subsidiaire d’entériner un nouveau calcul du loyer indexé selon l’indice qu’elle estime applicable ;
En tout état de cause,
– Sur la prescription quinquennale de l’action en répétition de l’indu et l’impossibilité d’allouer à l’intimée un remboursement de la TVA
sur la prescription quinquennale de l’action en répétition de l’indu, que, sur le fondement des articles 1235 ancien et 1302 du code civil, de l’article 2224 du même code, des articles 122, 123, 124, 564 du code de procédure civile, la prescription quinquennale s’applique compte tenu du fait que l’intimée a attendu près de dix années pour faire valoir le réputé non-écrit de la clause litigieuse et solliciter le remboursement des sommes versées en exécution de ladite clause ; la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en répétition de l’indû exercée par l’intimée entraîne la remise en cause de la décision dont appel et la cour ne pourra que limiter le montant des restitutions possibles aux seules sommes afférentes à des périodes antérieures de moins de 5 ans à la date de l’exploit introductif d’instance ;
sur les objections inopérantes de l’intimée quant à la prescription quinquennale, l’intimée fonde en réalité son action sur l’article 1302 du code civil et non sur l’article L. 112-1 al.2 du CMF, action qui est donc régie par la prescription quinquennale de droit commun ;
sur l’absence de prescription de l’action en répétition de l’indu alléguée à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 2224 du code civil, que l’intimée connaissait les faits justifiant de son action à la date de la première indexation contractuelle par le bailleur, soit le 30 août 2010 de sorte que sa demande de restitution de sommes afférentes à la période antérieure au 31 juillet 2015 est donc prescrite ;
sur le prétendu « recalcul » des sommes non prescrites invoqué à titre encore plus subsidiaire, ce « recalcul » vient du fait que l’intimée considère à tort comme non prescrites dans ses calculs de restitution les sommes afférentes à la période du 16 au 31 juillet 2015 alors que ces sommes sont incontestablement prescrites ;
sur l’impossibilité d’allouer à l’intimée un remboursement de TVA que l’intimée n’a jamais administré la preuve que ses activités professionnelles ne sont pas soumises à cette taxe afin de justifier de ce remboursement. ;
– Sur la demande formée par l’intimée relative aux intérêts que, faute pour l’intimée d’avoir formé un appel incident valable en sollicitant l’infirmation sur ce point du jugement entrepris, la cour ne pourra que confirmer ledit jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 25 janvier 2023, la société Monoprix exploitation, intimée, demande à la cour de :
A titre principal :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
– déclarer les demandes de la société Épargne foncière irrecevables et mal fondées ;
– déclarer les demandes de la société Monoprix exploitation recevables et débouter la société Épargne foncière de sa fin de non-recevoir liée à la prescription ;
A titre subsidiaire :
– juger que la prescription ne saurait faire obstacle aux demandes de restitution de la société Monoprix exploitation à hauteur de la somme minimum de 319 895,73 ‘ HT ;
– condamner la société Épargne foncière à restituer à la société Monoprix exploitation la somme de 319 895,73 ‘ HT ainsi que le trop-perçu de TVA soit 63 979,15 ‘ ;
A titre plus subsidiaire :
– juger que la clause d’indexation du contrat de bail commercial à effet du 16 juillet 2009 doit être interprétée comme prévoyant une indexation au 16 juillet de l’année, que l’indice à appliquer est l’indice du Coût de la Construction du 4ème trimestre et que la formule adéquate est la formule d’indexation à base évolutive ;
– juger que la prescription ne saurait faire obstacle aux demandes de restitution de la société Monoprix exploitation à hauteur de la somme minimum de 174 830,21 ‘ HT ;
– condamner en conséquence la société Épargne foncière à restituer à la société Monoprix exploitation la somme de 174 830,21 ‘ HT ainsi que le trop-perçu de TVA s’élevant à 34 966,04 ‘ ;
En tout état de cause :
– juger que les sommes auxquelles la société Épargne foncière est condamnée produiront intérêts au taux légal, conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil ;
– condamner la société Épargne foncière à payer à la société Monoprix exploitation, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Épargne foncière en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Frédérique Etevenard, Avocat au Barreau de Paris, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société Monoprix Exploitation oppose :
A titre principal,
