Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Nîmes
Thématique : Fraude à l’égard des créanciers : inopposabilité d’un changement de régime matrimonial.
→ RésuméUn acheteur et son épouse ont confié à une société de rénovation la réfection de la toiture de leur maison pour un montant de 13 000 euros. Cependant, la société a cessé ses interventions en 2013, poussant les acheteurs à saisir le tribunal pour obtenir une expertise. En 2014, la société a été placée en liquidation judiciaire. Les acheteurs ont ensuite assigné le gérant de la société pour obtenir des dommages-intérêts, ce qui a abouti à un jugement en leur faveur en 2017, condamnant le gérant à leur verser 42 288,54 euros. Malheureusement, les acheteurs n’ont pas pu exécuter ce jugement en raison de l’insolvabilité du gérant.
En 2021, l’épouse des acheteurs a assigné le gérant et son épouse, arguant que le changement de régime matrimonial de ce dernier avait été effectué pour organiser son insolvabilité. Elle a demandé la constatation de sa créance, l’inopposabilité des actes de changement de régime matrimonial, ainsi que des dommages-intérêts. Le tribunal a jugé que le changement de régime matrimonial avait été réalisé en fraude des droits de l’épouse des acheteurs, déclarant l’acte inopposable et réintégrant les biens dans le patrimoine du gérant. Les époux K ont interjeté appel de cette décision. En 2024, le tribunal a rejeté leur demande de sursis à statuer et a confirmé le jugement initial, condamnant les époux K aux dépens et à verser des frais de justice à l’épouse des acheteurs. L’affaire a été fixée pour plaidoirie, et les époux K ont continué à contester la décision, soutenant que l’action de l’épouse des acheteurs était prescrite. Toutefois, le tribunal a rejeté cette fin de non-recevoir, confirmant ainsi la validité de l’action engagée. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/03853 –
N° Portalis DBVH-V-B7G-IULL
ID
TJ D’AVIGNON
10 juin 2022
RG:21/01126
[K]
[L]
C/
[F]
épouse [U]
Copie exécutoire délivrée
le 03 avril 2025
à :
Me Frédéric Gault
Me Emmanuel Bard
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 03 AVRIL 2025
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire d’Avignon en date du 10 juin 2022, n°21/01126
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre,
Mme Alexandra Berger, conseillère,
Mme Audrey Gentilini, conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats, et Mme Audrey Bachimont, greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 11 mars 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 03 avril 2025.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTS :
M. [D] [K]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Mme [M] [L] épouse [K]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentés par Me Frédéric Gault de la Selarl Rivière – Gault associés, plaidant/postulant, avocat au barreau d’Avignon
INTIMÉE :
Mme [V] [F] épouse [U]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Emmanuel Bard de la Selarl Cabinet Bard avocats et associés, plaidant/postulant, avocat au barreau d’Ardèche
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 03 avril 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Selon bon de commande n°101012 du 10 octobre 2012, M. [R] [U] et son épouse [V] née [F] ont confié à la Sarl Rénov’ gérée par M. [D] [K], la réfection de la toiture de leur maison d’habitation à [Localité 1] (26) pour 13 000 euros TTC au total.
La Sarl Rénov’ a cessé d’intervenir sur ce chantier courant 2013.
Ne pouvant obtenir la reprise du chantier, M. et Mme [U] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Valence qui a le 12 décembre 2013 ordonné une expertise et désigné pour y procéder M. [I] [Z] qui a déposé son rapport le 30 avril 2014.
Par procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 31 décembre 2013, la Sarl Revêt System gérée par M. [K] a modifié son objet social afin d’y ajouter les activités jusqu’alors exercées par la Sarl Rénov’ et pris le nom commercial de ‘Société Rénov’.
Par jugement du 30 juin 2014, elle a été placée en liquidation judiciaire.
Par acte notarié du 24 juillet 2015, homologué par le tribunal de grande instance d’Avignon le 21 janvier 2016, M. et Mme [K], mariés sous le régime matrimonial de la communauté légale, ont adopté le régime de la séparation de biens et transféré leurs biens immobiliers et meubles de valeur dans le patrimoine de l’épouse.
Par actes des 30 janvier et 4 février 2015, M. et Mme [U] ont assigné Me [E], mandataire liquidateur de la Sarl Société Rénov’ devant le tribunal de grande instance de Valence aux fins d’obtenir la condamnation personnelle de M. [K], en sa qualité de gérant, au paiement du coût des travaux de reprise des désordres affectant l’ouvrage.
Par jugement réputé contradictoire du 12 janvier 2017, le tribunal a déclaré recevable et bien fondée l’action en responsabilité personnelle engagée par M. et Mme [U] à l’encontre de M. [K] et condamné ce dernier à leur payer la somme de 42 288,54 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Il a ordonné l’exécution provisoire à concurrence de la moitié des condamnations prononcées.
