Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Conditions suspensives et caducité d’un contrat de cession de titres : enjeux et conséquences.
→ RésuméContexte de l’affaireLa société à responsabilité limitée Serenity Formalités, gérée par un dirigeant d’entreprise, était spécialisée dans l’assistance aux familles pour les formalités administratives après décès. Elle utilisait un logiciel pour générer automatiquement des courriers liés à ces formalités. Accord de venteUn accord de vente a été signé le 6 janvier 2020 entre le dirigeant d’entreprise et la société acquéreuse Funecap Topco, stipulant l’acquisition de la totalité des titres de Serenity Formalités pour un montant de 150.000 euros. Cette acquisition était soumise à plusieurs conditions suspensives, notamment la réalisation d’un audit satisfaisant du logiciel de la société. Renonciation à l’acquisitionLe 22 septembre 2020, la société Funecap Topco a informé le dirigeant d’entreprise qu’elle renonçait à l’acquisition, arguant que l’audit n’avait pas donné de conclusions satisfaisantes et que l’état de santé du dirigeant posait problème pour la conclusion d’un contrat de services. Action en justiceEstimant que toutes les conditions étaient remplies, le dirigeant d’entreprise a assigné Funecap Topco et Funecap Holding devant le tribunal de commerce de Paris pour exiger l’exécution de l’accord de vente et des dommages-intérêts. Le tribunal a rendu un jugement le 19 mai 2023, déboutant le dirigeant de toutes ses demandes. Appel du jugementLe 16 octobre 2023, le dirigeant d’entreprise a interjeté appel du jugement, demandant l’infirmation de la décision et la condamnation des sociétés Funecap Topco et Funecap Holding à lui verser diverses sommes, y compris des dommages-intérêts. Arguments des partiesLe dirigeant d’entreprise soutient que la condition suspensive relative à l’audit était potestative et que les conclusions de l’audit étaient en réalité satisfaisantes. En revanche, les sociétés Funecap Topco et Funecap Holding affirment que l’audit a révélé des dysfonctionnements majeurs et que la condition n’était pas remplie. Décision du tribunalLe tribunal a confirmé que la condition suspensive n’était pas remplie, rendant l’accord de vente caduc. Il a également rejeté les demandes de dommages-intérêts du dirigeant d’entreprise, considérant que l’inexécution de l’accord ne pouvait être imputée aux sociétés intimées. ConclusionLe jugement a été confirmé en toutes ses dispositions, et le dirigeant d’entreprise a été débouté de ses demandes, y compris celles relatives aux frais de justice. Les sociétés Funecap Topco et Funecap Holding n’ont pas été condamnées à verser des dommages-intérêts, et le dirigeant a été condamné aux dépens de l’instance d’appel. |
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 11 MARS 2025
(n° / 2025 , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/16883 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIMBI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 mai 2023 -Tribunal de commerce de Paris – RG n° 2022022001
APPELANT
Monsieur [C] [S]
Né le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 5]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté par Me Jean-Max DELAISSER de la SELEURL A2D, avocat au barreau de PARIS, toque : B0430,
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2023/501963 du 09/10/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEES
S.A.S. FUNECAP HOLDING, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 524 716 610,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 3]
S.A.S. FUNECAP TOPCO, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 533 665 287,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 3]
Représentées et assistées de Me Mathieu SEYFRITZ de la SELEURL Mathieu SEYFRITZ Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : B 746,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 décembre 2024, en audience publique, devant la cour, composée de :
Mme Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Mme Constance LACHEZE, conseillère,
Monsieur François VARICHON, conseiller,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur François VARICHON dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La société à responsabilité limitée Serenity Formalités, dont le gérant et l’associé unique était M. [C] [S], avait pour activité l’assistance des familles pour la réalisation des formalités administratives après décès. Cette activité était exercée au moyen notamment d’un logiciel de génération automatique de courriers à envoyer après le décès d’une personne.
