Cour d’appel de Douai, 3 avril 2025, RG n° 19/02583
Cour d’appel de Douai, 3 avril 2025, RG n° 19/02583

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Douai

Thématique : Garantie de parfait achèvement et désordres dans un ensemble immobilier.

Résumé

Par acte reçu le 23 mai 2013, une société de construction a vendu à un couple de propriétaires deux lots dans un ensemble immobilier. La livraison des biens a été effectuée en août et septembre 2017, avec des réserves concernant certains désordres. À la suite de ces réserves, une expertise a été demandée, révélant divers problèmes dans l’immeuble, notamment des microfissures et des défauts d’installation électrique.

En février 2018, le conseil des propriétaires a mis en demeure la société de construction de remédier aux désordres. En juillet 2018, le couple a saisi le tribunal d’instance de Dunkerque pour obtenir la reprise des travaux. Le tribunal a rendu un jugement en février 2019, condamnant la société à réparer les désordres dans un délai de quatre mois, sous peine d’astreinte, et a accordé une indemnité aux propriétaires.

La société a interjeté appel de cette décision. En avril 2019, un juge des référés a ordonné une expertise supplémentaire sur l’installation électrique. En mai 2021, la cour a confirmé la condamnation de la société à reprendre les travaux, mais a modifié les conditions d’astreinte.

En 2023, un rapport d’expertise a été déposé, confirmant l’absence de gaines de protection dans l’installation électrique. En novembre 2024, la cour a révoqué une ordonnance de clôture pour permettre à la société de répondre à de nouvelles demandes des propriétaires concernant un autre lot acquis en cours de procédure.

Finalement, la cour a déclaré irrecevable la demande relative à ce nouveau lot, tout en confirmant l’obligation de la société de réparer les désordres dans le lot initial, sous astreinte, et a condamné la société à verser des frais aux propriétaires.

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 03/04/2025

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/02583 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SKON

Jugement

rendu le 27 février 2019 par le Tribunal d’Instance de Dunkerque

APPELANTE

La SCCV [Adresse 11]

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 9]

représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Paul-Guillaume Balay, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [C] [U]

né le 24 novembre 1949 à [Localité 14] (Madagascar)

Madame [Z] [P] épouse [U]

née le 31 mars 1955 à [Localité 13]

[Adresse 8]

[Localité 10]

représentés par Me Yann Leupe, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 24 février 2025, tenue par Carole Van Goetsenhoven magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, présidente de chambre

Véronique Galliot, conseiller

Carole Van Goetsenhoven, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 avril 2025 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 février 2025

****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte reçu le 23 mai 2013, la SCCV Le Quai (la société [Adresse 11]) a vendu en l’état futur d’achèvement à M. et Mme [U] le lot n°15 à destination de logement et le lot n°29 à destination de garage dans un ensemble immobilier situé à [Localité 10], [Adresse 12] [Adresse 11].

Un procès-verbal de livraison et de remise des clés avec réserves a été signé le 07 août 2017.

Un procès-verbal de livraison d’une télécommande portail et de deux badges Vigik a été signé le 15 septembre 2017, ainsi qu’un procès-verbal de remise de deux télécommandes de porte de garage et de deux clés de déverrouillage manuel daté du 27 septembre 2017 et un procès-verbal, non daté, de remise de trois clés de la porte d’entrée.

A la demande de M. et Mme [U] qui invoquaient l’existence de désordres, une expertise extra-judiciaire a été réalisée par M. [T] lequel a établi un rapport daté du 15 janvier 2018.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception datée du 20 février 2018, le conseil de M. et Mme [U] a mis en demeure la société Le Quai de lever les réserves mentionnées dans le courrier.

Par exploit d’huissier signifié le 30 juillet 2018, M. et Mme [U] ont attrait la société [Adresse 11] devant le tribunal d’instance de Dunkerque aux fins notamment de reprise des désordres.

Par jugement du 27 février 2019, le tribunal d’instance de Dunkerque a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

condamné la société Le Quai, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, à reprendre les désordres dans l’immeuble à destination d’habitation situé à [Localité 10], [Adresse 8], dont M. et Mme [U], sont propriétaires, que sont :

sur le balcon, la présence de micro’ssures sur enduit rougeâtre, le caractère dégradé de l’enduit de l’angle saillant, l’absence de nettoyage du plafond ;

dans la loggia, l’absence de finition de l’enduit dans le pourtour de l’ouverture, de bouchement d’un trou dans la dalle et de nettoyage de l’enduit sur les murs et plafond ;

le bâti de la fenêtre du séjour ;

au niveau de la baie extérieure, l’absence de finition de la jonction appui/bardage ;

au niveau de la fenêtre de la chambre 2, la présence de micro’ssures sur les appuis en béton ;

l’absence généralisée de gaine en boite sèche dans l’ensemble de l’installation électrique ;

ordonné que ces travaux de reprise soient exécutés dans le respect des dispositions légales, réglementaires et des règles de l’art, dans les quatre mois qui suivront 1a signification du jugement ;

ordonné qu’à défaut de 1’exécution de son obligation dans ce délai, la société [Adresse 11] sera condamnée au paiement d’une astreinte de 50 euros par jour de retard, sans que le tribunal d’instance de Dunkerque ne s’en réserve sa liquidation ;

débouté M. et Mme [U] de leur demande de communication de l’attestation de conformité de l’immeuble aux normes minimales requises d’isolation phonique, celle-ci ayant été produite à l’audience ;

condamné la société Le Quai à payer à M. et Mme [U] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société [Adresse 11] aux dépens ;

rejeté toutes les autres demandes.

Par déclaration reçue au greffe de ce siège le 2 mai 2019, la société Le Quai a formé appel de cette décision.

Par ordonnance du 11 avril 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Dunkerque, saisi par la société [Adresse 11], a ordonné une expertise confiée à M. [K] portant notamment sur les désordres constatés sur l’installation électrique des lots appartenant à M. et Mme [U].

Par arrêt du 20 mai 2021, la cour de céans a :

confirmé le jugement du tribunal d’instance de Dunkerque en ce qu’il a :

condamné la société Le Quai à reprendre les désordres dans l’immeuble à destination d’habitation situé à [Localité 10], [Adresse 8], dont M. et Mme [U], sont propriétaires, que sont :

sur le balcon, la présence de micro’ssures sur enduit rougeâtre, le caractère dégradé de l’enduit de l’angle saillant, l’absence de nettoyage du plafond ;

dans la loggia, l’absence de finition de l’enduit dans le pourtour de l’ouverture, de bouchement d’un trou dans la dalle et de nettoyage de l’enduit sur les murs et plafond ;

le bâti de la fenêtre du séjour ;

au niveau de la baie extérieure, l’absence de finition de la jonction appui/bardage ;

au niveau de la fenêtre de la chambre 2, la présence de micro’ssures sur les appuis en béton ;

ordonné que ces travaux de reprise soient exécutés dans le respect des dispositions légales, réglementaires et des règles de l’art ;

infirmé le jugement sur le prononcé de l’astreinte ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé :

dit qu’il sera ordonné à la société [Adresse 11] de procéder à la réparation des désordres dans un délai de 2 mois à compter de la signification de l’arrêt d’appel sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un délai de 6 mois passé ce délai ;

sursis à statuer sur la demande tendant à voir ordonner à la société Le Quai de reprendre le désordre d’absence généralisée de gaine en boite sèche dans l’ensemble de l’installation électrique dans l’attente du dépôt du rapport de l’expertise ordonnée par ordonnance du juge des référé du tribunal de grande instance de Dunkerque du 11 avril 2019 ;

dit que la cour d’appel sera saisie par la partie la plus diligente qui déposera une copie du rapport d’expertise au greffe de la cour d’appel ;

réservé les dépens.

Le rapport d’expertise a été déposé le 2 juin 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 2 novembre 2023, la société [Adresse 11] demande à la cour de :

réformer le jugement rendu par le tribunal d’instance de Dunkerque le 27 février 2019, en ce qu’il :

l’a condamnée, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, à reprendre les désordres dans l’immeuble à destination d’habitation situé à [Localité 10], [Adresse 8], dont M. et Mme [U], sont propriétaires, que sont : l’absence généralisée de gaine en boîte sèche dans l’ensemble de l’installation électrique ;

a ordonné que ces travaux de reprise soient exécutés dans le respect des dispositions légales, réglementaires et des règles de l’art, dans les quatre mois qui suivront la signification du jugement ;

a ordonné qu’à défaut de l’exécution de son obligation dans ce délai, elle sera condamnée au paiement d’une astreinte de 50 euros par jour de retard, sans que la juridiction de céans ne s’en réserve sa liquidation ;

a ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

l’a condamnée à payer à M. et Mme [U], la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

En conséquence, statuant à nouveau,

débouter M. et Mme [U] de leur demande de la voir condamner à reprendre ces désordres ;

débouter M. et Mme [U] de leur demande d’astreinte

débouter M. et Mme [U] de leur demande de la voir condamner au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner M. et Mme [U] in solidum à lui payer une somme de 1500 ‘ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner M. et Mme [U] in solidum aux entiers dépens.

La société Le Quai fait valoir que les opérations d’expertise ont permis de régulariser la non-conformité des gaines électriques, de sorte qu’elle est fondée à solliciter l’infirmation du jugement sur ce point.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées électroniquement le 20 novembre 2023, M. et Mme [U] demandent à la cour de :

confirmer le jugement du tribunal d’instance de Dunkerque du 27 février 2019 en ce qu’il a condamné la société [Adresse 11] sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, à reprendre l’absence généralisée de gaines en bois de seiche dans l’ensemble de l’installation électrique de leur propriété et ordonner la réalisation des travaux sous la même condition d’astreinte que celle posée dans l’arrêt de la cour d’appel du 20 mai 2021 ;

condamner la société Le Quai à réaliser les mêmes travaux dans le lot de la copropriété correspondant à l’appartement n°13, propriété qu’ils ont acquis en cours d’instance et ordonner la réalisation des travaux sous la même condition d’astreinte que celle posée dans l’arrêt de la cour d’appel du 20 mai 2021 ;

condamner la société [Adresse 11] à 3506,02 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent qu’ils sont bien fondés à solliciter la reprise des désordres sur le fondement de la garantie de parfait achèvement au regard des constatations de l’expert judiciaire.

Ils ajoutent que l’acquisition, en cours de procédure, d’un autre lot correspondant à l’appartement 13 constitue un fait nouveau fondant la recevabilité de leur demande tendant à voir la responsabilité de la société [Adresse 11] engagée sur le fondement de la garantie décennale pour la reprise des désordres affectant ce lot. Ils soutiennent que ceux-ci sont démontrés par le rapport d’expertise judiciaire.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 juin 2024.

Par décision du 14 novembre 2024, la cour a révoqué l’ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats afin que la SCCV Le Quai formule ses observations sur la recevabilité des demandes formées par M. [C] [U] et Mme [Z] [P] épouse [U] relativement aux désordres affectant le lot correspondant à l’appartement n°13 en application de l’article 564 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées électroniquement le 3 février 2025, la société [Adresse 11] demande à la cour de :

réformer le jugement rendu par le tribunal d’instance de Dunkerque le 27 février 2019, en ce qu’il :

l’a condamnée, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, à reprendre les désordres dans l’immeuble à destination d’habitation situé à [Localité 10], [Adresse 8], dont M. [C] [U] et Mme [Z] [P], épouse [U], sont propriétaires, que sont : l’absence généralisée de gaine en boîte sèche dans l’ensemble de l’installation électrique ;

a ordonné que ces travaux de reprise soient exécutés dans le respect des dispositions légales, réglementaires et des règles de l’art, dans les quatre mois qui suivront la signification du jugement ;

a ordonné qu’à défaut de l’exécution de son obligation dans ce délai, elle sera condamnée au paiement d’une astreinte de 50 euros par jour de retard, sans que la juridiction de céans ne s’en réserve sa liquidation ;

a ordonné l’exécution provisoire de la décision ;

l’a condamnée à payer à M. [C] [U] et à Mme [Z] [P], épouse [U], la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

En conséquence, statuant à nouveau,

débouter M. et Mme [U] de leur demande de la voir condamner à reprendre ces désordres dans les lots n°15 et 19 de l’immeuble à destination d’habitation situé à [Localité 10] [Adresse 8],

concernant la demande nouvelle de M. et Mme [U], déclarer irrecevable la demande visant à faire condamner la société Le Quai à réaliser les mêmes travaux que ceux des lots n°15 et n°19 dans le lot de la copropriété correspondant à l’appartement n°13 (lot n°6), propriété acquise par M. et Mme [U] en cours d’instance et à faire ordonner à la société [Adresse 11] de réaliser les travaux dans l’appartement n°13 sous astreinte,

En tout état de cause,

débouter M. et Mme [U] de leur demande d’astreinte pour la réalisation des travaux sur les lots 15, 19 et 13,

débouter M. et Mme [U] de leur demande de la voir condamner au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner M. et Mme [U] in solidum à lui payer une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner M. et Mme [U] in solidum aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 février 2025.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Vu l’arrêt du 20 mai 2021,

Déclare irrecevable la demande de Monsieur [C] [U] et Madame [Z] [P] épouse [U] tendant à voir ordonner des travaux de reprise dans le lot de la copropriété correspondant à l’appartement n°13 ;

Confirme le jugement du tribunal d’instance de Dunkerque en date du 27 février 2019 en ce qu’il a :

-condamné la SCCV Le Quai à reprendre les désordres dans l’immeuble à destination d’habitation situé à [Localité 10] (59), [Adresse 8], dont M. [C] [U] et Mme [Z] [P] épouse [U] sont propriétaires, s’agissant de l’absence généralisée de gaine en boite sèche dans l’ensemble de l’installation électrique,

-ordonné que ces travaux de reprise soient exécutés dans le respect des dispositions légales, réglementaires et des règles de l’art ;

Infirme le jugement sur le prononcé de l’astreinte ;

Statuant à nouveau,

Dit qu’il sera ordonné à la SCCV [Adresse 11] de procéder à la réparation des désordres dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un délai de six mois passé ce délai ;

Y ajoutant,

Condamne la SCCV Le Quai aux entiers dépens ;

Condamne la SCCV [Adresse 11] à payer à M. [C] [U] et Mme [Z] [P] épouse [U] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SCCV Le Quai de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Anaïs Millescamps

La présidente

Catherine Courteille

 


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