Cour d’appel de Metz, 26 mars 2025, RG n° 23/00189
Cour d’appel de Metz, 26 mars 2025, RG n° 23/00189

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Metz

Thématique : Rupture de contrat et non-renouvellement : enjeux de discrimination et de requalification.

Résumé

Dans cette affaire, une salariée, ayant travaillé pour la société Webhelp [Localité 3] en tant que conseiller client, a contesté la non-reconduction de son contrat à durée déterminée (CDD) qui a pris fin le 31 juillet 2021. Après avoir été en arrêt de travail du 20 au 28 juillet 2021, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Forbach le 21 mars 2022, demandant la requalification de son CDD en contrat à durée indéterminée (CDI) et des dommages et intérêts.

Le jugement rendu le 11 janvier 2023 a confirmé la conformité du CDD avec le code du travail, affirmant qu’il avait pris fin comme prévu et que la salariée n’avait pas été victime de discrimination. La salariée a interjeté appel le 25 janvier 2023, demandant l’annulation de la rupture de son contrat et des indemnités.

Dans ses conclusions, la salariée a soutenu que son employeur avait agi de manière discriminatoire en refusant de renouveler son contrat, en raison de son accident de travail survenu après la fin de son CDD. Elle a également contesté le motif de l’accroissement temporaire d’activité, arguant que son poste était permanent.

La société Webhelp [Localité 3], représentée par la société Webhelp Grand Est, a demandé la confirmation du jugement initial, affirmant que la rupture du contrat était justifiée par une anticipation de baisse d’activité et que la salariée n’avait pas prouvé l’existence d’une discrimination.

Finalement, la cour a infirmé le jugement sur certains points, requalifiant le CDD en CDI à compter du 1er février 2021, et a condamné la société à verser des indemnités à la salariée, considérant que la rupture équivalait à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société a également été condamnée à fournir une attestation d’employeur conforme aux dispositions de l’arrêt.

Arrêt n°25/00112

26 mars 2025

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N° RG 23/00189 –

N° Portalis DBVS-V-B7H-F4RG

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORBACH

11 janvier 2023

22/00050

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt six mars deux mille vingt cinq

APPELANTE :

Mme [A] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Ulysse GOBERT, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2023/000736 du 19/05/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)

INTIMÉE :

SASU WEBHELP [Localité 3] (WGE) prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Laure-Anne BAI-MATHIS, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Myriam TOURNEUR, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 décembre 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

M. François-Xavier KOEHL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [A] [I] a effectué des missions intérimaires pour la SAS Webhelp [Localité 3] du 23 juin 2020 au 31 janvier 2021.

Elle a ensuite été embauchée par contrat à durée déterminée pour une durée de 6 mois, du 1er février au 31 juillet 2021, en qualité de conseiller client, statut employé, niveau 1.

Elle a été placée en arrêt de travail du 20 juillet au 28 juillet 2021.

Par requête introductive du 21 mars 2022, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Forbach pour obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée.

Par jugement contradictoire du 11 janvier 2023, la formation paritaire du conseil de prud’hommes de Forbach a :

– dit que le contrat de travail à durée déterminée conclu entre Mme [I] et la société Webhelp [Localité 3] est conforme au code du travail et s’est terminé le 31 juillet 2021,

– dit que le 3 août 2021 il n’y avait plus de relation de travail entre Mme [I] et la société Webhelp [Localité 3],

– dit que Mme [I] n’a pas été victime de discrimination,

– débouté Mme [I] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 25 janvier 2023, Mme [I] a interjeté appel.

