Cour d’appel de Metz, 25 mars 2025, RG n° 19/01320
Cour d’appel de Metz, 25 mars 2025, RG n° 19/01320

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Metz

Thématique : Responsabilité d’un établissement scolaire : lien de causalité contesté entre un accident et une aggravation de l’état de santé d’un élève.

Résumé

L’affaire concerne un mineur ayant subi un accident scolaire le 15 mai 2002, alors qu’il était en classe de 6ème dans un établissement d’enseignement privé. Ce jour-là, il s’est cogné la tête sur un poteau de badminton, entraînant un traumatisme crânien. Bien qu’il ait consulté un médecin et repris ses activités scolaires, son état s’est rapidement détérioré, menant à une hospitalisation le 8 juin 2002, où il a été diagnostiqué avec une aggravation de son hydrocéphalie, causée par la fermeture de la stomie mise en place lors d’une intervention antérieure. Il est tombé dans le coma et est décédé en 2017.

Les parents du mineur, agissant en tant que tuteurs, ont demandé une expertise médicale pour établir un lien entre l’accident et l’aggravation de l’état de santé de leur fils. Le tribunal de grande instance a reconnu la responsabilité de l’établissement scolaire et de son assureur, les condamnant à verser des indemnités pour divers préjudices. Cependant, la mutuelle et l’établissement ont interjeté appel, contestant la responsabilité et le lien de causalité.

La cour d’appel a ordonné une nouvelle expertise, qui a conclu que l’aggravation de l’état de santé du mineur était due à la récidive de l’hydrocéphalie, sans lien direct avec le traumatisme crânien. En conséquence, la cour a infirmé le jugement initial, déboutant les parents et la caisse primaire d’assurance maladie de leurs demandes d’indemnisation. La cour a également statué que les consorts [F] devaient supporter les dépens de l’instance, sans application de l’article 700 du code de procédure civile.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 19/01320 – N° Portalis DBVS-V-B7D-FBC7

Minute n° 25/00045

Mutuelle SAINT CHRISTOPHE, Etablissement INSTITUT [17]

C/

[F], [R], [F], Organisme CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MOSELLE

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 09 Avril 2019, enregistrée sous le n° 12/01489

COUR D’APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 MARS 2025

APPELANTES :

Mutuelle SAINT CHRISTOPHE, représentée par son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 15]

Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Aude CANTALOUBE substituée lors de débats par Me Cynthia PERRET, avocats plaidant au barreau de PARIS

INSTITUTION [17], représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Aude CANTALOUBE substituée lors de débats par Me Cynthia PERRET, avocats plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur [Z] [F],

agissant en son nom propre et en qualité d’héritier de son fils [S] [F]

[Adresse 8]

[Localité 13]

Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/006768 du 05/08/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)

Madame [T] [R] épouse [F]

agissant en son nom propre et en qualité d’héritière de son fils [S] [F]

[Adresse 8]

[Localité 13]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/006765 du 05/08/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)

Madame [M] [F]

[Adresse 8]

[Localité 13]

Non représentée

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA MOSELLE,

représentée par son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Jean-luc HENAFF, avocat au barreau de METZ

INTERVENANTS VOLONTAIRES:

Monsieur [H] [F]

en qualité d’héritier de M.[S] [F]

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

Monsieur [V] [F]

en qualité d’héritier de M.[S] [F]

[Adresse 8]

[Localité 13]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

Monsieur [B] [F]

en qualité d’héritier de M.[S] [F]

[Adresse 8]

[Localité 13]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

Madame [M] [F]

[Adresse 8]

[Localité 13]

Non représentée

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 09 Janvier 2025 l’affaire a été mise en délibéré, pour l’arrêt être rendu le 25 Mars 2025, en application de l’article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : M. DONNADIEU, Président de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

M. MAUCHE, Président de chambre

ARRÊT : Réputé contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. Christian DONNADIEU, Président de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

[S] [F], né le [Date naissance 1] 1990, a présenté en 2001 une tumeur cérébrale, en l’occurrence une tumeur de la lame tectale et de la partie postérieure du troisième ventricule, entraînant une hydrocéphalie. Cette hydrocéphalie a été traitée le 21 mai 2001 par une ventriculocisternostomie endoscopique, et [S] [F] a par la suite repris sa scolarité en classe de CM2 à l’Institution [17] de [Localité 18], établissement d’enseignement privé sous contrat avec l’Etat.

