Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Basse-Terre
Thématique : Engagements de cautionnement : validité et conséquences financières.
→ RésuméPar trois actes sous seings privés du 6 novembre 2008, la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe a accordé plusieurs prêts à la société Canne 3000, devenue la SAS Kanasao. Ces prêts, d’un montant total de 534 000 euros, étaient destinés à l’acquisition de matériel professionnel et à un complément de fonds de roulement. Plusieurs associés de la société se sont portés cautions solidaires des emprunts, avec des montants d’engagements variés.
Le 13 octobre 2011, la société Kanasao a été placée en redressement judiciaire, et la banque a déclaré ses créances. Suite à la liquidation judiciaire prononcée le 14 mars 2013, la banque a mis en demeure les cautions de rembourser les sommes dues. En 2014, la banque a assigné les cautions, dont un administrateur décédé en 2015, et a poursuivi ses ayants droit. Le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a rendu un jugement le 25 mai 2023, condamnant plusieurs cautions à rembourser des montants spécifiques en fonction des prêts garantis. Les cautions ont interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la nullité des engagements de caution, arguant d’une erreur sur l’étendue de leurs garanties. La banque a contesté ces arguments, affirmant avoir respecté ses obligations d’information envers les cautions. Le tribunal a examiné la validité des engagements de caution, la proportionnalité des montants par rapport aux revenus des cautions, et la déchéance des intérêts. Il a finalement confirmé la validité des cautions, rejeté les demandes de nullité, et a ordonné la capitalisation des intérêts dus. Les consorts ont été condamnés à payer des sommes spécifiques à la banque, avec des intérêts à compter de leur mise en cause. |
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 156 DU 28 MARS 2025
N° RG 24/00020 – N° Portalis DBV7-V-B7I-DUQH
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre du 25mai 2023, dans une instance enregistrée sous le n° 20/02188.
APPELANTS :
Mme [S] [V] [L] épouse [J]
[Adresse 1]
[Localité 5]
M. [A] [L]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentés par Me Amaury MIGNOT, avocat au barreau de Guadeloupe Saint-Martin Saint-Barthélemy (Toque 101)
INTIMÉE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA GUADELOUPE
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Me Robert RINALDO, avocat au barreau de Guadeloupe Saint-Martin Saint-Barthélemy (Toque 24)
COMPOSITION DE LA COUR :
Mme Judith DELTOUR, président, président de chambre
Mme Valérie MARIE-GABRIELLE, conseiller
Mme Rozenn LE GOFF, conseiller.
DÉBATS :
A la demande des parties, et conformément aux dispositions des articles 907 et 799 du code de procédure civile, l’affaire ne requérant pas de plaidoirie, le conseiller de la mise en état a autorisé le dépôt du dossier au greffe de la chambre. Les parties ont été avisées que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 28 mars 2025.
GREFFIER :
Lors du dépôt des dossiers et du prononcé : Mme Yolande MODESTE, greffière.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties avisées ; signé par Mme Judith DELTOUR, président de chambre et par Mme Yolande MODESTE, greffier
FAITS ET PROCEDURE
Par trois actes sous seings privés du 6 novembre 2008, la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe a accordé à la SARL puis SAS Canne 3000, devenue la SAS Kanasao :
– un prêt n°23902480 d’un montant de 300 000 euros au taux nominal annuel de 5,45% remboursable en 60 mensualités, ayant pour objet l’acquisition de matériel neuf à usage professionnel ;
– un prêt n°23903236 d’un montant de 225 000 euros au taux nominal annuel de 6,45% remboursable en 60 mensualités, ayant pour objet un complément de fonds de roulement ;
– un prêt n°23903209 d’un montant de 9 000 euros au taux nominal annuel 6,45% remboursable en 60 mensualités et ayant pour objet l’acquisition de matériel neuf à usage professionnel.
