L’Essentiel : Dans l’affaire opposant la société ‘Les Petits pigments’ à Mme [H] [B], la demanderesse accuse cette dernière de contrefaçon de droits d’auteur pour avoir reproduit des contenus de son site sur ‘Little men’. Le tribunal a conclu que les textes en question ne reflètent pas d’originalité suffisante pour bénéficier de la protection du droit d’auteur. De plus, la présomption de concurrence déloyale, fondée sur l’homonymie des noms, a été jugée insuffisante sans preuves supplémentaires. En conséquence, toutes les demandes de la société ont été rejetées, et elle a été condamnée aux dépens.
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Pour établir une contrefaçon de contenus rédactionnels n’hésitez pas à faire (avec l’aide d’un commissaire de justice en cas de besoin), des captures du site archive.org. Cela pourra établir que le site indélicat contenait déjà, au mot près, vos propres textes.
En revanche pour associer la propriété du site en cause avec son auteur pensez à identifier le propriétaire du nom de domaine car présenter au juge un Kbis avec la dénomination du site est insuffisant à écarter toute homonymie. En la cause, pour imputer ces faits, la demanderesse communique seulement l’extrait Kbis de celle-ci, qui indique qu’elle exerce son activité dans le même domaine (« E-commerce, vente en ligne de box pour enfants, accessoires, prêt à porter, jouets ») sous le même nom commercial, à savoir « Little men ». La demanderesse ne communique aucun autre élément. En particulier, le constat d’huissier portant sur le site internet litigieux ne montre pas les pages « mentions légales » et elle n’allègue ni ne démontre s’être renseignée sur le titulaire du nom de domaine du site litigieux. La société ‘Les Petits pigments’ accuse Mme [H] [B] d’avoir reproduit et utilisé sans autorisation les contenus rédactionnels de son site internet sur son propre site ‘Little men’, ce qu’elle considère comme une contrefaçon de droits d’auteur et une concurrence déloyale. Elle a assigné Mme [B] en justice pour obtenir le retrait des contenus litigieux, des dommages et intérêts, ainsi que des frais de justice. La société affirme avoir subi un préjudice en raison du travail investi dans la création de son site et de l’image trompeuse créée par l’utilisation des contenus par Mme [B]. Malgré l’assignation, Mme [B] n’a pas fait appel à un avocat. L’affaire a été instruite et close le 11 septembre 2023. Les points essentielsContrefaçon de droit d’auteurLa demanderesse invoque un travail original tenant à « un univers original dédié à la création » et « un travail de réécriture » par une rédactrice professionnelle, mais le contenu en question ne reflète pas de choix créatifs reflétant la personnalité de leur auteur. Le tribunal conclut que le contenu du site internet en général et les phrases litigieuses en particulier ne sont pas protégés par le droit d’auteur. Concurrence déloyaleLa demanderesse tente d’imputer des faits de concurrence déloyale à Mme [B] en se basant sur la coïncidence entre le nom du site litigieux et le nom de cette dernière. Cependant, le tribunal estime que cette homonymie n’est pas suffisante pour retenir une présomption défavorable au défendeur. Par conséquent, toutes les demandes dirigées contre Mme [B] sont rejetées faute de preuves suffisantes. Dispositions finalesLa société Les Petits pigments perd le procès et est condamnée aux dépens. Sa demande d’indemnité de procédure est également rejetée. Les montants alloués dans cette affaire: – Le tribunal rejette l’ensemble des demandes Réglementation applicable– Code de la propriété intellectuelle Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle: Article 1240 du code civil: Article L. 121-2 du code de la consommation: Article 696 du code de procédure civile: AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître David WOLFF Mots clefs associés & définitions– Contrefaçon de droit d’auteur – Contrefaçon de droit d’auteur : reproduction non autorisée d’une œuvre protégée par le droit d’auteur REPUBLIQUE FRANÇAISE 3 mai 2024 ■ 3ème chambre N° RG 23/01284 N° MINUTE : Assignation du : JUGEMENT S.A.S. LES PETITS PIGMENTS représentée par Maître David WOLFF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G153 DÉFENDERESSE Madame [H] [B] défaillant Copies délivrées le : Décision du 03 Mai 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-Présidente assisté de Madame Caroline REBOUL, Greffière lors des débats et de Monsieur Quentin CURABET, Greffier lors du prononcé. DEBATS A l’audience du 08 Mars 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 26 Avril 2024, puis prorogé au 03 Mai 2024. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe 1. La société ‘Les Petits pigments’ reproche à Mme [H] [B] d’avoir, dans le cadre d’une activité professionnelle sous le nom commercial ‘Little men’, reproduit et utilisé sans droit les contenus rédactionnels de son site internet sur le site , ce qu’elle qualifie de contrefaçon de droits d’auteur, subsidiairement de concurrence déloyale et parasitaire. 2. Elle a assigné Mme [B] le 8 décembre 2022, demandant le retrait des contenus contrefaits du site sous astreinte, la condamnation de Mme [B] à lui payer 20 000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon, subsidiairement pour concurrence déloyale, ainsi que 2 000 euros de préjudice moral et 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. 3. Sur la contrefaçon de droits d’auteur, elle expose avoir donné au texte de son site internet une « personnalité » correspondant à son argumentaire commercial (produits fabriqués en France ou dans l’UE, réduction des déchets et suppression du plastique) grâce notamment au travail d’une rédactrice professionnelle dont elle communique l’attestation. 4. Subsidiairement, sur la concurrence déloyale, elle fait valoir que la défenderesse et elle sont en concurrence directe, de sorte que l’usage non seulement de ses textes mais aussi d’une police de caractères très proche crée selon elle un risque de confusion dans l’esprit du public. Elle ajoute que l’importance quantitative des textes repris caractérise une concurrence parasitaire, enfin que l’affirmation selon laquelle les produits sont fabriqués en France ou dans l’Union européenne (reprise de son site internet) est trompeuse de la part de la défenderesse, dont un des produits est fabriqué en Chine. 5. Elle allègue un préjudice tenant aux « centaines d’heures » de travail qu’elle a dû déployer pour lancer son activité. S’agissant de l’affirmation trompeuse, elle estime qu’en raison du risque de confusion cette affirmation lui porte, à elle, un préjudice d’image et de notoriété. 6. Quoique régulièrement assignée à sa personne, Mme [B] n’a pas constitué avocat. 7. L’instruction a été close le 11 septembre 2023. I . Demandes principales 1 . Contrefaçon de droit d’auteur 8. Conformément à l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur l’œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. 9. En application de la directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, qui harmonise la notion d’œuvre conditionnant la protection encadrée par ce texte, une oeuvre implique un objet original, c’est-à-dire une création intellectuelle propre à son auteur, qui en reflète la personnalité en manifestant ses choix libres et créatifs ; et cet objet doit être identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité, ce qui exclut une identification reposant essentiellement sur les sensations de la personne qui reçoit l’objet (CJUE, 12 septembre 2019, Cofemel, C-683/17, points 29 à 35). 10. Eu égard à ses objectifs, la protection associée au droit d’auteur, dont la durée est longue, est réservée aux objets méritant d’être qualifiés d’oeuvres (CJUE, Cofemel précité, point 50). 11. Par ailleurs, la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils se sont exprimés (Cass. 1re Civ., 29 novembre 2005, n°04-12-721 ; 1re Civ., 16 janvier 2013, n°12-13.027). 12. La demanderesse invoque un travail original tenant à « un univers original dédié à la création » et « un travail de réécriture » par une rédactrice professionnelle, Mme [G] [J]. Elle communique un document (sa pièce 5) qu’elle appelle « attestation » et qu’elle affirme émaner de cette Mme [J]. Ce document, dactylographié, n’est accompagné d’aucun moyen de vérifier l’identité de son auteur. Dès lors, en lui-même il ne permet de rien prouver. 