Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Douai
Thématique : Responsabilité décennale et prescription : enjeux d’indemnisation.
→ RésuméUn acheteur a fait construire une terrasse suspendue à son domicile par une société de construction, avec la maîtrise d’œuvre assurée par une société d’architectes, le tout pour un montant de 30 740 euros HT. Les travaux ont été réceptionnés en juillet 2009. En 2018, une poutre de la terrasse a cédé, causant des dommages à un toit de magasin dans la copropriété. L’acheteur a alors contacté l’assureur de la société d’architectes et l’assureur de la société de construction, qui était liquidée, pour faire jouer la garantie décennale.
Après plusieurs mises en demeure, une expertise amiable a été réalisée en 2019, mais l’assureur a refusé d’intervenir. En février 2022, l’acheteur et le syndicat des copropriétaires ont assigné l’assureur devant le tribunal judiciaire, demandant des indemnités pour les travaux de réparation. L’assureur a contesté la recevabilité de l’action, arguant que celle-ci était prescrite, car le délai de garantie décennale de dix ans était écoulé. Le juge de la mise en état a déclaré l’action irrecevable en décembre 2023, condamnant l’acheteur et le syndicat des copropriétaires aux dépens. En janvier 2024, ils ont interjeté appel, soutenant que leur action était recevable car fondée sur la responsabilité délictuelle, et que le délai de prescription n’était pas écoulé. En appel, la cour a infirmé l’ordonnance du juge de première instance, déclarant l’action recevable et déboutant l’assureur de sa fin de non-recevoir. L’assureur a été condamné à payer des frais irrépétibles à l’acheteur et au syndicat des copropriétaires, ainsi qu’aux dépens de l’instance. |
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 03/04/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 24/00112 – N° Portalis DBVT-V-B7I-VJCC
Ordonnance (N° 22/01531)
rendue le 07 décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANTS
Monsieur [B] [M]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] représenté par son syndic, Vacherand Immobilier lui-même représenté par son président
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 5]
représentés par Me Philippe Talleux, avocat au barreau de Lille, avocat constitué substitué par Me Laura Louis, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
La Mutuelle des Architectes Français
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Arnaud Ehora, avocat au barreau de Lille, avocat constitué aux lieu et place de Me Véronique Ducloy, avocat au barreau de Lille, substitué par Me Justine Lopes, avocat au barreau d’Amiens
DÉBATS à l’audience publique du 12 novembre 2024, tenue par Véronique Galliot magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Véronique Galliot, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025 après prorogation du délibéré en date du 06 février 2025 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 septembre 2024
****
EXPOSE DU LITIGE
Suivant devis du 6 mai 2009, M. [B] [M] a fait construire à son domicile, situé au [Adresse 3] à [Localité 5] une terrasse suspendue par la société SARL [S] pour un montant de 30 740 euros HT.
La maîtrise d »uvre de ces travaux a été confiée à la société Plasma Architectes, assurée pour sa responsabilité décennale auprès de la Mutuelle des Architectes Français.
La réception des travaux a été prononcée le 6 juillet 2009.
Dans le courant de l’année 2018, une poutre de la terrasse a cédé, fragilisant un toit de magasin, partie commune de la copropriété située au [Adresse 3] à [Localité 5].
Par lettres recommandées avec accusé de réception du 26 octobre 2018, M. [B] [M] a sollicité la Mutuelle des Architectes Français, assureur du maître d »uvre la société Plasma Architectes ainsi que la compagnie d’assurance AXA, assureur de la SARL [S], société liquidée, aux fins de mobiliser la garantie décennale.
Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 14 février 2019, M. [B] [M] a mis en demeure la Mutuelle des Architectes Français ainsi que la société AXA Assurances aux fins de mobiliser la garantie décennale.
Le 11 octobre 2019, une expertise amiable s’est déroulée à la demande de la Mutuelle des Architectes Français. M. [B] [M] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] ont procédé à des travaux de réfection à leur frais.
Par courriel du 27 octobre 2021, la Mutuelle des Architectes Français a indiqué à M. [B] [M] qu’elle n’interviendrait pas en garantie.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 décembre 2021, M. [B] [M] et le syndicat des copropriétaires ont mis en demeure la Mutuelle des Architectes Français de s’exécuter.
