Cour d’appel de Paris, 3 avril 2025, RG n° 21/09080
Cour d’appel de Paris, 3 avril 2025, RG n° 21/09080

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Licenciement sans cause réelle et sérieuse : requalification et indemnités accordées.

Résumé

Une réceptionniste, engagée par la société Santa Fe Relocation Services, a vu sa relation de travail évoluer d’un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée. En mai 2017, l’employeur lui a proposé un poste en mobilité interne, suivi d’une mission de recouvrement acceptée en février 2018. Cependant, des tensions sont apparues lors de propositions de modification de son contrat, notamment en juillet et août 2018, que la salariée a refusées, invoquant des demandes de progression salariale.

Le 4 octobre 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable au licenciement pour motif économique. Après avoir adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle, son licenciement a été effectif le 25 octobre 2018. Contestant la légitimité de son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes en octobre 2019, demandant des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d’autres compensations.

Le jugement du 17 septembre 2021 a requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société à verser des indemnités. L’employeur a interjeté appel, contestant la requalification et les montants alloués. Dans ses écritures, la société a soutenu que le licenciement était justifié par des motifs économiques liés à une réorganisation nécessaire pour la compétitivité de l’entreprise, mais n’a pas réussi à prouver l’existence d’une menace sur cette compétitivité.

La cour d’appel a confirmé le jugement de première instance, soulignant l’absence de preuve d’une recherche sérieuse de reclassement et d’une justification économique pour le licenciement. Elle a également accordé des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, en raison du manquement de l’employeur à ses obligations. La société a été condamnée à rembourser les indemnités de chômage versées à la salariée et à verser des frais d’avocat.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 03 AVRIL 2025

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09080 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CES6Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU – RG n° F 19/00574

APPELANTE

S.A.S.U. SANTA FE RELOCATION SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Saskia HENNINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487

INTIMÉE

Madame [I] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie LECRUBIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1644

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie ALA, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre,

Madame Stéphanie ALA, Présidente,

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sonia BERKANE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Stéphanie ALA, Présidente de chambre, et par Madame Estelle KOFFI, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [I] [N] a été engagée en qualité de réceptionniste, accueil et assistante administrative par la société Interdean dénommée Santa Fe Relocation services (ci-après la société Santa Fe) par contrat à durée déterminée le 9 décembre 2010. A compter du 1er juillet 2011, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, la salariée occupant alors le poste d’assistante administrative et assistante comptable, statut employé.

La société est spécialisée dans les déménagements internationaux.

La société emploie plus de dix salariés et la convention collective applicable est la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport du 21 décembre 1950 ( IDCC 16).

Par courriel en date du 2 mai 2017, l’employeur a adressé à la salariée une proposition d’offre d’emploi en mobilité interne au poste d’assistante administrative an sein des départements DSP relocation et immigration.

Par lettre en date du 27 février 2018 , la société Santa Fe a adressé à la salariée une proposition de mission du 1er mars au 30 mai 2018 a’n d’effectuer un travail de recouvrement auprès de clients spécifiques qu’elle a accepté.

Par lettre date du 26 juin 2018 remise en mains propres le 10 juillet suivant, l’employeur a adressé à la salariée une proposition de modi’cation du contrat de travail.

Par lettre du 13 juillet 2018, Mme [N] a adressé une contre-proposition de modi’cation de son contrat de travail comportant une progression de salaire.

Le 17 juillet 2018, son employeur a reporté le délai de réflexion à la demande de Mme [N] au 31 juillet 2018.

Par lettre date du 31 juillet 2018, Mme [N] a refusé la proposition de modi’cation de son contrat de travail.

Par lettre date du 9 août 2018, l’employeur lui a adressé un courrier avec pour objet ‘proposition de modification de votre contrat pour motif économique’ en application de l’article L.1222-6 du code du travail. Mme [N] a refusé la proposition de modification du contrat de travail pour motif économique par lettre du 4 septembre 2018.

Par courriel du 14 septembre 2018, la société Santa Fe a fait savoir à la salariée que sur deux postes disponibles pour permettre son reclassement seul un pouvait être utilement pourvu par elle. Par lettre du 24 septembre 2018, la salariée a refusé le poste d’assistante administrative DPS et IMMS.

Par lettre du 26 septembre 2018, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement pour motif économique fixé au 4 octobre 2018. Le jour même l’employeur lui a remis un courrier d’information sur le motif économique du projet de licenciement ainsi qu’une proposition d’adhésion au CSP.

Mme [N] a adhéré au CSP le 16 octobre 2018. La rupture est intervenue le 25 octobre 2018.