13. Le contenu dont la reproduction est critiquée est le suivant : 14. Ces phrases courtes articulent des idées attendues selon un vocabulaire usuel, dans des structures standard. Elles ne reflètent pas en elles-mêmes de choix créatifs reflétant la personnalité de leur auteur. 15. Plus généralement, la demanderesse n’expose pas ce qui constituerait l’originalité de son site internet dans son ensemble. 16. Le contenu de ce site en général et les phrases litigieuses en particulier ne sont donc pas protégés par le droit d’auteur. 2 . Concurrence déloyale 17. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l’article 1240 du code civil, consiste en des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. L’appréciation de la faute doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits. 18. Constitue également une concurrence déloyale et est ainsi fautif au sens de l’article 1240 du code civil le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indument des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. Com., 4 février 2014, n°13-11.044 ; Cass. Com., 26 janvier 1999, n° 96-22.457), et qu’il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l’industrie. 19. Constitue encore une concurrence déloyale la pratique commerciale trompeuse au sens de l’article L. 121-2 du code de la consommation qui confère à son auteur un avantage indû sur un concurrent. 20. La demanderesse démontre, par des captures d’écran réalisées par un huissier de justice (sa pièce 4) que les 5 extraits de texte litigieux se trouvent sur le site internet littlemen.fr. Elle démontre également, par des captures du site archive.org (réalisées par le même huissier) que le site internet lespetitspigments.fr contenait déjà, au mot près, les extraits b- et c- le 19 septembre 2021, les extraits a- et d- (à ceci près que dans le texte du site de la demanderesse, « vous avez une question » se trouve après « vous rencontrez un problème ») le 29 novembre 2021. En revanche le tribunal n’a pas été en mesure de retrouver l’extrait e- sur les captures d’écran du site de la demanderesse. 21. Pour imputer ces faits à Mme [B], la demanderesse communique seulement l’extrait Kbis de celle-ci, qui indique qu’elle exerce son activité dans le même domaine (« E-commerce, vente en ligne de box pour enfants, accessoires, prêt à porter, jouets ») sous le même nom commercial, à savoir « Little men ». La demanderesse ne communique aucun autre élément. En particulier, le constat d’huissier portant sur le site internet litigieux ne montre pas les pages « mentions légales » et elle n’allègue ni ne démontre s’être renseignée sur le titulaire du nom de domaine du site litigieux. 22. La demanderesse considère donc, implicitement mais nécessairement, que la coïncidence entre le nom du site litigieux et le nom de Mme [B], dans le même domaine d’activité, est une preuve suffisante pour imputer ce site à celle-ci. 23. Pourtant, la coexistence de plusieurs entreprises ayant le même nom est possible, au point même que la jurisprudence a dû élaborer le régime de la concurrence déloyale par risque de confusion. Une telle homonymie, en l’absence d’éléments qui la corroborent, est ainsi insuffisante pour retenir une présomption défavorable au défendeur qui n’a pas comparu pour confirmer l’allégation, étant rappelé que la preuve d’un fait incombe à celui qui l’allègue. 24. Par conséquent, l’ensemble des demandes, qui sont toutes dirigées contre Mme [B] à raison de l’activité de ce site internet dont l’imputabilité ne lui est pas démontrée, sont rejetées. II . Dispositions finales 25. Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. 26. La société Les Petits pigments perd le procès. Elle est donc tenue aux dépens et sa demande d’indemnité de procédure est rejetée. Le tribunal : Rejette l’ensemble des demandes. Met les dépens à la charge de la société Les Petits pigments. Fait et jugé à Paris le 03 Mai 2024 Le GreffierLa Présidente |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre ‘Les Petits pigments’ et Mme [B] ?La société ‘Les Petits pigments’ accuse Mme [H] [B] d’avoir reproduit et utilisé sans autorisation les contenus rédactionnels de son site internet sur son propre site ‘Little men’. Cette accusation est considérée comme une contrefaçon de droits d’auteur et une concurrence