Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Chambéry
Thématique : Hypothèque provisoire et responsabilité du dirigeant : enjeux et conséquences.
→ RésuméPar acte notarié du 15 octobre 2007, un acheteur et une vendeuse ont acquis une maison avec terrain dans une commune de Haute-Savoie. En novembre 2014, ils ont confié à une société, sous la direction d’une gérante, la réalisation d’une piscine et d’un spa. Les travaux ont été achevés au printemps 2015, mais des désordres sont rapidement apparus. Les acheteurs ont alors saisi le juge des référés, qui a ordonné une expertise judiciaire, dont le rapport a été déposé en juillet 2017.
En septembre 2019, les acheteurs ont assigné la société devant le tribunal d’Annecy pour obtenir réparation. En mars 2020, la société a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire en septembre 2020. Les acheteurs ont déclaré leur créance et ont fait appel au mandataire judiciaire. En novembre 2021, le tribunal a reconnu la responsabilité de la société pour les désordres et a ordonné le paiement d’indemnités aux acheteurs. Se fondant sur ce jugement, les acheteurs ont demandé une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire sur les biens de la gérante, alléguant une faute détachable de ses fonctions pour ne pas avoir souscrit d’assurance décennale. En avril 2023, le juge a autorisé cette inscription. Cependant, la gérante a contesté cette décision et a demandé la mainlevée de l’hypothèque. En mars 2024, le juge a rejeté la demande de mainlevée, confirmant l’inscription de l’hypothèque et condamnant la gérante à payer des frais. La gérante a interjeté appel, soutenant que la créance des acheteurs n’était pas fondée. En avril 2025, la cour a infirmé le jugement, ordonné la rétractation de l’hypothèque et condamné les acheteurs aux dépens, tout en allouant des frais à la gérante. |
N° Minute : 2C25/130
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 03 Avril 2025
N° RG 24/00874 – N° Portalis DBVY-V-B7I-HQHJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l’exécution de CHAMBERY en date du 04 Mars 2024, RG 23/01156
Appelante
Mme [G] [V] épouse [S]
née le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 8], demeurant [Adresse 2]
Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Philippe GOSSET, avocat plaidant au barreau D’ANNECY
Intimés
M. [P] [H]
né le [Date naissance 4] 1978 à [Localité 8]
et
Mme [F] [M] épouse [H]
née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 7],
demeurant ensemble [Adresse 6]
Représentés par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL HINGREZ – MICHEL – BAYON, avocat plaidant au barreau D’ANNECY
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 21 janvier 2025 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l’appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré, à laquelle il a été procédé au rapport,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte notarié du 15 octobre 2007, M. [P] [H] et Mme [F] [M], épouse [H], ont acquis une maison d’habitation avec terrain attenant situés dans la commune de [Localité 9] (Haute-Savoie).
Par deux devis datés du 7 novembre 2014, et acceptés par eux, M. et Mme [H] ont confié à la société Oxalia, ayant alors pour gérante Mme SophieFavrin épouse [S], la réalisation d’une piscine en béton à débordement et d’un spa. Les travaux ont été exécutés au printemps 2015 et les équipements ont été mis en fonctionnement durant l’été suivant.
Se plaignant de divers désordres affectant tant le spa que la piscine, M. et Mme [H] ont saisi le juge des référés qui a ordonné une expertise judiciaire dont le rapport a été déposé le 26 juillet 2017.
Par acte du 24 septembre 2019, M. et Mme [H] ont fait assigner la société Oxalia devant le tribunal d’Annecy aux fins de réparation de leurs préjudices.
Par jugement du 13 mars 2020, le tribunal de commerce d’Annecy a placé la société Oxalia en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 23 septembre 2020.
M. et Mme [H] ont déclaré leur créance au passif de la société et ont fait appeler en cause le mandataire judiciaire de la société Oxalia.
Par jugement du 17 novembre 2021, aujourd’hui définitif, le tribunal judiciaire d’Annecy a :
constaté que les désordres affectant la piscine, le local technique et le spa réalisés par la société Oxalia au domicile de M. et Mme [H] revêtent bien un caractère décennal soumis au régime de la responsabilité de plein droit du constructeur, et qu’ils sont imputables à la société Oxalia,
constaté que la société Oxalia était assurée en garantie décennale auprès de la SA Axa France Iard à la date de réalisation des travaux,
condamné la société Oxalia à payer aux époux [H] la somme de 55 199,20 euros, au titre de la réparation des désordres relevant de la garantie décennale et de l’indemnisation des préjudices en résultant,
condamné la société Oxalia à payer aux époux [H] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,
condamné la société Oxalia aux entiers dépens, comprenant les frais d’expertise amiable, soit 730,65 euros, et judiciaire,
ordonné l’exécution provisoire.
Se fondant sur ce jugement, et se prévalant du fait que Mme [V], gérante de la société Oxalia, aurait commis une faute détachable de ses fonctions en s’abstenant de souscrire une assurance décennale pour garantir son activité « piscine », M. et Mme [H] ont, par requête du 28 mars 2023, saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chambéry afin d’être autorisés à prendre une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire sur les biens et droits immobiliers dont est propriétaire Mme [V] à Brison Saint-Innocent.
Par ordonnance du 3 avril 2023, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chambéry a notamment :
autorisé M. et Mme [H] à prendre une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire sur les biens et droits immobiliers dont est propriétaire Mme [V] sis sur le territoire de la commune de [Localité 10], [Adresse 2], cadastrés section C n° [Cadastre 5],
évalué la créance des époux [H] à la somme de 58 200 euros.
