Cour d’appel de Paris, 06 septembre 2024, N° RG 22/06336
Cour d’appel de Paris, 06 septembre 2024, N° RG 22/06336

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Conditions contractuelles et déséquilibre des obligations : une analyse des engagements réciproques

Résumé

La société Zéro Zéro Z (00Z), présidée par M. [G] [Y], spécialisée dans le recrutement, a collaboré avec la société Oyster Computing, dirigée par M. [C] [W], pour développer une plateforme de recrutement. Un contrat de prestation de services a été signé le 31 mai 2018, stipulant que 00Z devait payer 500 euros par jour à Oyster, avec des conditions de paiement liées à une levée de fonds. Après une livraison contestée de la plateforme et des problèmes de paiement, les relations se sont détériorées. 00Z a mis en demeure Oyster de restituer des éléments développés, entraînant une assignation en référé. Le tribunal a ordonné à Oyster de remettre les éléments demandés. Par la suite, Oyster a assigné 00Z et Techsmatch, une autre société présidée par M. [G] [Y], en justice. Le tribunal a débouté Oyster de ses demandes et a condamné cette dernière à verser des sommes à 00Z et Techsmatch. Oyster a fait appel, demandant des dommages et intérêts et la restitution de la plateforme. 00Z et Techsmatch ont également contesté les demandes d’Oyster. Le jugement a été confirmé en appel, déboutant 00Z et Techsmatch de leurs demandes pour procédure abusive et condamnant Oyster aux dépens.

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2024

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/06336 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRKP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mars 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2022000084

APPELANTE

S.A.S. OYSTER COMPUTING

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 6]

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 808 829 576

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

INTIMEES

S.A.S. ZERO ZERO Z

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 4]

immaticulée au RCS de PARIS sous le numéro 824 065 338

S.A.S. TECHSMATCH

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 5]

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 890 160 864

Représentées par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Denis ARDISSON, Président de chambre

Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère, chargée du rapport,

CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La société Zéro Zéro Z (ci-après « 00Z »), dont le président est M. [G] [Y], est spécialisée dans le recrutement de tous types de salariés ou de travailleurs indépendants notamment dans le domaine de l’informatique et des nouvelles technologies. La société Techsmatch, dont le président est également M. [G] [Y], a pour activité la commercialisation de plateformes collaboratives.

La société Oyster Computing (ci-après « Oyster »), dont le président est M. [C] [W], exerce dans le monde informatique notamment en matière de traitement de données, développement informatique, hébergement et autres activités connexes.

Fin 2016, la société 00Z s’est rapprochée de la société Oyster en vue de créer un site internet et une plateforme de recrutement spécifiques.

Le 19 décembre 2017, la société 00Z a adressé à la société Oyster une lettre de mission aux termes de laquelle la société Oyster avait comme premier objectif de cadrer et de préparer le cahier des charges pour le développement de son logiciel de recrutement moyennant un honoraire forfaitaire de 6.000 euros HT et dont la société 00Z n’a réglé que la somme de 4.500 euros HT.

La société 00Z et la société Oyster se sont ensuite entendues pour que cette dernière se charge de la création d’un site internet sous la forme d’une plateforme de mise en relation pour le recrutement pour le compte de la société 00Z et l’ont matérialisé dans un contrat de prestation de services le 31 mai 2018, prenant effet rétroactivement au 2 janvier 2018 pour une durée illimitée, aux termes duquel les missions de la société Oyster étaient les suivantes :

– Suivi du cahier des charges,

– Développement des interfaces,

– Création du moteur de recherche,

– Développement de modèles de bases de données,

– Missions complémentaires conformément au cahier des charges établi.

Le contrat prévoyait en outre :

– que la société 00Z s’engageait à régler à la société Oyster un émolument de 500 euros par jour dont l’annexe 1 du contrat détaille les conditions de versements en distinguant deux périodes :

Celle du 2 janvier 2018 au 31 mars 2018,

Celle dépassant la date du 31 mars 2018,

– que l’obligation de régler les factures serait conditionnée à une levée de fonds réalisée par la société 00Z entre le 1er juin 2018 et le 31 décembre 2019,

– que la société Oyster devait transférer exclusivement et irrévocablement à la société 00Z tous les droits de propriété intellectuelle qui résulteraient de son travail et de ses services, études, recherches et inventions accomplis dans le cadre dudit contrat.

Après l’échec d’une levée de fonds, les relations entre les parties se sont dégradées.

Conformément au contrat de prestation de services, la plateforme a été livrée dès le mois de mai 2018 selon la société Oyster, ce que la société 00Z conteste en alléguant une version incomplète livrée en juin 2018.