Par assignation en date du 10 février 2022, M. [B] [M] ainsi que le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] ont assigné la Mutuelle des Architectes Français devant le tribunal judiciaire de Lille, au visa des articles 1240 et 1792 du code civil, des articles L. 114-1, L.114-2 et L. 124-3 du code des assurances, de l’article L. 124-3 du code des assurances, aux fins de la voir condamner au paiement de :
– 38 870,86 euros au titre des travaux de reprise de la terrasse par [B] [M],
– 25 153,76 euros au titre des travaux de reprise de la toiture par le syndicat des copropriétaires,
– 4 000 euros à M. [B] [M] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance,
– 4 000 euros au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance.
Aux termes de ses conclusions d’incident du 12 mai 2023, la Mutuelle des Architectes Français a demandé au juge de la mise en état de déclarer non recevable comme étant prescrite l’action engagée par M. [B] [M] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à son encontre.
Par ordonnance du 7 décembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille a :
déclaré irrecevable comme étant forclose la demande de M. [B] [M] et du syndicat de copropriétaires du [Adresse 3] à l’encontre de la Mutuelle des Architectes Français ;
condamné M. [B] [M] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] aux dépens ;
autorisé Maître Ducloy, avocate au barreau de Lille a recouvrer directement contre M. [B] [M] et le syndicat de copropriétaires du [Adresse 3], ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision, confortement à l’article 699 du code de procédure civile ;
condamné M. [B] [M] et le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 1 000 euros chacun, a la Mutuelle des Architectes Français sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration déposée au greffe de la cour d’appel de Douai le 10 janvier 2024, M. [B] [M] et le syndicat de copropriétaires du [Adresse 3] ont interjeté appel de cette ordonnance.
Aux termes de leurs conclusions notifiées par RPVA le 6 septembre 2024, M. [B] [M] et le syndicat de copropriétaires du [Adresse 3] demandent à la cour, au visa des articles 1240 et 2224 du code civil, de :
– infirmer l’ordonnance du 7 décembre 2023 rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille en ce qu’elle a :
– déclaré irrecevable comme étant forclose la demande de M. [B] [M] et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à l’encontre de la Mutuelle des Architectes Français,
– Condamné M. [B] [M] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5] aux dépens,
– Autorisé Maître Ducloy, Avocate au Barreau de Lille à recouvrer directement contre M. [B] [M] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile,
– Condamné M. [B] [M] et le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 1 000 euros à la Mutuelle des Architectes Français sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Statuant de nouveau :
– déclarer recevable l’action de M. [B] [M] et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à l’encontre de la Mutuelle des Architectes Français
– renvoyer les parties au fond
– débouter la Mutuelle des Architectes Français de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la Mutuelle des Architectes Français au paiement de la somme de 3 000 euros à M. [B] [M] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance
– condamner la Mutuelle des Architectes Français au paiement de la somme de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance.
Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 18 avril 2024, la Mutuelle des Architectes Français demande à la cour, au visa des articles 1792, 1240 du code civil et des articles L. 114-1 et L. 124-3 du code des assurances, de :
Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions éventuellement toutes autres à déduire ou à suppléer,
Dire bien jugée mal appelée,
Mettre l’appellation à néant,
Déclarer non recevable comme étant forclose l’action engagée par M. [B] [M] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à l’encontre de la Mutuelle des Architectes Français,
Les en débouter. En tout état de cause,
Déclarer l’action mal fondée à l’encontre de la Mutuelle des Architectes Français,
Mettre purement et simplement hors de cause la Mutuelle des Architectes Français,
Reconventionnellement,
Condamner Monsieur [B] [M] et le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] au paiement au profit de la Mutuelle des Architectes Français chacun d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de Maître Véronique Ducloy, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 septembre 2024.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille le 7 décembre 2023,
Statuant à nouveau,
DÉCLARE recevable l’action en responsabilité délictuelle de la Mutuelle des Architectes Français initiée par M. [B] [M] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] par leur assignation délivrée le 10 février 2022,
DÉBOUTE la Mutuelle des Architectes Français de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de M. [B] [M] et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3],
CONDAMNE la Mutuelle des Architectes Français aux entiers dépens, engagés en première instance et en appel,
CONDAMNE la Mutuelle des Architectes Français à payer à M. [B] [M] la somme de 2 000 euros et au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?