Conflit de voisinage et enjeux de propriété : entre droits d’entretien et troubles anormaux.

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Conflit de voisinage et enjeux de propriété : entre droits d’entretien et troubles anormaux.

L’Essentiel : M. [P] [L] et Mme [U] [Y] sont en litige avec leurs voisins, M. [Z] [O] et Mme [H] [O], au sujet de végétaux empiétant sur leur propriété. Les époux [L] ont assigné leurs voisins pour les contraindre à entretenir les arbres et à leur verser des dommages et intérêts. Le tribunal a ordonné l’arrachage de certains végétaux, mais a débouté les époux [L] de leur demande de dommages et intérêts. En appel, la cour a infirmé l’ordonnance d’arrachage pour certains arbres, tout en confirmant celle du lierre, et a rejeté la demande d’élagage des époux [O].

Contexte de l’affaire

M. [P] [L] et Mme [U] [Y], propriétaires d’un immeuble, se trouvent en litige avec leurs voisins, M. [Z] [O] et Mme [H] [O], concernant des végétaux empiétant sur leur propriété. Les époux [L] affirment que les racines et branches des arbres voisins empêchent la clôture de leur parcelle.

Demandes des époux [L]

Les époux [L] ont assigné leurs voisins pour les contraindre à entretenir les arbres en limite de propriété, à les prévenir avant d’accéder à leur parcelle, et à leur verser des dommages et intérêts pour résistance abusive. Ils ont également demandé l’autorisation de couper les racines et branches dépassant sur leur terrain.

Jugement du tribunal de proximité

Le 1er juin 2023, le tribunal a ordonné l’arrachage de plusieurs végétaux plantés à des distances inférieures aux normes légales, tout en déboutant les époux [L] de leur demande de dommages et intérêts. Les voisins ont été condamnés à verser 300 euros aux époux [L] pour les frais de justice.

Appel des époux [O]

M. et Mme [O] ont fait appel du jugement, arguant que l’arrachage ordonné était excessif et qu’ils avaient déjà exécuté les décisions du tribunal. Ils ont demandé à la cour d’infirmer le jugement et de condamner les époux [L] à élaguer leurs propres arbres.

Arguments des époux [L]

Les époux [L] ont soutenu que les végétaux des époux [O] constituaient un trouble anormal du voisinage, les empêchant de clôturer leur propriété. Ils ont demandé la confirmation du jugement initial et des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Décision de la cour d’appel

La cour a infirmé l’ordonnance d’arrachage pour certains arbres, tout en confirmant l’arrachage du lierre. Elle a également rejeté la demande d’élagage des époux [O] et a débouté les époux [L] de leur demande de dommages et intérêts, considérant que la résistance des époux [O] n’était pas abusive.

Condamnation aux dépens

Les époux [O], ayant perdu l’essentiel de leur appel, ont été condamnés aux dépens de la procédure d’appel, tandis que les dispositions relatives aux dépens de première instance ont été confirmées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 671 du Code civil concernant les distances de plantation des arbres ?

L’article 671 du Code civil stipule :

« Il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations. »

Cet article établit des distances minimales pour la plantation d’arbres et d’arbustes afin de protéger les droits des propriétaires voisins.

En cas de non-respect de ces distances, le propriétaire du fonds dominant peut exiger l’arrachage ou l’élagage des végétaux concernés, conformément à l’article 672 du Code civil.

Il est donc essentiel pour les propriétaires de respecter ces distances pour éviter des litiges, comme dans le cas présent où les époux [L] ont demandé l’arrachage d’arbres plantés à des distances inférieures à celles prescrites.

Quelles sont les conséquences juridiques de l’arrachage d’arbres en vertu des articles 671 et 672 du Code civil ?

L’article 672 du Code civil précise que :

« Le propriétaire du fonds dominant peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l’article précédent. »

Ainsi, si un arbre est planté à moins de 50 centimètres de la limite séparative, le propriétaire peut demander son arrachage.

Si l’arbre est planté entre 50 centimètres et 2 mètres, le propriétaire peut demander un élagage.

Dans le cas présent, les époux [L] ont demandé l’arrachage d’arbres plantés à des distances inférieures aux normes, ce qui a conduit le tribunal à ordonner leur arrachage.

