Contrôle de fait et communication de documents : enjeux et limites

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Contrôle de fait et communication de documents : enjeux et limites

L’Essentiel : La décision du 13 novembre 2024, émise par l’Autorité des marchés financiers (AMF), a accordé à une société une dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique concernant les titres d’une autre société, dans le cadre d’un projet de scission. Un fonds d’investissement, agissant en tant qu’actionnaire minoritaire, a déposé un recours en annulation contre cette décision, contestant la conclusion sur le contrôle exercé par la première société. Dans le cadre de son recours, l’actionnaire minoritaire a demandé la communication de documents relatifs aux assemblées générales. La cour d’appel a finalement rejeté ces demandes.

Décision de l’Autorité des marchés financiers

La décision du 13 novembre 2024, émise par le collège de l’Autorité des marchés financiers (AMF), a accordé à la société Hachette une dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique concernant les titres de la société Lagardère. Cette dérogation a été accordée dans le cadre d’un projet de scission de la société Vivendi. L’AMF a également jugé que l’article 236-6 du règlement général de l’AMF, qui prévoit la possibilité d’une offre publique de retrait, n’était pas applicable, car la société [D] ne contrôlait pas Vivendi selon les critères du code de commerce.

Recours en annulation par un actionnaire minoritaire

Le 22 novembre 2024, un fonds d’investissement, agissant en tant qu’actionnaire minoritaire de Vivendi, a déposé un recours en annulation contre la décision de l’AMF. Ce recours conteste la conclusion selon laquelle la société [D] ne contrôlait pas Vivendi, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de l’article 236-6 du règlement général de l’AMF dans le cadre de la scission.

Demande de communication de pièces

Dans le cadre de son recours, l’actionnaire minoritaire a demandé à la cour d’appel de Paris de communiquer divers documents relatifs aux assemblées générales de Vivendi tenues depuis 2022. Ces documents incluent les procès-verbaux des assemblées, les feuilles de présence, et les détails des votes exprimés par les actionnaires. La demande vise à établir des éléments de preuve concernant le contrôle exercé par la société [D] sur Vivendi.

Réactions des parties impliquées

Les sociétés Vivendi et [D] ont contesté la recevabilité du recours et ont demandé le rejet des demandes de communication de pièces. De leur côté, les sociétés Lagardère, Hachette et Prisma Group ont également conclu au rejet des demandes formulées par l’actionnaire minoritaire. L’AMF a soutenu que la demande de communication des documents présentés au collège devait être rejetée.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel, statuant publiquement, a rejeté les demandes de l’actionnaire minoritaire visant à obtenir des documents relatifs aux assemblées générales de Vivendi, ainsi que les règlements intérieurs du directoire et du conseil de surveillance. La cour a également rejeté la demande d’accès aux documents présentés à l’AMF concernant le contrôle de la société [D] sur Vivendi, et a condamné l’actionnaire minoritaire aux dépens de l’incident.

Q/R juridiques soulevées :

La recevabilité du recours en annulation formé par un actionnaire minoritaire

Le recours en annulation formé par l’actionnaire minoritaire est-il recevable au regard des dispositions légales applicables ?

Selon l’article 139 du code de procédure civile, la communication ou la production de pièces est fondée lorsqu’elle est utile et proportionnée à la solution du litige. En l’espèce, l’actionnaire minoritaire conteste la décision de l’AMF qui a considéré que la société [D] ne contrôlait pas Vivendi, ce qui est au cœur du litige.

L’article L. 233-3 du code de commerce précise que toute personne est considérée comme contrôlant une autre lorsqu’elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales. Ainsi, la question de l’existence d’un contrôle de fait est centrale pour la recevabilité du recours.

La demande de communication des procès-verbaux et feuilles de présence des assemblées générales

L’actionnaire minoritaire peut-il obtenir la communication des procès-verbaux et feuilles de présence des assemblées générales tenues depuis 2022 ?

L’article L. 225-117 du code de commerce stipule que « tout actionnaire a le droit, à toute époque, d’obtenir la communication des procès-verbaux et feuilles de présence des assemblées tenues au cours des trois derniers exercices ». L’article R. 225-92 précise que ce droit s’exerce au siège social et permet à l’actionnaire de prendre copie des documents consultés.

En l’espèce, l’actionnaire minoritaire a eu accès à ces documents et a pu en prendre copie. La demande de production forcée de ces pièces est donc considérée comme inutile, car l’actionnaire a déjà exercé son droit d’information.

La demande de communication de la liste des actionnaires inscrits au nominatif

L’actionnaire minoritaire a-t-il le droit d’obtenir la liste des actionnaires inscrits au nominatif ?

Les articles L. 225-116 et R. 225-90 du code de commerce prévoient que tout actionnaire a le droit, pendant le délai de quinze jours précédant la réunion de l’assemblée générale, de prendre connaissance et copie de cette liste. En l’espèce, l’actionnaire minoritaire a choisi de ne pas recourir à ce dispositif, ce qui rend sa demande de production forcée inappropriée.

De plus, l’actionnaire minoritaire dispose déjà d’informations sur les droits de vote doubles détenus par le groupe [D], ce qui rend la demande superflue.