– Sur le fait que la clause d’indexation est réputée non écrite, que, sur le fondement de l’article L. 112-1 du CMF, de l’article L. 145-39 du code de commerce, des articles 1235, 1376 et 1377 du code civil, la période de variation indiciaire, de 3 ans, était bien supérieure à la durée s’étant écoulée entre la prise d’effet du bail (16 juillet 2009) et le nouveau loyer indexé (16 juillet 2010) et a donc entraîné une distorsion; qu’au contraire d’une clause d’indexation ne jouant qu’à la hausse dans laquelle il est possible de supprimer la stipulation litigieuse, il n’est pas possible, en l’espèce, d’isoler la partie de clause litigieuse car c’est le mode de calcul prévu par la clause qui a créé la distorsion ; que la clause devra ainsi être réputée non-écrite en totalité ; qu’additionnellement, l’appelante ne saurait prétendre avoir effectué une simple actualisation car cette dernière ne se présume pas, qu’aucune référence n’est faite à ce sujet dans le bail et que l’indice BT01 est retenu dans le cadre d’une actualisation et non l’ILC ou l’ICC ;
– Sur la prescription soulevée en appel, que l’action en répétition de l’indu est imprescriptible car étant le corollaire de l’action en réputé non-écrit qui est également imprescriptible ; qu’à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 2224 du code civil, le preneur n’a eu connaissance de l’irrégularité de la clause qu’à compter du 7 février 2019, date du premier courrier où elle en fait mention dans ses rapports avec le bailleur de sorte que la prescription n’a donc commencé à courir qu’à cette date; qu’à titre plus subsidiaire, si la prescription n’avait commencé à courir pour chaque somme facturée, qu’à compter de leur exigibilité, et n’avait été interrompue, comme le soutient le bailleur, qu’à compter du 31 juillet 2020, date de délivrance de l’assignation introductive d’instance, les sommes prescrites s’élèveraient à un montant de 319.895,73 ‘ HT ; qu’à titre encore plus subsidiaire, si la clause d’indexation n’était pas jugée illicite, il conviendrait d’exclure la période du 16 au 31 juillet 2015 soit un total de 174.830,21 ‘ HT ;
A titre subsidiaire,
– sur la restitution des trop-perçus de loyers en raison de l’application de la clause illicite d’indexation,
sur l’ambiguïté de la clause d’indexation que la formulation de la clause ne permet de déterminer avec certitude le jour d’application de l’indexation ; que la clause permet d’envisager l’application de deux indices différents et aucune précision quant à « l’indice INSEE » à utiliser n’est effectuée ; que les deux articles relatifs à cette clause d’indexation semblent également se contredire en évoquant pour l’un une indexation à base évolutive et pour l’autre une indexation à base fixe ; qu’à défaut de valeur correspondant au dénominateur de la formule d’indexation, la clause est privée de son efficacité ;
sur l’interprétation de la clause, que, sur le fondement des articles 1161 et 1162 anciens du code civil, la clause étant équivoque et nécessitant donc une interprétation, une lecture cohérente de la clause permet de considérer que l’indexation s’effectue le 16 juillet de l’année ; qu’en outre, l’indice à appliquer est l’indice ICC du 4ème trimestre et la formule adéquate est la formule d’indexation à base évolutive, ce qui légitime la demande de la société intimée à demander la restitution de la somme de 174.830,21 euros correspondant aux loyers trop-perçus et celle de 34.966,04 euros correspondant à la TVA trop-perçue.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire de la SCI Épargne Foncière, venant aux droits de la société Eurofoncière 2, condamné la SCI Épargne Foncière à payer à la SAS Monoprix exploitation la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté les parties du surplus de leurs demandes, condamné la SCI aux dépens de l’instance et autorisé la SCP HB&Associés, représentée par Maître Gilles Hittinger-Roux, avocat, à les recouvrer directement, conformément aux disposions de l’article 699 du code de procédure civile ;
L’infirme en ses autres dispositions ;
Statuant de nouveau,
Déclare réputé non écrit le point « 4.2 ‘ Indexation » de l’ « article 4 ‘ Loyer » des conditions particulières inséré au contrat de bail commercial du 27 juillet 2007 liant la SAS Monoprix exploitation et la SCI Épargne Foncière ;
Ordonne que le remboursement à opérer au profit de la SAS Monoprix exploitation soit limité à la somme de 174.830,20 euros ;
Déboute la SAS Monoprix exploitation de sa demande de remboursement des sommes versées au titre de la T.V.A. ;
Rappelle que l’arrêt à intervenir constitue un titre exécutoire de restitution des fonds versés en application des dispositions infirmées du jugement assorti de l’exécution provisoire ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la SCI Épargne Foncière à payer à la SAS Monoprix exploitation la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Épargne Foncière à supporter la charge des dépens d’appel.
La greffière La présidente
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