M. et Mme [U] n’ont pu faire exécuter ce jugement, devenu définitif, compte tenu de l’insolvabilité de leur débiteur.
Soutenant que M. [K] avait changé de régime matrimonial avec la complicité de son épouse afin d’organiser son insolvabilité et d’échapper à ses obligations financières envers elle, Mme [V] [F] épouse [U] les a par acte du 31 mars 2021 assignés devant le tribunal judiciaire d’Avignon afin de voir, sur le fondement de l’article 1341-2 du code civil :
– constater sa créance actuelle à l’encontre de M. [K] pour la somme de 55 375,68 euros,
– constater la fraude des époux [K],
– lui déclarer inopposable les actes authentiques des 24 juillet 2015 et 27 avril 2016, ainsi que les donations des deux véhicules de M. [K],
– ordonner la saisie par huissiers des biens de celui-ci,
– le condamner à lui payer les sommes de
– 15 000 euros à titre de dommages-intérêts à titre de préjudice moral,
– 4 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner l’exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution, de la décision à intervenir.
Bien que régulièrement cités, les défendeurs n’ont pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire du 10 juin 2022, le tribunal judiciaire d’Avignon :
– a dit que l’acte de changement de régime matrimonial de M. [D] [K] et Mme [M] [K] née [L] signé devant Me [N] [G], notaire associé à [Localité 7] (84), le 24 juillet 2015 et homologué par jugement du tribunal de grande instance d’Avignon du 21 janvier 2016, ce qui a été constaté par acte notarié du 27 avril 2016, aux termes duquel la propriété de la maison d’habitation située [Adresse 4] [Localité 5] (84), du garage situé [Adresse 8] [Localité 5] (84) et des trois studios situés [Adresse 9] à [Localité 6] (84), et la propriété du véhicule Porsche 944 immatriculé [Immatriculation 3] ont été cédées à Mme [M] [K] née [L] a été conclu en fraude des droits de Mme [V] [U] née [F], créancière, et est constitutif d’une fraude paulienne,
– lui a déclaré cet acte inopposable,
– a rappelé que l’inopposabilité de l’acte emporte réintégration, en qualité de biens communs, des biens immobiliers et du véhicule Porsche dans le patrimoine de M. [K],
– a condamné M. [K] à payer à Mme [U] la somme de 2 500 euros au titre du préjudice moral subi,
– a dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement,
– a condamné M. [K] à payer à Mme [U] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamné aux entiers dépens,
– a accordé à Me Guillaume Depierre, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– a rappelé l’exécution provisoire de droit à titre provisoire du jugement,
– a rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration du 28 novembre 2022, M. [D] [K] et son épouse [M] née [L] ont interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 18 octobre 2023, la procédure a été clôturée le 30 janvier 2024 et l’affaire fixée à l’audience du 13 février 2024.
Par ordonnance du 2 mai 2024, le conseiller de la mise en état saisi par les appelants :
– a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action paulienne de Mme [V] [U] à leur encontre
– les a condamnés aux dépens de l’incident et à payer à Mme [V] [U] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– a prononcé la clôture de la procédure au jour de l’ordonnance et fixé l’affaire à l’audience de plaidoirie du 6 mai 2024 à 8h30.
Par arrêt du 7 novembre 2024 la cour statuant sur déféré :
– a infirmé cette ordonnance,
Statuant à nouveau
– a déclaré le conseiller de la mise en état incompétent pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action engagée au profit de la cour statuant au fond,
– a condamné M. et Mme [K] aux dépens et à payer à Mme [V] [F] épouse [U] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’affaire a été clôturée le 25 novembre 2024 à effet du 25 février 2025 et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 11 mars 2025.
A cette date, l’ordonnance de clôture a été révoquée d’accord entre les parties et la clôture prononcée à nouveau le 11 mars 2025 avant l’ouverture des débats.
EXPOSÉ DES MOYENS ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Au terme de leurs conclusions responsives n°3 M. [D] [K] et son épouse [M] née [L], exposant avoir le 7 novembre 2024 formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt sur déféré du 7 novembre 2024, demandent à la cour :
Avant-dire-droit
– de prononcer un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de ce pourvoi,
Et sur le fond
– de les recevoir en leur appel,
– de réformer le jugement,
Et statuant à nouveau
A titre principal
– de juger Mme [U] prescrite en son action,
A titre subsidiaire
– de rejeter comme infondée son action paulienne,
En tout état de cause
– de la condamner aux entiers dépens en cause d’appel et à verser à M. [D] [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2023, Mme [V] [F] épouse [U] demande à la cour :
– de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
– de condamner M. et Mme [K] à payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande de sursis à statuer,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de Mme [V] [F] épouse [U],
Confirme le jugement du tribunal de grande instance d’Avignon du 10 juin 2022 ( n°RG 21/01126) en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [D] [K] et Mme [M] [L] épouse [K] aux dépens,
Les condamne in solidum à payer à Mme [V] [F] épouse [U] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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