Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Nancy
Thématique : Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans un contexte d’accident du travail
→ RésuméContexte de l’AffaireLe 12 mars 2025, la Cour a rendu un arrêt concernant un accident du travail survenu le 1er août 2020. Un ouvrier agricole a été embauché par un employeur pour un contrat à durée déterminée. Le premier jour de son embauche, il a subi une chute de 4 à 5 mètres en traversant le toit d’un bâtiment agricole. Conséquences MédicalesSuite à cet accident, l’ouvrier a été diagnostiqué avec un polytraumatisme, incluant un traumatisme crânien grave, des fractures multiples et un pneumothorax. La MSA DE LORRAINE a reconnu l’accident comme étant lié à la législation professionnelle et a fixé son taux d’incapacité permanente à 100 %, lui attribuant une rente depuis le 2 octobre 2021. Procédures JudiciairesLe 2 mars 2022, la MSA a reconnu l’ouvrier comme bénéficiaire de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. En juillet 2022, un juge a placé l’ouvrier sous tutelle, désignant une tutrice pour ses biens et une autre pour sa personne. En septembre 2023, la tutrice a demandé à la MSA de reconnaître la faute inexcusable de l’employeur, ce qui a été refusé. Appel et JugementAprès avoir saisi le tribunal judiciaire d’Épinal, la tutrice a vu sa demande déclarée irrecevable en juin 2024. Elle a alors interjeté appel, demandant la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. En janvier 2025, l’employeur a demandé la confirmation du jugement initial et a contesté les demandes de la tutrice. Décision de la CourLa Cour a infirmé le jugement du tribunal d’Épinal, déclarant l’ouvrier recevable dans sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable. Elle a établi que l’accident était dû à la faute inexcusable de l’employeur, ordonnant la majoration de la rente à son taux maximum et fixant une provision de 30 000 euros pour l’ouvrier. Expertise MédicaleLa Cour a ordonné une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis par l’ouvrier, incluant les souffrances physiques et morales, ainsi que les conséquences sur sa qualité de vie. L’expert devra également évaluer les frais d’assistance et les préjudices professionnels. ConclusionLa décision de la Cour a permis de reconnaître la responsabilité de l’employeur dans l’accident de travail, ouvrant la voie à une indemnisation pour l’ouvrier et à une expertise approfondie pour évaluer l’ensemble des préjudices subis. |
ARRÊT N° /2025
SS
DU 12 MARS 2025
N° RG 24/01345 – N° Portalis DBVR-V-B7I-FMMP
Pole social du TJ d’EPINAL
23/00238
12 juin 2024
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE
SECTION 1
APPELANTE :
Madame [Z] [S] [L] es qualité de tuteur de Monsieur [T] [U] [N], né le 9 juillet 1968 à [Localité 10] (Portugal), demeurant à l’EHPAD « Les [13] » [Adresse 3]. N° d’assuré social : [Numéro identifiant 1]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représentée par Me Julie PICARD de la SELARL EPITOGES,substituée par Me Laura Corte avocate au barreau d’EPINAL
INTIMÉS :
Monsieur [M] [B]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représenté par Me Laurianne BERG de la SELARL GIURANNA & ASSOCIES, avocat au barreau d’EPINAL
Caisse MSA LORRAINE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 5]
Dispensée de comparution
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : Mme BOUC
Siégeant en conseiller rapporteur
Greffier : Monsieur ADJAL (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 07 Janvier 2025 tenue par Mme BOUC, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Corinne BOUC, présidente, Jérôme LIZET, président assesseur et Dominique BRUNEAU, conseiller, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 12 Mars 2025 ;
Le 12 Mars 2025, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
Faits, procédure, prétentions et moyens
M. [T] [U] [N] a été embauché par M. [M] [B] en qualité d’ouvrier agricole en contrat à durée déterminée du 1er au 3 août 2020. Le premier jour de son embauche, il a fait une chute d’une hauteur de 4/5 mètres en traversant le toit et en tombant sur le sol d’un bâtiment agricole.
Aux termes du certificat médical initial, il est fait état d’un polytraumatisme : traumatisme crânien grave, fracture splénique avec splénectomie d’hémostase, traumatisme thoracique avec fractures costales bilatérales et pneumothorax bilatéral, fracture du bassin, fracture du poignet gauche et de deux doigts.
Par décision du 7 septembre 2020, la MSA DE LORRAINE (la MSA) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.
Le taux d’incapacité permanente partielle a été fixé à 100 % et il est titulaire d’une rente accident du travail depuis le 2 octobre 2021.
Le 2 mars 2022, la MSA lui a reconnu la qualité de bénéficiaire de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés à compter rétroactivement du 2 octobre 2021 et jusqu’au 2 octobre 2026.
