Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Angers
Thématique : Discrimination syndicale et manquements contractuels : la résiliation d’un contrat de travail justifiée.
→ RésuméL’affaire concerne une assistante d’éducation employée par l’association Organisme de Gestion de l’Enseignement Catholique école et collège (OGEC) qui a été engagée en mars 2014. En juin 2015, la cheffe d’établissement a accepté son départ en formation pour obtenir un certificat de qualification professionnelle (CQP) d’éducateur de vie scolaire, avec la promesse de lui confier le poste de responsable de vie scolaire (RVS) lorsque celui-ci serait vacant. En 2016, l’assistante a été élue membre titulaire du comité social et économique (CSE) et a obtenu plusieurs qualifications professionnelles.
En janvier 2020, le RVS a annoncé son départ à la retraite prévu pour janvier 2021, et l’OGEC a lancé un processus de recrutement pour le remplacer. L’assistante a postulé, mais sa candidature a été rejetée en août 2020, et elle a été placée en arrêt de travail à partir de septembre 2020. Lors d’une réunion du CSE, la direction a annoncé le recrutement d’un candidat externe pour le poste de RVS. En février 2021, l’assistante a saisi le conseil de prud’hommes, demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour discrimination syndicale et d’autres manquements de l’employeur. Le syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée a soutenu sa demande, arguant que les actions de l’OGEC avaient porté atteinte à l’intérêt collectif de la profession. Le conseil de prud’hommes a reconnu des manquements de l’OGEC à ses obligations contractuelles, mais a rejeté la demande de discrimination syndicale. L’assistante a interjeté appel, tout comme le syndicat, contestation qui a conduit à une réévaluation des faits. La cour a finalement infirmé le jugement initial, prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’OGEC, considérant que les manquements étaient suffisamment graves pour justifier cette décision. L’OGEC a été condamné à verser des indemnités à l’assistante et au syndicat pour préjudice subi. |
COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00084 – N° Portalis DBVP-V-B7G-E6OT.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’Angers, décision attaquée en date du 06 Janvier 2022, enregistrée sous le n° 21/00091
ARRÊT DU 13 Mars 2025
APPELANTE :
Madame [S] [E]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître DUFOURGBURG, avocat substituant Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 20/069
Le syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentés par Maître ROPARS, avocat substituant Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 20/069
INTIMEE :
Association Organisme de Gestion de l’Enseignement Catholique école et collège [7] (l’OGEC [7])
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés
en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me GODEAU, avocat substituant Maître Julie BAUDET de la SELAS ORATIO AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 2100293
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Janvier 2025 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseillerchargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Clarisse PORTMANN
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 13 Mars 2025, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE
L’association Organisme de Gestion de l’Enseignement Catholique école et collège [7] (l’OGEC [7]) est un établissement d’enseignement catholique situé à [Localité 6] comptant 600 élèves encadrés par une équipe d’enseignants et le personnel d’administration, de service et d’éducation. L’établissement emploie plus de onze salariés et applique la convention collective nationale de l’enseignement privé.
Mme [S] [E] a été engagée par l’OGEC [7] dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée du 24 mars 2014 prenant effet le 17 mars 2014 en qualité d’assistante d’éducation.
Par lettre du 1er juin 2015 intitulée ‘engagement d’évolution professionnelle’, Mme [B], cheffe de l’établissement, a accepté le départ de Mme [E] en formation ‘certificat de qualification professionnelle (CQP) éducateur de vie scolaire’ avec l’objectif à court terme de mettre en pratique, partager et diffuser les apports de cette formation aux membres de l’équipe vie scolaire, et à moyen terme de prendre la responsabilité du service de vie scolaire lorsque le poste de responsable de vie scolaire (RVS) sera à pourvoir.
En 2016, Mme [E] a été élue membre titulaire du CSE sur la liste du syndicat CFDT pour un mandat d’une durée de trois ans renouvelé en 2019. Elle a également été désignée trésorière du CSE.
Le 23 mai 2016, Mme [E] a obtenu le CQP d’éducateur de vie scolaire, et le 7 juillet 2017 le CQP de coordinateur de vie scolaire.
Entre temps, en septembre 2016, Mme [B] a été remplacée par M. [U] au poste de directeur d’établissement.
Par avenant du 1er septembre 2017, Mme [E] a été promue au poste d’adjointe au RVS.
En janvier 2020, le RVS, M. [C], a annoncé son départ à la retraite fixé en janvier 2021. L’OGEC [7] a demandé un audit du service de vie scolaire pour anticiper sa succession, repenser l’organisation et le fonctionnement du service, et formaliser une organisation pour l’avenir. Il a ensuite mis en place un processus de recrutement d’un nouveau RVS, poste auquel Mme [E] a postulé.
Mme [E] a été reçue en entretien à ce sujet le 25 août 2020. Par courrier remis en main propre le 26 août 2020, l’OGEC [7] l’a informée du rejet de sa candidature au poste de RVS.
Mme [E] a été placée en arrêt de travail à compter du 1er septembre 2020 régulièrement prolongé de sorte qu’elle n’a jamais repris son poste.
Lors de la réunion du comité social et économique (CSE) du 8 septembre 2020, la direction a annoncé le recrutement d’un candidat extérieur à l’établissement, M. [V], au poste de RVS.
Par requête du 26 février 2021, Mme [E] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de la discrimination syndicale dont elle s’estime victime et obtenir la condamnation de son employeur à lui verser, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, l’indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée s’est associé aux demandes de Mme [E] et a sollicité la condamnation de l’OGEC [7] à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’OGEC [7] s’est opposé aux prétentions de Mme [E] et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par lettre du 29 décembre 2021, Mme [E] a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur.
Par jugement du 6 janvier 2022, le conseil de prud’hommes a :
– constaté le manquement de l’OGEC [7] à ses obligations contractuelles et à ses engagements à l’égard de Mme [E] ;
– dit que les agissements de discrimination syndicale ne sont pas caractérisés ;
en conséquence :
– condamné l’OGEC [7] à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice causé par les manquements de l’OGEC à ses obligations et à ses engagements ;
– condamné l’OGEC [7] à payer à Mme [E] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire totale du jugement ;
– débouté toutes les parties de leurs autres demandes ;
– condamné l’OGEC [7] aux dépens de l’instance ;
– dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse.
Mme [E] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 3 février 2022, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’elle énonce dans sa déclaration. L’affaire a été enregistrée sous le n° RG 22-00084.
Par acte séparé du même jour, le syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il ne s’est pas prononcé sur la recevabilité de son intervention et en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts et de sa
demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’affaire a été enregistrée sous le n° RG 22-00085.
L’OGEC [7] a constitué avocat en qualité d’intimé le 3 mars 2022 dans le dossier n°RG 22-00084 et le 24 février 2022 dans le dossier n°RG 22-00085.
Mme [E] et le syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée, dans leurs dernières conclusions, lesquelles sont communes, adressées au greffe le 26 avril 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demandent à la cour de :
– dire Mme [E] recevable en son appel et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a constaté les manquements de l’OGEC [7] à ses obligations contractuelles et à ses engagements à son égard et en ce qu’il a condamné l’OGEC [7] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– l’infirmer en ce qu’il a considéré que le manquement de l’employeur ne constitue pas un motif suffisant pour donner suite à la demande de résiliation judiciaire ;
– l’infirmer en ses autres dispositions ;
– dire que les manquements de l’OGEC [7] à ses obligations contractuelles et à ses engagements à son égard sont graves ;
– constater les agissements de discrimination syndicale de l’OGEC [7] à son encontre ;
– dire recevable en son appel et bien fondé le syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée à se porter partie intervenante à la cause et à solliciter de ce chef une indemnisation du préjudice ;
Statuer à nouveau et en conséquence :
– dire la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] aux torts de l’OGEC [7] justifiée et fondée ;
– constater que la rupture est intervenue depuis par notification faite par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 décembre 2021 ;
– dire que cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse;
– condamner l’OGEC [7] à verser à Mme [E] :
– 4 084 euros brut à titre d’indemnité de préavis (2 mois) ;
– 408,40 euros brut d’incidence congés payés ;
– 3 956,37 euros net à titre d’indemnité de licenciement ;
– 16 336 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– à titre subsidiaire, 18 000 euros de dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice causé par les manquements de l’OGEC à ses obligations et à ses engagements;
– condamner l’OGEC [7] à verser au syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée 2 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession ;
En outre :
– condamner l’OGEC [7] aux entiers dépens de l’instance ;
– condamner l’OGEC [7] à verser à Mme [E] et au syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée, chacun une indemnité de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.
L’OGEC [7], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 16 décembre 2024, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– confirmer le jugement intervenu en ce qu’il a débouté Mme [E] de sa demande de résiliation judiciaire ;
– confirmer le jugement intervenu en ce qu’il a débouté le syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée de toutes ses demandes ;
– infirmer le jugement intervenu en ce qu’il :
– a constaté le manquement à ses obligations contractuelles et à ses engagements à l’égard de Mme [E] ;
– l’a condamné à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice causé par ses manquements à ses obligations et à ses engagements ;
– l’a condamné à payer à Mme [E] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– l’a condamné aux entiers dépens ;
– a ordonné l’exécution provisoire totale du jugement ;
– l’a débouté de ses autres demandes et notamment de sa demande de paiement par Mme [E] et le syndicat CFDT chacun la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamnation aux entiers dépens ;
Pour le surplus et statuant à nouveau :
– déclarer irrecevables et en tout cas infondés Mme [E] et le syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée en leurs demandes ;
– les en débouter ;
– condamner Mme [E] et le syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée à lui payer chacun une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamner solidairement aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée le 18 décembre 2024 dans les deux dossiers, et les affaires ont été appelées à l’audience du 7 janvier 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’aux décisions déférées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, publiquement par mise à disposition au greffe,
ORDONNE la jonction des procédures n°RG 22/00084 et n°RG 22/00085 sous le n°RG 22/00084 ;
INFIRME le jugement rendu le 6 janvier 2022 par le conseil de prud’hommes d’Angers sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [S] [E] aux torts de l’association OGEC école et collège [7] avec effet au 29 décembre 2021;
DIT que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [S] [E] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE l’association OGEC école et collège [7] à payer à Mme [S] [E] les sommes suivantes :
– 4 083,62 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 408,36 euros brut au titre des congés payés afférents ;
– 3 956,37 euros net à titre d’indemnité de licenciement ;
– 16 336 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DEBOUTE Mme [S] [E] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l’association OGEC école et collège [7] ;
DECLARE recevable l’intervention volontaire du syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée ;
CONDAMNE l’association OGEC école et collège [7] à payer au syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession ;
ORDONNE le remboursement par l’association OGEC école et collège [7] à Pôle Emploi (France Travail) des allocations chômages perçues par Mme [S] [E] du 29 décembre 2021 au jour de la présente décision dans la limite de trois mois ;
CONDAMNE l’association OGEC école et collège [7] à payer à Mme [S] [E] et au syndicat FEP CFDT Anjou Maine Vendée la somme de 1 500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles d’appel ;
DEBOUTE l’association OGEC école et collège [7] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel ;
CONDAMNE l’association OGEC école et collège [7] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Clarisse PORTMANN
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?