Cette hypothèque judiciaire provisoire a été inscrite au service de la publicité foncière de Chambéry le 9 juin 2023, sous les références 2023V3610 et dénoncée à Mme [V] par acte délivré le 15 juin 2023.
Parallèlement, M. et Mme [H] ont fait assigner Mme [V] au fond devant le tribunal judiciaire d’Annecy pour obtenir sa condamnation à leur payer la somme de 55 199,20 euros, outre les sommes dues en exécution du jugement du 17 novembre 2021, soit 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de la procédure comprenant les frais d’expertise amiables et judiciaire. Cette procédure est toujours en cours.
Par acte de commissaire de justice du 6 juillet 2023, Mme [V] a fait assigner M. et Mme [H] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chambéry aux fins de mainlevée de la sûreté conservatoire susmentionnée.
Par jugement contradictoire du 4 mars 2024, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chambéry a :
rejeté la demande de Mme [V] tendant à voir rétracter l’ordonnance du 3 avril 2023 rendue par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chambéry et autorisant l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire des biens lui appartenant situés dans la commune de [Adresse 2] cadastrés section C n°[Cadastre 5],
rejeté la demande de Mme [V] tendant à voir ordonner la mainlevée de l’hypothèque provisoire inscrite par M. et Mme [H] sur le fondement de l’ordonnance du 3 avril 2023 rendue par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chambéry,
condamné Mme [V] à payer à M. et Mme [H] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,
condamné Mme [V] aux dépens,
rappelé que le délai d’appel et l’appel lui-même n’ont pas d’effet suspensif s’agissant de la décision.
Par déclaration du 20 juin 2024, Mme [V] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées le 13 décembre 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, Mme [G] [V] épouse [S], demande en dernier lieu à la cour de :
Vu les articles L.512-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
réformer le jugement déféré en ce qu’il a :
– rejeté la demande de Mme [V] tendant à voir rétracter l’ordonnance du 3 avril 2023 rendue par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chambéry et autorisant l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire des biens lui appartenant situés dans la commune de [Adresse 2] cadastrés section C n°[Cadastre 5],
– rejeté la demande de Mme [V] tendant à voir ordonner la mainlevée de l’hypothèque provisoire inscrite par M. et Mme [H] sur le fondement de l’ordonnance du 3 avril 2023 rendue par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chambéry,
– condamné Mme [V] à payer à M. et Mme [H] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamné Mme [V] aux dépens,
– rappelé que le délai d’appel et l’appel lui-même n’ont pas d’effet suspensif s’agissant de la décision,
Statuant à nouveau,
juger sa demande recevable et bien fondée,
juger que M. et Mme [H] invoquent une créance sur la base d’une instance manifestement irrecevable au regard des règles des procédures collectives (arrêt des poursuites) sur le terrain de la faute détachable du dirigeant (double condition non remplie) qui :
– est prescrite,
– n’est pas fondée en son principe et totalement contestée
– n’est menacée d’aucune circonstance susceptible d’en menacer le recouvrement,
En conséquence,
rétracter l’ordonnance du 3 avril 2023 autorisant l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens de Mme [V] sur les biens suivants : sur le territoire de la commune de [Localité 10], [Adresse 2] cadastrés section C n° [Cadastre 5],
ordonner la mainlevée de l’hypothèque provisoire inscrite par M. et Mme [H] sur le fondement de l’ordonnance du 3 avril 2023 pour les biens suivants : sur le territoire de la commune de [Localité 10], [Adresse 2] cadastrés section C n° [Cadastre 5],
juger qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [V] les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts,
condamner M. et Mme [H] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner M. et Mme aux entiers dépens en ce compris les frais de notification et de mainlevée de la sureté provisoire, avec application pour les dépens d’appel des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SELURL Bollonjeon, avocat associée,
débouter M. et Mme [H] de toutes leurs demandes.
Par conclusions notifiées le 9 décembre 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, M. et Mme [H] demandent en dernier lieu à la cour de :
Vu les dispositions de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution,
Vu les dispositions de l’article 1240 du code civil,
Vu les dispositions des article L. 223-22 et L. 223-23 du code de commerce,
Vu les dispositions des articles L. 241-1, L. 243-2 et L. 243-3 du code des assurances,
confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,
débouter Mme [V] de sa demande de main-levée et de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
condamner Mme [V] à payer aux époux [H] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner Mme [V] aux entiers dépens.
L’affaire a été clôturée à la date du 16 décembre 2024 et renvoyée à l’audience du 21 janvier 2025, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 3 avril 2025.
Le 1er avril 2025, soit en cours de délibéré, le conseil des intimés a adressé à la cour une pièce complémentaire dont la production n’a pas été autorisée, de sorte qu’elle ne sera pas examinée.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Chambéry le 4 mars 2024,
Statuant à nouveau,
Ordonne la rétractation de l’ordonnance rendue le 3 avril 2023,
Ordonne la mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire inscrite au service de la publicité foncière de Chambéry le 9 juin 2023, sous les références 2023V3610, sur les biens appartenant à Mme [G] [V] épouse [S], situés commune de [Adresse 2], cadastrés section C n°[Cadastre 5],
Condamne M. [P] [H] et Mme [F] [M], épouse [H], aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec, pour ces derniers, application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SELURL Bollonjeon, avocat associé,
Condamne M. [P] [H] et Mme [F] [M], épouse [H], à payer à Mme [G] [V] épouse [S], la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 03 avril 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente
Copies :
03/04/2025
la SELARL BOLLONJEON
+ GROSSE
Me Michel FILLARD
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