Cependant, la cour a infirmé cette décision pour certains arbres, considérant que les époux [L] n’avaient pas prouvé que ces arbres causaient un trouble anormal du voisinage.

Comment le tribunal a-t-il évalué la notion de trouble anormal du voisinage ?

La notion de trouble anormal du voisinage n’est pas définie par le Code civil, mais elle est généralement interprétée comme un trouble qui excède les inconvénients normaux de la vie en société.

Dans cette affaire, les époux [O] ont soutenu que la présence des thuyas et autres arbres ne causait pas un trouble anormal, car ils étaient plantés à une distance régulière et ne créaient pas de gêne excessive.

Le tribunal a noté que les époux [L] n’avaient pas démontré que la présence des arbres causait un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Il a également été rappelé que l’usage parisien permet de planter jusqu’à la limite du fonds voisin, tant que cela ne cause pas de gêne excessive.

Ainsi, le tribunal a confirmé que la perte d’ensoleillement alléguée par les époux [O] n’était pas suffisamment prouvée pour justifier une demande d’élagage.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?

L’article 700 du Code de procédure civile dispose que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Cet article permet au tribunal d’accorder une indemnité à la partie qui a gagné le procès pour couvrir ses frais juridiques.

Dans cette affaire, le tribunal a condamné les époux [O] à payer une indemnité de 2 000 euros aux époux [L] en vertu de cet article, en raison de leur position perdante dans le litige.

Cela souligne l’importance de cet article dans la gestion des frais de justice et la protection des droits des parties dans un litige.

Les époux [O] ont également demandé une indemnité en vertu de l’article 700, mais leur demande a été rejetée, car ils ont été considérés comme la partie perdante.

Comment le tribunal a-t-il traité la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ?

La résistance abusive est un concept juridique qui se réfère à la situation où une partie refuse de se conformer à une obligation légale sans justification valable.

Dans cette affaire, les époux [L] ont demandé des dommages et intérêts pour résistance abusive, arguant que les époux [O] n’avaient pas entretenu leurs végétaux.

Cependant, le tribunal a constaté que les époux [O] avaient abattu plusieurs arbres et que leur résistance ne pouvait pas être qualifiée d’abusive, surtout dans le contexte de la crise sanitaire qui a entravé l’intervention des entreprises.

Ainsi, le tribunal a confirmé le jugement de première instance qui avait débouté les époux [L] de leur demande de dommages et intérêts, considérant que les époux [O] avaient agi de manière raisonnable dans les circonstances.

Cela montre que le tribunal évalue soigneusement les circonstances entourant chaque cas avant de décider sur la question de la résistance abusive.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70B

Chambre civile 1-2

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 NOVEMBRE 2024

N° RG 23/05065

N° Portalis DBV3-V-B7H-WAIY

AFFAIRE :

Epoux [O]

C/

Epoux [L]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 juin 2023 par le Tribunal Judiciaire de PONTOISE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 751/2023

Expéditions exécutoires

Copies certifiées conformes délivrées

le : 19/11/24

à :

Me Ludovic

TARDIVEL

Me Eric AZOULAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANTS

Monsieur [Z] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Ludovic TARDIVEL de la SELARL LYVEAS AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 539

Substitué par : Me Léa MATOUG, avocat au barreau de VERSAILLES

Madame [H] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Ludovic TARDIVEL de la SELARL LYVEAS AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 539

Substitué par : Me Léa MATOUG, avocat au barreau de VERSAILLES

****************

INTIMÉS

Monsieur [P] [A] [B] [L]

né le 14 septembre 1964 à [Localité 3] (60)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Eric AZOULAY de la SELARL INTER-BARREAUX FEDARC, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 10

Susbstitué par : Me Cathy ALPHONSE, avocat au barreau du VAL D’OISE

Madame [U] [W] [Y] épouse [L]

née le 17 mars 1978 à [Localité 4] (59)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Eric AZOULAY de la SELARL INTER-BARREAUX FEDARC, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 10