Par acte sous signature privée du 6 janvier 2020 dénommé «Accord ferme de vente et d’acquisition de la société Serenity Formalités » conclu entre M. [S] et la société Funecap Topco, cette dernière a offert d’acquérir la totalité des titres de la société Serenity Formalités pour un prix de 150.000 euros. L’acquisition définitive était soumise à la réalisation de plusieurs conditions suspensives stipulées au bénéfice de l’acquéreur. Parmi ces conditions figuraient « la réalisation d’un audit comptable, technique, technologique, juridique, social, fiscal et réglementaire complet sur la Société dont les conclusions devront être satisfaisantes pour l’Acquéreur » ainsi que ‘la formalisation d’un contrat de prestations de services’ entre l’acquéreur et M. [S] en vue, notamment, de la réalisation par ce dernier d’une mission d’accompagnement de la société Funecap Topco dans la gestion de la société Serenity Formalités, une fois celle-ci acquise. L’acte prévoyait par ailleurs une faculté de substitution au profit de l’acquéreur.
La durée de validité de l’offre, initialement fixée au 10 janvier 2020, a été prorogée d’un commun accord des parties au 30 septembre 2020.
Le 1er septembre 2020, la société Funecap Holding, société appartenant au même groupe que la société Funecap Topco, a soumis à M. [S] un projet de protocole d’accord portant sur la cession des titres de la société Serenity Formalités à son profit ainsi qu’un projet de contrat de prestation de services entre elle-même et la société JCS Consult, société détenue par M. [S].
Par courriel du 22 septembre 2020 adressé à M. [S] doublé d’un courrier de son avocat du 23 septembre 2020, la société Funecap Topco a annoncé renoncer à l’acquisition des titres de la société Serenity Formalités au motif que la condition suspensive relative à la réalisation d’un audit aux conclusions satisfaisantes n’était pas accomplie au vu des résultats de l’analyse technique et fonctionnelle du logiciel de la société Serenity Formalités qu’elle avait fait réaliser. En outre, elle indiquait que compte tenu de l’aggravation récente de l’état de santé de M. [S], au sujet duquel aucune garantie ne lui avait été fournie, le contrat de prestation de services ne pouvait être conclu.
Considérant pour sa part que toutes les conditions suspensives prévues dans l’acte de vente du 6 janvier 2020 étaient remplies, M. [S], agissant par acte du 30 septembre 2020, a fait assigner la société Funecap Topco et la société Funecap Holding devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation des défenderesses à exécuter l’acte de vente de la société Serenity Formalités et à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 19 mai 2023, le tribunal a débouté M. [S] de l’intégralité de ses demandes, dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et condamné M. [S] aux dépens.
Pour statuer comme il l’a fait, le tribunal a considéré que la condition relative à la réalisation d’un audit aux conclusions satisfaisantes n’était pas potestative et qu’elle n’était pas satisfaite au vu du rapport concernant le logiciel de la société Serenity Formalités produit par la société Funecap Topco et la société Funecap Holding ; que par ailleurs,
M. [S] ne rapportait pas la preuve des fautes et préjudices allégués.
Le 16 octobre 2023, M. [S] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 27 août 2024, M. [S] demande à la cour de:
‘INFIRMER le jugement déféré,
DIRE ET JUGER les intimées irrecevables et mal fondées en toutes leurs demandes à l’encontre de Monsieur [C] [S] et les en débouter
DIRE ET JUGER que l’accord ferme de vente et d’acquisition de la société SERENITY FORMALITÉS du 6 janvier 2020 qui a été accepté sans réserve dans les formes et délais prévus et dont les conditions suspensives ont été levées, vaut vente.
En conséquence,
A titre principal :
CONDAMNER solidairement les sociétés FUNECAP TOP CO et FUNECAP HOLDING à payer à Monsieur [C] [S] une somme de 60.000 € au titre de la somme payable comptant du prix de cession et d’acquisition, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2020.
CONDAMNER solidairement les sociétés FUNECAP TOP CO et FUNECAP HOLDING à payer à M. [C] [S] à titre personnel, respectivement es qualité d’attributaire de l’universalité du patrimoine de la société JCS CONSULT liquidée amiablement une somme mensuelle de 3.550 € H.T. au titre de la rémunération des prestations de services pendant 3 ans à compter du 1 er octobre 2020 rétroactivement, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2020.
CONDAMNER solidairement les sociétés FUNECAP TOP CO et FUNECAP HOLDING à payer à Monsieur [C] [S] une somme de 90.000 € au titre du solde du prix de cession et d’acquisition, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2023.