La demande de communication des formulaires de vote par correspondance et le détail des votes

L’actionnaire minoritaire peut-il exiger la communication des formulaires de vote par correspondance et le détail des votes exprimés lors des assemblées générales ?

Vivendi soutient que la production de ces documents porterait atteinte au principe du libre exercice du droit de vote. En vertu de l’article R. 22-10-30 du code de commerce, les résultats des votes pour chaque résolution sont publiés sur le site internet de la société, permettant ainsi à l’actionnaire minoritaire de déduire le sens des votes.

La demande de communication des formulaires et du détail des votes est jugée disproportionnée, car l’actionnaire minoritaire peut déjà obtenir les informations nécessaires à partir des résultats publiés.

La demande de communication des règlements intérieurs du directoire et du conseil de surveillance

L’actionnaire minoritaire a-t-il le droit d’obtenir les règlements intérieurs du directoire et du conseil de surveillance de Vivendi ?

Vivendi rappelle qu’il n’existe aucune obligation légale de publier ces règlements intérieurs. L’article L. 233-3 du code de commerce ne prévoit pas une telle obligation, et la demande de communication est donc considérée comme infondée.

De plus, les informations nécessaires au fonctionnement des organes sociaux sont déjà disponibles dans le document d’enregistrement universel de Vivendi, ce qui rend la demande inutile.

La demande de communication des documents présentés à l’AMF

L’actionnaire minoritaire peut-il exiger la communication des documents présentés à l’AMF lors de l’instruction de la demande de dérogation ?

La jurisprudence constante indique qu’aucun texte ne prévoit la communication des pièces présentées à l’AMF dans le cadre de son instruction. L’article L. 621-4 et R. 621-1 du code monétaire et financier ne prévoient pas cette obligation, et la demande de l’actionnaire minoritaire est donc rejetée.

L’AMF a également souligné que la communication de ces documents pourrait porter atteinte au secret des délibérations, ce qui justifie le rejet de la demande.

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 7

ARRÊT D’INCIDENT DU 18 FÉVRIER 2025

(n° 3, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 24/19036 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CKLMF

Décision déférée à la Cour : Décision de l’Autorité des marchés financiers n° 224C2288 du 13 novembre 2024

REQUÉRANTE :

CIAM FUND S.A.

Société de droit luxembourgeois à capital variable

Prise en la personne de ses administratrices

Enregistrée au registre du commerce luxembourgeois sous la référence B153813

Dont le siège social est au : [Adresse 6],

[Localité 16] (LUXEMBOURG)

Élisant domicile au cabinet Visconti, Grundler & Artuphel

[Adresse 9]

[Localité 11]

Représentée et assistée de Maîtres Julien VISCONTI et Quentin BERTRAND de l’AARPI VISCONTI, GRUNDLER & ARTUPHEL, avocats au barreau de PARIS

DÉFENDEURS :

[D] SE

Prise en la personne de son président directeur général

Immatriculée au RCS de Quimper sous le n° 055 804 124

Dont le siège social est sis [Adresse 17]

[Localité 3]

Élisant domicile au cabinet de la SELARL BAECHLIN MOISAN

[Adresse 8]

[Localité 12]

Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Assistée de Me Dominique BOMPOINT de l’AARPI Cabinet Bompoint, avocat au barreau de PARIS

VIVENDI SE

Prise en la personne de son représentant légal

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 343 134 763

Dont le siège social est au : [Adresse 5]

[Localité 11]

Élisant domicile au cabinet de l’AARPI TEYTAUD-SALEH

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Jean-Yves GARAUD du cabinet CLEARY GOTTLIEB STEEN & HAMILTON LLP, avocat au barreau de PARIS

LOUIS HACHETTE GROUP S.A.

Prise en la personne de son représentant légal

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 808 946 305

Dont le siège social est au [Adresse 4]

[Localité 13]

LAGARDÈRE S.A.

Prise en la personne de son représentant légal

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 320 366 446

Dont le siège social est au [Adresse 4]

[Localité 13]

PRISMA GROUP S.A.S.

Prise en la personne de son représentant légal

Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 829 674 381

Dont le siège social est au : [Adresse 7]

[Localité 11]

Élisant toutes domicile au cabinet LX [Localité 10] VERSAILLES REIMS

[Adresse 15]

[Localité 10]

Représentées par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistées de Me Olivier LOIZON de l’AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL, avocat au barreau de PARIS

EN PRÉSENCE DE :

L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Prise en la personne de sa présidente

[Adresse 2]

[Localité 14]

Représentée par Mme [Z] [W], dûment mandatée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

‘ Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre, présidente,

‘ M. Gildas BARBIER, président de chambre,

‘ Mme Françoise JOLLEC, présidente de chambre,

qui en ont délibéré.