Plusieurs associés se sont portés cautions solidaires des sommes empruntées en limitant leur engagement :
– en ce qui concerne le prêt n°23902480, par actes séparés sous signature privée aux sommes suivantes : 64 400 euros pour M. [G] [X] gérant, 93 000 euros pour M. [T] [K], administrateur, 35 600 euros pour [R] [L], administrateur, 64 200 euros pour Mme [U] [Z] épouse [F], administrateur, 42 800 euros pour M. [R] [D] [C], administrateur ;
– en ce qui concerne le prêt n°23903236 : 48 500 euros pour M. [X], 69 500 euros pour M. [K], 26 500 euros pour [R] [L], 48 500 euros pour Mme [Z] épouse [F], 32 000 euros pour M. [C] ;
– en ce qui concerne le prêt n° 2303209 : 2 000 euros pour M. [X], 2 800 euros pour M. [K], 1 100 euros pour [R] [L], 1 900 euros pour Mme [Z] épouse [F], 1 200 euros pour M. [C].
Par jugement du 13 octobre 2011 du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, la société Kanasao a été placée en redressement judiciaire et par courrier du 2 décembre 2011, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe a déclaré ses créances. Suite au prononcé de la liquidation judiciaire le 14 mars 2013, la banque, a, par courriers recommandés du 30 avril 2013 mis en demeure les cautions dont M. [R] [L] de payer la somme totale de 223 996,70 euros au titre des trois prêts susvisés puis le 1er juillet 2014 leur a notifié la déchéance du terme de ces prêts leur réclamant l’intégralité des capitaux restant dus au titre des concours cautionnés à hauteur de la somme de 308 245,18 euros.
Par assignations des 9 et 15 décembre 2014, la banque a fait assigner les cautions dont M. [R] [L] en remboursement des sommes dues au titre des prêts puis suite au décès de ce dernier survenu le [Date décès 2] 2015, par actes des 27 octobre et 3 novembre 2017, elle a fait assigner ses ayants droit : Mme [I] [E] sa veuve d’une seconde union ainsi que Mme [S] [L] épouse [J] et M. [A] [L], les enfants nés de sa première union.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 25 mai 2023, le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, a :
– condamné M. [G] [X] à payer les sommes suivantes à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2013 :
– 32 558,28 euros en remboursement du prêt n° 23902480 ;
– 26 491,53 euros en remboursement du prêt n° 23903236 ;
– 1 034,48 euros en remboursement du prêt 11° 23903209 ;
– condamné M. [T] [K] à payer les sommes suivantes à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2013 :
– 47 017,40 euros en remboursement du prêt n° 23902480 ;
– 26 491,53 euros en remboursement du prêt n° 23903236 ;
– 1 448,27 euros en remboursement du prêt n° 23903209 ;
– condamné Mme [U] [Z] épouse [F] à payer les sommes suivantes à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2013 :
– 32 457,17 euros en remboursement du prêt n° 23902480 ;
– 18 486,89 euros en remboursement du prêt n° 23903236 ;
– 982,75 euros en remboursement du prêt n° 23903209 ;
– condamné M. [R] [C] à payer les sommes suivantes à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe avec intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2014 :
– 21 638,11 euros en remboursement du prêt n° 23902480 ;
– 12 197,54 euros en remboursement du prêt n° 23903236 ;
– 620,69 euros en remboursement du prêt n° 23903209 ;
– condamné Mme [S] [V] [L] épouse [J] à payer les sommes suivantes à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2013 :
– 5 999,35 euros en remboursement du prêt n° 23902480 ;
– 3 367,03 euros en remboursement du prêt n° 23903236 ;
– 199,65 euros en remboursement du prêt n° 23903209 ;
– condamné M. [A] [L] à payer les sommes suivantes à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2013 :
– 5 999,35 euros en remboursement du prêt n° 23902480 ;
– 3 367,03 euros en remboursement du prêt n° 23903236 ;
– 199,65 euros en remboursement du prêt n° 23903209 ;
– condamné Mme [I] [E] veuve [L] à payer les sommes suivantes à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2013 :
– 5 999,35 euros en remboursement du prêt n° 23902480 ;
– 3 367,03 euros en remboursement du prêt n° 23903236 ;
– 199,65 euros en remboursement du prêt n° 23903209 ;
– rejeté les autres et plus amples demandes ;
– condamné M. [G] [X], M. [T] [K], Mme [S] [L] épouse [J], M. [Y] (lire [A]) [L], Mme [I] [E] veuve [L], Mme [U] [Z] épouse [F] et M. [R] [C] à payer à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– partagé les dépens à hauteur de 1/7e pour chaque partie, à la charge de M. [G] [X], M. [T] [K], Mme [S] [L] épouse [J], Mme [H] [E] veuve [L], Mme [U] [Z] épouse [F] et M. [R] [C].
Par déclaration du 8 janvier 2024, Mme [S] [L] épouse [J] et M. [A] [L] ont interjeté appel de ce jugement. La caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe a constitué avocat le 20 février 2024.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2024. Les parties ayant donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience, le dépôt des dossiers a été autorisé au 20 janvier 2025 puis l’affaire mise en délibéré au 28 mars 2025,date de son prononcé par mise à disposition au greffe.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans leurs dernières conclusions déposées dans ce dossier le 2 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé sur leurs moyens et prétentions, Mme [S] [L] épouse [J] et M. [A] [L], demandent en substance à la cour, de :
– infirmer le jugement entrepris en ses dispositions attaquées,
Statuant à nouveau,
À titre principal,
– prononcer la nullité des engagements de caution pris par M. [R] [L] pour la garantie des prêts n° 23902480, n° 00023903236, n°00023903209 et n° 00027496058,
À titre subsidiaire,
– débouter la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe s’agissant de toutes les demandes formées à l’encontre de Mme [S] [L] épouse [J] et de M. [A] [L], à défaut pour ces derniers d’avoir exercés leur droit d’option,
À titre infiniment subsidiaire,
– surseoir à statuer s’agissant de toutes les demandes formées à l’encontre de Mme [S] [L] épouse [J] et de M. [A] [L],
A titre infiniment plus subsidiaire,
– prononcer la déchéance des intérêts de retard et autres pénalités quant à la créance détenue par la caisse de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe à l’égard de Mme [S] [L] épouse [J] et de M. [A] [L]
En tout état de cause,
– condamner la caisse de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe à payer à Mme [S] [L] épouse [J] et à M. [A] [L] chacun la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Dans ses conclusions déposées le 1er juillet 2024 dans ce dossier, auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé sur ses moyens et prétentions, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe demande à la cour, de :
– ordonner la jonction des procédures d’appel enrôlées sous les numéros RG 24/00020 et 24/00210,
– lui donner acte de ce qu’elle a versé aux débats les justificatifs de l’information annuelle des cautions en application de l’article L 313-22 du code monétaire et financier,
– dire irrecevable et mal fondée la sanction de déchéance des intérêts contractuels àl’égard des cautions,
– dire et juger mal fondés les moyens de soutien abusif de défaut d’information de la caution Oséo, de réticence dolosive,
– confirmer de ce chef, la décision querellée, quant aux appels principaux,
– recevoir la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe en son appel incident,
– dire et juger que l’application des intérêt de retard du taux contractuel majoré de 3 points n’est pas abusif et que la suppression de cette clause déséquilibre l’économie du prêt,
En conséquence,
– allouer les intérêts de retard réclamés,
– dire également que la clause stipulant une indemnité de procédure n’est pas une clause pénale et infirmer la décision querellée de ce chef,
– rejeter la demande de sursis à statuer réclamée par les consorts [L],
– condamner les appelants comme suit :
1) prêt de 300 000 euros
a) M. [K], la somme de103 267 euros outre intérêts contractuels de 5,45% à effet de la mise en demeure du 01/07/2014,
b) M. [X], la somme de 64.400 euros outre intérêts contractuels de 5,45% à effet de la mise en demeure du 01/07/2014,