déloyale. La société a donc assigné Mme [B] en justice pour obtenir le retrait des contenus litigieux, des dommages et intérêts, ainsi que le remboursement des frais de justice. Elle affirme avoir subi un préjudice en raison du travail investi dans la création de son site et de l’image trompeuse créée par l’utilisation des contenus par Mme [B]. Malgré l’assignation, Mme [B] n’a pas fait appel à un avocat, et l’affaire a été instruite et close le 11 septembre 2023. Quels sont les arguments de la demanderesse concernant la contrefaçon de droits d’auteur ?La demanderesse, ‘Les Petits pigments’, soutient que le contenu de son site internet est le résultat d’un travail original, impliquant un univers créatif et un travail de réécriture par une rédactrice professionnelle. Elle affirme que ce contenu reflète des choix créatifs et mérite donc une protection par le droit d’auteur. Cependant, le tribunal a conclu que le contenu en question, y compris les phrases litigieuses, ne présente pas de choix créatifs suffisants pour être protégé par le droit d’auteur. Les phrases sont jugées comme étant des idées attendues, exprimées dans un vocabulaire usuel et des structures standard, sans originalité identifiable. Ainsi, le tribunal a rejeté les arguments de la demanderesse concernant la contrefaçon. Quelles sont les conclusions du tribunal concernant la concurrence déloyale ?Concernant la concurrence déloyale, la demanderesse a tenté d’imputer des faits à Mme [B] en se basant sur la coïncidence entre le nom du site litigieux et le nom de la défenderesse. Cependant, le tribunal a estimé que cette homonymie n’était pas suffisante pour établir une présomption défavorable à l’égard de Mme [B]. Le tribunal a souligné que la coexistence de plusieurs entreprises portant le même nom est possible et que la preuve d’un fait incombe à celui qui l’allègue. En l’absence d’éléments supplémentaires pour corroborer les accusations, toutes les demandes dirigées contre Mme [B] ont été rejetées. Ainsi, la société ‘Les Petits pigments’ a perdu le procès. Quelles sont les dispositions finales du jugement ?Les dispositions finales du jugement stipulent que la société ‘Les Petits pigments’ perd le procès et est condamnée aux dépens. Cela signifie qu’elle doit couvrir les frais engagés dans le cadre de la procédure judiciaire. De plus, sa demande d’indemnité de procédure a également été rejetée. Le tribunal a donc mis les dépens à la charge de la société demanderesse, soulignant ainsi la responsabilité de cette dernière dans l’issue défavorable de l’affaire. Le jugement a été prononcé publiquement le 3 mai 2024. Quels articles de loi sont applicables dans cette affaire ?Plusieurs articles de loi sont applicables dans cette affaire, notamment : – Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : Cet article stipule que l’auteur d’une œuvre jouit d’un droit de propriété incorporelle exclusif sur son œuvre, ce qui inclut des attributs d’ordre intellectuel et moral. – Article 1240 du code civil : Il définit la concurrence déloyale comme des agissements contraires aux règles de loyauté et de probité professionnelle, créant un risque de confusion avec les produits ou services d’un autre. – Article L. 121-2 du code de la consommation : Cet article considère comme une concurrence déloyale toute pratique commerciale trompeuse qui confère un avantage indû à son auteur. – Article 696 du code de procédure civile : Il précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge. Ces articles encadrent les notions de propriété intellectuelle, de concurrence déloyale et de procédure civile dans le cadre de cette affaire. Qui a plaidé pour la société ‘Les Petits pigments’ ?La société ‘Les Petits pigments’ a été représentée par Maître David WOLFF, avocat au barreau de Paris. Il a plaidé en faveur de la demanderesse dans le cadre de cette affaire, cherchant à établir la contrefaçon de droits d’auteur et la concurrence déloyale à l’encontre de Mme [B]. Malgré ses efforts, le tribunal a rejeté les demandes de la société, entraînant une décision défavorable pour celle-ci. Maître WOLFF a donc dû faire face à la perte du procès et à la condamnation aux dépens de son client. |
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