GREFFIER, lors des débats : M. Valentin HALLOT

MINISTÈRE PUBLIC : auquel l’affaire a été communiquée

ARRÊT PUBLIC :

‘ contradictoire,

‘ prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

‘ signé par Mme Agnès MAITREPIERRE, présidente de chambre et par M. Valentin HALLOT, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu la décision n° 224C2288 du collège de l’Autorité des marchés financiers du 13 novembre 2024 ayant examiné la mise en ‘uvre éventuelle d’une offre publique de retrait visant les titres de la société Vivendi SE et octroyé à la société Louis Hachette Group une dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique visant les titres de la société Lagardère SA ;

Vu la déclaration de recours contre cette décision, déposée au greffe de la cour d’appel de Paris le 22 novembre 2024 par la société CIAM Fund ;

Vu son exposé des moyens déposé au greffe le 5 décembre 2024, comprenant une demande de communication de pièces identique à celle adressée au premier président, déposée au greffe le même jour que la déclaration de recours et ayant donné lieu à des conclusions en réplique déposées au greffe le 6 janvier 2025 ;

Vu les observations en réponse à l’exposé des moyens, déposées au greffe le 13  février 2025, par les sociétés Vivendi SE, [D] SE, Louis Hachette Group, Lagardère SA et Prisma Group, et par l’Autorité des marchés financiers, comprenant, notamment, des développements reprenant en substance et complétant ceux présentés dans leurs observations en réponse à la demande de communication de pièces adressée au premier président, déposées au greffe le 23 décembre 2024 ;

Le ministère public ayant reçu toutes les pièces de la procédure ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 16 janvier 2025, le conseil de la société CIAM Fund, qui a repris en substance et complété les développements présentés dans ses conclusions en réplique susvisées, ainsi que les conseils des sociétés Vivendi SE, [D] SE, Louis Hachette Group, Lagardère SA et Prisma Group, et le représentant de l’Autorité des marchés financiers ;

FAITS ET PROCÉDURE

1.Par une décision du 13 novembre 2024 (n° 224C2288), le collège de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « l’AMF ») a accordé à la société Louis Hachette Group (ci-après « Hachette »), en application de l’article 234-9 du règlement général de l’AMF (ci-après « RGAMF »), une dérogation à l’obligation de déposer un projet d’offre publique visant les titres de la société Lagardère SA (ci-après « Lagardère »), dans le cadre d’un projet de scission de la société Vivendi SE (ci-après « Vivendi »). À titre préalable, par cette même décision, le collège de l’AMF (ci-après « le Collège ») a considéré que l’article 236-6 du RGAMF, prévoyant l’éventuelle mise en ‘uvre d’une offre publique de retrait (ci-après « OPR »), n’était pas applicable dans le cadre de ce projet de scission, la société [D] SE (ci-après « [D] ») ne pouvant être regardée comme contrôlant Vivendi, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.

2.Par une déclaration déposée au greffe de la cour d’appel de Paris, le 22 novembre 2024, la société CIAM Fund (ci-après « CIAM »), de droit luxembourgeois, gérant un fonds d’investissement, actionnaire minoritaire de Vivendi, a formé un recours en annulation contre cette décision (ci-après « la décision attaquée »), en ce qu’elle a considéré que l’article 236-6 du RGAMF, prévoyant l’éventuelle mise en ‘uvre d’une OPR, n’était pas applicable dans le cadre du projet de scission de Vivendi.

3.Le même jour, dans le cadre de ce recours, CIAM a saisi le premier président de la cour d’appel de Paris (ci-après « la Cour ») d’une demande de communication de pièces, qu’elle a réitérée dans son exposé des moyens, déposé au greffe le 5 décembre 2024.

4.Ainsi, aux termes de son exposé des moyens, CIAM demande à la Cour :

‘ de la déclarer recevable en son recours en annulation ;

À titre principal,

‘ d’annuler, pour défaut de motivation, la décision attaquée en ce qu’elle a considéré que [D] SE ne contrôlait pas Vivendi SE au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce et donc que l’article 236-6 du RGAMF n’était pas applicable dans le cadre du projet de scission de Vivendi SE ;

À titre subsidiaire,

Avant dire droit,

‘ d’ordonner à Vivendi SE de lui communiquer les éléments ci-après relatifs à ses assemblées générales tenues depuis 2022 :

‘ procès-verbaux des assemblées ;

‘ feuilles de présence ;

‘ formulaires uniques de vote par correspondance ou par procuration adressés par les actionnaires (afin d’assister physiquement à l’assemblée, voter par correspondance ou donner pouvoir au président ou à un tiers) ;

‘ la liste des actionnaires inscrits au nominatif (qui peuvent à ce titre bénéficier de droits de vote doubles) ;

‘ le détail des votes exprimés pour chaque résolution par chaque actionnaire, (les votes pouvant avoir été exprimés en assemblée ou encore par correspondance ou par procuration, sur internet via la plateforme Votaccess ou par voie postale).

‘ d’ordonner à Vivendi SE de lui communiquer les règlements intérieurs du directoire et du conseil de surveillance, et, le cas échéant, les règlements intérieurs des comités du conseil de surveillance ;

‘ d’ordonner à l’AMF de lui communiquer l’ensemble des documents présentés au Collège « dans sa séance du 5 novembre 2024, suivie d’une consultation écrite qui s’est achevée le 13 novembre 2024 », afin de justifier la prétendue absence de contrôle exercé par [D] SE sur Vivendi SE ;

Ensuite,

‘ de juger que Monsieur [V] [D] contrôle Vivendi SE au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;

‘ d’annuler la décision attaquée, en ce qu’elle a considéré que [D] SE ne contrôlait pas Vivendi SE au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce et donc que l’article 236-6 du RGAMF n’était pas applicable dans le cadre du projet de scission de Vivendi SE.