Mme [N] a saisi la juridiction prud’homale le 2 octobre 2019 afin de contester le bien fondé de son licenciement et obtenir le paiement de sommes en conséquence, elle a réclamé également une indemnité pour clause de non-concurrence, une indemnité de remplacement et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement rendu le 17 septembre 2021, notifié aux parties le 28 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Longjumeau a :

– Fixé le salaire moyen brut de Mme [N] à la somme de 2 984,44 euros,

– Requalifié le licenciement économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Condamné la société Santa Fe Relocation services, à verser à Mme [N] les sommes suivantes:

* 11 957,76 euros (onze mille neuf cent cinquante sept euros et soixante seize centimes) au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 44,02 euros (quarante quatre euros et deux centimes) au titre du complément d’indemnité de licenciement,

* 8 968,32 euros (huit mille neuf cent soixante huit euros et trente deux centimes) au titre de l’indemnité de clause de non-concurrence,

* 1 000,00 euros (mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Dit que ces sommes portent intérêt au taux légal à compter de la noti’cation de la présente décision,

– Dit que les intérêts échus depuis plus d’un an à compter de la noti’cation de la présente décision,

– Débouté Mme [N] du surplus de ses demandes.

– Mis les entiers dépens à la charge de la société Santa Fe Relocation services y compris les frais d’huissiers en cas d’exécution forcée du jugement.

La société Santa Fe a interjeté appel le 28 octobre 2021.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique que 20 novembre 2024, la société Santa Fe, appelante, demande à la cour de :

– Infirmer jugement en ce qu’il a:

– Jugé le licenciement économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– L’a condamnée à verser à Mme [N] les sommes suivantes :

* 11 957,76 euros (onze mille neuf cent cinquante-sept euros et soixante- seize centimes) au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 44,02 euros (quarante-quatre euros et deux centimes) au titre du complément d’indemnité de licenciement ;

* 1 000,00 (mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit que ces sommes portent intérêt au taux légal à compter de la notification de la présente décision ;

– Dit que les intérêts échus depuis plus d’un an à compter de la notification de la présente décision;

– Mis les entiers dépens à sa charge y compris les frais d’huissier en cas d’exécution forcée du présent jugement.

– Confirmer le jugement en ce qu’il a:

– Fixé le salaire moyen brut de Mme [N] à la somme de 2 984,44 euros ;

– Débouté Mme [N] de sa demande d’indemnité de remplacement et de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

En conséquence :

A titre principal :

– Juger le licenciement pour motif économique bien fondé ;

– Juger qu’elle a loyalement exécuté le contrat de travail ;

– Juger que Mme [N] n’est pas fondée en sa demande d’indemnité de remplacement,

– Débouter Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Débouter Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– Débouter Mme [N] de sa demande d’indemnité de remplacement ;

– Limiter la somme versée au titre de complément de l’indemnité de licenciement à la somme de 33,66 euros

– Débouter Mme [N] de sa demande de condamnation à l’article 700, aux entiers dépens, intérêts au taux légal et capitalisation,

– Débouter Mme [N] de l’ensemble de ses demandes,

– Condamner Mme [N] au paiement de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

– Limiter l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 8.953,32 ‘ nets.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 31 août 2022, Mme [N], intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– Requalifié le licenciement économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Condamné la société Santa Fe à lui régler un complément d’indemnité de licenciement et un article 700 du code de procédure civile,

– Confirmer le principe de la condamnation à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le réformer sur le montant,

– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande relative au versement d’une indemnité de fonction de remplacement sur la période avril ‘ septembre 2017,

– L’infirmer en ce qu’il l’ a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Et statuant à nouveau :

– Condamner la société Santa Fe à lui régler les sommes suivantes :

* 26 904.96 euros à titre indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 44.02 euros à titre de complément d’indemnité de licenciement,

* 10 000 euros à titre d ‘indemnité de fonction de remplacement,

*18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouter la société Santa Fe société de ses demandes

– Condamner la société Santa Fe aux entiers dépens, intérêts au taux légal et capitalisation (article 1343-2 code civil).

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux écritures déposées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 novembre 2024.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort :

– INFIRME, dans les limites de l’appel, le jugement en ce qu’il a débouté Mme [I] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, condamné la société Santa Fe Relocation service à verser à Mme [I] [N] la somme de 44,02 euros à titre de reliquat d’indemnité de licenciement, en ce qu’il a dit que les dépens comprendront les frais d’exécution forcée du jugement,

– Le CONFIRME pour le surplus,

– Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

– PRÉCISE que les condamnations s’entendent en brut,

– CONDAMNE la société Sante Fe Relocation services à verser à Mme [I] [N] les sommes de

* 33,66 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

– DIT qu’il sera fait application de l’article 1343-2 du code civil pour les intérêts échus depuis un an,

– DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,

– ORDONNE à la société Santa Fe Relocation services de rembourser à France Travail le montant des indemnités de chômage versées à Mme [I] [N] dans la limite de trois mois,

– CONDAMNE la société Sante Fe Relocation services à verser à Mme [I] [N] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– CONDAMNE la société Santa Fe Relocation services à supporter la charge des entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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