Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Angers
Thématique : Responsabilité et expertise dans la construction : enjeux de la garantie décennale.
→ RésuméLe 26 juin 2009, un contrat de construction a été signé entre des maîtres de l’ouvrage et un constructeur pour la réalisation d’une maison. Une police dommages-ouvrage a été souscrite auprès d’un assureur, qui était également responsable de la garantie décennale du constructeur. Le 22 octobre 2009, le constructeur a sous-traité le lot maçonnerie à un sous-traitant, également assuré. La réception des travaux a eu lieu le 28 janvier 2011, sans réserve.
Des fissures sont apparues sur la maison, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, entraînant l’activation de la garantie par l’assureur dommages-ouvrage. Des travaux de reprise ont été réalisés par deux sociétés, réceptionnés en 2015, et les maîtres de l’ouvrage ont été indemnisés à hauteur de 22.623,15 euros. Cependant, de nouvelles fissures sont apparues en 2019, conduisant les maîtres de l’ouvrage à faire une nouvelle déclaration de sinistre. L’assureur a refusé la garantie, arguant que les nouveaux désordres n’étaient pas de nature décennale. Les maîtres de l’ouvrage ont alors assigné l’assureur en référé pour obtenir une expertise judiciaire. L’assureur a appelé à la cause le constructeur, le sous-traitant et leurs assureurs, afin que les opérations d’expertise leur soient opposables. Le juge des référés a renvoyé les parties à se pourvoir au fond, tout en ordonnant une expertise contradictoire. L’assureur a interjeté appel de la décision, contestée par le sous-traitant et son assureur, qui ont soulevé une fin de non-recevoir pour forclusion. La cour a finalement jugé que l’assureur dommages-ouvrage avait un intérêt légitime à inclure le sous-traitant et son assureur dans l’expertise, réformant ainsi l’ordonnance initiale. Les dépens ont été laissés à la charge de l’assureur dommages-ouvrage. |
COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
IG/CG
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 23/00771 – N° Portalis DBVP-V-B7H-FE6B
Ordonnance de référé du 28 mars 2023
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAUMUR
n° d’inscription au RG de première instance 22/00074
ARRET DU 1er AVRIL 2025
APPELANTE :
S.A. CAMCA ASSURANCES
[Adresse 4]
[Adresse 4] (LUXEMBOURG)
Représentée par Me Olwenn MICHELET-PEDRON, substituant Me Patrick BARRET de la SELARL BARRET PATRICK & ASSOCIES, avocats au barreau d’ANGERS – N° du dossier 220342
INTIMEES :
S.A. GAN ASSURANCES
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Meriem BABA de la SELARL ABM, avocat au barreau de SAUMUR – N° du dossier 230224
SARL MIRRA FERREIRA
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Céline BARBEREAU, substituant Me Philippe RANGE de la SELARL LEXCAP, avocats au barreau d’ANGERS – N° du dossier 23A01276
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 13 janvier 2025 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme GANDAIS, conseillère, qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Madame GANDAIS, conseillère
Monsieur WOLFF, conseiller
Greffier : Monsieur DA CUNHA
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 1er avril 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Isabelle GANDAIS, conseillère, pour la présidente empêchée et par Tony DA CUNHA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant contrat de construction de maison individuelle conclu le 26 juin 2009, M. [W] [K] et Mme [E] [T] (les maîtres de l’ouvrage ci-après) ont confié à la SARL Alliance Construction (le constructeur ci-après) la construction de leur maison située [Adresse 1].
Une police dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la SA Camca Assurances qui se trouve être également l’assureur responsabilité civile et décennale du constructeur.
Suivant contrat en date du 22 octobre 2009, le constructeur a sous-traité le lot maçonnerie à la SARL Mirra Ferreira (le sous-traitant ci-après), assurée auprès de la SA Gan Assurances.
La réception est intervenue le 28 janvier 2011, sans réserve, entre les maîtres de l’ouvrage et le constructeur.
Des fissures étant apparues dans un premier temps en cours de chantier en façade arrière et sur le pignon de la maison ainsi que des fissures à l’intérieur du bâtiment postérieurement à la réception, l’assureur dommages-ouvrage a accepté de mobiliser sa garantie.
Au vu des constatations des désordres et moyens pour y remédier figurant au rapport du 29 avril 2013 établi par le Cabinet Agora conseil, missionné par l’assureur dommages-ouvrage, les sociétés Temsol et Coren sont intervenues pour réaliser les travaux de reprise, en sous-oeuvre et en façades, qui ont été réceptionnés les 22 janvier et 9 avril 2015.
Les maîtres de l’ouvrage ont été indemnisés par l’assureur dommages-ouvrage à hauteur de la somme de 22.623,15 euros au titre de la reprise des désordres.
Le 25 novembre 2019, les maîtres de l’ouvrage ont régularisé une nouvelle déclaration de sinistre auprès de l’assureur dommages-ouvrage du fait de l’apparition de nouvelles fissures au niveau de la façade arrière, du carrelage et des plafonds de leur habitation.
Après la réalisation de rapports préliminaire et complémentaire par le Cabinet Drouault Expertises, technicien mandaté par l’assureur dommages-ouvrage, ce dernier a opposé aux maîtres de l’ouvrage un refus de garantie, se fondant sur les conclusions de l’expertise indiquant que les nouveaux désordres ne présentaient pas un caractère décennal.
Dans ce contexte, les maîtres de l’ouvrage ont, par actes de commissaire de justice en date du 5 octobre 2022, fait assigner devant le juge des référés de Saumur la SA Camca, société mutualiste aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
Par actes de commissaires de justice en date des 15, 16 et 17 novembre 2022, la SA Camca Assurances intervenant volontairement en qualité d’assureur dommages-ouvrage a appelé à la cause le constructeur, le sous-traitant chargé du lot maçonnerie, son assureur Gan Assurances ainsi que les sociétés Temsol et Coren intervenues pour la réalisation des travaux de reprise, afin de leur rendre opposables les opérations d’expertise.
Suivant ordonnance rendue le 28 mars 2023, le juge des référés a :
– au principal, renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu’elles aviseront mais dès à présent,
– constaté l’intervention volontaire de la SA Camca Assurances,
– mis hors de cause la SA Camca, société mutualiste,
– mis hors de cause la SASU Alliance Construction,
– mis hors de cause la SARL Mirra Ferreira,
– mis hors de cause la SA Gan assurances,
– ordonné contradictoirement à l’égard de M. [W] [K], Mme [E] [T], la SA Camca Assurances, la SAS Coren, la SAS Temsol une expertise et commis pour y procéder M. [H] [C] aux fins notamment de dire si, au moment où ils ont été décidés, les travaux préfinancés par la SA Camca Assurances et mis en oeuvre par les SAS Temsol et Coren étaient suffisants et de nature à assurer une reprise pérenne des désordres pris en charge dans le cadre de la garantie dommages ouvrage, de donner tout élément permettant de déterminer si les fissures actuelles sont des désordres nouveaux en lien avec les seuls travaux réalisés par les SAS Coren et Temsol ou dans le prolongement des désordres de 2011-2013, le cas échéant de préciser si les travaux réalisés par les sociétés Coren et Temsol auraient dû être complétés par d’autres travaux ou se sont uniquement révélés inefficaces,
– dans les rapports entre les consorts [K]-[T] et la SA Camca Assurances, laissé les dépens à la charge de M. [K] et de Mme [T],
– dans les rapports entre la SA Camca Assurances d’une part et la SASU Alliance Construction, la SARL Mirra Ferreira, la SA Gan Assurances, la SAS Coren et la SAS Temsol d’autre part, laissé les dépens à la charge de la SA Camca Assurances,
– condamné la SA Camca Assurances à verser à la SASU Alliance Construction la somme de 1.200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SA Camca Assurances à verser à la SARL Mirra Ferreira la somme de 1.200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que l’ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 10 mai 2023, la SA Camca Assurances a interjeté appel de la décision en ses dispositions ayant mis hors de cause la SARL Mirra Ferreira et la SA Gan Assurances, laissé les dépens à sa charge dans ses rapports avec la SASU Alliance Construction, la SARL Mirra Ferreira, la SA Gan Assurances, la SAS Coren et la SAS Temsol et l’ayant condamné à verser à la SARL Mirra Ferreira la somme de 1.200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ; intimant la SARL Mirra Ferreira et son assureur, la SA Gan Assurances.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 décembre 2024 et l’affaire a été retenue à l’audience du 13 janvier 2025, conformément à l’avis de clôture et de fixation adressé par le greffe aux parties le 27 juin 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Aux termes de ses dernières écritures reçues le 13 décembre 2024, la SA Camca Assurances demande à la cour, au visa des articles 145 du code de procédure civile, 1792 et suivants, 2224 du code civil, de :
– déclarer son appel limité recevable et bien fondé,
– réformant l’ordonnance déférée en date du 28 mars 2023 rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Saumur en ce qu’elle a :
– mis hors de cause les sociétés Mirra Ferreira et Gan Assurances,
– condamné la SA Camca Assurances à payer à la société Mirra Ferreira la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
– et, ce faisant, déclarer que l’expertise qui a été ordonnée se fera au contradictoire des sociétés Mirra Ferreira et Gan Assurances,
– juger que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens.
Aux termes de ses dernières écritures reçues le 6 novembre 2024, la SARL Mirra Ferreira demande à la cour, au visa des dispositions des articles 9 et 145 du code de procédure civile, 1792 du code civil, de :
– déclarer l’action de la société Camca Assurances à son encontre forclose,
– débouter la société Camca Assurances de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– confirmer l’ordonnance du président du tribunal judiciaire de Saumur du 28 mars 2023,
– condamner la société Camca Assurances à lui payer une indemnité de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Camca Assurances aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexcap (Me Philippe Rangé), conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures reçues le 8 août 2023, la SA Gan Assurances demande à la cour, au visa des dispositions des articles 145 du code de procédure civile, 1792, 1792-4-2 du code civil, de :
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le Président du tribunal judiciaire de Saumur le 28 mars 2023,
– débouter la société Camca Assurances de l’intégralité de ses demandes,
– condamner la société Camca Assurances à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Camca Assurances aux dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
INFIRME, dans les limites de sa saisine, l’ordonnance de référé du 28 mars 2023 sauf en ce qu’elle a laissé les dépens à la charge de la SA Camca Assurances dans ses rapports avec la SARL Mirra Ferreira et la SA Gan assurances,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DECLARE recevable la SA Camca Assurances en son action tendant à attraire aux opérations d’expertise judiciaire la SARL Mirra Ferreira et la SA Gan assurances,
DEBOUTE la SARL Mirra Ferreira et la SA Gan assurances de leurs demandes de mise hors de cause et DIT que l’expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal judiciaire de Saumur le 28 mars 2023 et confiée à M. [H] [C] devra se dérouler au contradictoire de ces sociétés qui devront être mises en mesure par l’expert de prendre connaissance des opérations d’ores et déjà réalisées,
DEBOUTE la SARL Mirra Ferreira et la SA Gan assurances de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
LAISSE les dépens d’appel à la charge de la SA Camca Assurances,
ACCORDE au conseil de la SARL Mirra Ferreira le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER P/LA PRESIDENTE, empêchée
T. DA CUNHA I. GANDAIS
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