Le 15 mai 2002, alors qu’il était en classe de 6ème toujours dans le même établissement, [S] [F] était victime d’un accident scolaire alors qu’il se trouvait en cours d’éducation physique. La déclaration d’accident scolaire remplie le 17 mai 2002 par son enseignante relate qu’« en sortant le matériel de badminton [S] s’est cogné la tête sur un poteau ». La déclaration indique que l’enfant a été victime d’un traumatisme crânien, qu’il a consulté un médecin et a cessé son activité une matinée, et avait repris son activité au jour de la déclaration.

Néanmoins, l’état de l’enfant se dégradait ultérieurement avec l’apparition notamment de vomissements et céphalées et le 8 juin 2002 [S] [F] était conduit par ses parents aux urgences de l’hôpital de [Localité 18] puis transféré au CHU de [Localité 19] où son état continuait à s’aggraver. Malgré l’intervention effectuée, il sombrait dans le coma dont il ne devait plus sortir. Il retournait chez ses parents en octobre 2002 et décédait le [Date décès 3] 2017.

Par ordonnance de référé du 22 février 2011, rendue à la requête de M. [Z] [F] et de Mme [T] [F], agissant tant en leur nom personnel qu’au nom de leur fils [S] placé sous tutelle, une expertise médicale a été ordonnée aux fins notamment de dire si l’aggravation de l’état d'[S] en juin 2002 est en relation directe et certaine avec l’accident du 15 mai 2002, fixer la date de consolidation, indiquer les séquelles résultant de l’accident du 15 mai 2002, déterminer les durées et les taux des incapacités fonctionnelles et leur évolution dans le temps en distinguant ce qui résulte de la blessure du 15 mai 2002 et ce qui résulte de toute autre pathologie distincte, et fournir tous éléments d’appréciation utiles sur les souffrances endurées le préjudice scolaire le préjudice d’agrément, le préjudice esthétique.

Cette ordonnance a été rendue au contradictoire de l’Institution [17], de son assureur la Mutuelle Saint Christophe, et de la CPAM de [Localité 18].

Le Docteur [J], expert commis, a rendu son rapport le 07 novembre 2011.

Par acte d’huissier du 02 août 2012, la Société d’Assurance Mutuelle Saint Christophe et l’établissement scolaire Institution [17] ont assigné devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines M. [Z] [F] et Mme [T] [F] en leur qualité de tuteurs de leur fils majeur [S] [F], en contestant toute responsabilité dans la survenue de l’accident du 15 mai 2002, concluant au débouté de toute réclamation indemnitaire formée par les époux [F] tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de tuteurs de [S] [F], et en concluant subsidiairement à la nullité de l’expertise judiciaire diligentée.

En cours de procédure l’Institution [17] et la Mutuelle Sainte Christophe ont saisi le juge de la mise en état d’un incident, en exposant que l’expert s’était fondé, pour rendre son rapport, sur le dossier médical d'[S] [F] qui ne leur avait jamais été communiqué alors que les époux [F] indiquaient l’avoir en leur possession, et en demandant également communication de la convocation émanant de l’expert, également en la possession des défendeurs.

M. et Mme [F] ont communiqué le courrier de convocation de l’expert auquel ils se référaient dans leurs conclusions, et par ordonnance du 04 février 2014 il a été fait droit à la demande de communication du dossier médical.