Au mois d’octobre 2018, la société Oyster, n’ayant perçu aucune rémunération depuis le début du projet, a accepté d’autres missions pour faire face à ses problèmes de trésorerie.

Le 29 octobre 2018, la société 00Z a adressé à la société Oyster une mise en demeure dans laquelle elle lui reprochait de ne pas répondre à ses sollicitations et lui demandait d’entamer des négociations afin d’encadrer la reprise d’activité auquel cas le contrat serait résilié.

Le 15 novembre 2018 et le 26 novembre 2018, la société 00Z a adressé deux nouvelles mises en demeure à la société Oyster dans lesquelles elle demandait notamment la restitution de divers éléments développés pour le compte de la société 00Z, en vain. La société 00Z a alors assigné la société Oyster en référé d’heure à heure devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir ces éléments.

Par ordonnance du 21 décembre 2018, le président du tribunal de commerce de Paris a ordonné à la société Oyster, défaillante car n’ayant pas été touchée par l’assignation, de remettre différents éléments à la société 00Z sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance. La société Oyster a alors communiqué les informations sollicitées à la société 00Z.

Suivant exploit du 20 février 2020, la société Oyster a fait assigner la société 00Z devant le tribunal de commerce de Paris.

Suivant exploit du 08 décembre 2020, la société Oyster a fait assigner la société Techsmatch en intervention forcée devant le tribunal de commerce de Paris in solidum avec la société 00Z.

Par jugement du 09 mars 2022, le tribunal de commerce de Paris :

– a joint les deux causes enrôlées sous les numéros 2020012418 et 202056736,

– a débouté la société Oyster de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’égard de la société 00Z,

– a débouté la société Oyster de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’égard de la société Techsmatch,

– a condamné la société Oyster à verser la somme de 3.000 euros à la société 00Z et 1.500 euros à la société Techsmatch en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– a dit les parties mal fondées dans leurs demandes plus amples ou contraires et les en a débouté,

– a condamné la société Oyster aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 91,98 euros dont 15,12 euros de TVA,

– a ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

La société Oyster a formé appel du jugement par déclaration du 25 mars 2022 enregistrée le 11 avril 2022.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 23 décembre 2022, la société Oyster demande à la cour, au visa des articles 1103, 1217, 1231-1 du code civil et de l’article L. 442-1 du code de commerce :

– de recevoir la société Oyster en son appel et l’y dire bien fondée,

– d’infirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 9 mars 2022,

Statuant à nouveau,

– de condamner in solidum la société 00Z et la société Techsmatch à verser à la société Oyster la somme de 167.520 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier subi,

– de condamner in solidum la société 00Z et la société Techsmatch à restituer à la société Oyster la plateforme créée par cette dernière et l’ensemble des droits de propriété intellectuelle y afférent, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt,

– de condamner in solidum la société 00Z et la société Techsmatch à verser à la société Oyster la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi,

En toute hypothèse,

– de débouter la société 00Z et la société Techsmatch de l’ensemble de leurs demandes,

– de condamner in solidum la société 00Z et la société Techsmatch à verser à la société Oyster la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux dépens.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 26 septembre 2022, la société 00Z demande à la cour, au visa des articles 6, 9, 56, 200, 201, 202, 203, 514, 699 et 700 du code de procédure civile, des articles 1104, 1106, 1163, 1166, 1179, 1188, 1189, 1217, 1231-1, 1240, 1304, 1304-2, 1305, 1353 et 1381 du code civil et l’article L. 112-13 du code de propriété intellectuelle :

– de dire la société Techsmatch et la société 00Z recevables et bien fondées en leurs écritures et demandes,

En conséquence,

Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

A l’égard de la société Techsmatch,

– de juger la société Oyster irrecevable et à tout le moins mal fondée en l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société Techsmatch et l’en débouter,

– de mettre société Techsmatch hors de cause,

– de condamner la société Oyster à verser à société Techsmatch la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de la condamner à lui verser 10.000 euros pour procédure abusive,

A l’égard de la société 00Z,

A titre principal,

– de juger la société Oyster irrecevable en l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société 00Z,

A titre subsidiaire,

– de juger la société Oyster à tout le moins mal fondée en l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société 00Z et l’en débouter,

En tout état de cause,

– de condamner la société Oyster à verser à la société 00Z la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de la condamner à lui verser 10.000 euros pour procédure abusive,

Enfin,

– de condamner la société Oyster aux entiers dépens de première instance et d’appel.

*

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 4 avril 2024.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,

DEBOUTE les sociétés 00Z et Techsmatch de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive 

CONDAMNE la société Oyster Computing aux dépens

CONDAMNE la société Oyster Computing à payer à la société 00Z la somme de 5.000 euros et à la société Techsmatch celle de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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