Susbstitué par : Me Cathy ALPHONSE, avocat au barreau du VAL D’OISE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 juin 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe JAVELAS, Président chargé du rapport et Madame Anne THIVELLIER, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrate honoraire,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Greffière lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Greffière placée lors du prononcé de la décision : Madame Gaëlle RULLIER,

EXPOSE DU LITIGE

M. [P] [L] et Mme [U] [Y], épouse [L], sont propriétaires d’un immeuble situé au [Adresse 1]).

M. [Z] [O] et Mme [H] [O] sont propriétaires du fonds voisin situé [Adresse 1].

Faisant valoir qu’en dépit de leurs démarches amiables, ils sont empêchés de clôturer le côté ouest de leur parcelle par la présence des végétaux et des arbres poussant sur le fonds de M. et Mme [O] dont les racines et les branches débordent sur leur terrain, les époux [L] leur ont fait délivrer assignation aux fins de sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– les voir condamner à procéder à l’entretien annuel des arbres et végétaux situés en limite séparative des deux fonds, sous astreinte de 250 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement,

– de voir dire que M. et Mme [O] devront au préalable les solliciter par lettre recommandée pour bénéficier d’un tour d’échelle pour pouvoir accéder à leur parcelle à cette occasion,

– les voir condamner au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

A titre subsidiaire,

– être autorisés à couper les racines et les branches des végétaux dépassant sur leur propriété aux frais M. et Mme [O],

Les époux [L] sollicitaient, en outre, la condamnation de leurs voisins à leur payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par jugement contradictoire du 1er juin 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Pontoise a :

– ordonné à M. et Mme [O] de faire procéder à l’arrachage du noisetier de plus de deux mètres planté à onze centimètres de la limite séparative sur leur terrain, du conifère de quatre mètres de hauteur planté à 13 centimètres, du forsythia planté à 42 centimètres de la limite séparative, et du lierre poussant à partir du fonds de M. et Mme [O] sur le muret des époux [L] dans le délai de trois mois suivant la signification du présent jugement et sous astreinte de 10 euros par jours de retard en cas de non respect de ce délai,

– débouté les époux [L] de leur demande de dommages et intérêts,

– débouté M. et Mme [O] de leur demandes d’élagage,

– condamné solidairement M. et Mme [O] à payer aux époux [L] 300 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum M. et Mme [O] aux entiers dépens de la procédure,

– rappelé que l’exécution provisoire du jugement est de droit,

– rejeté toute autre demande.

Par déclaration déposée au greffe le 24 juillet 2023, M. et Mme [O] ont relevé appel de ce jugement.

Au terme de leurs dernières conclusions signifiées le 6 juin 2024, M. et Mme [O], appelants, demandent à la cour de :

– les recevoir en leur appel,

– les y déclarer bien fondés,

– infirmer le jugement dont appel en ce que, statuant ultra petita, il leur a ordonné de faire procéder à l’arrachage du noisetier, du conifère, de l’arbuste, du forsythia,

– dire qu’ils ont néanmoins exécuté ces dispositions du jugement dont appel qui était assorti de l’exécution provisoire et d’une astreinte à leur encontre,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il les a déboutés de leur demande, reconventionnelle et statuant à nouveau,

– condamner les époux [L] à procéder d’une part pour respecter les prescriptions légales à l’élagage de la haie de thuyas, du bouleau, et des arbres à feuillage brun et, d’autre part, afin de faire cesser le trouble anormal du voisinage, à procéder à un élagage bisannuel en hauteur à 3 mètres maximum pour les thuyas, et 5 mètres pour le bouleau, et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il les a condamnés au paiement d’une indemnité de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– débouter les époux [L] de leur appel incident et confirmer le jugement dont appel en ce qu’il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts,

– débouter les époux [L] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions qui seront déclarées mal fondées,

– condamner les époux [L] au paiement d’une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 afin de compenser les frais exposés par les concluants devant la cour,

– les condamner aux dépens.