[S] [F] est décédé au cours de la procédure, laquelle a été reprise par ses parents en leur nom personnel et en leur qualité d’héritiers. [H] [F], frère majeur d'[S] [F], est également intervenu à la procédure.

Par jugement du 09 avril 2019 le Tribunal de Grande Instance de Sarreguemines a :

Rejeté la demande de nullité de l’expertise médicale du 24 octobre 2011 formée par l’institution [17] et la mutuelle Saint Christophe ;

Déclaré l’institution [17] et la mutuelle Saint Christophe responsables in solidum de l’accident subi par M. [S] [F] le 15 mai 2002 ;

Dit que cet accident est en lien direct et certain avec l’aggravation de l’état de santé de M. [S] [F] constaté par le rapport d’expertise médicale du 24 octobre 2011

En conséquence :

Condamné l’institution [17] et la Mutuelle Saint Christophe à verser in solidum à M. [Z] [F] et à Mme [T] [R] épouse [F] la somme de 40 000 euros au titre des souffrances endurées par M. [S] [F] ;

Condamné l’institution [17] et la Mutuelle Saint Christophe à verser in solidum à M. [Z] [F] et à Mme [T] [R] épouse [F] la somme de 500 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de M. [S] [F] ;

Condamné l’institution [17] et la Mutuelle Saint Christophe à verser in solidum à M. [Z] [F] et à Mme [T] [R] épouse [F] la somme de 40 000 euros au titre du préjudice esthétique de M. [S] [F] ;

Condamné l’institution [17] et la Mutuelle Saint Christophe à verser in solidum à M. [Z] [F] et à Mme [T] [R] épouse [F] la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice d’établissement ;

Condamné l’institution [17] et la Mutuelle Saint Christophe à verser in solidum à M. [Z] [F] et à Mme [T] [R] épouse [F] la somme de 60 000 euros au titre de leur préjudice personnel d’affection ;

Condamné l’institution [17] et la Mutuelle Saint Christophe à verser in solidum à M. [Z] [F] et à Mme [T] [R] épouse [F] l’intégralité des sommes précitées assorties du taux légal à compter de la présente décision ;

Débouté M. [Z] [F] et Mme [T] [R] épouse [F] de leurs autres demandes de réparation ;

Déclaré le présent jugement opposable à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Moselle ; Par conséquent ;

Condamné l’institution [17] et la mutuelle Saint Christophe à verser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Moselle la somme de 75 536,70 euros au titre des frais hospitaliers ;

Rejeté la demande de condamnation de l’institution [17] et de la Mutuelle Saint Christophe à verser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Moselle la somme de 1 047 euros au titre de l’indemnité forfaitaire des frais de gestion ;

Condamné in solidum l’institution [17] et la mutuelle Saint Christophe à verser à M. [Z] [F] et à Mme [T] [F] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné in solidum l’institution [17] et la mutuelle Saint Christophe à verser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Moselle la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné in solidum l’institution [17] et la mutuelle Saint Christophe aux entiers dépens de l’instance ;

Rejeté les autres demandes au surplus ;

Ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 200 000 euros.

Pour statuer ainsi le Tribunal a considéré, sur la nullité invoquée de l’expertise, qu’il n’existait effectivement pas la preuve au dossier de la convocation de l’institution [17], et qu’en outre il ne ressortait ni du rapport ni de la convocation que l’Institution [17] ou son assureur aient été en mesure de prendre connaissance, par le biais de leur médecin conseil, du dossier médical d'[S] [F]. Pour autant, rappelant que la nullité d’un rapport d’expertise est régie par les dispositions relatives aux nullités de procédure, exigeant la preuve du grief causé par la nullité alléguée, le Tribunal a considéré qu’en l’espèce la preuve de ce grief n’était pas rapportée.