Par jugement du 27 juillet 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Épinal a placé M. [T] [U] [N] sous tutelle, désignant Mme [Z] [S] [L] en qualité de tutrice aux biens et Mme [C] [U]- [G], fille du majeur protégé, en qualité de tutrice à la personne.
Par arrêt du 6 février 2023, la cour d’appel de Nancy a confirmé ce jugement sauf en ce qui concerne la désignation de la fille du majeur protégé. Il a confié la mission de tutrice à la personne de Mme [Z] [S] [L] et a désigné l’association tutélaire des Vosges en qualité de subrogé tutrice.
Le 18 septembre 2023, Mme [Z] [S] [L], en sa qualité de tutrice de M. [T] [U] [N], a sollicité de la MSA la mise en ‘uvre de la procédure amiable de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Le 10 octobre 2023, Mme [Z] [S] [L], tutrice de M. [T] [U] [N], après refus de la MSA de mettre en ‘uvre cette procédure (courrier du 28 septembre 2023), a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Epinal de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, M. [M] [B].
Par jugement du 12 juin 2024, le tribunal judiciaire d’Épinal a :
– déclaré Mme [Z] [S] [L], tutrice de M. [T] [U] [N], irrecevable en son recours,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [Z] [S] [L], tutrice de M. [T] [U] [N], aux dépens.
Ce jugement a été notifié à Mme [Z] [S] [L], tutrice de M. [T] [U] [N], par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé mais sans date mentionnée.
Par déclaration au greffe via RPVA le 4 juillet 2024, Mme [Z] [S] [L], tutrice de M. [T] [U] [N], a relevé appel de ce jugement.
Suivant conclusions reçues au greffe par RPVA le 3 janvier 2025, Mme [Z] [S] [L], tutrice de M. [T] [U] [N], demande à la cour de :
– Déclarer son appel recevable et bien fondé,
– Infirmer la décision rendue par le Tribunal Judiciaire d’EPINAL Pole Social le 12 juin 2024 (RG 23/00238) en ce qu’il déclarait Madame [Z] [S] [L], es qualité de tuteur de Monsieur [T] [U] [N], irrecevable en son recours.
En conséquence,
– Déclarer l’action de Madame [Z] [S] [L] comme n’étant pas prescrite,
– Déclarer recevable et bien fondé le recours introduit par Madame [Z] [S] [L], es qualité de tuteur de Monsieur [T] [U] [N],
Y ajoutant,
– Dire que l’accident du travail du 1er août 2020 dont a été victime Monsieur [T] [U] [N] est dû à une faute inexcusable de Monsieur [M] [B],
En conséquence,
– Fixer au maximum la majoration de rente prévue par la loi de telle sorte que la rente servie par l’organisme de Sécurité Sociale ne subisse aucun abattement forfaitaire,
– Dire et juger que la majoration de la rente devra suivre l’augmentation du taux d’incapacité permanente partielle résultant de l’aggravation des séquelles,
– Ordonner une expertise médicale avec pour mission de :
– Détailler les blessures provoquées l’accident du travail du 1er août 2020,
– Chiffrer par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux de déficit fonctionnel permanent de Monsieur [U] [N],
– Evaluer les souffrances physiques et morales, ainsi que le préjudice esthétique et d’agrément,
– Décrire les séquelles consécutives à l’accident du 1er août 2020 et indiquer les gestes devenus limités ou impossibles,
– Indiquer la durée du déficit fonctionnel total et partiel, et évaluer le taux de cette incapacité,
– Indiquer la durée pendant laquelle la victime a été dans l’incapacité totale de poursuivre ses activités personnelles,
– Indiquer la durée pendant laquelle la victime a été dans l’incapacité partielle de poursuivre ses activités personnelles, et évaluer le taux de cette incapacité,
– Dire si l’état de la victime nécessite l’assistance d’une tierce personne, et dans l’affirmative, préciser la nature de l’assistance et sa durée quotidienne,
– Dire si la victime a subi un préjudice professionnel,
– Dire si la victime subit une perte ou une diminution des possibilités de promotions professionnelles,
– Evaluer le préjudice sexuel consécutif à l’accident,
– Dire si la victime subit une perte de chance de réaliser un projet de vie familiale,
– Dire si la victime subit des préjudices exceptionnels,
– Si l’état de la victime est susceptible de modifications.
– Condamner les requis à payer à Madame [Z] [S] [L], es qualité de tuteur de Monsieur [T] [U] [N], une provision de 30.000 €uros à valoir sur le montant de l’indemnité qui lui sera attribuée en réparation de son préjudice à caractère personnel,
– Dire et juger que la MSA fera l’avance de la provision sollicitée,
– Condamner M. [M] [B] à payer à Madame [Z] [S] [L], es qualité de tuteur de M. [T] [U] [N] la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
– Condamner Monsieur [M] [B] aux frais d’expertise,
– Débouter Monsieur [M] [B] de toutes ses demandes, fins et prétentions.
