Conflit de voisinage et troubles sonores : enjeux d’expertise et d’indemnisation.
Conflit de voisinage et troubles sonores : enjeux d’expertise et d’indemnisation.

Recevabilité des demandes d’expertise judiciaire et d’indemnisation

L’article 910-4 du code de procédure civile impose aux parties de présenter, dès leurs conclusions, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond, sous peine d’irrecevabilité. Toutefois, des exceptions existent, permettant la recevabilité de prétentions destinées à répliquer aux conclusions adverses ou à faire juger des questions nées postérieurement aux premières conclusions. En l’espèce, la cour a jugé que la demande d’expertise judiciaire formulée par Mme [C] n’était pas une prétention sur le fond, mais une mesure d’instruction, et était donc recevable même si elle n’avait pas été présentée dans les premières conclusions.

Troubles anormaux de voisinage

Selon l’article 544 du code civil, les troubles causés à un voisin qui excèdent les inconvénients normaux du voisinage obligent l’auteur du trouble à les réparer, indépendamment de toute faute. La cour a constaté que les nuisances alléguées par Mme [T] n’étaient pas suffisamment prouvées pour caractériser un trouble anormal de voisinage, en raison de l’absence d’expertise judiciaire et de mesures acoustiques fiables. Les attestations produites étaient jugées insuffisantes pour établir la réalité et l’importance des nuisances.

Dépens et application de l’article 700 du code de procédure civile

L’article 699 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens. Par ailleurs, l’article 700 du même code permet au juge d’allouer une somme à titre de frais irrépétibles, en tenant compte de la situation de la partie qui en fait la demande. Dans cette affaire, Mme [T], partie perdante, a été condamnée aux dépens et à verser une somme à Mme [C] en application de l’article 700, en raison de la nature des demandes et de l’issue du litige.

L’Essentiel : L’article 910-4 du code de procédure civile impose aux parties de présenter, dès leurs conclusions, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond, sous peine d’irrecevabilité. Toutefois, des exceptions existent, permettant la recevabilité de prétentions destinées à répliquer aux conclusions adverses. La cour a jugé que la demande d’expertise judiciaire formulée par Mme [C] n’était pas une prétention sur le fond, mais une mesure d’instruction, et était donc recevable même si elle n’avait pas été présentée dans les premières conclusions.
Résumé de l’affaire : Dans cette affaire, une propriétaire d’appartement, désignée comme la plaignante, a assigné une autre propriétaire, désignée comme la défenderesse, devant le tribunal de grande instance de Paris en raison de troubles anormaux du voisinage. La plaignante a demandé la cessation des nuisances, la réalisation de travaux d’isolation phonique et une indemnisation pour son préjudice. Le tribunal a rendu un jugement le 27 novembre 2020, condamnant la défenderesse à verser des sommes pour le préjudice de jouissance et le préjudice moral, ainsi qu’à réaliser des travaux d’isolation dans son appartement, sous astreinte.

La défenderesse a interjeté appel de cette décision, contestant les condamnations qui lui étaient imposées. Elle a soutenu que les troubles allégués n’avaient pas été prouvés par des mesures acoustiques fiables et que les attestations fournies par la plaignante étaient insuffisantes pour établir l’existence de nuisances anormales. De son côté, la plaignante a maintenu que les bruits excessifs provenaient de l’appartement de la défenderesse, notamment durant la période où celle-ci avait mis son bien en location saisonnière.

La cour d’appel a examiné les éléments de preuve, notamment les constatations d’un huissier et les attestations de témoins. Elle a conclu que la plaignante n’avait pas démontré l’existence de troubles anormaux de voisinage, en raison de l’absence d’expertise judiciaire et de mesures acoustiques. Par conséquent, la cour a infirmé le jugement de première instance, déboutant la plaignante de ses demandes d’indemnisation et de travaux, et a condamné celle-ci aux dépens ainsi qu’à verser une somme à la défenderesse au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la recevabilité des demandes d’expertise judiciaire et d’indemnisation d’un préjudice moral formulées par la victime ?

La recevabilité des demandes d’expertise judiciaire et d’indemnisation d’un préjudice moral est régie par l’article 910-4 du code de procédure civile. Cet article stipule que « à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »

Dans cette affaire, la cour a constaté que la demande d’expertise judiciaire n’est pas une prétention sur le fond, mais une mesure d’instruction, ce qui la rend recevable même si elle n’a pas été présentée dans les premières conclusions.

Ainsi, la fin de non-recevoir soulevée par la partie adverse a été rejetée, permettant à la victime de faire valoir ses demandes.

Quel est le cadre juridique des troubles anormaux de voisinage selon le code civil ?