Sur la responsabilité de l’institution [17] le Tribunal, après avoir relaté les circonstances de l’accident telles que décrites dans le rapport d’accident, a conclu que la responsabilité de l’institution [17] était engagée du fait de la chose mise en ‘uvre le jour de l’accident, en l’espèce le poteau du terrain de badminton, relevant une obligation contractuelle de sécurité et considérant qu’il importait peu que l’établissement ait ou non commis une faute.

Sur le lien de causalité le tribunal, récapitulant l’ensemble des avis d’experts versés aux débats de part et d’autre, a considéré finalement que le rapport d’expertise du Dr [J] indiquait sans ambiguïté que l’aggravation de l’état de M. [S] [F] du mois de juin 2002 était en relation directe et certaine avec le traumatisme crânien survenu le 15 mai 2002.

Le Tribunal a néanmoins rejeté certains chefs de préjudice qu’il n’estimait pas démontrés (préjudice moral subi par [S], préjudice financier des parents, préjudice d’affection des frères et s’ur).

Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz du 27 mai 2019, la mutuelle Saint Christophe et « L’établissement Institut [17] » ont interjeté appel de l’entièreté du jugement.

Les consorts [F] ont formé un appel incident et ont déclaré agir tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentant légal d'[M] [F] née le [Date naissance 1] 2004.

[C], [V] et [B] [F] ont déclaré intervenir volontairement à l’instance.

Par ordonnance du 8 juin 2021, le conseiller de la mise en l’état a ordonné la clôture de l’instruction du dossier.

Par arrêt partiellement avant-dire droit du 19 octobre 2021, auquel il sera référé pour un exposé de ses motifs, la cour d’appel de Metz a :

Invité les appelantes à se prononcer sur les observations liminaires de la Cour, relatives à la dénomination exacte d’un des appelants (Institution [17] et non Institut)

Rejeté la fin de non-recevoir opposée à la demande de nullité du rapport d’expertise ;

Infirmé le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du rapport d’expertise ;

Statuant à nouveau sur ce point :

Prononcé la nullité du rapport d’expertise établi le 24 octobre 2011 par M. le Docteur [J] ;

Sur le fond :

Retenu le rôle causal du poteau de badminton dont l’établissement scolaire Institution [17] avait la garde, dans le choc à la tête subi par [S] [F] le 15 mai 2002 ;

Confirmé sur ce point le jugement déféré.

Pour le surplus :

Ordonné la réouverture des débats et la révocation de l’ordonnance de clôture ;

Ordonné une mesure d’expertise, confiée à :

M. le Docteur [N] [K], expert en neurochirurgie inscrit sur la liste des experts de la Cour d’Appel de Lyon, Hôpital [16], [Adresse 14] ;

Mme le Docteur [A] [X] née [I], experte en radiologie et imagerie médicale, inscrite sur la liste des experts de la Cour d’Appel de Lyon, Hôpital [16], [Adresse 14]

Lesquels auront pour mission de :

Convoquer les parties par courrier recommandé avec avis de réception et leurs conseils par lettre simple ;

Se faire remettre contradictoirement par les parties ou par des tiers tous documents utiles à leur mission, en particulier tous documents médicaux encore éventuellement détenus par les hôpitaux de [Localité 18] et [Localité 19], avec l’accord des ayant-droit d'[S] [F], outre l’ensemble des documents médicaux détenus par les consorts [F] ;

Vérifier auprès des parties la communication contradictoire préalable des documents remis, à l’exception des dossiers médicaux qui ne doivent être communiqués qu’au médecin conseil de la Mutuelle Saint Christophe et de l’Institution [17] ;

Le cas échéant communiquer aux parties les documents qui auraient été directement communiqués aux experts par des tiers, à l’exception précitée des documents médicaux ;

Récapituler l’ensemble des documents remis sur lesquels portera leur expertise ;

Entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués ou entendus ;

A partir des documents communiqués, indiquer et décrire les lésions dont souffrait [S] [F] en mai 2001 avant l’intervention de ventriculocisternostomie, dire quelles ont été les suites immédiates de cette intervention, et quel était l’état de santé d'[S] [F] avant l’accident du 15 mai 2002 ;

Indiquer quel était l’état d'[S] [F] au moment de son transfert en urgence vers les hôpitaux de [Localité 18] et [Localité 19] le 8 juin 2002 (sous réserve de l’exactitude de cette dernière date), quelles étaient les lésions ou la pathologie dont il souffrait à ce moment, quelles ont été les interventions réalisées et les suites de celles-ci ;

Indiquer si les documents communiqués, IRM radios ou autres réalisés lors de son hospitalisation à [Localité 18] puis au CHU de [Localité 19] le 8 juin 2002 et dans les jours qui ont suivi, font apparaître des lésions étant la conséquence du choc à la tête subi le 15 mai 2002 ;

Dire si l’aggravation de l’état de santé d'[S] [F] à compter du 8 juin 2002 et la survenance d’un état de comas végétatif, sont les conséquences directes et certaines du choc à la tête survenu le 15 mai 2002, et dans la négative quelles sont les causes de cette aggravation ;

A défaut dire si ce choc a joué un rôle dans la dégradation de l’état de santé d'[S] [F], le cas échéant en accélérant un processus péjoratif, et dans quelles proportions ;

Plus généralement faire toutes constatations et observations utiles à la compréhension des faits, et à la solution du litige ;

Dit que les experts pourront s’adjoindre tout spécialiste de leur choix dans une autre spécialité que la leur à charge pour eux de solliciter une consignation complémentaire couvrant le coût de sa prestation et de joindre l’avis du sapiteur à leur rapport ; dit que si le sapiteur n’a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par les experts ;

Dit que les experts à l’issue de leurs opérations, devront transmettre aux parties un pré-rapport et leur laisser un délai d’un mois pour formuler leurs observations, et faire mention dans leur rapport définitif de la suite qu’ils en auront donnée conformément à l’article 276 du code de procédure civile ;

Dit que les experts devront remettre leur rapport au greffe de la première chambre civile de la Cour d’Appel de Metz, [Adresse 7] dans un délai de six mois à compter du jour de leur saisine ;

Dit que les experts commenceront leurs opérations dès qu’ils seront avertis par le greffe que les parties ont consigné la provision mise à leur charge ;

Fixé à la somme de 3 000 euros soit 1 500 euros par expert le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert ;

Dit qu’il appartient à l’Institution [17] et à la Mutuelle Saint Christophe de verser cette somme avant le 30 novembre 2021 sous peine de caducité de la mesure d’expertise, par chèque adressé à la Direction Régionale des Finances Publiques de Auvergne – Rhône-Alpes et département du Rhône – Pôle de gestion des consignations – [Adresse 6] ;

Invité l’Institution [17] et à la Mutuelle Saint Christophe à justifier de la consignation auprès du Greffe de la Cour d’Appel de Metz ;

Dit que les experts devront référer à M. Ruff, Président de Chambre commis pour suivre les opérations d’expertise, ou à tout autre magistrat de la cour le substituant, de toute difficulté pouvant être rencontrée par eux dans l’exécution de sa mission ;

Dit que les experts devront en toute circonstance informer le magistrat de la date de leurs opérations, de l’état d’avancement de leurs travaux et des difficultés qu’ils pourront rencontrer ;

Dit que si les honoraires devaient dépasser le montant de la provision versée, les experts devront également en aviser ce magistrat et ne continuer leurs opérations qu’après consignation d’une provision complémentaire ;

Rappelé que la procédure en matière de taxation des frais d’expertise en Alsace-Moselle demeure régie par les dispositions de droit local en application de l’article 30 du décret du 29 septembre 1976, faisant obstacle à toute taxation complémentaire mise à la charge d’une partie après dépôt du rapport d’expertise, et imposant que toute demande de provision complémentaire soit faite avant dépôt du rapport ;

Réservé le surplus des demandes.

Les experts commis ont déposé leur rapport le 25 mai 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par leurs dernières conclusions du 13 novembre 2022 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la Mutuelle Saint Christophe et l’Institut (lire institution) [17] demandent à la cour d’appel de :

Infirmer le jugement rendu par le TGI de Sarreguemines le 09 avril 2019 en ce qu’il a «dit que cet accident est en lien direct et certain avec l’aggravation de l’état de santé de M. [S] [F] constaté par le rapport d’expertise du 24 octobre 2011» et a condamné l’Institution [17] et la Mutuelle Saint-Christophe à indemniser les préjudices des Consorts [F] avec exécution provisoire à hauteur de 200 000,00 euros ;

Et, statuant à nouveau :

Rejeter les demandes d’indemnisation des consorts [F] et les demandes de remboursement de la CPAM dans la mesure où l’accident de M. [S] [F] le 15 mai 2002 n’était pas en relation avec l’aggravation de son état de santé qui résultait de l’évolution de son état antérieur ;

Ordonner la restitution des sommes versées ;

Mettre hors de cause l’Institution [17] et la Mutuelle Saint-Christophe et rejeter toutes les demandes, fins et conclusions des Consorts [F] et de la CPAM;

Condamner les Consorts [F] à verser aux concluantes la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. »

La Mutuelle Saint-Christophe et l’institution [17] rappellent que selon les dispositions de l’article 1151 du code civil, les dommages-intérêts ne doivent comprendre que ce qui est une suite immédiate et directe des conventions, et font valoir qu’en l’espèce, l’imputabilité de l’état d'[S] [F] et de son décès au choc survenu le 17 mai 2002 est totalement discutable.

Elles rappellent qu’elles avaient pris l’avis tout d’abord du professeur [Y] [L] puis du docteur [G], et que le professeur [L] avait ainsi exposé que le risque essentiel de la ventriculocisternostomie est le rebouchage spontané de la stomie sur le plancher du troisième ventricule, risque par ailleurs connu et redouté de tous les neurochirurgiens, et qui conduit à une rechute de l’hydrocéphalie. Le professeur [L] devant les éléments qui lui étaient soumis, avait considéré que rien n’étayait l’hypothèse d’un saignement post-traumatique.

De même le docteur [G] avait indiqué que l’hémorragie cérébrale n’était qu’une hypothèse pour expliquer l’aggravation de l’état d'[S] [F], qui ne semblait pas avoir été corroborée par des examens complémentaires, et qu’en l’absence de toute hémorragie sous-arachnoïdienne post-traumatique révélée par le scanner ou l’IRM, il lui semblait difficile d’imputer la poussée d’hydrocéphalie au traumatisme crânien léger du 15 mai 2002.

Les appelantes exposent qu’en suite de la communication du dossier médical d'[S] [F], et notamment des clichés d’imagerie, ceux-ci ont été soumis au professeur [L], qui avait conclu à leur examen que chaque épisode d’hydrocéphalie était lié à une croissance tumorale, et que c’est dans ce contexte qu’était survenue la récidive d’hydrocéphalie de juin 2002, alors qu’il n’apparaissait sur les IRM ou les images scanner aucun stigmate de traumatisme cranioencéphalique, grave, moyennement grave ou minime, de sorte qu’il n’existait aucun lien entre la notion de coup sur la tête lors de la séance de gymnastique du 15 mai 2002 et l’épisode d’hydrocéphalie aigu du 9 juin 2002.