CONDAMNER les sociétés FUNECAP TOPCO et FUNECAP HOLDING in solidum à payer à Monsieur [C] [S] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi
CONDAMNER les sociétés FUNECAP TOPCO et FUNECAP HOLDING in solidum à payer à Monsieur [C] [S] la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1217 du Code civil
A titre subsidiaire :
CONDAMNER les sociétés FUNECAP TOPCO et FUNECAP HOLDING in solidum à payer à Monsieur [C] [S] la somme de 250.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des conséquences de l’inexécution par les défenderesses de leurs engagements
En tout état de cause
CONDAMNER les sociétés FUNECAP TOPCO et FUNECAP HOLDING in solidum à payer à Monsieur [C] [S] la somme de 1 527,51 € avec les intérêts de retard au taux de la BCE majoré de 10 points à compter du 1 er octobre 2020 € au titre des frais de transformation de la société
CONDAMNER les sociétés FUNECAP TOPCO et FUNECAP HOLDING in solidum à payer à Monsieur [C] [S] la somme de 912 € au titre des frais engagés depuis la cession pour la conservation des noms de domaine la société SERENITY FORMALITÉS.
CONDAMNER les sociétés FUNECAP TOPCO et FUNECAP HOLDING in solidum à payer à Monsieur [C] [S] la somme de 921 € au titre de la C.F.E. 2022
CONDAMNER les sociétés FUNECAP TOPCO et FUNECAP HOLDING in solidum à payer à Monsieur [C] [S] la somme de 3.000 € en réparation du préjudice moral subi concernant les allégations sur son état de santé
CONDAMNER chacune des sociétés FUNECAP TOPCO et FUNECAP HOLDING à payer à Monsieur [C] [S] une somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.
ET DIRE que conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, l’avocat constitué pour Monsieur [C] [S] pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance, sans en avoir reçu provision.’
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 27 mars 2024, la société Funecap Holding et la société Funecap Topco demandent à la cour de:
‘CONFIRMER le jugement rendu le 19 mai 2023 par le Tribunal de Commerce de Paris (RG 2022022001) en toutes ses dispositions et en particulier en ce qu’il a :
Dit la condition suspensive relative à « la réalisation d’un audit comptable, technique, technologique, juridique, social, fiscal et réglementaire complet sur la Société dont les conclusions devront être satisfaisantes pour l’Acquéreur [et qui] devra notamment (i) confirmer les informations reçues et (ii) analyser les performances de l’exercice en cours qui sous-tendent le niveau de valorisation proposé » non-potestative et défaillante
Dit que la vente des titres de la société SERENITY FORMALITES telle qu’organisée par la promesse de vente intitulée « Accord ferme de vente et d’acquisition de la société SERENITY FORMALITES » du 6 janvier 2020 est réputée n’avoir jamais existé
Débouté Monsieur [S] de l’ensemble de ses demandes tendant à l’exécution forcée du contrat de vente qui est réputé n’avoir jamais existé et notamment de ses demandes tendant au paiement de la somme de 60.000 € assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2020 puis de la somme de 90.000 € avant le 31 mars 2023 et au remboursement de 1.454,98 € au titre des frais de transformation de la société SERENITY FORMALITES en SAS et de 912 € au titre des frais de conservation des noms de domaine
Débouté Monsieur [S] de sa demande de dommages intérêts fondée sur une inexécution du contrat de vente qui est réputé n’avoir jamais existé ainsi que de l’intégralité de ses demandes, y compris formulées à titre subsidiaire,
Débouté Monsieur [S] de sa demande tendant à se voir payer une rémunération de 3.550 € Hors Taxes par mois pour une durée de 3 ans à compter du 1 er octobre 2020
Débouté Monsieur [S] de ses demandes formulées au titre de son prétendu préjudice moral
Y AJOUTANT
CONDAMNER Monsieur [C] [S] au paiement de la somme de 15.000 € à la société FUNECAP TOPCO et de la somme de 15000 € à la société FUNECAP HOLDING au titre de l’article 700 du code de procédure civile’.
L’instruction de l’affaire a été clôturée par ordonnance du 8 octobre 2024.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Et, y ajoutant,
Déboute M. [C] [S], la société Funecap Topco et la société Funecap Holding de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
Condamne M. [C] [S] aux dépens de l’instance d’appel.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
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