En l’état de ses dernières conclusions remises par voie électronique le 20 avril 2023, Mme [I] demande à la cour d’infirmer le jugement et de :

– annuler la rupture du contrat de travail à durée déterminée qui l’a liée à la société Webhelp [Localité 3],

– condamner la société Webhelp [Localité 3] aux droits de laquelle vient la société Webhelp Grand Est à lui payer la somme de 18 654,96 euros à titre de dommages et intérêts,

subsidiairement,

– requalifier le contrat de travail l’ayant lié à la société Webhelp [Localité 3] en contrat en durée indéterminée,

– condamner la société Webhelp [Localité 3] aux droits de laquelle vient la société Webhelp Grand Est à lui payer la somme de 1 544,88 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

dans tous les cas,

– condamner la société Webhelp [Localité 3] aux droits de laquelle vient la société Webhelp Grand Est à lui payer les sommes suivantes :

1 554,58 euros,

3 109,16 euros avant déduction du décompte salarial à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

310,91 euros avant déduction du décompte salarial à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

291,48 euros à titre d’indemnité de licenciement,

506,70 euros avant déduction du décompte salarial à titre de rappel de salaire et garantie de ressources,

50,67 euros avant déduction du décompte salarial à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire et garantie de ressources,

145,12 euros avant déduction du décompte salarial à titre de solde d’indemnité compensatrice de congés payés,

89,54 euros à titre de complément d’indemnité de fin de contrat,

– condamner la société Webhelp [Localité 3] aux droits de laquelle vient la société Webhelp Grand Est à lui délivrer dans un délai de sept jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir une attestation d’employeur destinée à Pôle emploi conforme aux motifs et au dispositif dudit arrêt,

– condamner la société Webhelp [Localité 3] aux droits de laquelle vient la société Webhelp Grand Est à lui payer la somme de 4 000 euros en compensation de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel,

– condamner la société Webhelp [Localité 3] aux droits de laquelle vient la société Webhelp Grand Est aux dépens de première instance et d’appel.

Au visa des dispositions des articles L1132-1 et subsidiairement L1226-13 du code du travail, Mme [I] expose que son employeur, en refusant de renouveler son contrat de travail à durée déterminée ou d’admettre que celui-ci c’est poursuivi au-delà du terme pour une durée indéterminée, a adopté à son égard une attitude discriminatoire emportant l’annulation de la rupture dudit contrat.

Elle considère qu’il ressort d’un faisceau d’indices que la société Webhelp [Localité 3] entendait poursuivre leur collaboration au-delà du 31 juillet 2021. Ainsi, elle se prévaut de l’intention de son employeur exprimée au travers des contrats proposés, des attestations de Mme [V] [X] et de M. [G] [W], des échanges de SMS entre salariés, du procès-verbal du comité économique et social, de la reconnaissance par la CPAM du caractère professionnel de son accident du travail du 3 août 2021 et de la lettre que lui a adressée la société le 6 août 2021 pour l’informer de la cessation de leur collaboration avec effet au 31 juillet 2021.

L’appelante se fondant sur les dispositions de l’article L1226-19 du code du travail estime que la société Webhelp [Localité 3] n’a pas justifié d’un motif réel et sérieux étranger à son accident pour refuser le renouvellement de son contrat de travail.

Mme [I] indique que le motif de recours au contrat à durée indéterminée énoncé dans son contrat « accroissement temporaire d’activité non pérenne liée à une demande client » s’écarte des exigences légales d’un motif précis. Elle ajoute qu’il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de cet accroissement et souligne qu’il existait une relation d’affaires depuis 2019 avec la société à l’origine de ce supplément d’activité.

Elle fait valoir qu’à la date d’échéance de son contrat de travail, elle occupait le même emploi au sein de la société Webhelp [Localité 3] depuis plus d’un an, ayant effectué deux missions intérimaires préalablement et qu’elle a été remplacée de manière effective et permanente par une autre salariée à ce poste. Elle indique que l’absorption de la société Webhelp [Localité 3] par la société Webhelp Grand Est implique un besoin de salariés permanents.

Mme [I] invoque les dispositions du droit local relatives au maintien de salaire en période de maladie pour solliciter un rappel de rémunération et les dispositions de la convention collective pour réclamer un solde d’indemnité compensatrice de congés payés.

