Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Douai
Thématique : Résiliation de bail commercial et constatation de l’occupation sans droit ni titre.
→ RésuméLe 1er février 2018, des bailleurs ont accordé un bail commercial précaire d’une durée de 24 mois à un locataire, concernant un local commercial. Ce bail a été renouvelé le 6 mars 2020 pour une nouvelle période de 24 mois, avec un loyer mensuel de 500 euros. Cependant, le locataire a continué à occuper les lieux au-delà de la date d’échéance.
Le 18 octobre 2022, la commune a acquis le bien immobilier où se situe le local loué. Le 13 octobre 2023, la commune a délivré un commandement de payer au locataire pour des impayés locatifs s’élevant à 4 982 euros. En réponse, la commune a assigné le locataire en référé le 20 février 2024, demandant la résiliation du bail, le paiement d’une provision pour la dette locative, une indemnité d’occupation et l’expulsion. Le locataire a contesté ces demandes, arguant de l’existence d’une contestation sérieuse et demandant la suspension des effets de la clause résolutoire ainsi que des délais de paiement. Le 26 juin 2024, le tribunal a constaté la résiliation du bail, déclarant le locataire occupant sans droit ni titre depuis le 14 novembre 2023, et a ordonné son expulsion ainsi que le paiement de sommes dues. Le locataire a interjeté appel le 12 juillet 2024, demandant la suspension des effets de la clause résolutoire et des délais de paiement. En revanche, la commune a demandé la confirmation de l’ordonnance initiale et le rejet des demandes du locataire. Le tribunal a confirmé l’ordonnance, rejetant les demandes de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire, et a condamné le locataire aux dépens. Le jugement a souligné que le locataire n’avait pas justifié de sa situation financière et n’avait pas respecté l’échéancier de paiement convenu. |
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 03/04/2025
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N° de MINUTE :
N° RG 24/03439 – N° Portalis DBVT-V-B7I-VVGF
Ordonnance de référé (N° 24/00060) rendu le 26 juin 2024 par le président du tribunal judiciaire de Béthune
APPELANT
Monsieur [N] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Gérald Vairon, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
INTIMÉE
Commune d'[Localité 3], agissant par son maire en exercice
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric Devaux, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
assistée de Me Alexandre Bernabé, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 25 février 2025 tenue par Stéphanie Barbot magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidentede chambre
Nadia Cordier, conseiller
Caroline Vilnat, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 21 janvier 2025
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FAITS ET PROCEDURE
Le 1er février 2018, les consorts [L] ont consenti à M. [M] un ‘bail commercial précaire’ d’une durée de 24 mois, devant prendre fin le 5 mars 2022,ayant pour objet un local commercial situé [Adresse 2] à [Localité 3].
Le 6 mars 2020, un nouveau bail commercial précaire de 24 mois, portant sur le même bien, a été conclu entre les mêmes parties, moyennant un loyer mensuel de 500 euros.
Ce bail s’est poursuivi au-delà de son terme.
Par un acte authentique du 18 octobre 2022, la commune d'[Localité 3] (la commune) a fait l’acquisition, auprès des consorts [L], de l’immeuble dans lequel se trouve le local loué à M. [M].
Le 13 octobre 2023, la commune a vainement délivré à M. [M] un commandement de payer visant la clause résolutoire en raison d’impayés locatifs représentant la somme 4 982 euros en principal.
Le 20 février 2024, la commune a assigné M. [M] en référé, en constat de la résiliation du bail, en paiement d’une provision au titre de la dette locative et d’une indemnité d’occupation, et en expulsion.
M. [M] s’est opposé à ces demandes, aux motifs qu’il existait une contestation sérieuse et a demandé, subsidiairement, la suspension des effets de la clause résolutoire et l’octroi de délais de paiement.
Par une ordonnance du 26 juin 2024, le président du tribunal judiciaire de Béthune, statuant en référé, a :
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail liant la commune et M. [M] sur le local commercial situé dans l’immeuble ci-dessus désigné ;
– dit que M. [M] était occupant sans droit ni titre à compter du 14 novembre 2023 ;
– condamner M. [M] à restituer les lieux dans le mois de la signification de sa décision, sous peine d’expulsion passé ce délai ;
– condamné M. [M], à titre provisionnel, au paiement des sommes suivantes :
‘ 5 211,67 euros au titre des loyers et provisions sur charges arrêtés dus et arrêtés au 13 novembre 2023 ;
‘ 830,33 euros au titre des indemnités d’occupation dues, arrêtées au terme de janvier 2024 inclus ;
– rejeté l’ensemble des demandes de M. [M] ;
– rejeté le surplus des demandes de la commune ;
– condamné M. [M] aux dépens ;
– condamné M. [M] au paiement d’une indemnité procédurale de 1 000 euros.
