Cour d’appel de Basse-Terre, 31 mars 2025, RG n° 24/00178
Cour d’appel de Basse-Terre, 31 mars 2025, RG n° 24/00178

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Basse-Terre

Thématique : Validité d’un contrat de prêt : enjeux de la preuve et obligations de mise en garde.

Résumé

Par acte sous seing privé en date du 18 mai 2020, la S.A. CAISSE D’EPARGNE PROVENCE-ALPES-COTE D’AZUR a accordé un prêt bancaire garanti par l’État à un entrepreneur individuel, pour un montant de 52.248 euros, destiné à son activité de garagiste. Le remboursement était prévu en 72 mensualités, avec des conditions spécifiques en cas de non-paiement. À partir du 18 juillet 2022, la CEPAC a constaté des échéances impayées et a adressé une mise en demeure à l’entrepreneur le 28 novembre 2022, suivie d’une notification de déchéance du terme le 11 janvier 2023, réclamant un total de 51.098,34 euros.

Le 17 mars 2023, la CEPAC a assigné l’entrepreneur devant le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre. Ce dernier a contesté la demande, arguant de l’absence de signature sur le contrat et du défaut de mise en garde de la banque. Par jugement du 9 février 2024, le tribunal a débouté la CEPAC, estimant qu’elle n’avait pas prouvé la signature du contrat conformément aux exigences légales.

La CEPAC a interjeté appel le 19 février 2024. La procédure a été mise en état, et des conclusions ont été échangées. Le 3 septembre 2024, la CEPAC a déposé de nouvelles conclusions, qui ont été déclarées irrecevables par le conseiller de la mise en état.

En appel, la cour a jugé que la CEPAC avait apporté la preuve de l’existence du contrat de prêt et des sommes dues. Elle a infirmé le jugement de première instance, condamnant l’entrepreneur à rembourser 51.254,91 euros, avec intérêts, et a débouté ce dernier de ses demandes de dommages et intérêts ainsi que de délais de paiement. L’entrepreneur a également été condamné aux dépens.

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 167 DU 31 MARS 2025

N° RG 24/00178 –

N° Portalis DBV7-V-B7I-DU6G

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE en date du 9 février 2024, dans une instance enregistrée sous le n° 2023J00063

APPELANTE :

S.A. CAISSE D’EPARGNE CEPAC

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Daniel WERTER, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIME :

Monsieur [H] [T]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Vanessa DEL VECCHIO, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 novembre 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Frank Robail, président de chambre,

Mme Annabelle Clédat, conseiller,

Mme Aurélia Bryl, conseiller.

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 30 janvier 2025. Elles ont ensuite été informées de la prorogation du délibéré à ce jour en raison de la surcharge des magistrats.

GREFFIER,

Lors des débats : Mme Sonia Vicino, greffier,

Lors du prononcé : Mme Solange Loco, greffer placé.

ARRÊT :

– contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

– signé par M. Frank Robail, président, et par Mme Solange Loco, greffier placé, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 18 mai 2020, la S.A. CAISSE D’EPARGNE PROVENCE-ALPES-COTE D’AZUR, ci-après désignée ‘la CEPAC’, a consenti à M. [H] [T], entrepreneur individuel à [Localité 2], pour les besoins de son activité professionnelle de garagiste, un prêt bancaire garanti par l’Etat (PGE) dans le cadre des dispositifs mis en place durant la crise sanitaire liée à l’épidémie de SARS CoV 2, et ce pour un montant de 52.248 euros remboursable en 72 mensualités fixées comme suit :

– pendant la phase de différé de remboursement de 12 mois : 19,55 euros intégrant des intérêts au taux de 0,250 % l’an,

– pendant la première phase d’amortissement de 12 mois : 69,76 euros intégrant des intérêts au taux de 0,730%,

– pendant la dernière phase d’amortissement de 48 mois : 1 145,46 euros intégrant des intérêts au taux de 0,730 % l’an.

En page 5/8 de ce contrat, les parties ont convenu d’une exigibilité anticipée de plein droit en cas de non-paiement d’une ou plusieurs mensualités dans les 15 jours d’une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR), avec, en ce cas, stipulation d’une majoration du taux des intérêts annuels portés à un total de 3,73 % l’an.

Se prévalant d’échéances impayées à compter du 18 juillet 2022, la société Cepac a adressé à M. [T], par LRAR du 28 novembre 2022, une mise en demeure de payer les échéances arrêtées au 18 novembre 2022 à la somme de 4 767,57 euros ;

Par LRAR Du 11 janvier 2023, elle a notifié à M. [T] la déchéance du terme, y sollicitant le paiement de la somme totale de 51.098,34 euros se décomposant comme suit :

– échéances impayées au 18 décembre 2022 : 5 448,93 euros

– capital restant dû au 10 janvier 2023 : 44 834,92 euros

– intérêts courus au 10 janvier 2023 : 20,91 euros

– accessoires du 19 décembre 2022 au 10 janvier 2023 : 767,34 euros

– intérêts de retard et frais à la déchéance : 21,02 euros

– intérêts de retard sur les échéances impayées et le capital restant dû du 10 janvier 2023 jusqu’à la date d’arrêté : 5,22 euros.

