Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Remboursement des frais de scolarité en cas de force majeure : conditions et implications.
→ RésuméDans cette affaire, une mère, en tant que représentante légale de son fils, a sollicité l’inscription de celui-ci en première année de classe préparatoire « BCPST » dans un établissement éducatif pour l’année scolaire 2021/2022. Après l’acceptation de la candidature, les frais de scolarité de 10 300 euros ont été réglés. Cependant, le 10 novembre 2021, la mère a informé l’établissement que l’état de santé de son fils ne lui permettait pas de poursuivre sa formation, accompagnant sa demande d’un certificat médical et sollicitant la résiliation du contrat ainsi que le remboursement des frais au prorata du temps passé.
Face à l’absence de réponse de l’établissement, la mère a assigné celui-ci devant le tribunal judiciaire, demandant le remboursement de 7 875 euros, ainsi que des intérêts et des frais. Le tribunal a rendu un jugement le 28 septembre 2023, déboutant la mère de ses demandes et la condamnant à verser 500 euros à l’établissement au titre des frais de justice. Le juge a estimé que la mère ne pouvait pas invoquer un cas de force majeure pour justifier la résiliation du contrat. La mère a interjeté appel de cette décision, soutenant que l’état de santé de son fils constituait un cas de force majeure et que l’établissement avait agi de manière abusive en ne répondant pas à ses demandes. Elle a également contesté le traitement réservé à son fils par l’établissement, affirmant que l’incident survenu entre élèves ne justifiait pas le refus de remboursement. En appel, la cour a infirmé le jugement de première instance, condamnant l’établissement à rembourser la somme de 7 875 euros, augmentée des intérêts, tout en rejetant la demande d’indemnisation pour résistance abusive. L’établissement a été condamné à supporter les dépens et à verser 1 500 euros à la mère en application de l’article 700 du code de procédure civile. |
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 20 MARS 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/18787 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CISF7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 septembre 2023 – Tribunal de proximité de PARIS – RG n° 23/01899
APPELANTE
Madame [K] [L] épouse [M]
née le 08 Avril 1975 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée et assistée de Me Lucile JOURNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0184
INTIMÉ
Etablissement [3], SARL prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2]
DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 5 février 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Hélène BUSSIERE, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par bulletin de candidature du 28 avril 2021, Mme [K] [L] épouse [M] a sollicité l’inscription de son fils [C] [M] en 1ère année de classe préparatoire « BCPST » au [3] à [Localité 6], au titre de l’année scolaire 2021/2022. Le dossier a été accepté et il a été procédé à l’inscription d'[C] et le montant des frais a été payé par virement du 4 août 2021 pour 10 300 euros.
La scolarité a débuté le 1er septembre 2021 et par courrier recommandé du 10 novembre 2021, Mme [M] a informé l’établissement que l’état de santé de son fils ne lui permettait pas de poursuivre la formation en joignant un certificat médical et en sollicitant la résiliation du contrat de scolarité et le remboursement des frais de scolarité au prorata du temps passé.
En l’absence de réponse et après avoir mandaté sa compagnie d’assurance GMF, Mme [M] a, par acte du 13 juillet 2022, fait assigner le [3] devant le pôle de proximité du tribunal judiciaire de Paris, aux fins d’obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 7 875 euros outre intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2021, les dépens et une somme de 2 000 euros à titre d’indemnité pour les frais irrépétibles engagés.
Suivant jugement contradictoire du 28 septembre 2023 auquel il convient de se reporter, le juge a débouté Mme [M] de ses prétentions et l’a condamnée à verser au [3] une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Le juge a relevé que Mme [M] était débitrice d’une obligation de paiement qu’elle avait exécutée, et créancière pour son fils d’une obligation d’enseignement et qu’elle était mal fondée à invoquer un cas de force majeure pour obtenir la résolution du contrat et le remboursement partiel du prix.
Mme [M] a relevé appel de ce jugement par déclaration enregistrée le 21 novembre 2023.