5.La demande de communication de pièces figurant dans cet exposé des moyens, soumis à la Cour, étant strictement identique à celle adressée antérieurement au premier président, et le délai légal imparti pour statuer sur le recours étant de cinq mois à compter de la déclaration de recours, l’ensemble des parties, ainsi que l’AMF, ont été invitées, pour une bonne administration de la justice, à en débattre oralement le même jour, soit le 16 janvier 2025, d’abord devant le délégué du premier président, ensuite devant la Cour, afin que l’un et l’autre soient en mesure de vider respectivement leur saisine. L’ensemble des participants à la procédure ont expressément accepté cette organisation des débats.

6.Vivendi et [D] concluent chacun, à titre principal, à l’irrecevabilité du recours et, à titre subsidiaire, au rejet des demandes de communications de pièces.

7.Lagardère, Hachette et Prisma Group concluent au rejet de ces demandes.

8.L’AMF considère que la demande de communication de l’ensemble des documents présentés au collège, formulée « afin de justifier la prétendue absence de contrôle exercé par [D] SE sur Vivendi SE », doit être rejetée.

MOTIVATION

9.CIAM demande la communication de trois catégories de pièces, dont la liste a déjà été indiquée, à savoir celles :

‘ relatives aux assemblées de Vivendi depuis 2022 ;

‘ tenant aux règlements intérieurs de Vivendi ;

‘ composant le dossier présenté au collège de l’AMF.

10.Elle considère que les pièces visées par sa demande permettraient de renforcer le faisceau d’indices du contrôle de fait prétendument exercé par M. [V] [D] (par l’intermédiaire des sociétés [D] SE et Compagnie de l'[Adresse 17]) sur Vivendi, et de compléter ainsi utilement sa démonstration sur ce point.

11.S’agissant, en premier lieu, des pièces relatives aux assemblées de Vivendi depuis 2022, elle fait valoir que la qualification d’un contrôle de fait (au sens de l’article L. 233-3, I, 3°, du code de commerce) suppose une analyse factuelle approfondie, notamment, des droits de vote exercés par les actionnaires lors des assemblées générales (ci-après les « AG »), afin de démontrer l’influence du prétendu actionnaire de contrôle sur l’adoption des résolutions. À cet égard, elle explique que si elle a pu consulter au siège de Vivendi des éléments se rapportant aux AG de 2022 et 2023, elle n’a pas été matériellement en mesure, ni de prendre copie de tous les documents mis à sa disposition en raison de leur volume, ni de s’assurer de leur exhaustivité et, au surplus, s’est vue refuser la consultation des éléments se rapportant à l’AG du 29 avril 2024, concernant l’exercice 2023, au motif que ces éléments ne pouvaient être mis à disposition qu’en 2025.

12.Afin que les parties et la Cour puissent disposer de documents exhaustifs et facilement exploitables, elle estime utile d’ordonner à Vivendi la production, tout d’abord, d’une copie des procès-verbaux et feuilles de présence des AG depuis 2022.

13.Elle réclame, en outre, la communication de la liste des actionnaires inscrits au nominatif depuis 2022, afin de connaître leur évolution et les droits de vote qui y sont attachés. À cet égard, elle allègue que M. [V] [D] pratique une gestion active de ses droits de vote double, en procédant à l’inscription et désinscription de ses actions au nominatif (pour rester sous le seuil de 30 % des droits de vote, dont le franchissement imposerait la mise en ‘uvre d’une offre publique obligatoire). Elle en déduit qu’il serait utile de comprendre comment celui-ci effectue cette gestion, quelles entités du groupe [D] disposent de droits de vote doubles pour chaque AG et dans quelle proportion.

14.Elle considère, enfin, que les formulaires de vote par correspondance ou par procuration, ainsi que le détail des votes pour chaque résolution, seraient particulièrement utiles à la démonstration du contrôle de fait de M. [V] [D] sur Vivendi, ce contrôle reposant sur l’analyse de l’ensemble des voix exprimées lors des AG. À cet égard, elle précise qu’il importe de connaître, non seulement les votes exercés par l’actionnaire dit de contrôle, mais aussi ceux d’autres actionnaires dont ledit actionnaire disposerait en pratique, notamment, au travers, tout d’abord, des pouvoirs confiés au président de l’AG (M. [R] [D]), ensuite, des votes par correspondance en faveur des projets de résolutions agréés par le directoire, enfin, des voix des fonds communs de placement en entreprise (FCPE), exercées par une salariée de Vivendi, placée de ce fait sous la subordination de ses dirigeants et, partant, de M. [V] [D], ce dernier contrôlant les organes de gestion et de surveillance.