Au terme de leurs dernières conclusions signifiées le 19 juin 2024, les époux [L], intimés ayant formé appel incident, demandent à la cour de :

– les recevoir en l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit, à titre principal,

– confirmer le jugement rendu par la chambre de proximité du tribunal judiciaire de Pontoise du 1er juin 2023 en ce qu’il :

*a ordonné à M. et Mme [O] de faire procéder à l’arrachage du noisetier de plus de deux mètres planté à onze centimètres de la limite séparative sur leur terrain, du conifère de quatre mètres de hauteur plané à treize centimètres de la limite séparative, de l’arbuste de plus de deux mètres planté à trente centimètres, du forsythia planté quarante-deux centimètres de la limite séparative et du lierre poussant à partir du fond de M. et Mme [O] sur leur muret dans le délai de 3 mois suivant la signification du présent jugement et sous astreinte de 10 euros par jours de retard en cas de non respect de ce délai,

*débouté M. et Mme [O] de leur demande d’élagage,

*condamné solidairement M. et Mme [O] à leur payer 300 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

*condamné in solidum M. et Mme [O] aux entiers dépens de la procédure,

– infirmer le jugement rendu par la chambre de proximité du tribunal judiciaire de Pontoise en date du 1er juin 2023 en ce qu’il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts et de leur demande en paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant de nouveau,

– condamner M. et Mme [O] à leur payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la réticence abusive,

– condamner solidairement M. et Mme [O] à leur payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, en cas d’infirmation du jugement déféré,

– dire qu’ils sont autorisés à couper/supprimer les racines, branches des arbres et plus généralement les végétaux qui dépassent sur leur propriété aux frais de M. et Mme [O],

A titre subsidiaire, en cas de condamnation à leur encontre, ordonner que la condamnation qui serait prononcée à leur encontre ne soit assortie d’aucune astreinte,

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire une condamnation sous astreinte devait être prononcée à leur encontre,

– ordonner que le point de départ de l’astreinte intervienne à l’expiration d’un délai qui ne saurait être inférieur à deux mois après la signification de la décision à intervenir, la taille n’étant pas préconisée entre mars et septembre afin de protéger les oiseaux dans leur nidation,

– ordonner que la taille exigée ne soit pas supérieure à 2 mètres sous peine de faire mourir les thuyas,

En tout état de cause,

– condamner solidairement M. et Mme [O] à leur payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement M. et Mme [O] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 25 juin 2024.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur l’arrachage ordonné par le premier juge d’un noisetier, d’un forsythia, d’un conifère et d’un arbuste de plus de deux mètres plantés en deçà des distances prescrites par le code civil ainsi que du lierre poussant sur le muret propriété des époux [L]

Moyens des parties

Les époux [O] font grief au premier juge d’avoir ordonné l’arrachage de ces arbres plantés sur leur fonds, motif pris de ce qu’ils étaient plantés à une distance de la limite séparative inférieure à la distance minimale prescrite par l’article 671 du code civil.

Ils font valoir, à hauteur de cour, et aux fins d’obtenir que l’infirmation de ce chef du jugement que le premier juge a statué ultra petita, dans la mesure où les époux [L] sollicitaient l’entretien de ces végétaux, mais pas leur arrachage, et qu’en toute occurrence, les arbres ont été arrachés en exécution du jugement dont appel assorti de l’exécution provisoire.

Les époux [L] concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a ordonné l’arrachage en faisant valoir devant la cour qu’ils ne peuvent clôturer leur propriété, comme ils en ont le droit, en raison d’un défaut d’entretien des arbres et végétaux appartenant aux époux [O], dont les racines se trouvent sur la limite séparative et doivent être arrachées, et que cette situation constitue un trouble anormal du voisinage.

Réponse de la cour

Il apparaît que devant le premier juge, les époux [L] sollicitaient que les époux [O] fussent condamnés à entretenir les arbres et végétaux situés en limite séparative des deux fonds, mais point à leur arrachage.

Cependant le prononcé sur des choses non demandées ou l’octroi de plus qu’il n’est demandé, dès lors qu’ils ne s’accompagnent pas d’une violation de la loi, constituent une irrégularité qui ne peut être réparée que selon les procédures prévues aux articles 463 et 464 du code de procédure civile.

La cour n’est saisie d’aucune demande sur le fondement de ces articles.

Par suite, l’infirmation du jugement ne peut être prononcée pour ce motif.