Les troubles anormaux de voisinage sont régis par l’article 544 du code civil, qui dispose que « les troubles causés à un voisin qui excèdent les inconvénients normaux du voisinage obligent l’auteur du trouble à les réparer, quand bien même aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause. »

Dans cette affaire, la cour a examiné les allégations de nuisances sonores et a constaté que la partie plaignante n’a pas réussi à prouver que les bruits subis excédaient les inconvénients normaux du voisinage.

Les éléments de preuve, tels que les attestations et le constat d’huissier, n’ont pas été jugés suffisants pour établir l’existence d’un trouble anormal. Par conséquent, la cour a infirmé le jugement qui avait condamné la partie adverse à indemniser les préjudices.

Quel est le régime des dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 699 du code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens. » En l’espèce, la cour a décidé de condamner la partie perdante aux dépens de première instance et d’appel.

De plus, l’article 700 du même code prévoit que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

La cour a ainsi condamné la partie perdante à verser à la partie gagnante la somme de 5 000 euros en application de cet article, tant pour la première instance que pour l’appel.

Cette décision souligne l’importance de la responsabilité des parties dans le cadre des procédures judiciaires et des frais qui en découlent.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 2

ARRET DU 26 MARS 2025

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02339 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDB52

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2020 -Tribunal de proximité de PARIS – RG n° 1120001278

APPELANTE

Madame [U], [V], [W] [C]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 6] (67)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Armelle HUBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0604

INTIMEE

Madame [Z] [T]

née le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 4] (87)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Cécilia TARDIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0438

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Perrine VERMONT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine MOREAU, Présidente de Chambre

Madame Perrine VERMONT, Conseillère

Madame Caroline BIANCONI-DULIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– signé par Madame Christine MOREAU, Présidente de Chambre, et par Madame Dominique CARMENT, Greffière présente lors de la mise à disposition.

* * * * * * * * * *

FAITS & PROCÉDURE

Mme [T] est propriétaire d’un appartement situé au premier étage au [Adresse 3] à [Localité 5]. Mme [C] est propriétaire de l’appartement situé immédiatement au-dessus de celui de Mme [T].

Se plaignant de troubles anormaux du voisinage, Mme [T] a fait assigner Mme [C] devant le tribunal de grande instance de Paris par acte d’huissier du 2 décembre 2019 aux fins d’obtenir la cessation des troubles, la réalisation de travaux et l’indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 27 novembre 2020, le pôle civil de proximité du tribunal judiciaire de Paris :

– condamné Mme [C] à payer à Mme [T] la somme de 3 630 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, au titre du préjudice de jouissance de février 2017 inclus à octobre 2019 inclus,

– condamné Mme [C] à payer à Mme [T] la somme de 500 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, au titre du préjudice moral,

– ordonné la capitalisation des intérêts pourvu qu’ils soient échus pour une année entière à compter de ce jour,

– condamné Mme [C] à réaliser au sein de son appartement situé [Adresse 3] à [Localité 5], au 2e étage gauche, formant le lot de copropriété n° 103, dans un délai de trois mois à compter de la présente décision quant au commencement d’exécution des travaux, des travaux, par une entreprise dûment qualifiée, tendant à l’isolation phonique du plancher bas afin de réduire les nuisances sonores au moyen, dans tout l’appartement, de la dépose du parquet existant, de la réalisation d’une isolation au niveau des lambourdes par une chappe béton allégée micro-billes, un réagréage fibré, une sous-couche isolante et au choix de Mme [C], la pose d’un nouveau parquet ou d’une moquette au sol ou de tout revêtement de son choix, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de cette date de commencement des travaux dont il devra être justifié par un devis accepté et la facture acquittée, et l’astreinte courant pendant une durée de trois mois,

– déclaré Mme [T] irrecevable en sa demande d’indemnité pour le préjudice qu’elle pourrait subir de ce jour à la réalisation des travaux,

– débouté Mme [T] et Mme [C] de toutes leurs autres demandes,

– condamné Mme [C] à payer à Mme [T] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [C] aux dépens (non compris le coût du procès-verbal de constat d’huissier),

– ordonné le bénéfice de l’exécution provisoire.

Mme [C] a relevé appel de cette décision par déclaration remise au greffe le 3 février 2021.

