Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Angers
Thématique : Remise en question d’un licenciement pour manquement aux protocoles de sécurité en milieu éducatif.
→ RésuméL’affaire concerne une association reconnue d’intérêt général, engagée dans la protection de l’enfance, qui a licencié une éducatrice spécialisée pour faute grave. L’éducatrice avait été initialement embauchée en 2008 et a vu son contrat transformé en CDI en 2008. Elle était affectée à un établissement accueillant des enfants et adolescents en danger.
Le 21 juillet 2020, l’association a convoqué l’éducatrice à un entretien préalable à un licenciement, assorti d’une mise à pied conservatoire. Le 12 août 2020, l’association a notifié son licenciement, l’accusant d’avoir remis une ordonnance de Tercian à une adolescente, ce qui aurait mis en danger sa vie. L’éducatrice a contesté ce licenciement, arguant qu’il était sans cause réelle et sérieuse, et a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir des indemnités. Le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, condamnant l’association à verser plusieurs indemnités à l’éducatrice, y compris des dommages et intérêts pour licenciement abusif. L’association a interjeté appel, soutenant que le licenciement était justifié par la faute grave de l’éducatrice. En appel, l’association a tenté de prouver que l’éducatrice avait violé les protocoles médicaux en remettant une ordonnance à une mineure, ce qui aurait permis à cette dernière de se procurer un médicament dangereux. Cependant, la cour a constaté qu’il existait un doute sur les faits reprochés, notamment sur la remise de l’ordonnance et la délivrance du médicament. La cour a confirmé le jugement de première instance, considérant que l’éducatrice avait commis une faute, mais pas de nature à justifier un licenciement pour faute grave. L’association a été condamnée à payer des frais d’appel et des indemnités à l’éducatrice. |
COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00087 – N° Portalis DBVP-V-B7G-E6PK.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 31 Janvier 2022, enregistrée sous le n° F 21/00020
ARRÊT DU 13 Mars 2025
APPELANTE :
Association [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Luc LALANNE de la SCP LALANNE – GODARD – BOUTARD – SIMON – GIBAUD, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 20210107
INTIME :
Madame [H] [V] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Aurélie DOMAIGNE, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 211927
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Janvier 2025 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Clarisse PORTMANN
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 13 Mars 2025, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
EXPOSE DU LITIGE
L’association [5], constituée sous forme d’association loi 1901 reconnue d’intérêt général, intervient notamment en matière de protection de l’enfance et agit en faveur de la parentalité et de l’insertion par le logement et l’inclusion sociale. Elle emploie plus de onze salariés et applique la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.
Le 14 février 2008, Mme [H] [C] a été engagée par l’association [5] dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée en qualité d’éducatrice spécialisée afin de remplacer une salariée absente. Le contrat de travail a été prolongé à plusieurs reprises jusqu’au 31 août 2008.
À compter du 1er septembre 2008, la relation contractuelle s’est poursuivie pour une durée indéterminée, d’abord à temps partiel puis à temps complet.
Mme [C] était affectée au sein de l'[4] qui a pour objet d’accueillir des enfants et adolescents de 6 à 18 ans afin de mettre fin aux dangers et aux risques auxquels ils sont exposés et de soutenir l’autorité parentale.
Par courrier du 21 juillet 2020, l’association [5] a convoqué Mme [C] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 4 août 2020. Cette convocation était assortie d’une mise à pied à titre conservatoire à compter du 27 juillet 2020, date de son retour de congés.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 août 2020, l’association [5] a notifié à Mme [C] son licenciement pour faute grave, lui reprochant le non-respect du protocole médical et la mise en danger de la vie d’une adolescente suivie par ses soins, pour lui avoir remis une ordonnance de Tercian lors d’une sortie en droit de visite et d’hébergement de sorte que l’adolescente a obtenu ce médicament auprès de la pharmacie et en a consommé en dehors de tout contrôle.
Contestant le bien fondé de son licenciement, Mme [C] a saisi le conseil de prud’hommes du Mans par requête du 15 janvier 2021 afin d’obtenir la condamnation de l’association [5] à lui verser, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, l’indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’association [5] s’est opposée aux prétentions de Mme [C] et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 31 janvier 2022, le conseil de prud’hommes a :
– dit que le licenciement de Mme [C] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;
– en conséquence, condamné l’association [5] à payer à Mme [C] les sommes suivantes :
– 1 563,72 euros brut au titre du salaire de la mise à pied conservatoire ;
– 156,37 euros brut au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire ;
– 5 210,52 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
– 521 euros brut au titre des congés payés sur préavis ;
– 14 620,02 euros net au titre de l’indemnité de licenciement ;
– 28 864 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 2 000 euros d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné à l’association [5] de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [C] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement et ce, dans la limite de six mois d’allocations chômage ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
– dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts de droit à compter de la date de réception par le défendeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 20 janvier 2021 et à compter de la notification du jugement pour les créances indemnitaires ;
– débouté Mme [C] du surplus de ses demandes ;
– débouté l’association [5] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné l’association [5] aux entiers dépens.
L’association [5] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 8 février 2022, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’elle énonce dans sa déclaration.
Mme [C] a constitué avocat en qualité d’intimée le 17 mars 2022
L’association [5], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 13 avril 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a retenu que le licenciement de Mme [C] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– dire et juger que le licenciement de Mme [C] repose sur une faute grave ;
– débouter Mme [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner Mme [C] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [C] au paiement des entiers dépens de l’instance ;
– dire et juger que l’arrêt infirmatif constituera le titre exécutoire l’autorisant à recouvrer le montant des condamnations dont elle a fait l’avance dans le cadre du jugement infirmé.
Mme [C], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 4 juillet 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes du Mans le 31 janvier 2022 en ce qu’il a :
– dit que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;
– et, condamné l’association [5] à lui payer les sommes suivantes :
– 1 563,72 euros brut au titre du salaire de la mise à pied conservatoire ;
– 156,37 euros brut au titre des congés payés sur la mise à pied conservatoire ;
– 5 210,52 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
– 521 euros brut au titre des congés payés sur préavis ;
– 14 620,02 euros net au titre de l’indemnité de licenciement ;
– 28 864 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 2 000 euros d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– a dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts de droit à compter de la date de réception par le défendeur de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 20 janvier 2021 et à compter de la notification du jugement pour les créances indemnitaires ;
– a ordonné le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versée du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement et ce dans la limite de 6 mois d’allocations chômage ;
– débouter l’association [5] de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner l’association [5] à régler la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– condamner l’association [5] au paiement des entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 décembre 2024 et le dossier a été fixé à l’audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d’appel d’Angers du 7 janvier 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, publiquement par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu le 31 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes du Mans en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
CONDAMNE l’association [5] à payer à Mme [H] [C] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel ;
DEBOUTE l’association [5] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel ;
CONDAMNE l’association [5] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Clarisse PORTMANN
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?