Pour autant, les époux [O] produisent une facture du 15 octobre 2023, postérieure donc au jugement dont appel, démontrant l’arrachage, en limite de propriété, de trois noisetiers, d’un sureau, d’un if, de deux arbustes d’ornement, et de plusieurs forsythias (pièce N° 12 des appelants).

Cette facture est accompagnée de photographies en couleur intitulées ‘avant arrachage’ et ‘ après arrachage’.

Il n’est pas toutefois justifié de l’arrachage du lierre poussant sur le muret des époux [L].

Ces derniers sollicitent la confirmation de l’arrachage des plantations se trouvant sur le fonds voisin, en premier lieu, sur le fondement des articles 671 et 672 du code civil

L’article 671, alinéa 1er du Code civil dispose :  » Il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations « .

L’article 672 du Code civil accorde au propriétaire du fonds dominant le pouvoir d’ » exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l’article précédent « .

Il résulte de ces textes que si l’arbre est planté à moins de 50 centimètres de la ligne séparative, le propriétaire peut demander l’arrachage et si l’arbre est planté à une distance comprise entre 50 centimètres et 2 mètres, il peut demander l’élagage.

L’usage parisien, qui s’étend à toutes les communes de la banlieue, autorise à planter jusqu’à l’extrême limite du fonds voisin, compte tenu de l’exiguïté des parcelles, sous réserve de ne pas causer au voisin une gêne excessive.

Au cas d’espèce, il n’est pas justifié par les époux [L] que certains des arbres de leurs voisins plantés en deçà des distances réglementaires subsisteraient sur la parcelle des époux [O] ni que la présence de racines ferait obstacle à la construction de leur clôture.

Il n’est pas davantage démontré l’existence d’un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, étant rappelé qu’en toute occurrence, l’usage parisien, qui s’étend à toutes les communes de la banlieue, autorise à planter jusqu’à l’extrême limite du fonds voisin, compte tenu de l’exiguïté des parcelles, sous réserve de ne pas causer au voisin une gêne excessive, cette gêne excessive n’étant pas, comme il a été dit au paragraphe précédent, caractérisée en l’espèce.

Par suite, suite à l’abattage de ces arbres, le jugement déféré sera infirmé du chef ayant ordonné à M. et Mme [O] de faire procéder à l’arrachage du noisetier de plus de deux mètres planté à onze centimètres de la limite séparative sur leur terrain, du conifère de quatre mètres de hauteur planté à 13 centimètres du forsythia planté à 42 centimètres de la limite séparative, mais confirmé en ce qu’il a ordonné à M. et Mme [O] de faire procéder à l’arrachage du lierre poussant à partir du fond de M. et Mme [O] sur leur muret dans le délai de 3 mois suivant la signification du présent jugement et sous astreinte de 10 euros par jours de retard en cas de non respect de ce délai.

II) Sur la demande d’élagage des époux [O]

Moyens des parties

Les époux [O] critiquent le jugement déféré en ce qu’il a rejeté leur demande d’élagage parce que les arbres étaient plantés à une distance régulière, et que la privation d’ensoleillement n’était point justifiée, les photographies montrant la présence d’une corde à linge dont le positionnement suppose un bon ensoleillement.

Sollicitant l’infirmation de ce chef du jugement, ils sollicitent la condamnation des époux [L] à faire procéder à l’élagage de la haie de thuyas, du bouleau et des arbres à feuillage brun, sur le fondement des articles 671 et 672 du code civil, et en raison du trouble anormal de voisinage que leur occasionnent cette végétation luxuriante.

Au soutien de leur prétention, ils exposent à la cour que :

– une grande partie de leur pelouse se trouve plongée dans l’ombre en raison de la présence d’une haie de thuyas d’une grande hauteur,

– certains arbres ne sont pas plantés à distance régulière, mais à environ 1,76 du milieu du ru constituant la limite séparative de propriété.

Les époux [L] de répliquer que la perte d’ensoleillement, et partant le trouble anormal du voisinage, ne sont pas démontrés par les pièces produites par les appelants, que les thuyas et le bouleau se trouvent à plus de deux mètres de la limite séparative et sont présents depuis plus de trente ans, si bien que les dispositions de l’article 672 du code civil ne peuvent s’appliquer au cas d’espèce.

