Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Lyon
Thématique : Prolongation de rétention administrative : évaluation de la menace pour l’ordre public.
→ RésuméPar décision du 30 janvier 2025, l’autorité administrative a ordonné le placement d’un étranger en rétention pour exécuter une obligation de quitter le territoire français, assortie d’une interdiction de retour de 18 mois. Cette décision a été notifiée à l’intéressé le même jour. Par la suite, le juge du tribunal judiciaire a prolongé la rétention à deux reprises, pour des durées de 26 et 30 jours. Le 28 mars 2025, l’autorité administrative a demandé une troisième prolongation de 15 jours, que le juge a accordée le 30 mars 2025.
L’étranger a interjeté appel de cette décision, arguant que sa situation ne répondait pas aux critères de prolongation prévus par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Il a soutenu que l’administration n’avait pas justifié la délivrance rapide d’un laissez-passer consulaire et qu’il n’avait pas fait d’obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement. De plus, il a affirmé qu’il ne représentait pas une menace pour l’ordre public, n’ayant jamais été condamné en France. Lors de l’audience, l’étranger a reconnu avoir commis des vols dans sa jeunesse, mais a précisé qu’il n’avait pas été arrêté entre 2017 et 2024, période durant laquelle il travaillait. Il a exprimé sa volonté de quitter le territoire de manière autonome, proposant même un accord stipulant qu’il accepterait une peine de 10 ans de prison s’il était retrouvé en France après sa libération. Le tribunal a déclaré l’appel recevable, mais a confirmé la décision de prolongation de la rétention, considérant que les antécédents judiciaires de l’étranger, bien que non condamnés, constituaient une menace pour l’ordre public. Les diligences entreprises par l’administration pour assurer son éloignement ont également été jugées suffisantes. |
N° RG 25/02547 – N° Portalis DBVX-V-B7J-QIXS
Nom du ressortissant :
[T] [P]
[P]
C/
PREFETE DU RHÔNE
COUR D’APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 01 AVRIL 2025
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Marianne LA MESTA, conseillère à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 2 janvier 2025 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,
Assistée de Inès BERTHO, greffier,
En l’absence du ministère public,
En audience publique du 01 Avril 2025 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
M. [T] [P]
né le 27 Novembre 2001 à [Localité 4] (ALGERIE) ([Localité 4])
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au Centre de rétention administrative de [Localité 3] [5]
comparant assisté de Maître Stéphanie MANTIONE, avocat au barreau de LYON, commis d’office et avec le concours de Monsieur [I] [X], interprète en langue arabe et inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel de LYON
ET
INTIMEE :
Mme LA PREFETE DU RHÔNE
[Adresse 1]
[Localité 2]
non comparante, régulièrement avisée, représentée par Maître Cherryne RENAUD AKNI, avocate au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON
Avons mis l’affaire en délibéré au 01 Avril 2025 à 19 Heures 30 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Par décision du 30 janvier 2025, la préfète du Rhône a ordonné le placement de [T] [P] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d’une interdiction de retour pendant une durée de 18 mois édictée le 21 juillet 2024 et notifiée à l’intéressé le même jour par l’autorité administrative.
Par ordonnances des 3 février 2025 et 28 février 2025, dont la seconde a été confirmée en appel le 4 mars 2025, le juge du tribunal judiciaire de Lyon a prolongé la rétention administrative de [T] [P] pour des durées successives de vingt-six et trente jours.
Suivant requête du 28 mars 2025, enregistrée par le greffe le 29 mars 2025 à 15 heures 10, la préfète du Rhône a saisi le juge du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une troisième prolongation exceptionnelle de la rétention de [T] [P] pour une durée de quinze jours.
Le juge du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 30 mars 2025 à 16 heures 11, a fait droit à la requête de la préfète du Rhône.
[T] [P] a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 31 mars 2025 à 14 heures 49, en faisant valoir que sa situation ne répond pas aux conditions posées par l’article L.742-5 du CESEDA pour autoriser la troisième prolongation exceptionnelle de sa rétention, dès lors que la préfecture ne justifie pas que la délivrance du laissez-passer consulaire pourrait intervenir à bref délai, qu’il n’existe aucun acte d’obstruction ou de procédure dilatoire dans les 15 derniers jours de sa rétention et que sa présence en France n’est nullement constitutive d’une menace pour l’ordre public puisqu’il n’a jamais été condamné sur le territoire français et a uniquement fait l’objet de signalisations qui n’ont jamais été suivies de poursuites pénales.
Il demande en conséquence l’infirmation de l’ordonnance déférée et sa remise en liberté.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 1er avril 2025 à 10 heures 30.
[T] [P] a comparu, assisté de son conseil et d’un interprète en langue arabe.
Entendu en sa plaidoirie, le conseil de [T] [P] a soutenu les termes de la requête écrite d’appel.
La préfète du Rhône, représentée à l’audience par son conseil, a sollicité la confirmation de l’ordonnance déférée.
[T] [P], qui a eu la parole en dernier, déclare qu’il a effectivement commis des vols lorsqu’il était jeune car il ne connaissait pas les lois mais affirme qu’entre 2017 et 2024, il n’a plus été arrêté car il travaillait. Malheureusement en 2024, il a perdu son emploi et sa femme d’origine espagnole était malade. Il n’a trouvé personne pour l’aider, alors il a volé pour manger. Il ne considère pas être une menace pour l’ordre public. Il propose de passer un accord à savoir que s’il est retrouvé sur le territoire français après avoir été libéré et bénéficié de la chance de le quitter par lui-même, il méritera 10 années de prison.
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l’appel formé par [T] [P],
Confirmons l’ordonnance déférée.
La greffière, La conseillère déléguée,
Inès BERTHO Marianne LA MESTA
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?