Suivant conclusions reçues au greffe le 3 janvier 2025, M. [M] [B] demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 12 juin 2024 en toutes ses dispositions,
– débouter Mme [Z] [S] [L] en qualité de tutrice de M. [T] [U] [N] de l’intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire,
– limiter la mission d’expertise aux préjudices prévus à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
– ordonner l’avance des sommes par la CPAM,
En tout état de cause,
– condamner Mme [Z] [S] [L] es qualité de tutrice de M. [T] [U] [N] à verser une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens.
Suivant ses écritures reçues au greffe le 13 décembre 2024, la MSA indique à la cour s’en remettre sur la faute inexcusable de l’employeur et s’engage à exécuter ses obligations consistant à faire l’avance des différentes indemnités et à en récupérer les montants auprès de l’employeur.
Pour l’exposé des moyens des parties, il sera renvoyé aux conclusions sus mentionnées, auxquelles les parties se sont rapportées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Infirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 12 juin 2024 par le tribunal judiciaire d’Épinal,
Statuant à nouveau,
Rejette l’exception de prescription soulevée par M. [M] [B],
Déclare M. [T] [U] [N], représenté par sa tutrice, Mme [Z] [S] [L], recevable en sa demande aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur,
Dit que l’accident du travail dont a été victime M. [T] [U] [N] le 1er août 2020, est dû à la faute inexcusable de son employeur, M. [M] [B],
Ordonne la majoration de rente servie à M. [T] [U] [N] à son taux maximum,
Dit que cette majoration sera versée à M. [T] [U] [N] par la [11] qui en récupérera la montant auprès de l’employeur, M. [M] [B]
Fixe à 30 000 euros la provision à valoir sur la réparation définitive des préjudices subis par M. [T] [U] [N],
Dit que cette somme sera avancée par la [11] qui en récupérera le montant auprès de l’employeur, M. [M] [B],
Et par avant-dire-droit,
Ordonne une expertise médicale confiée au docteur [I] [V] – Service de Médecine légale – CHU de [9] – [Adresse 12], avec pour mission de :
– entendre contradictoirement les parties et leurs conseils dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel,
– recueillir les renseignements nécessaires sur l’identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut exact, son mode de vie antérieure à l’accident et sa situation actuelle,
– se faire communiquer par la victime tous documents médicaux la concernant notamment ceux consécutifs à l’accident litigieux et à son état de santé antérieur,
– procéder, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,
– d’évaluer la réparation liée au déficit fonctionnel temporaire antérieur à la consolidation ou la guérison fixée, date fixée par la caisse,
– d’évaluer la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales antérieur à la date de consolidation,
– d’évaluer les frais d’assistance tierce personne à titre temporaire, avant la consolidation,
-d’évaluer le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes ressenties, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence au quotidien après consolidation,
– de chiffrer par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l’accident, qui n’est pas celui retenu par la caisse au titre de la législation professionnelle, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu’elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser en quoi l’accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation,
– d’évaluer le préjudice esthétique temporaire et permanent,
– d’évaluer le préjudice d’agrément,
– d’évaluer le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de possibilités de promotion professionnelle,
– d’évaluer le préjudice sexuel,
– d’évaluer les frais de logement adapté (F.L.A.),
-d’évaluer les frais de véhicule adapté (F.V.A.),
– d’évaluer le préjudice d’établissement,
– d’évaluer le préjudice permanent exceptionnel,
Dit que l’expert devra préciser contradictoirement aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l’expertise la méthodologie, le coût et le calendrier prévisible de ses opérations et qu’il devra, en cas de difficultés ou de nécessité d’une extension de la mission en référer au magistrat chargé du contrôle de l’expertise qui appréciera la suite à y donner,
Dit que l’expert désigné pourra, en cas de besoin, s’adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir simplement avisé les conseils des parties et le magistrat chargé du contrôle des expertises,
Dit que l’expert adressera un pré-rapport aux conseils des parties qui, dans les quatre semaines de la réception, lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport définitif,
Dit que l’expert devra déposer son rapport au greffe de la cour dans les 6 MOIS à compter de l’acceptation de sa mission, sauf prorogation dûment sollicitée auprès du juge chargé du contrôle des opérations d’expertise, et en adresser une copie aux conseils des parties,
Fixe à 900 euros la consignation des frais à valoir sur la rémunération de l’expert,
Dit que ces frais seront avancés par la [11] qui en récupérera le montant auprès de l’employeur, M. [M] [B],
Réserve les autres chefs de demandes et les dépens,
Renvoie l’affaire à l’audience de la chambre sociale, section 1, du 16 septembre 2025 à 13 heures 30, la notification du présent arrêt valant convocation des parties à cette audience ;
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Madame Corinne BOUC, présidente de chambre et par madame Laurène RIVORY, greffier.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE DE CHAMBRE
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