15.S’agissant, en deuxième lieu, des règlements intérieurs de Vivendi, elle observe, tout d’abord, que le document d’enregistrement universel de 2023 de celle-ci mentionne leur existence, qu’ensuite, l’AMF recommande depuis 2006 la publication du règlement intérieur des organes de direction des sociétés cotées et qu’enfin, le code AFEP-MEDEF, auquel Vivendi déclare se conformer, recommande également la publication du règlement intérieur. Elle fait valoir que, comme le soulignent ces recommandations, le règlement intérieur constitue un document fondamental pour comprendre le fonctionnement de l’organe en cause et les pouvoirs respectifs de ses membres (il peut fixer des majorités spécifiques, limiter les pouvoirs’). Or, elle constate que, contrairement à ces recommandations et à la pratique de la majorité des sociétés cotées, Vivendi ne publie pas les règlements intérieurs du directoire et du conseil de surveillance. Elle en déduit que la communication de ces documents serait particulièrement utile à la Cour.

16.S’agissant, en troisième lieu, des éléments figurant au dossier présenté au collège de l’AMF, dont il est demandé d’ordonner la communication par l’AMF, elle fait valoir que le collège ayant affirmé avoir « constaté » l’absence de contrôle de Vivendi, sans aucune motivation, il est nécessaire de consulter les documents qui ont été présentés à celui-ci afin de comprendre sa décision sur ce point.

17.En réponse, Vivendi conteste la recevabilité du recours et le bien-fondé des demandes de communication de pièces. Sur la question de leur bien-fondé, elle considère, d’une manière générale, que ces demandes tendent à pallier la carence probatoire de CIAM et sont inutiles à la solution du litige dès lors que celle-ci consacre de longs développements, dans son exposé des moyens, à la démonstration d’un prétendu contrôle de fait de M. [V] [D] sur Vivendi. Elle soutient, en outre, que chacune de ces demandes doit être rejetée pour des motifs qui lui sont propres.

18.S’agissant, en premier lieu, des procès-verbaux des AG et des feuilles présence depuis 2022, elle rappelle qu’aux termes de l’article L. 225-117 du code de commerce, « tout actionnaire a le droit, à toute époque, d’obtenir la communication (‘) des procès-verbaux et feuilles de présence des assemblées tenues au cours (‘) [des] trois derniers exercices » et précise qu’en application de l’article R. 225-92 du même code, ce droit de communication s’exerce au siège social ou au lieu de la direction administrative de la société et emporte droit pour l’actionnaire de prendre copie des documents consultés. Elle explique qu’en l’espèce, CIAM a fait usage de ce dispositif, le 20 novembre 2024, et que les procès-verbaux des AG des trois derniers exercices et les feuilles de présence s’y rapportant ont été ainsi mis à sa disposition dans leur intégralité et que celle-ci a été mise en mesure d’en prendre copie sans aucune restriction. Elle rappelle qu’il est loisible à CIAM de faire à nouveau usage de son droit d’information et de copie des documents dont elle ne serait pas déjà en possession, en particulier de ceux concernant l’exercice 2024, consultables dès le 1er janvier 2025. Elle en déduit que la demande de production forcée de ces pièces ne tend qu’à pallier la carence probatoire de CIAM. Elle considère, au surplus, que celle-ci ne justifie pas en quoi ces pièces seraient utiles à la démonstration d’un prétendu contrôle de fait.

19.S’agissant, en deuxième lieu, de la liste des actionnaires inscrits au nominatif, elle rappelle qu’en vertu des articles L. 225-116 et R. 225-90 du code de commerce, tout actionnaire a le droit, pendant le délai de quinze jours qui précède la réunion de l’AG, de prendre connaissance et copie de cette liste, arrêtée par la société le seizième jour qui précède la réunion de l’AG. Elle constate qu’en l’espèce, CIAM a fait le choix de ne pas recourir à ce dispositif alors que la dernière AG de Vivendi s’est tenue récemment (9 décembre 2024). Elle en déduit que sa demande de production forcée ne saurait suppléer sa propre carence dans l’administration de la preuve en lui permettant de contourner les modalités d’information prévues par les articles précités. Elle considère, en outre, que cette demande est inutile dans la mesure où CIAM dispose déjà d’une information précise sur le nombre de droits de vote doubles que détient le groupe [D] dans Vivendi. Elle renvoie sur ce point au document d’enregistrement universel de Vivendi (publiquement accessible), contenant une information annuelle sur la répartition du capital social et le nombre total de droits de votes dont disposent ses principaux actionnaires. Elle renvoie également à plusieurs notes transmises à l’AMF (dans le cadre de l’instruction de la demande de dérogation à l’obligation pesant sur Hachette de déposer une OPA sur Lagardère) et communiquées ensuite à CIAM (dans le cadre de la procédure de référé d’heure à heure engagée par cette dernière devant le tribunal de commerce de Paris), ces notes faisant état, notamment, du poids du groupe [D] aux AG de Vivendi entre 2016 et 2024. Elle relève, au surplus, que CIAM a produit ces notes à l’appui de son recours et reprend, dans son exposé des moyens, les données qui en sont issues.