La procédure devant la cour a été clôturée le 30 octobre 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions notifiées le 23 octobre 2024 par lesquelles Mme [C], appelante, invite la cour, au visa des articles 544, 1240, 1241 du code civil et R1334-31 du code de la santé publique, à :

– la recevoir en son appel et le juger recevable,

– réformer le jugement rendu le 27 novembre 2020 en ce qu’il l’a condamnée à :

verser à Mme [T] la somme de 3 630 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision au titre du préjudice de jouissance de février 2017 inclus à octobre 2019 inclus,

verser à Mme [T] la somme de 500 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision au titre du préjudice moral,

ordonné la capitalisation des intérêts pourvu qu’ils soient échus pour une année entière à compter de la décision,

condamné Mme [C] à réaliser au sein de son appartement dans un délai de trois mois à compter de la décision quant au commencement d’exécution des travaux, des travaux par une entreprise dûment qualifiée tendant à l’isolation phonique du plancher bas afin de réduire les nuisances sonores au moyen, dans tout l’appartement, de la dépose du parquet existant, de la réalisation d’une isolation au niveau des lambourdes par une chape béton allégée microbilles, un ragréage fibré , une sous-couche isolante et au choix de Mme [C], la pose d’un nouveau parquet ou d’une moquette au sol ou de tout revêtement de son choix, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de cette date de commencement des travaux dont il devra être justifié par un devis accepté et la facture acquittée et l’astreinte courant pendant la durée de trois mois,

condamné Mme [C] à payer à Mme [T] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

– débouter Mme [T] de sa demande de voir juger irrecevables et mal fondées les demandes de Mme [C] comme étant nouvelles,

– débouter Mme [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

si la Cour de céans ne s’estimait pas suffisamment éclairée,

– ordonner une expertise judiciaire, à frais partagées, pour constater si le bruit est anormal pour l’immeuble et si le seuil de tolérance des bruits est dépassé et si des travaux doivent être réalisés à ce titre,

en toute hypothèse,

– condamner Mme [T] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens tant de première instance que d’appel avec application de l’article 699 du même code ;

Vu les conclusions notifiées le 29 octobre 2024 par lesquelles Mme [T], intimée, invite la cour, au visa des articles 910-4 du code de procédure civile, R1336-5 du code de la santé publique, à :

– juger irrecevables et mal fondées les nouvelles prétentions de Mme [C] figurant

pour la première fois en appel dans ses conclusions d’appelante n°2 du 2 novembre 2021 :

ordonner une expertise judiciaire,

condamner Mme [T] au paiement de la somme de 2 500 au titre du préjudice moral subi par Mme [C],

en conséquence,

– l’en débouter,

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné Mme [C] à réaliser au sein de son appartement situé [Adresse 3] à [Localité 5], au 2ème étage gauche, formant le lot de copropriété n°103, des travaux, par une entreprise dûment qualifiée, tendant à l’isolation phonique du plancher bas afin de réduire les nuisances sonores, au moyen, dans tout l’appartement, de la dépose du parquet existant, de la réalisation d’une isolation au niveau des lambourdes par une chape, un réagréage fibré, une sous-couche isolante, et au choix de Mme [C], la pose d’un nouveau parquet ou d’une moquette au sol ou de tout revêtement de son choix, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de cette date de commencement des travaux dont il devra être justifié par un devis accepté et une facture acquittée,

y ajoutant,

– ordonner que la chape soit, au choix, une chape en béton allégée ou une chape sèche,

– ordonner que ladite entreprise soit dûment assurée et spécialisée pour ce type de travaux d’isolation phonique,

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a limité la durée de l’astreinte à trois mois,

– ordonner que l’astreinte court jusqu’au commencement des travaux sans limitation de durée,

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné Mme [C] à lui payer des dommages et intérêts au titre de son préjudice de jouissance,

– infirmer le jugement en ce qu’il a limité lesdits dommages et intérêts à la somme de 3 630 euros,

– condamner Mme [C] à lui verser :

la somme mensuelle de 220 euros pour les mois de février 2017 à juin 2018, soit une somme totale de 3 740 euros au titre de son préjudice de jouissance de février 2017 à juin 2018 inclus,

la somme mensuelle 110 euros à compter de juillet 2018 et jusqu’à la complète réalisation des travaux d’insonorisation phonique, soit une somme totale de 8 140 euros au titre de son préjudice de jouissance de juillet 2018 à août 2024 inclus,

y inclus les intérêts légaux à compter de la délivrance de l’assignation, avec capitalisation annuelle des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,- confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné Mme [C] à lui payer des dommages et intérêts titre de son préjudice moral,

– infirmer le jugement en ce qu’il a limité lesdits dommages et intérêts à la somme de 500 euros,

– condamner Mme [C] à lui verser la somme de 4 400 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné Mme [C] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance,

y ajoutant,

– condamner Mme [C] à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Mme [C] aux dépens de la procédure au titre de l’article 696 du code de procédure civile,

– juger irrecevable et mal fondée Mme [C] en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

en conséquence,

– l’en débouter ;

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la recevabilité des demandes d’expertise judiciaire et d’indemnisation d’un préjudice moral formulées par Mme [C]

Mme [T] soutient que deux prétentions, visant à ce que soit ordonnée une expertise judiciaire et à obtenir l’indemnisation d’un préjudice moral, sont irrecevables en ce qu’elles ont été présentées pour la première fois par Mme [C] dans ses conclusions n° 2.