Aux termes de ses conclusions remises le 15 février 2024 , elle demande à la cour’:
– d’infirmer la décision,
– statuant à nouveau,
– de dire qu’elle est recevable et bien fondée en ses demandes,
– de condamner le [3] à lui payer la somme de 7 875 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 novembre 2021,
– de condamner le [3] à lui payer la somme de 1’500 euros à titre de dommages et intérêts à raison de sa résistance abusive,
– de condamner le [3] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle invoque un cas de force majeure au sens de l’article 1218 du code civil, la maladie revêtant un caractère imprévisible et rappelle qu’il est de jurisprudence constante que la clause, dans un contrat d’enseignement privé, qui ne prévoit aucune faculté de résiliation avec dispense du paiement de forfait intégral pour motif légitime et impérieux doit être considérée comme abusive, en s’appuyant sur l’article L. 212-1 du code de la consommation. Elle note que l’établissement ne s’est jamais prévalu d’aucune clause contractuelle et pour cause, puisqu’il n’a jamais établi le moindre contrat ni même communiqué les clauses de son règlement intérieur.
Elle soutient que l’établissement s’est appuyé uniquement sur une altercation qui s’était produite entre deux élèves, pourtant en dehors de l’établissement scolaire, pour « justifier » son refus de remboursement et écarter la force majeure et qu’il a présenté les faits d’une manière totalement dévoyée en s’appuyant sur de nombreuses contre-vérités. Elle expose qu’une altercation a bien eu lieu le 1er octobre 2021 entre [C] et l’un de ses camarades de classe, en dehors du site, qu’en réalité que [C] s’est fait agresser par [I] et que c’est face à cette agression qu'[C] s’est défendu et indique qu’aucun des trois élèves qui attestent avoir assisté à la scène n’était présent. Elle ajoute que contrairement à ce qui est prétendu par le directeur et par les prétendus témoins, [C] n’a pas été placé en garde à vue et qu’aucune suite judiciaire n’a été donnée à cette altercation. Elle précise que l’établissement prétend avoir tout fait pour faciliter sa réintégration et apaiser les tensions mais que force est de constater que tel ne fut pas le cas puisqu'[C] a été contraint de présenter des excuses devant tous ses professeurs et camarades et qu’un événement qui ne s’était pas produit dans l’enceinte de l’établissement scolaire a été monté en épingle et utilisé pour humilier et dénigrer le jeune homme.
Elle affirme que contrairement à ce qu’il prétend, l’établissement n’a pas « fait savoir qu’il n’acceptait pas cette résiliation » car en réalité il n’a jamais répondu aux cinq courriers qui lui ont été adressés et a répondu sommairement à la médiatrice de l’Académie de [Localité 5], se retranchant derrière l’altercation du 1er octobre 2021 et la prétendue volonté d'[C] de s’exclure. Elle indique que l’organisme n’a jamais demandé des nouvelles de l’élève.
Elle insiste sur le fait que ce n’est pas l’altercation qui a motivé la demande de résiliation mais bien l’état de santé de son fils constaté médicalement. Elle juge le raisonnement du juge parfaitement inique.
Elle estime l’attitude de l’établissement abusive en ce qu’il a traité avec mépris le jeune [C], refusé toute discussion, refusé de communiquer les termes de son règlement intérieur et de son contrat, et de communiquer une pièce dont les termes sont vivement contestés. Elle demande une indemnisation à ce titre à hauteur de 1 500 euros.
La déclaration d’appel a été signifiée au [3] par acte délivré le 16 janvier 2024 à la personne de son gérant. Il n’a pas constitué avocat. Les conclusions de l’appelante lui ont été signifiées par acte délivré à étude le 12 février 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2025 et l’affaire a été appelée à l’audience le 5 février 2025 pour être mise en délibéré au 20 mars 2025 par mise à disposition au greffe.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne le [3] à payer à Mme [K] [L] épouse [M] la somme de 7 875 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2021 ;
Déboute Mme [K] [L] épouse [M] de sa demande indemnitaire ;
Condamne le [3] aux dépens de première instance et d’appel ;
Condamne le [3] à payer à payer Mme [K] [L] épouse [M] une somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente
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