Par exploit de commissaire de justice en date du 17 mars 2023, la société Cepac a assigné M. [T] devant le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre en paiement de la somme de 51.254,91 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 0.73% majoré de trois point à compter du 11 janvier 2023, avec capitalisation annuelle des intérêts à compter du 8 novembre 2022 et condamnation de M. [T] à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [T] concluait au rejet de ces demandes en raison, à titre principal, de l’absence de signatures sur le contrat produit par la CEPAC et, à titre subsidiaire, du défaut de mise en garde de ladite banque justifiant sa condamnation à lui payer, en dommages et intérêts, le montant qui lui reste dû au titre du prêt.

Par jugement contradictoire en date du 9 février 2024, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, au motif que la CEPAC ne rapportait pas suffisamment la preuve de la signature du contrat par M. [T] au regard des exigences de la loi française et du règlement européen n° 910/2014 du parlement européen et du conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique :

– a débouté la Cepac de ses demandes,

– l’a condamnée à supporter la charge des dépens.

La Cepac a interjeté appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique (RPVA) le 19 février 2024, y intimant M. [O] [T] et y faisant porter son appel, expressement, sur chacun des chefs de jugement.

La procédure a fait l’objet d’une orientation à la mise en état.

Le 29 avril 2024, en réponse à l’avis du 9 avril 2024 donné par le greffe, la Cepac a fait signifier la déclaration d’appel à M. [T], qui a remis au greffe sa constitution d’intimé par voie électronique le 27 mai 2024.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 septembre 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 18 novembre 2024.

Le 3 septembre 2024, la CEPAC a remis au greffe et notifié à l’avocat adverse, par RPVA, deux jeux de conclusions, le premier ayant pour seul objet une demande de révocation de ladite clôture et, le second consistant en de nouvelles conclusions au fond qualifiées de ‘conclusions d’appel n° 2″.

Par ordonnance du 6 septembre 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de rabat de clôture présentée par la Cepac, tout en précisant qu’il appartiendrait à la cour d’apprécier la recevabilité des conclusions au fond de la CEPAC du 3 septembre 2024.

A l’issue de l’audience du 18 novembre 2024, le délibéré a été fixé au 30 janvier 2025. Les parties ont ensuite été avisées de la prorogation de ce délibéré à ce jour en raison de la surcharge des magistrats.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1/ La Cepac, appelante :

Vu les dernières conclusions antérieures à l’ordonnance de clôture, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 23 avril 2024, par lesquelles l’appelante demande à la cour :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens,

Statuant à nouveau

A titre principal

– dire que Monsieur [T] [H] a bien signé le contrat de prêt n°168464E,

– condamner Monsieur [T] [H] à payer, sans termes ni délais, à la Caisse d’épargne CEPAC la somme de 51.254,91 euros au titre de ce contrat de prêt, outre les intérêts au taux conventionnel de 0,730 % + 3 points (clause d’exigibilité anticipée) jusqu’à parfait règlement à compter du 11 janvier 2023,

A titre subsidiaire

– dire que Monsieur [T] [H] s’est bien vu remettre la somme de 52.248 euros,

– condamner Monsieur [T] [H] à payer sans termes ni délais, à la Caisse d’épargne CEPAC la somme de 48.885,36 euros au titre des fonds qui lui ont été remis, outre les intérêts au taux légal, et ce, jusqu’à parfait règlement à compter du 11 janvier 2023,

En tout état de cause

– ordonner la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 8 novembre 2022,

– condamner Monsieur [T] [H] à payer à la CAISSE D’EPARGNE CEPAC la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

2/ M. [T] intimé :

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 mai 2024, par lesquelles l’intimé demande à la cour :

A titre principal

– constater que la CAISSE D’EPARGNE CEPAC ne fait pas la preuve du fondement de sa demande de remboursement,

– constater le défaut de signature du contrat de prêt sur les huit pages communiquées,

– débouter la CEPAC de l’intégralité de ses demandes, conclusions et arguments,

– ‘confirmer le jugement en date du 9 février 2024, le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE TRE en toutes ses dispositions’

A titre subsidiaire

– constater le défaut de mise en garde de la CAISSE D’EPARGNE CEPAC,

– condamner la CAISSE D’EPARGNE CEPAC à régler ‘en réparation de ce préjudice’ la somme de 51.254,91 euros à Monsieur [H] [T],

A titre infiniment subsidiaire

– octroyer un délai de grâce à Monsieur [H] [T] en accordant un rééchelonnement de la dette d’une durée de 24 mois.

Dans tous les cas

– ‘condamner la Caisse d’épargne Cepac à régler au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 3.000 euros à Madame [X] [E]’

– condamner la Caisse d’épagne Cepac aux entiers frais et dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare l’appel recevable,

Déclare irrecevables les conclusions de la caisse d’épargne Cepac remises au greffe le 3 septembre 2024,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions déférées,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [H] [T] à payer à la S.A. caisse d’épargne Cepac la somme de 51 254,91 ‘, avec intérêts de retard au taux contractuel de 3,73 % l’an à compter du 11 février 2023, avec capitalisation annuelle des intérêts à compter du 8 novembre 2022,

Déboute M. [H] [T] de ses demandes de dommages et intérêts et de délais de paiement et la S.A. caisse d’épargne Cepac du surplus de ses demandes,

Condamne M. [H] [T] à payer à la S.A. caisse d’épargne Cepac la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [T] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Et ont signé

La greffière Le président

 


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