Mme [C] allègue qu’une demande d’expertise ne peut être qualifiée de prétention.

L’article 910-4 du code de procédure civile, applicable au litige, dispose :

«A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.»

Il est relevé que Mme [C] ne formule pas de demande d’indemnisation d’un préjudice moral dans ses dernières conclusions.

Par ailleurs, une demande d’expertise judiciaire n’est pas une prétention sur le fond, s’agissant d’une mesure d’instruction avant dire droit. Elle est par conséquent recevable peu important qu’elle n’ait pas été présentée dans les premières conclusions d’appelant.

Par conséquent, Mme [T] doit être déboutée de sa fin de non-recevoir.

Sur les troubles anormaux de voisinage

Mme [C] expose qu’elle a acquis son appartement en 2009 et que le parquet est d’origine. Elle indique qu’elle a temporairement quitté son appartement en 2017 et y a logé un couple avec un enfant pendant deux mois et qu’elle a cessé toute location de son appartement à compter du mois de juin 2018. Elle indique qu’à partir d’avril 2019, personne n’est venu chez elle en son absence et qu’elle-même a été principalement absente notamment à partir du premier confinement en mars 2020. Elle affirme ne recevoir presque personne à son domicile.

Elle fait valoir que le trouble allégué n’a pas été constaté par une expertise ni par des mesures acoustiques et que les attestations produites, pour certaines toujours dépourvues de la copie de la pièce d’identité de leur auteur, relatent des constatations simplement occasionnelles. Elle souligne que la mesure de bruit réalisée avec smartphone par un non-spécialiste, venu désinsectiser l’immeuble, n’a aucune valeur probante, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, et soutient que le bruit causé par les enfants du troisième étage sont perçus jusqu’à l’appartement du rez-de-chaussée.

Mme [T] expose qu’elle occupe son appartement à titre d’habitation principale et y exerce en journée son activité professionnelle de psychologue, coach, et qu’au cours de l’année 2017 Mme [C] a mis son appartement en location saisonnière touristique, ce qui a généré de très importants troubles anormaux de voisinage. Elle soutient que les bruits anormaux d’impact et de craquement qu’elle subit, excédant les inconvénients normaux du voisinage, sont attestés par un constat d’huissier d’octobre 2019 et de nombreuses attestations.

En application de l’article 544 du code civil, les troubles causés à un voisin qui excèdent les inconvénients normaux du voisinage oblige l’auteur du trouble à les réparer, quand bien même aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause ;

Il ressort du procès-verbal de constat d’huissier dressé le 19 octobre 2019 que l’officier ministériel, resté une heure dans les lieux, a entendu les bruits d’un parquet qui grince, correspondant à celui d’une ou deux personnes circulant dans l’appartement, ainsi qu’un bruit sourd, un claquement et quelques bruits de frottement.

Par ailleurs, certaines attestations produites par Mme [T], rédigées par des personnes séjournant chez elle de manière ponctuelle, relatent notamment «beaucoup d’agitations», «des bruits de choc», «des bruits intempestifs», «des bruits émanant de l’appartement du dessus [‘] anormalement élevés et récurrents et ce de jour comme de nuit», tandis que d’autres se contentent de rapporter les propos de Mme [T].

Ces attestations, peu circonstanciées et généralement dépourvues de précision de date, sont insuffisantes à démontrer que l’appartement de Mme [C] était occupé de manière très régulière par des locations saisonnières, ce que cette dernière conteste.

Par ailleurs, en l’absence d’expertise judiciaire ou de mesures acoustiques réalisées par un homme de l’art, ces attestations ne permettent pas de démontrer l’importance alléguée des émergences ressenties chez Mme [T] ni de caractériser leur anormalité. A ce titre, l’attestation de M. [B], qui relate avoir mesuré avec son smartphone un volume sonore de 60 décibels occasionné par des pas dans l’appartement situé au-dessus de Mme [T], est inopérant.

Il résulte de ces éléments que Mme [T] ne démontre pas que les nuisances qu’elle invoque revêtent les caractères d’un trouble anormal de voisinage.

Le jugement doit par conséquent être infirmé en ce qu’il a condamné Mme [C] à indemniser les préjudices de Mme [T] et à faire réaliser des travaux d’isolation acoustique dans son appartement.

Mme [T] doit être déboutée de ses demandes indemnitaires et de travaux.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l’application qui y a été faite de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [T], partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer la somme de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d’appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l’article 700 du code de procédure civile formulée par Mme [T].

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Infirme le jugement en ses dispositions frappées d’appel

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par Mme [T] ;

Déboute Mme [T] de toutes ses demandes ;

Condamne Mme [T] aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à Mme [C] la somme de 5 000 euros par application de l’article 700 du même code en cause de première instance et d’appel ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon