Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel d’Amiens
Thématique : Conflit entre associés et réintégration contestée.
→ RésuméContexte de l’affaireLa société par actions simplifiée (SAS) Optic Millémium, active dans le secteur de l’optique, est détenue à parts égales par deux associés, un dirigeant et un directeur général. Un conflit majeur a éclaté entre ces deux associés en 2016-2017, entraînant des actions judiciaires. Actions judiciaires initialesL’un des associés a demandé la révocation de l’autre et la nomination d’un administrateur provisoire. En réponse, l’autre associé a révoqué son collègue de son poste de directeur général. Un mandataire ad hoc a été désigné pour évaluer la situation de la société. Rapport et nouvelles demandesLe mandataire a conclu que les comptes de la société étaient sincères, ce qui a conduit à de nouvelles demandes de l’associé en désaccord, visant à obtenir la désignation d’un administrateur provisoire et la révocation de son collègue. Jugement du tribunal de commerceLe tribunal a rejeté les demandes de révocation et de liquidation anticipée, tout en confiant un mandat ad hoc à un administrateur judiciaire pour auditer la société et protéger les actifs. Un juge conciliateur a également été désigné pour faciliter la vente des parts de l’un des associés. Appel et décisions de la cour d’appelL’associé en désaccord a fait appel, mais la cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal, sauf pour certaines décisions concernant le mandataire ad hoc et le juge conciliateur. Exclusion d’un associéUne assemblée générale extraordinaire a décidé d’exclure l’associé en désaccord, ce qui a conduit à une nouvelle assignation devant le tribunal pour annuler cette décision et demander sa réintégration. Jugement sur l’exclusionLe tribunal a annulé les résolutions d’exclusion et ordonné la réintégration de l’associé, tout en déboutant sa demande de dommages et intérêts. La société a interjeté appel de cette décision. Procédures en cours et redressement judiciaireDes incidents ont été soulevés concernant l’exécution des décisions, et la société a été placée en redressement judiciaire, avec des administrateurs judiciaires désignés pour gérer la situation. Conclusion des procéduresLe tribunal a débouté l’associé de sa demande de radiation de la procédure d’appel et a condamné cet associé aux dépens de l’incident, tout en renvoyant l’affaire à une audience ultérieure. |
ORDONNANCE
N°
[F]
S.A.S. OPTIC MILLEMIUM
C/
[I]
OG
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ORDONNANCE DU 27 FEVRIER 2025
DU CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT
N° RG 24/00044 – N° Portalis DBV4-V-B7H-I6OI
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE DU 14 NOVEMBRE 2023 (référence dossier N° RG 2023F00103)
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS
Monsieur [J] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]
S.A.S. OPTIC MILLEMIUM agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
Centre Commercial CORA
[Localité 5]
Représentés par Me Xavier PERES de la SELARL MAESTRO AVOCATS, avocat au barreau D’AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Pierre-edouard GONDRAN DE ROBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0210
ET :
INTIME
Monsieur [J] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4] BELGIQUE
Ayant pour avocat plaidant Me Michael HADDAD de la SELARL HADDAD & LAGACHE, avocat au barreau de PARIS
Représenté par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 80
DEBATS :
A l’audience publique du 09 janvier 2025 devant Mme Odile GREVIN, Présidente faisant fonction de conseiller de la mise en état de la chambre économique de la cour d’appel d’Amiens qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’ordonnance sera prononcée par sa mise à disposition au greffe le 20 février 2025.
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Mme Diénéba KONÉ
PRONONCE :
Les conseils des parties ont été informés par voie électronique du prorogé du délibéré au 27 février 2025.
Le 27 février 2025 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Odile GREVIN, Présidente, faisant fonction de Conseiller de la mise en état a signé la minute avec
Madame Malika RABHI, Greffière.
DECISION
La SAS Optic Millémium immatriculée depuis le 13 février 2002 dont le siège se situe au sein du centre commercial Cora à [Localité 5] exploite des magasins d’optique lunetterie en France, le capital social de la société Optic Millémium étant détenu à 50% par M. [F] et 50 % par M. [I] et la présidence assurée par M. [F], M. [I] ayant été désigné directeur général.
Alors qu’ils sont amis depuis plus de 30 ans et qu’ils évoluent ensemble dans le monde de l’optique, un conflit aigu entre M. [I] et [F] est né en 2016-2017.
Ainsi, M. [I] sollicitait par assignation du 2 août 2017 la révocation de M. [F] et la nomination d’un administrateur provisoire et le 2 novembre 2017 M. [F] révoquait M. [I] de son mandat de directeur général.
Le 5 juin 2018, le tribunal de commerce de Compiègne a désigné avant dire droit maître [E] en qualité de mandataire ad’ hoc avec pour mission d’établir un rapport sur la situation de la société et de ses associés.
M. [I] a relevé appel de cette décision, appel déclaré irrecevable par arrêt du 10 janvier 2019.
Maître [E] a déposé un rapport en l’état le 31 juillet 2019.
En désaccord avec les conclusions de maître [E] déclarant que les comptes de la société Optic Millémium ont été certifiés sincèrement, M. [I] a ressaisi le tribunal de commerce de Compiègne le 23 août 2019 aux fins de désignation d’un administrateur provisoire et subsidiairement d’un mandataire ad ‘hoc et de révocation de M. [F] notamment.
Par jugement du 2 octobre 2021, le tribunal de commerce de Compiègne a notamment débouté M. [J] [I] de sa demande de révocation de M. [J] [F] de ses fonctions et de sa demande de liquidation anticipée de la société Optic Millemium et a confié un mandat ad’hoc à maître [N] administrateur judiciaire avec une mission détaillée comprenant notamment un audit économique comptable et financier de la société et la recherche de solutions afin de protéger les actifs sociaux et de permettre un partage équitable entre les associés. Par ailleurs, M. [F] a été débouté de sa demande d’exclusion de M. [I] de la société.
Un juge conciliateur a enfin été désigné pour favoriser la vente des parts de M. [I] à M. [F].
Sur appel de M. [I], la cour d’appel d’Amiens a, par arrêt en date du 21 mars 2024, confirmé ce jugement sauf du chef de la désignation de maître [N] en qualité de mandataire ad’hoc et des communications de pièces ordonnées et du chef de la mission du juge conciliateur. Ainsi M. [I] a été débouté de sa demande de désignation d’un mandataire ad’hoc et de ses demandes de communication de pièces et il a été dit que le juge conciliateur ne sera pas tenu de favoriser la cession des parts de M. [I] à M. [F], une SAS devant comporter au moins deux associés.
Enfin, M. [F] a été débouté de sa demande d’expertise judiciaire sur la valeur des parts de la société, cette demande étant jugée prématurée compte tenu de la désignation d’un juge conciliateur.
M. [F] a convoqué une assemblée générale extraordinaire de la société qui le 29 mai 2023 a décidé de l’exclusion de M. [I] en application de l’article 13 des statuts.
Par acte d’huissier en date du 5 juin 2023, M. [I] a fait assigner la société Optic Millémium et M [F] devant le tribunal de commerce de Compiègne aux fins de voir annuler les résolutions adoptées par l’assemblée générale extraordinaire du 29 mai 2023, voir ordonner sa réintégration sous astreinte ainsi que le versement d’une somme de 50000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 14 novembre 2023, les résolutions adoptées par l’assemblée générale extraordinaire du 29 mai 2023 ont été annulées et il a été ordonné à la société Optic Millemium et à M. [F] dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir de procéder à la régularisation administrative de la réintégration de M. [I] en sa qualité d’associé de la société et ce sous astreinte prononcée in solidum de 500 euros par jour de retard. Enfin, M. [I] a été débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Par déclaration reçu au greffe de la cour le 22 décembre 2023, la société Optic Millémium a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions excepté du chef du débouté de la demande de dommages et intérêts formée par M. [I].
Par conclusions d’incident en date du 20 juin 2024, M. [I] a sollicité la radiation de la procédure du rôle de la cour en l’absence d’exécution par les appelants de la décision déférée assortie de l’exécution provisoire.
Par jugement du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Senlis en date du 27 juin 2024, M. [J] [F] et la SAS Optic Millemium ont été condamnés au paiement d’une somme de 28500 euros au titre de la liquidation de l’astreinte. Il a été interjeté appel de cette décision.
Par jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 2 octobre 2024, la SAS Optic Millemium a été placée en redressement judiciaire, la SELARL V&V représentée par maître [Z] étant désignée en qualité d’administrateur judiciaire et la SCP Angel-[W]-Duval représentée par maître [R] [W] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par conclusions en date du 6 janvier 2025, M. [I] maintient son incident et demande au conseiller de la mise en état de le déclarer bien fondé à l’égard de M. [F], la société Optic Millemium étant en redressement judiciaire et de débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes, de procéder en conséquence à la radiation du rôle de la cour de la procédure en l’absence d’exécution de la décision déférée. Il demande enfin la condamnation de M. [F] au paiement d’une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions d’incident en date du 2 janvier 2025, la SAS Optic Millemium et les organes de la procédure de redressement judiciaire intervenant à ses côtés ainsi que M. [F] demandent au conseiller de la mise en état de déclarer M [I] irrecevable et mal fondé en sa demande de radiation, M. [I] étant toujours associé de la société Optic Millemium et exerçant les prérogatives attachées à ce statut et la SAS ayant été placée en redressement judiciaire.
A titre subsidiaire, ils sollicitent qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la décision à intervenir sur l’appel de la décision du juge de l’exécution en date du 27 juin 2024.
SUR CE,
M. [I] fait valoir que la procédure est régularisée par ses déclarations de créances et l’intervention à la procédure des organes de la procédure collective.
Il fait valoir que si le règlement des condamnations prononcées par la décision du 14 novembre 2023 ne peut plus être exigé de la SAS Optic Millemium, il peut être exigé de M. [F] condamné in solidum avec la société.
Il soutient à cet égard que la décision entreprise comporte en premier lieu une obligation de faire quant à sa réintégration administrative en qualité d’associé et une condamnation financière au paiement d’une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir qu’il a bien été exclu de la société et n’avait pas été réintégré avant le 27 juin 2024 date de la tenue de l’assemblée générale d’approbation des comptes 2023 à laquelle il a été admis à voter et qu’il n’est pas justifié du versement de la somme due au titre des frais irrépétibles et des dépens pour un montant total de 3787,40 euros.
Il s’oppose à tout sursis à statuer.
Les appelants et les organes de la procédure collectives font valoir qu’il n’y a eu aucune exclusion de M. [I] qui est toujours associé de la société et exerce régulièrement les prérogatives attachées à ce statut et qu’en outre en l’état de la procédure et de la suspension des procédures en cours la radiation de l’affaire ne peut être prononcée et devient sans objet.
En application de l’article 524 du code de procédure civile, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée le premier président ou dès qu’il est saisi le conseiller de la mise en état peut en cas d’appel décider à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521 à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
Il convient de relever qu’il est reconnu par M. [I] lui-même qu’il a été admis à voter à l’assemblée générale d’approbation des comptes 2023 s’étant tenue le 27 juin 2024 et qu’il estime avoir été ainsi réintégré administrativement.
Il résulte de cette reconnaissance par l’intimé que l’obligation principale mise à la charge des appelants et ce sous astreinte a bien été exécutée au moins à compter du 27 juin 2024.
La seule absence de versement de la somme due au titre des frais irrépétibles selon une condamnation in solidum de M. [F] et de la SAS Optic Millemium dans le contexte du placement en redressement judiciaire de la société ne saurait justifier une radiation de l’ensemble de la procédure d’appel introduite tant par M. [F] que par la SAS Optic Millemium dont la situation actuelle constitue un empêchement à l’exécution de ce chef de décision.
Il convient en conséquence de débouter M. [I] de sa demande de radiation et de le condamner aux entiers dépens de l’incident.
Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
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