Le 12 juillet 2024, M. [M] a relevé appel de cette ordonnance.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 septembre 2024, M. [M] demande à la cour d’appel de :
– déclarer son appel recevable et bien fondé ;
Y faisant droit,
– infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté ‘ses demandes visant à faire état de difficultés sérieuses, de l’absence de trouble manifestement illicite, et visant à demander la suspension des effets de la clause résolutoire’ ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
– suspendre les effets de la clause résolutoire compte tenu des délais accordés par le Trésor public ;
– suspendre l’effet de cette clause pendant 10 mois, période pendant laquelle il s’engage à payer le solde tout en réglant le loyer
courant ;
– si la cour accédait à la demande de la commune : rejeter la ‘demande d’indemnité d’occupation mensuelle qui ne saurait être inférieure au loyer actuel’ formée par la commune ;
– condamner la commune à lui payer une indemnité procédurale de 3 000 euros, ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [M] fait valoir que :
– in limine litis (pp. 4-5), il existe une contestation sérieuse. Il n’existe ni dommage imminent, ni trouble manifestement illicite, ni évidence de la situation. En effet, la commune ignorait ‘qu’il y avait le titulaire d’un bail commercial dans l’un des locaux commerciaux.’ En outre, il a obtenu de la Direction générale des finances publics de la commune un échéancier de paiement entre les 13 mars 2024 et 13 décembre 2024. ‘La difficulté est sérieuse puisqu’il apparaît que la comptabilité publique ne permet pas au maire d’être à la fois l’ordonnanceur et le payeur. C’est le Trésor public qui est seul susceptible d’encaisser les loyers et c’est donc le Trésor public qui peut décider d’accorder ou pas un échéancier’ (p. 4). Or, l’échéancier est respecté ;
– l’échéancier, qui date du 20 février 2024, est postérieur au commandement de payer, ‘par contre, la demande de suspension des effets de la clause résolutoire résiste parfaitement à l’analyse.’ Lui, appelant, est prêt à ramener sa demande de délai à 10 mois pour s’adapter à cet échéancier ;
– les règles de la comptabilité publique exigent la séparation entre les ordonnateurs et les payeurs. Ainsi, l’administration fiscale est seule compétente pour octroyer des délais. Il présente des garanties, puisqu’il a respecté les délais qui lui ont été accordés. Il est recevable et bien fondé à demander la suspension des effets de la clause résolutoire.
Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 octobre 2024, la commune demande à la cour d’appel de :
Vu les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce ;
Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile ;
Vu les articles 2217, 2224 et suivants du code civil ;
– confirmer l’ordonnance entreprise ;
– rejeter l’ensemble des demandes de M. [M] ;
– condamner M. [M] au paiement d’une indemnité de procédure de 3 000 euros, ainsi qu’aux entiers dépens.
La commune fait notamment valoir que :
– en fait, elle a découvert a posteriori le premier bail dont M. [M] a bénéficié de la part de ses vendeurs. Les conditions légales d’un bail dérogatoire, n’ayant pas été remplies (le locataire s’étant maintenu dans les lieux à l’issue du premier bail dérogatoire), M. [M] bénéficie d’un bail commercial soumis au statut depuis le 1er février 2020, d’une durée de 9 ans à compter de cette date, moyennant un loyer de 500 euros par mois et hors charges (pp. 6-7) ;
– les baux successifs contiennent une clause résolutoire et, en tout état de cause, les dispositions combinées des articles L. 145-41 du code de commerce et 1217, 1224,1227 et 1228 du code civil ouvrent au bailleur le droit, à l’issue d’un délai d’un mois suivant la signification d’un commandement de payer, de demander la ‘résolution’ du bail (p. 8 et p. 17) ;
– les causes du commandement de payer n’ont pas été éteintes dans le mois de la délivrance de cet acte et la dette s’est accrue, pour atteindre 6 193,20 euros au 1er octobre 2024. Elle peut donc demander le constater de la prise d’effet de la clause résolutoire et demander l’expulsion de M. [M] (pp. 10-11 et pp. 17 à 19 ;
– il n’existe aucune contestation sérieuse : en vertu des ‘règles de séparation de comptabilité et ordonnateur publics’ (p. 19, § 4), si le Trésor public émet les titres et les recouvre, le créancier reste bien l’ordonnateur public, à savoir la commune. Aucun transfert de créance n’est intervenu ;
– la créance de 6 139,20 euros, au 1er octobre 2024, n’est pas sérieusement contestable au vu du décompte (v. p. 21) ;
– l’indemnité d’occupation doit être de 530 euros, correspondant au montant du loyer mensuel au jour de l’ordonnance, charges comprises ;
– par ailleurs, elle est fondée à conserver le montant de la somme de 500 euros déposée en garantie ‘jusqu’au complet paiement des sommes dues’ (p. 24) ;
– la demande de délais formée par l’appelant doit être rejetée, celui-ci n’étant pas de bonne foi et ayant déjà profité d’importants délais en pratique, les premiers impayés datant d’octobre 2022 (p. 25).
PAR CES MOTIFS
– Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;
Rectifiant l’omission de statuer affectant cette ordonnance,
– Rejette les demandes de M. [M] tendant à l’octroi de délais de paiement et à la suspension des effets de la clause résolutoire insérée au bail afférent au local commercial situé ;
Y ajoutant,
– Condamne M. [M] aux dépens d’appel ;
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [M] et le condamne à payer à la Commune d'[Localité 3] la somme de 3 000 euros au titre de la procédure d’appel.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot
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