En l’état de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 20 juillet 2023, la société WGE venant aux droits de la société Webhelp [Localité 3] demande à la cour de :

– confirmer le jugement,

– débouter Mme [I] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [I] à lui payer 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [I] aux dépens.

Au visa des dispositions des articles L1243-13 et L1243-13-1 du code du travail, l’intimée rappelle que l’employeur n’a pas à notifier le non renouvellement du contrat à durée déterminée. Elle ajoute que les dispositions du contrat signé entre les parties mentionnent que ce dernier prendra fin automatiquement sans formalité. Elle précise que, s’il est d’usage au sein de la société que les managers avertissent préalablement les salariés du renouvellement ou non de leur contrat, Mme [I] se trouvait en arrêt de travail du 20 au 28 juillet 2021 et n’a effectué aucune démarche pour s’enquérir de l’éventuelle suite donnée à son contrat.

Elle conteste les affirmations de la salariée selon lesquelles elle aurait été planifiée pour travailler au-delà du terme de son contrat et qu’il lui aurait été demandé d’être à son poste de travail le 3 août 2021. Elle remet en cause la véracité des attestations produites par l’appelante, établies par son conjoint et une ancienne salariée ayant fait l’objet d’une procédure de licenciement. La société Webhelp [Localité 3] se prévaut quant à elle d’un courriel du 1er juillet 2021, du témoignage d’un salarié et d’un extrait du logiciel de planification des salariés.

Elle réfute avoir pourvu au remplacement de Mme [I] par une autre salariée. Elle précise que le non-renouvellement de son contrat de travail est dû à l’anticipation d’une baisse prochaine des commandes du client et à l’insuffisance des objectifs réalisés par l’appelante.

La société Webhelp [Localité 3] considère que la salariée n’apporte aucun élément de nature à étayer l’existence d’une discrimination et ajoute que la décision de non renouvellement de son contrat de travail est antérieure à l’accident dont elle a été victime. Elle relève que Mme [I] a, elle-même, constaté qu’elle ne disposait plus de ses identifiants de connexion le 2 août 2021.

L’intimée affirme que l’appelante n’occupait pas de poste permanent et précise qu’elle justifie de l’accroissement temporaire d’activité puis de la baisse survenue à compter du mois d’août 2021.

Elle prétend n’avoir commis aucune erreur dans le calcul des congés payés et du salaire de Mme [I], relevant les jours de carence et les absences injustifiées de la salariée.

La société Webhelp [Localité 3] conteste les demandes indemnitaires de l’appelante et fait valoir que celle-ci ne rapporte pas l’existence d’un préjudice.

L’ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 9 janvier 2024.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que Mme [I] n’avait pas été victime de discrimination, a rejeté sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre, et l’a déboutée de sa demande au titre de l’indemnité de précarité ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la requalification du contrat de travail de Mme [A] [I] en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2021 ;

Condamne la SAS Webhelp Grand Est WGE venant aux droits de la SAS Webhelp [Localité 3] à payer à Mme [A] [I] une somme de 1 554,58 euros au titre de l’indemnité de requalification ;

Dit que la rupture du contrat de travail équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS Webhelp Grand Est WGE venant aux droits de la SAS Webhelp [Localité 3] à payer à Mme [A] [I] les sommes suivantes :

– 1 554,88 euros de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse,

– 291,48 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 1 554,58 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 155,45 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

– 506,70 euros brut à titre de rappel de salaire outre 50,67 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

– 145,12 euros brut à titre de solde d’indemnité de congés payés ;

Ordonne à la SAS Webhelp Grand Est WGE venant aux droits de la SAS Webhelp [Localité 3] de remettre à Mme [A] [I] une attestation destinée à France Travail conforme aux dispositions du présent arrêt ;

Condamne la SAS Webhelp Grand Est WGE venant aux droits de la SAS Webhelp [Localité 3] à payer à Mme [A] [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Webhelp Grand Est WGE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la SAS Webhelp Grand Est WGE aux dépens de première instance et d’appel.

La Greffière La Présidente

 


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