c) les consorts [L], chacun à due concurrence du tiers de l’engagement de leur père de 35 600 euros soit chacun 11 867 euros outre intérêts contractuels de 5,45% de la mise en demeure du 01/07/2014,
2) prêt de 225.000 euros
a) M. [K], la somme de 69 500 euros montant de son engagement de caution, outre intérêts de 6,45% à effet du 01/07/2014,
b) M. [X], la somme de 48.500 euros outre intérêts de 6,45% à effet du 01/07/2014,
b) M. [A] [L] et Mme [S] [L] épouse [J], chacun le tiers de 26 500 euros soit 8 833 euros outre intérêts de 6,45% à effet du 01/07/2014,
3) prêt de 9 000 euros
a) M. [T] [K] la somme de 2 800 euros outre intérêts contractuels de 6,45% à effet du 01/07/2014,
b) M. [G] [X], la somme de 2 000 euros outre intérêts contractuels de 6,45% à effet du 01/07/2014,
c) M. [A] [L] et Mme [S] [L], chacun la somme de 367 euros outre intérêts contractuels de 6,45% à effet du 01/07/2014,
– s’entendre ordonner la comptabilisation des intérêts pour une année entière à effet de 2015, en application du contrat et de l’article 1343-2 du code civil,
– s’entendre condamner aux dépens distraits au profit de l’avocat soussigné sur son affirmation d’en avoir fait l’avance.
Par ces motifs
La cour,
– dit n’y avoir lieu à jonction des procédures numéros RG 24/00020 et RG 20/00210 ;
– dit sans objet dans le cadre de la présente instance les demandes concernant M. [T] [K] et M. [G] [X] ;
– confirme en ses dispositions critiquées le jugement sauf en ce qu’il a condamné Mme [S] [V] [L] épouse [J] et M. [A] [L] à payer chacun à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe les sommes de 5 999,35 euros en remboursement du prêt n° 23902480, 3 367,03 euros en remboursement du prêt n° 23903236, 199,65 euros en remboursement du prêt n° 23903209, ce avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2013 ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
– condamne Mme [S] [V] [L] épouse [J] à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe, les sommes de :
– 6 369,23 euros en remboursement du prêt n° 23902480 avec intérêts au conventionnel de 5,45% l’an à compter du 27 octobre 2017,
– 3 575,78 euros en remboursement du prêt n° 23903236 avec intérêts au conventionnel de 6,45% l’an à compter du 27 octobre 2017,
– 197,50 euros en remboursement du prêt n° 23903209, avec intérêts au conventionnel de 6,45% l’an à compter du 27 octobre 2017,
– condamne M. [A] [L] à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe les sommes de :
– 6 369,23 euros en remboursement du prêt n° 23902480 avec intérêts au conventionnel de 5,45% l’an à compter du 27 octobre 2017,
– 3 575,78 euros en remboursement du prêt n° 23903236 avec intérêts au conventionnel de 6,45% l’an à compter du 27 octobre 2017,
– 197,50 euros en remboursement du prêt n° 23903209 avec intérêts au conventionnel de 6,45% l’an à compter du 27 octobre 2017,
– ordonne la capitalisation au taux légal des intérêts dus pour une année entière à compter du 27 octobre 2017,
Y ajoutant,
– déboute Mme [S] [L] épouse [J] et M. [A] [L] de l’ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– déboute la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe du surplus de ses demandes contre Mme [S] [L] épouse [J] et M. [A] [L] ;
– condamne Mme [S] [L] épouse [J] et M. [A] [L] in solidum au paiement des dépens d’appel dont distraction au profit de Me Robert Rinaldo, avocat en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Et ont signé le président et le greffier.
Le greffier Le président
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