Compte tenu de ces éléments les appelantes s’insurgent contre la décision du premier juge, uniquement fondée sur les conclusions d’un expert ayant pris pour acquis les déclarations du docteur [W], et ajoutent que postérieurement au jugement critiqué elles ont également pris l’avis du professeur [P], qui a confirmé que le risque connu et redouté de tout type de dérivation est le risque d’obstruction spontanée de celle-ci, et a également relevé que dès janvier 2002 la croissance de la tumeur menaçait la perméabilité de la dérivation, en récusant tout lien entre le traumatisme du 15 mai 2002 et l’aggravation de l’état d'[S] [F] observé à compter du 8 ou du 9 juin 2002, et récusant de même l’avis du docteur [W].

Les appelantes font valoir que les conclusions des experts judiciaires désignés par la cour confirment l’absence de tout lien entre l’accident scolaire et l’aggravation de l’état de santé d'[S] [F]. Ainsi les expert ont confirmé le risque de fermeture spontanée après une intervention de ventriculocisternostomie, ont confirmé que la récidive d’hydrocéphalie présentée par [S] était la conséquence d’une telle fermeture secondaire de la stomie, ont relevé que l’imagerie réalisée au moment de la dégradation de l’état de l’enfant ne retrouvait pas de phénomène hémorragique pouvant être en lien avec le traumatisme survenu un mois auparavant, et ont conclu qu’on ne pouvait pas établir de lien direct et certain entre l’aggravation de l’état de santé d'[S] [F] et le choc survenu le 15 mai 2002.

Elles concluent dès lors à l’infirmation du jugement dont appel.

Par leurs dernières conclusions du 7 mars 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [Z] [F], Mme [T] [R] épouse [F], déclarant agir tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentants légaux d'[M] née le 05.12.2004, M. [H] [F], M. [V] [F], et M. [B] [F] (les consorts [F]) demandent à la cour d’appel de :

« Vu l’arrêt avant dire droit :

Dire l’appel de l’Institut [17] et de la Mutuelle St Christophe mal fondé.

Débouter l’Institut [17] et la Mutuelle St Christophe de l’ensemble de leurs demandes fin et conclusions.

Constater que l’Institut [17] et la Mutuelle St Christophe ne remettent pas en cause dans leurs conclusions justificatives d’appel le chiffrage des différents préjudices ;

Confirmer en conséquence le chiffrage des préjudices subis par [S].

Prenant acte néanmoins de l’intervention volontaire des frères de M. [S] [F] et faisant droit à l’appel incident :

Condamner la Mutuelle St Christophe et l’Institut [17] à verser in solidum à M. [Z] [F], Mme [T] [F] agissant tous deux tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentant légal de [M], M. [H] [F], M. [B] [F] et M. [V] [F] les sommes suivantes :

40 000 euros au titre des souffrances endurées par [S] ;

500 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent d'[S] ;

40 000 euros à titre de préjudice esthétique d'[S] ;

10 000 euros au titre de la réparation du préjudice d’établissement d'[S].

Condamner la Mutuelle St Christophe et l’Institut [17] à verser in solidum à M. [Z] [F], Mme [T] [F] la somme de 100 000 euros au titre de leur préjudice d’affection, ainsi qu’une somme de 51 000 euros au titre de leur préjudice matériel.

Condamner la Mutuelle St Christophe et l’Institut [17] à verser à M. et Mme [F] en leur qualité de représentant légal d'[M], à M. [H] [F], M. [B] [F] et M. [V] [F] une somme de 25 000,00 euros à chacun.

A titre subsidiaire avant dire droit, si la Cour devait le juger utile :

Ordonner une nouvelle expertise avec reprise de l’ensemble des termes de la mission d’expertise telle qu’elle résulte de l’arrêt avant dire droit du 19 octobre 2021.

Condamner la Mutuelle St Christophe et l’Institut [17] aux entiers frais et dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 10 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. »

Les consorts [F] font valoir que la nouvelle expertise est à l’opposé de celle qui a été annulée et qui reste, malgré tout, un élément du débat. Ils rappellent que la première expertise avait conclu à l’existence d’un lien entre le choc subi par [S] lors du cours de gymnastique, et l’aggravation de son état en excluant que la tumeur soit la cause de cette aggravation, alors que la seconde se base sur l’affirmation selon laquelle l’obstruction secondaire de la stomie serait courante.

