Cour d’appel de Nancy, 17 octobre 2024, RG n° 23/02495
Cour d’appel de Nancy, 17 octobre 2024, RG n° 23/02495

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Nancy

Thématique : RGDP : l’obligation d’anonymiser les pièces de la procédure

Résumé

Dans le cadre d’un litige opposant la société TANGUY MEDIC AMBULANCE à M. [L] [C], le juge a statué sur la production de pièces contenant des données privées de patients, en vertu du RGPD. Bien que la société ait demandé le retrait de ces pièces, le juge a débouté cette demande, soulignant que M. [L] [C] devait simplement anonymiser les données sensibles. L’article 9 du RGPD protège les informations de santé, et le consentement des personnes concernées est requis. Ainsi, l’affaire a été renvoyée pour des conclusions au fond, tout en respectant la confidentialité des données.

Dans le cadre d’un litige, une partie ne peut produire avec ses conclusions au fond des pièces dans lesquelles figurent des données d’ordre privé concernant des patients (secteur du transport médicalisé).

Il résulte de l’article 53 du règlement européen général sur la protection des données (RGPD) que le juge judiciaire est compétent pour statuer sur une réclamation quant à sa violation.

L’article 9 § 1 du règlement protège les données concernant la santé, le principe général du règlement étant le recueil du consentement des personnes concernées.

L’anonymisation de pièces a donc été ordonnée.

Résumé de l’affaire : La société TANGUY MEDIC AMBULANCE a fait appel d’un jugement du conseil des prud’hommes de Nancy concernant un litige avec M. [L] [C]. Elle a demandé le retrait de certaines pièces produites par M. [L] [C], arguant que celles-ci contiennent des données privées sur des patients, en violation du RGPD. M. [L] [C] a contesté cette demande, affirmant que seule la CNIL peut appliquer le RGPD et que le droit à la preuve doit être équilibré avec la protection de la vie privée. Lors de l’audience, le conseiller de la mise en état a débouté la société de sa demande de retrait des pièces, tout en ordonnant à M. [L] [C] de supprimer les données personnelles des patients. Les demandes d’indemnisation des deux parties ont été rejetées, et l’affaire a été renvoyée pour des conclusions au fond.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Nancy
RG n°
23/02495
COUR D’APPEL

DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE SECTION 2

Appel d’une décision rendue par Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY en date du 08 novembre 2023 RG 21/00525

N° RG 23/02495 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FIYR

Ordonnance /2024

du 17 Octobre 2024

O R D O N N A N C E D’ I N C I D E N T

Nous, Stéphane STANEK, magistrat chargé de la mise en état de la Chambre sociale-2ème sect à la cour d’appel de NANCY, assisté de Laurène RIVORY, Greffier ,

Vu l’affaire en instance d’appel inscrite au répertoire général sous le N° RG 23/02495 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FIYR ,

APPELANT

S.A.R.L. TANGUY MEDIC AMBULANCE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Franck KLEIN de la SELARL AVOCAT JURISTE CONSEIL, avocat au barreau d’EPINAL

INTIME

Monsieur [L] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Elsa DUFLO de la SELARL D’AVOCATS AD&ED, avocat au barreau de NANCY substitué par Me BERTRAND-PEGOSCHOFF Virginie, avocat au barreau de NANCY

Avons, après avoir entendu à l’audience de cabinet du 02 Octobre 2024 les avocats des parties en leurs explications, mis l’affaire en délibéré pour l’ordonnance être rendue le 17 Octobre 2024 ;

Et ce jour, 17 Octobre 2024, avons rendu l’ordonnance suivante :

EXPOSE DU LITIGE

Par déclaration du 27 novembre 2023, la société TANGUY MEDIC AMBULANCE a fait appel d’un jugement rendu le 08 novembre 2023 par le conseil des prud’hommes de Nancy, dans un litige l’opposant à M. [L] [C].

La société TANGUY MEDIC AMBULANCE a saisi le conseiller de la mise en état par conclusions d’incident notifiées le 31 juillet 2024.

Par conclusions d’incident notifiées le 1er octobre 2024, la société TANGUY MEDIC AMBULANCE demande de :

– débouter M. [L] [C] de ses demandes

– d’ordonner le retrait des pièces 61 à 64 produites par M. [L] [C] dans son dossier devant la cour

subsidiairement :

– ordonner que les pièces 61 à 64 soient purgées de toutes données confidentielles par la suppression des colonnes « transport » et « personnes transportées »

en tout état de cause :

– condamner M. [L] [C] à lui verser 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– réserver les dépens.

La société TANGUY MEDIC AMBULANCE expose que M. [L] [C] produit avec ses conclusions au fond ces 4 pièces dans lesquelles figurent des données d’ordre privé concernant des patients qui ont été transportés par ses soins.

La société TANGUY MEDIC AMBULANCE fait valoir que l’article 9 du règlement européen sur la protection des données (RGPD) interdit le traitement des données concernant la santé.

Elle fait également valoir que l’atteinte au secret médical, à la vie privée et aux dispositions du RGPD s’oppose au droit à la preuve.

Par conclusions d’incident notifiées le 30 septembre 2024, M. [L] [C] demande de :

– débouter la société TANGUY MEDIC AMBULANCE de ses demandes

subsidiairement :

– voir ordonner l’occultation partielle des pièces, à savoir sur les plannings figurant parmi les pièces 61,62 et 64 : la colonne intitulée « personnes transportées » comportant les données personnelles relatives à celles-ci, ainsi que la case contenant les nom, prénom, adresse, numéro de téléphone de la personne transportée figurant sur la pièce 63

– voir ordonner le maintien des pièces expurgées

– condamner la société TANGUY MEDIC AMBULANCE à 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

M. [L] [C] estime que seule la CNIL est compétente pour faire appliquer le RGPD.

Il fait également valoir que le droit à la preuve doit être mis en balance avec la protection de la vie privée, et qu’une preuve déloyale peut être admise si l’atteinte aux droits en présence est proportionnée au but poursuivi.

Il souligne que la société TANGUY MEDIC AMBULANCE ne justifie pas que ces pièces auraient été obtenues par fraude, à l’insu de l’employeur.

Appelée à l’audience du 02 octobre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 17 octobre.

MOTIFS

Sur la production des pièces litigieuses

Il résulte de l’article 53 du règlement européen général sur la protection des données (RGPD) que le juge judiciaire est compétent pour statuer sur une réclamation quant à sa violation.

L’article 9 § 1 du règlement protège les données concernant la santé, le principe général du règlement étant le recueil du consentement des personnes concernées.

La société TANGUY MEDIC AMBULANCE ne soutient pas que les pièces litigieuses auraient été obtenues de manière frauduleuse.

Il ressort enfin des conclusions des parties que les pièces litigieuses sont produites par M. [L] [C] pour justifier de ses fonctions.

Dans ces conditions, pour permettre au salarié de justifier de ses prétentions, tout en respectant les règles imposées notamment par le RGPD, la société TANGUY MEDIC AMBULANCE sera déboutée de sa demande d’écarter les pièces des débats, et M. [L] [C] sera enjoint de les anonymiser et d’y supprimer toute information à caractère médical, ainsi qu’il le propose subsidiairement, ces modalités n’étant pas critiquées à titre subsidiaire par la société TANGUY MEDIC AMBULANCE.

Sur les dépens et l’article 700

Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ; les dépens du présent incident suivront le sort des dépens de l’instance au fond.

PAR CES MOTIFS

Nous, Stéphane Stanek, Conseiller de la mise en état ;

Statuant par décision contradictoire, et susceptible de déféré,

Déboute la société TANGUY MEDIC AMBULANCE de sa demande de voir écarter les pièces 61 à 64 de M. [L] [C] ;

Fait injonction à M. [L] [C] de supprimer de ces pièces les données suivantes : les données personnelles relatives aux personnes transportées, dont : les nom, prénom, adresse, numéro de téléphone et données sur l’état de santé ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Renvoie à l’audience de mise en état du 20 novembre 2024 pour les conclusions au fond de la société TANGUY MEDIC AMBULANCE;

Dit que les dépens du présent incident suivront le sort des dépens de l’instance au fond.

Et avons signé la présente ordonnance ainsi que le greffier.

LE GREFFIER LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT

 


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