Réponse de la cour

Le défaut de respect de la distance de deux mètres prescrite par l’article 671 du code civil n’est pas établi par les époux [O] à qui cette preuve incombe.

En effet, le commissaire de justice indique dans le procès-verbal de constat du 18 mai 2024 produit par les époux [O] au soutien de leurs prétentions :

‘ Avec un calcul approximatif, les arbres du voisin seraient donc situés à environ 1,76 mètre de la ligne séparative située au milieu du ru’.

Le mesurage effectué par le commissaire instrumentaire est dépourvu de toute valeur probante, en raison de son caractère approximatif, du fait qu’il n’a pas été effectué à partir de l’axe médian des troncs d’arbres (Cass.3ème civ.1er avril 2009, n°08-11.876), du fait, enfin, que les pièces versées aux débats ne permettent pas d’établir que la limite de propriété devrait être fixée au milieu du ru.

Par suite, la demande de réduction des végétaux ne peut être accueillie pour non respect des distances prescrites par l’article 671 du code civil.

S’agissant du deuxième fondement juridique invoqué – trouble anormal du voisinage- la perte d’ensoleillement invoquée n’est pas davantage établie par le plan et l’analyse d’ensoleillement, dont l’exactitude reste à démontrer, dès lors qu’elle a été réalisée par les appelants eux-mêmes et non par un expert judiciaire.

La seule mention par le commissaire de justice, dans le procès-verbal du 18 mai 2024, du fait que ‘ à 11 heures 20, alors que le soleil est presque au zénith, une partie de la pelouse et les cordes à linge (des époux [O]) sont toujours ombragées’, est insuffisante pour caractériser la perte d’ensoleillement et partant le trouble anormal du voisinage dont les appelants entendent se prévaloir.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté les époux [O] de leur demande d’élagage.

III) Sur la demande de dommages et intérêts des époux [L] pour résistance abusive

Moyens des parties

Les époux [L] reprochent au premier juge de les avoir déboutés de leur demande de dommages et intérêts et renouvellent cette demande à hauteur de cour, en faisant valoir que les époux [O] persistent à ne pas entretenir leurs végétaux.

Les époux [O] concluent à la confirmation du débouté en s’appropriant la motivation du premier juge qui a rejeté la demande, motif pris de ce que les époux [O] ont fait abattre plusieurs arbres et de ce que le litige a commencé en période de crise sanitaire, ce qui a eu pour effet d’entraver l’intervention des entreprises.

Réponse de la cour

En considération du fait que les époux [O] ont fait abattre la totalité des arbres situés à moins de deux mètres de la limite séparative des fonds, leur résistance ne peut être qualifiée d’abusive, si bien que le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a débouté les époux [L] de leur demande de dommages et intérêts.

IV) Sur les dépens

Les époux [O], qui succombent pour l’essentiel, seront condamnés aux dépens de la procédure d’appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles non compris dans ces mêmes dépens étant, par ailleurs, confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celle ayant ordonné à M. et Mme [O] de faire procéder à l’arrachage du noisetier de plus de deux mètres planté à onze centimètres de la limite séparative sur leur terrain, du conifère de quatre mètres de hauteur planté à 13 centimètres et du forsythia planté à 42 centimètres de la limite séparative;

Statuant à nouveau du seul chef infirmé

Déboute M. [P] [L] et Mme [U] [Y], épouse [L], de leur demande visant à voir condamner sous astreinte M. [Z] [O] et Mme [H] [O] à faire procéder à l’arrachage du noisetier de plus de deux mètres planté à onze centimètres de la limite séparative sur leur terrain, du conifère de quatre mètres de hauteur planté à 13 centimètres du forsythia planté à 42 centimètres de la limite séparative ;

Déboute M. [Z] [O] et Mme [H] [O] de leurs demandes ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [Z] [O] et Mme [H] [O] à payer à M. [P] [L] et Mme [U] [Y], épouse [L] une indemnité de 2 000 euros ;

Condamne in solidum M. [Z] [O] et Mme [H] [O] aux dépens de la procédure d’appel.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Gaëlle RULLIER, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière placée Le Président


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