20.S’agissant, en troisième lieu, des formulaires uniques de vote par correspondance ou par procuration adressés par les actionnaires et le détail des votes pour chaque résolution et par chaque actionnaire, Vivendi soutient que leur production forcée, qui reviendrait à révéler le sens des votes, porterait atteinte au principe du libre exercice du droit de vote. Elle estime, en outre, que cette production serait inutile et disproportionnée à plusieurs titres. En effet, le résultat des votes pour chaque résolution votée en assemblée générale, précisant le nombre et le pourcentage des voix favorables et défavorables à une résolution donnée, étant publié sur le site internet de Vivendi (en application de l’article R. 22-10-30 du code de commerce), le sens du vote exprimé par le groupe [D] (détenant un peu moins de 30 % des droits de vote), lors des AG tenues depuis 2022, pourrait aisément se déduire de ces résultats du scrutin. À cet égard, elle relève que CIAM a indiqué, dans son exposé des moyens, qu’au cours des six dernières assemblées générales ordinaires, toutes les résolutions en faveur desquelles M. [D] a exprimé un vote favorable ont été adoptées. Vivendi en déduit qu’il serait disproportionné de donner accès au sens des suffrages de ses actionnaires, en méconnaissance du principe du libre exercice du droit de vote, alors que CIAM est en mesure, sur la base d’informations publiques, de connaître le sens des votes exprimés par le groupe [D] lors des AG. Elle considère que la demande de CIAM est d’autant plus disproportionnée qu’elle vise à collecter et produire le détail de plusieurs milliers de votes et de formulaires par correspondance ou par procuration pour chaque AG. Elle soutient que cette demande est également disproportionnée au regard de la démonstration d’un prétendu contrôle de fait (au sens de l’article L. 233-3, I, 3°, du code de commerce) dès lors qu’il n’importe pas tant de démontrer que l’actionnaire prétendument de contrôle a voté en faveur de certaines résolutions, mais davantage d’établir qu’il dispose d’un nombre de droits de vote suffisant pour déterminer, par son seul vote, les décisions de l’AG.

21.S’agissant, en quatrième lieu, des règlements intérieurs du directoire et du conseil de surveillance, Vivendi rappelle qu’il n’existe aucune obligation légale ou réglementaire lui imposant de les publier et en déduit que la demande de communication de CIAM est dépourvue de fondement. Elle estime, en outre, que cette demande est inutile dans la mesure où ces règlements font l’objet d’une description détaillée dans son document d’enregistrement universel, publiquement accessible et sur lequel elle engage sa responsabilité. Elle en tire la conséquence que CIAM dispose ainsi de toutes les informations nécessaires pour comprendre le fonctionnement des organes sociaux et les pouvoirs de ses membres. Elle relève, au surplus, que CIAM ne précise pas en quoi ces pièces pourraient être pertinentes pour démonter l’existence d’un prétendu contrôle de fait.

22.S’agissant, en cinquième lieu, du dossier de l’AMF, elle soutient qu’en vertu d’une jurisprudence constante, aucun texte ne prévoyant la production, devant la Cour ou aux parties, des pièces présentées à l’AMF dans le cadre de son instruction d’un projet d’offre publique, la demande en ce sens de CIAM doit également être rejetée.

23.[D] conteste la recevabilité du recours et le bien-fondé des demandes de communication de pièces. Sur la question de leur bien-fondé, elle les considère, en premier lieu, comme profondément contradictoires, CIAM indiquant, dans son exposé des moyens, ne pas disposer de plusieurs documents utiles à la démonstration factuelle du prétendu contrôle de [D] sur Vivendi, tout en concluant à l’existence d’un contrôle de fait, en raison d’un faisceau d’indices. Elle en déduit que CIAM admet que les documents dont elle demande la communication auprès de Vivendi et de l’AMF ne sont pas nécessaires à sa démonstration, déjà aboutie, qui appuie son recours.

24.En deuxième lieu, elle estime que les documents demandés par CIAM ne sont pas utiles à l’examen de son recours en annulation par la Cour. À cet égard, elle fait valoir que la question posée par ce recours est de savoir si l’AMF s’est valablement déterminée au vu des éléments dont elle disposait. Elle considère qu’ordonner que soient versées aux débats d’autres pièces que celles examinées par l’AMF n’aurait d’utilité que si la Cour pouvait, en vertu d’un pouvoir de réformation, se substituer à cette dernière en rendant, au vu de ces pièces nouvelles, un arrêt qui remplacerait la décision attaquée et se prononcerait en lieu et place de l’autorité boursière sur la question du contrôle dont Vivendi fait ou non l’objet au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce. Or, elle soutient que la Cour ne dispose que d’un pouvoir d’annulation et non de réformation et se prévaut en ce sens d’un arrêt de la Cour de cassation (Com. 5 juillet 2017, pourvoi n° 15-25.121, Bull. IV, n° 98). Elle conclut, en conséquence, que les demandes de CIAM ne sauraient être accueillies.

25.En troisième lieu, elle estime que faire droit à ces demandes de production de pièces préjugerait de l’issue du recours car cela reviendrait à admettre, avant-dire droit, le bien-fondé de celui-ci. À cet égard, elle considère que cette décision équivaudrait nécessairement, de la part de la Cour, à juger, d’une part, que d’autres pièces auraient dû être examinées par l’AMF dans son analyse du contrôle de Vivendi, ce qui prédéterminerait en soi l’annulation de l’acte attaqué et, d’autre part, que ces autres pièces seraient tout ou partie de celles demandées par CIAM, alors que la Cour ne disposerait pas de l’ensemble des arguments des parties sur le fond et ne les auraient pas entendues en leurs plaidoiries.

26.Hachette, Lagardère et Prisma Group contestent le bien-fondé des demandes de communication de pièces. En droit, elles se prévalent de la jurisprudence selon laquelle aucun texte ne prévoit la communication par l’AMF, à la Cour ou aux parties, des pièces produites devant ses services ou du dossier préparé et transmis par ces derniers aux membres du collège afin de faciliter la délibération de cette instance. Elles déduisent de cette jurisprudence que le demandeur n’a aucun droit acquis à une telle production de pièces et qu’il doit, pour ce faire, démontrer que l’absence de production, par l’AMF ou la partie adverse, des pièces litigieuses entraînerait une atteinte concrète aux droits de la défense, qui empêcherait l’exercice effectif du recours ouvert devant la Cour. Elles observent qu’en l’espèce, CIAM n’allègue pas, et a fortiori ne démontre qu’en l’absence de production par Vivendi et l’AMF, elle serait empêchée de poursuivre de manière effective son recours en annulation, portant ainsi atteinte aux droits de la défense. Elles estiment qu’au contraire, la longueur des développements de son exposé des moyens, le nombre de pièces qui y sont citées et le caractère assertif de ses prises de position tendent à démontrer l’inverse. Elles concluent ainsi au rejet des demandes de CIAM et, en tout état de cause, à l’exclusion de la communication par l’AMF de tout document ou information les concernant, qui sont étrangers à la question litigieuse du contrôle de [D] sur Vivendi.

27.Dans ses observations, l’AMF s’oppose à la demande de communication de l’ensemble des documents présentés au Collège.

28.Elle rappelle qu’il résulte d’une jurisprudence constante qu’aucun texte ne prévoit la communication par l’AMF du dossier que ses services ont préparé et transmis au Collège en vue de sa délibération (voir notamment, Cass. Com. 26 mai 2013, pourvois n° 11-26.423 et 12-11.672, Bull. n° 89 et CA Paris, 17 décembre 2020, RG n° 20/13807).

29.En outre, elle fait valoir que, comme l’a retenu la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) dans son avis n° 20156097 du 4 février 2016, concernant l’ex Conseil supérieur de l’Audiovisuel, une telle communication serait de nature à porter atteinte au secret des délibérations du Collège, dans la mesure où les documents au vu desquels celui-ci s’est prononcé s’avèrent indissociables des débats susceptibles de s’être tenus en son sein.

30.Au surplus, elle observe qu’en tout état de cause, il résulte de la liste des pièces visées au soutien du recours, figurant dans l’exposé des moyens de CIAM, que cette dernière avait eu connaissance des échanges intervenus, dans le cadre de l’instruction du dossier, entre Vivendi et les services de l’AMF, sur l’absence de contrôle de Vivendi par [D]. Elle en tire la conséquence que la demande de communication du dossier au vu duquel le Collège a examiné la question de l’applicabilité de l’article 236-6 du RGAMF est sans objet.

31.Néanmoins, afin de permettre de constater que les dispositions des articles L. 621-4 et R. 621-1 du code monétaire et financier ont été bien été respectées, l’AMF joint à ses observations écrites les procès-verbaux de la séance du Collège du 5 novembre 2024 et de la consultation écrite qui s’est achevée le 13 novembre suivant, expurgés des délibérations, ces dernières étant couvertes par le secret professionnel.

Sur ce, la Cour :

32.Il résulte de l’article 139 du code de procédure civile, auquel renvoie l’article 142 du même code, que la communication ou la production de pièces est fondée lorsqu’elle est utile et proportionnée à la solution du litige.

33.En l’espèce, CIAM soutient que sa demande de communication ou de production de pièces est utile à la démonstration du prétendu contrôle de fait (au sens de l’article L. 233-3, I, 3°, du code de commerce) de M. [V] [D] sur Vivendi, en ce que la mesure d’instruction sollicitée lui permettrait de compléter son analyse au soutien de son recours.

34.À cet égard, il importe de rappeler que, par son recours, CIAM conteste la décision attaquée en ce qu’elle a considéré que [D] ne contrôlait pas Vivendi (au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce), et en a tiré la conséquence que l’article 236-6 du RGAMF, prévoyant l’éventuelle mise en ‘uvre d’une OPR, n’était pas applicable dans le cadre du projet de scission de Vivendi.

35.Il s’ensuit que la question de l’existence d’un prétendu contrôle de fait de M. [V] [D] (par l’intermédiaire des sociétés [D] et Compagnie de l'[Adresse 17]) sur Vivendi se trouve au c’ur du litige.

36.Sans préjudice de la décision à venir sur la recevabilité du recours formé par CIAM, il convient donc d’examiner si la communication ou la production des pièces visées par sa demande est utile et proportionnée à la solution du litige.

37.À cet égard, il importe de rappeler que l’article L. 233-3 du code de commerce, auquel renvoie expressément l’article L. 433-4, I, 3), du même code, sur le fondement duquel a été adopté l’article 236-6 du RGAMF, énonce :

« I.- Toute personne, physique ou morale, est considérée, pour l’application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre :

1° Lorsqu’elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;

2° Lorsqu’elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d’un accord conclu avec d’autres associés ou actionnaires et qui n’est pas contraire à l’intérêt de la société ;

3° Lorsqu’elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;

4° Lorsqu’elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de cette société.

II. Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu’elle dispose directement ou indirectement, d’une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne.

III. Pour l’application des mêmes sections du présent chapitre, deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu’elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale » (soulignements ajoutés par la Cour).

38.Comme cela a déjà été indiqué, CIAM se prévaut des dispositions précitées, figurant sous 3°, qui définissent le contrôle de fait.

39.Il s’ensuit qu’en l’espèce, l’analyse des droits de vote exercés lors des assemblées générales de Vivendi, notamment depuis 2022, revêt une importance particulière pour la solution du litige.

40.À cet égard, CIAM réclame la communication de divers documents relatifs aux AG tenues depuis 2022.

41.Or, force est de constater que le dossier comprend, en l’état, de nombreuses pièces concernant, notamment :

‘ la répartition du capital social et des droits de vote en AG, ainsi que la structure de l’actionnariat de Vivendi (extraits des documents d’enregistrement universel, notamment de 2022 et 2023, et extrait du prospectus d’Havas du 30 octobre 2024) ;

‘ le niveau de participation et la structure des votes en AG, notamment depuis 2022 (tableau sur le calcul de la participation du groupe [D] pour chaque AG ordinaire et tableau comparable incluant les « pouvoirs au président » ; tableau de résultats du scrutin pour chaque AG mixte, précisant le nombre d’actionnaires présents ou représentés ou ayant voté par internet et le nombre de voix exprimées ; feuilles de présence des AG, notamment en 2022 et 2023, précisant le nombre d’actionnaires présents, de pouvoirs mandatés à des tiers, de « pouvoirs au président » et de votes par correspondance) ;

‘ les résultats du scrutin pour chaque résolution votée en AG mixte, notamment depuis 2022 (y compris lors de la dernière AG du 9 décembre 2024), précisant le nombre et le pourcentage de voix favorables et défavorables, ainsi que le nombre d’abstentions.

42.En outre, plusieurs pièces relatives à la gouvernance de Vivendi figurent au dossier, à savoir, notamment, les statuts de Vivendi (mise à jour du 23 juillet 2023) et le document d’enregistrement universel de 2023 (comportant une présentation détaillée du conseil de surveillance et du directoire).

43.Enfin, le dossier comprend plusieurs documents (huit notes et une consultation d’un professeur d’université), figurant en annexe de l’exposé des moyens, qui retracent les échanges entre Vivendi et les services de l’AMF sur la question de l’éventuel contrôle du groupe [D] sur Vivendi, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce. CIAM a eu accès à ces documents dans le cadre de la procédure de référé d’heure à heure que celle-ci a engagée contre Vivendi, devant le président du tribunal de commerce de Paris, en vue d’obtenir l’ajournement de l’AG destinée à voter sur le projet de scission de Vivendi. Ces documents, que Vivendi a spontanément produits en référé, comportent, notamment, les deux tableaux, déjà mentionnés, concernant le calcul de la participation du groupe [D] pour chaque AG ordinaire depuis 2022.

44.Sans préjudice de la décision à venir sur la recevabilité du recours formé par CIAM, cette dernière dispose ainsi de suffisamment d’éléments pour soutenir, de manière effective, son recours devant la Cour. Sa demande de communication ou de production de pièces n’est donc pas fondée.

45.Il convient donc de rejeter sa demande et de la condamner aux dépens de l’incident.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, avant-dire-droit :

REJETTE la demande de la société CIAM Fund visant à ordonner à la société Vivendi SE de lui communiquer les éléments suivants, relatifs à ses assemblées générales tenues depuis 2022 :

‘ procès-verbaux des assemblées ;

‘ feuilles de présence ;

‘ formulaires uniques de vote par correspondance ou par procuration adressés par les actionnaires (afin d’assister physiquement à l’assemblée, voter par correspondance ou donner pouvoir au président ou à un tiers) ;

‘ la liste des actionnaires inscrits au nominatif (qui peuvent à ce titre bénéficier de droits de vote doubles) ;

‘ le détail des votes exprimés pour chaque résolution par chaque actionnaire, (les votes pouvant avoir été exprimés en assemblée ou encore par correspondance ou par procuration, sur internet via la plateforme Votaccess ou par voie postale).

REJETTE sa demande visant à ordonner à la société Vivendi SE de lui communiquer les règlements intérieurs du directoire et du conseil de surveillance, et, le cas échéant, les règlements intérieurs des comités du conseil de surveillance ;

REJETTE sa demande visant à ordonner à l’Autorité des marchés de lui communiquer l’ensemble des documents présentés au collège « dans sa séance du 5 novembre 2024, suivie d’une consultation écrite qui s’est achevée le 13 novembre 2024 », afin de justifier la prétendue absence de contrôle exercé par la société [D] SE sur la société Vivendi SE ;

LA CONDAMNE aux dépens de l’incident.

LE GREFFIER,

Valentin HALLOT

LA PRÉSIDENTE,

Agnès MAITREPIERRE


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