Ils observent cependant que les références de littérature médicale indiquées par les experts sont limitées, et que cette expertise ne comporte aucune explication sur l’incidence que pouvait avoir un choc sur une personne fragile comme [S].

Ils considèrent en outre qu’il serait totalement invraisemblable que cette aggravation ne soit qu’une pure coïncidence.

Ils sollicitent par conséquent un deuxième avis, et font encore valoir qu’en tout état de cause le préjudice subi par [S] à raison du choc qu’il a reçu ne peut être nié.

Les consorts [F] considèrent par ailleurs que les montants alloués par le premier juge sont insuffisants, et fournissent le détail de leurs différents préjudices.

A titre subsidiaire, ils demandent, si la cour n’ordonnait pas de nouvelle expertise, à ne pas être condamnés aux dépens ni à aucune indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils exposent qu’ils se sont heurtés à la mauvaise foi de l’institution [17] qui a nié jusqu’aux circonstances mêmes de l’accident, et font valoir qu’ils avaient la certitude, en raison des conclusions du premier expert, que le choc subi par [S] était bien la cause de l’aggravation dramatique de son état de santé. Ils rappellent leur situation particulièrement difficile, et notamment ce qu’a été le quotidien des parents d'[S] pendant toutes les années de vie de celui-ci.

Ils estiment que l’équité commande de faire droit à une demande de dommages-intérêts pour le préjudice subi par [S] du fait du traumatisme crânien, et de laisser aux appelantes la charge des frais et dépens.

Par ses dernières conclusions du 2 mars 2021 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la CPAM de Moselle demande :

« Dire recevable mais mal fonde l’appel interjeté le 27 mai 2019 par la Mutuelle Saint Christophe et l’Institut [17] contre le jugement rendu le 9 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Sarreguemines ;

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamner la Mutuelle Sainte Christophe et l’Institut [17] à verser à la CPAM de la Moselle une somme de 1 047 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de frais de gestion ;

Condamner la Mutuelle Saint Christophe et l’Institut [17] à verser à la CPAM de la Moselle une somme de 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la mutuelle Saint Christophe et l’Institut [17] en tous les frais et dépens d’instance et d’appel. »

La CPAM indique que la notification définitive des débours ne contient pas de postes futurs puisqu’ils contiennent les frais d’hospitalisation d'[S] du 8 juin au 8 octobre 2022. Elle ajoute que la stricte imputabilité de prestations au regard du seul accident du 15 mai a été établie par le médecin-conseil, de telle sorte qu’elle met en ‘uvre l’action récursoire de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale.

[M] [F], devenue majeure, n’a pas constitué avocat.

Par acte d’huissier du 14 septembre 2023 remis à personne, la Mutuelle Saint Christophe et l’institution [17] lui ont signifié leur déclaration d’appel et leurs conclusions du 13 octobre 2022 en ouverture de rapport ainsi que leur bordereau de pièces, et l’ont assignée devant la cour d’appel de Metz.

Par ordonnance du 14 décembre 2023, le conseiller de la mise en l’état a ordonné la clôture de l’instruction du dossier.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions autres que celles déjà infirmées par arrêt du 19 octobre 2021,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [Z] [F], Mme [T] [R] épouse [F], M. [H] [F], M. [V] [F], et M. [B] [F] de l’ensemble de leurs demandes,

Déboute la CPAM de la Moselle de toutes ses demandes,

Condamne in solidum M. [Z] [F], Mme [T] [R] épouse [F], M. [H] [F], M. [V] [F], et M. [B] [F], aux entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle pour ce qui concerne M. [Z] [F] et Mme [T] [R] épouse [F],

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, en première instance comme à hauteur d’appel.

La Greffière Le Président de chambre

 


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon