Cour d’appel d’Angers, 13 mars 2025, RG n° 22/00032
Cour d’appel d’Angers, 13 mars 2025, RG n° 22/00032

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel d’Angers

Thématique : **Rupture contractuelle et manquements de l’employeur**

Résumé

La SAS Sadrin Rapin, spécialisée dans la construction de bâtiments, a engagé un salarié en qualité de métreur technicien chantier en 2003, qui a ensuite été promu Responsable Bureau d’Études en 2011. En janvier 2012, un véhicule de fonction lui a été attribué. En février 2020, le président de la société a annoncé la nomination d’un autre individu à son poste, sans préavis ni accord préalable. En mai 2020, la société a proposé un avenant au contrat de travail, rétrogradant le salarié au poste de chargé d’études, ce qu’il a refusé.

Le 6 juillet 2020, la société a notifié au salarié son licenciement pour insuffisance professionnelle, notamment en raison de son refus d’accepter les modifications de son contrat. En réponse, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la résiliation judiciaire de son contrat aux torts exclusifs de l’employeur, ainsi que des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le conseil de prud’hommes a débouté le salarié de sa demande, considérant que son licenciement était justifié. Le salarié a interjeté appel, demandant la résiliation judiciaire de son contrat et des indemnités conséquentes. La société a contesté ces demandes, soutenant que le salarié avait manqué à ses obligations.

La cour d’appel a examiné les manquements de l’employeur, notamment la modification unilatérale du contrat de travail et le non-respect des obligations contractuelles. Elle a conclu que ces manquements étaient suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, considérant le licenciement comme sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, la cour a condamné la société à verser des indemnités au salarié, y compris des dommages et intérêts pour licenciement abusif, ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis.

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00032 – N° Portalis DBVP-V-B7G-E6DP.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 10 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 20/00357

ARRÊT DU 13 Mars 2025

APPELANT :

Monsieur [T] [S]

‘[Adresse 4]’

[Localité 2]

représenté par Me Marie-caroline MARTINEAU de la SELARL MARIE-CAROLINE MARTINEAU & MAGALIE MINAUD, avocat au barreau du MANS

INTIMEE :

S.A.S. SADRIN RAPIN

Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Anne sophie FINOCCHIARO de la SELAS FIDAL, avocat au barreau d’ANGERS, postulant et par Me BERTHOME avocat au barreau de CHATEAUROUX, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Décembre 2024 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant madame CHAMBEAUD, conseiller rapporteur, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Clarisse PORTMANN

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 13 Mars 2025, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Sadrin Rapin, appartenant au groupe EJ Groupe, est spécialisée dans le secteur d’activité de la construction de bâtiment et en particulier la création et la rénovation de stations-services et de grands ouvrages de génie civil (bâtiments de bureaux, concessions automobiles, bâtiments industriels, salles de spectacle, parcs d’attraction, parcs zoologiques ‘). Elle emploie plus de onze salariés et applique la convention collective nationale du bâtiment (cadres).

M. [T] [S] a été engagé par la société Sadrin Rapin dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 juillet 2003 en qualité de métreur technicien chantier.

A compter de 2011, il a été nommé Responsable Bureau d’Etudes.

En janvier 2012, un véhicule de fonction lui a été attribué.

Ces modifications de son contrat de travail ont été contractualisées dans un écrit du 15 mars 2013, M. [S] occupant un poste de Responsable Bureau d’Etudes, statut cadre, coefficient 100, tel que défini par la grille de classification de la convention collective du bâtiment et disposant d’un véhicule de fonction.

Le 7 février 2020, M. [G] [F], président de la société Sadrin Rapin, a annoncé la nomination de M. [N] au poste de Responsable Bureau d’Etudes.

Par avenant du 15 mai 2020 que M. [S] a refusé de signer, la société Sadrin Rapin lui a proposé le poste de chargé d’études à compter du 18 suivant, avec maintien du statut de cadre et du coefficient 108 de la convention collective du bâtiment et retrait du véhicule de fonction.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2020, la société Sadrin Rapin a informé M. [S] de sa volonté de lui confier le poste de Responsable d’Etudes de prix, de lui retirer le véhicule de fonction et de revaloriser son salaire de 389 euros pour le fixer à la somme mensuelle de 5 589 euros.

Le 16 juillet 2020, M. [S] a refusé ces modifications.

M. [S] a été placé en arrêt de travail du 31 juillet 2020 au 8 janvier 2021.

Par courrier du 9 septembre 2020, la société Sadrin Rapin a convoqué M. [S] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 22 septembre 2020.

Le 18 septembre 2020, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes du Mans aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Sadrin Rapin et de condamnation de son employeur, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents, de l’indemnité de congés payés, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 septembre 2020, la société Sadrin Rapin a notifié à M. [S] son licenciement pour insuffisance professionnelle lui reprochant notamment une insuffisance dans le management de son équipe, une insuffisance de déplacement auprès des donneurs d’ordres et prospects et le refus d’accepter la modification de son contrat de travail.

Dans le dernier état de ses prétentions, M. [S] a complété ses demandes devant le conseil de prud’hommes sollicitant, subsidiairement à la résiliation de son contrat de travail, que le licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse et l’employeur condamné au paiement des indemnités de rupture correspondantes et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Sadrin Rapin s’est opposée aux prétentions de M. [S] et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 10 décembre 2021, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes du Mans a :

– débouté M. [S] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Sadrin Rapin et de toutes les demandes indemnitaires s’y rapportant ;

– dit que le licenciement de M. [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

– condamné M. [S] à verser à la société Sadrin Rapin la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [S] aux entiers dépens.

M. [S] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 13 janvier 2022, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’il énonce dans sa déclaration.

La société Sadrin Rapin a constitué avocat en qualité d’intimée le 24 février 2022.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 novembre 2024 et le dossier a été fixé à l’audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d’appel d’Angers du 3 décembre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [S], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 6 avril 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, demande à la cour de :

– le déclarer bien fondé en son appel,

Y faisant droit,

– infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

– constater les manquements de la société Sadrin Rapin ;

– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Sadrin Rapin à la date du 28 septembre 2020, date du licenciement, s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner en conséquence la société Sadrin Rapin à lui payer les sommes suivantes :

* 16 767 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 6 500 euros à titre d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

– juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

– en conséquence, condamner la société Sadrin Rapin à lui payer les sommes suivantes :

* 16 767 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 6 500 euros à titre d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Sadrin Rapin à lui remettre les documents de fin de contrat, ainsi que les bulletins de salaire depuis juin et juillet 2020 dûment corrigés concernant la qualification de son poste ;

– ordonner la remise de l’attestation France Travail (Pôle emploi), du certificat de travail et du certificat pour la caisse de congés payés du bâtiment sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;

– condamner la société Sadrin Rapin aux entiers dépens.

La société Sadrin Rapin, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 13 juin 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, demande à la cour de :

– confirmer dans son intégralité le jugement entrepris du conseil de prud’hommes du Mans du 20 décembre 2021 ;

En conséquence,

– débouter M. [S] de l’ensemble de ses demandes, juridiquement infondées ;

– condamner M. [S] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [S] aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant dans les limites de l’appel, contradictoirement, publiquement par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 10 décembre 2021 par le conseil de prud’hommes du Mans en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et, y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [T] [S] aux torts exclusifs de la SAS Sadrin Rapin, prise en la personne de son représentant légal, avec effet au 28 septembre 2020 ;

DIT que cette résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [T] [S] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Sadrin Rapin, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [T] [S] :

la somme de SOIXANTE CINQ MILLE EUROS (65 000) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

la somme de SEIZE MILLE SEPT CENT SOIXANTE SEPT EUROS (16 767) brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et la somme de MILLE SIX CENT SOIXANTE SEIZE EUROS ET SOIXANTE DIX CENTIMES D’EUROS brut (1 676,70) au titre des congés payés y afférents ;

ORDONNE à la SAS Sadrin Rapin la remise à M. [T] [S] des bulletins de salaire de juin, juillet et août corrigés du poste initial, un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail pour la Caisse de congés payés du bâtiment, un certificat de travail et une attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) conformes à la présente décision, dans le délai de deux mois à compter de sa notification ;

DIT n’y avoir lieu à assortir cette remise d’une mesure d’astreinte ;

ORDONNE le remboursement par la SAS Sadrin Rapin à France Travail (anciennement Pôle Emploi) des indemnités de chômage effectivement versées à

M. [T] [S] par suite de son licenciement et ce, dans la limite de six mois ;

CONDAMNE la SAS Sadrin Rapin, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [T] [S] la somme de SIX MILLE CINQ CENTS (6 500) EUROS en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

CONDAMNE la SAS Sadrin Rapin aux dépens de première instance et d’appel.

*******

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODIN Clarisse PORTMANN

 


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