Associée à une similitude visuelle et phonétique relativement faible, la très nette différence conceptuelle confère aux signes Ecusson et Lecurson en présence une impression d’ensemble bien distincte, étant par ailleurs relevé que le caractère arbitraire du mot ECUSSON confère à la marque antérieure une forte distinctivité par rapport aux produits similaires ou identiques désignés par les deux signes en présence.
Caducité de l’acte de recoursL’article R. 411-26 du code de la propriété intellectuelle stipule que la signification de l’acte de recours doit être effectuée dans le mois suivant l’avis du greffe, à peine de caducité. En l’espèce, la société Eclor boissons a respecté ce délai en signifiant l’acte le 28 novembre 2022, conformément à l’avis du greffe du 31 octobre 2022. La caducité de l’acte de recours ne peut donc être retenue, car la signification a été effectuée dans le délai requis, ce qui est en accord avec les dispositions légales en vigueur. Nullité de la déclaration de recoursLa nullité de l’acte de recours est régie par l’article 562 du code de procédure civile, qui impose que l’acte mentionne les chefs critiqués de la décision contestée. La société Nanjing Mizan a soutenu que l’acte de recours ne respectait pas cette exigence. Cependant, l’article R. 411-25 du code de la propriété intellectuelle précise que les mentions requises pour un recours contre une décision de l’INPI ne comprennent pas les chefs de la décision critiqués. Ainsi, la demande de nullité est déclarée irrecevable, car l’acte de recours a été formé conformément aux exigences spécifiques de la procédure applicable. Risque de confusion entre les marquesL’article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle interdit l’enregistrement d’une marque qui porte atteinte à des droits antérieurs, notamment lorsqu’elle est identique ou similaire à une marque antérieure pour des produits similaires, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. Dans cette affaire, bien que les produits désignés par les marques soient similaires, la cour a constaté que les signes en présence, Lecurson et ECUSSON, présentent une similitude visuelle et phonétique relativement faible, ainsi qu’une différence conceptuelle marquée. Cette analyse a conduit à la conclusion qu’il n’existe pas de risque de confusion, ce qui justifie le rejet de la demande d’annulation de la décision de l’INPI. Conséquences procéduralesL’article 74 du code de procédure civile impose que les exceptions soient soulevées avant toute défense au fond. La société Nanjing Mizan n’ayant pas soulevé l’exception de nullité de l’acte de recours avant de présenter sa défense au fond, cette exception est déclarée irrecevable. De plus, l’article R. 411-20 du code de la propriété intellectuelle indique que les recours contre les décisions de l’INPI sont formés et jugés conformément aux dispositions du code de procédure civile, sauf dispositions particulières. Cela renforce la légitimité de la procédure suivie dans cette affaire. |
L’Essentiel : L’article R. 411-26 du code de la propriété intellectuelle stipule que la signification de l’acte de recours doit être effectuée dans le mois suivant l’avis du greffe, à peine de caducité. En l’espèce, la société Eclor boissons a respecté ce délai en signifiant l’acte le 28 novembre 2022. La caducité de l’acte de recours ne peut donc être retenue, car la signification a été effectuée dans le délai requis, ce qui est en accord avec les dispositions légales en vigueur.
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Résumé de l’affaire : Résumé des faits de l’affaire
La société Nanjing Mizan international trading co., ltd a déposé une demande d’enregistrement pour la marque verbale « Lecurson » le 28 octobre 2021, visant divers produits alcoolisés. En réponse, la société Eclor boissons a formé opposition à cet enregistrement, invoquant sa propre marque de l’Union européenne « ECUSSON », enregistrée en 2012 pour des boissons alcooliques. Le 22 août 2022, le directeur général de l’INPI a rejeté l’opposition, estimant qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les deux marques. En conséquence, la société Eclor boissons a introduit un recours en annulation de cette décision, signifiant l’acte de recours à la société Nanjing Mizan le 28 novembre 2022. La société Nanjing Mizan a constitué avocat et a contesté la recevabilité du recours, arguant que l’acte était caduc et, subsidiairement, nul. Elle a également demandé la confirmation de la décision de l’INPI et la condamnation de la société Eclor boissons à lui verser des frais. En réponse, la société Eclor boissons a soutenu que l’acte de recours était valide et a demandé le rejet des demandes de la société Nanjing Mizan. L’INPI a confirmé sa position, indiquant que les différences entre les marques neutralisaient les similitudes. Sur le fond, la cour a examiné les similitudes et différences entre les marques. Bien que les produits soient similaires, la cour a noté que les marques différaient visuellement et phonétiquement, et que la marque antérieure avait une forte distinctivité. En conséquence, la cour a conclu qu’il n’existait pas de risque de confusion et a rejeté la demande d’annulation de la décision de l’INPI, condamnant la société Eclor boissons aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement de la caducité de l’acte de recours ?La société Nanjing Mizan soutient que l’acte de recours est caduc, car la société Eclor boissons ne l’a pas signifié dans le délai d’un mois suivant l’avis du greffe. La société Eclor boissons, quant à elle, affirme que l’acte de recours n’est pas caduc, en se basant sur l’article R. 411-26 du code de la propriété intellectuelle, qui stipule : « Le greffier adresse sans délai à toutes les parties auxquelles la décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle a été notifiée, par lettre simple, un exemplaire de l’acte de recours avec l’indication de l’obligation de constituer avocat. En cas de retour au greffe de la lettre de notification ou lorsque le défendeur n’a pas constitué avocat dans un délai d’un mois à compter de l’envoi de la lettre de notification, le greffier en avise l’avocat du requérant afin que celui-ci procède par voie de signification de l’acte de recours. A peine de caducité de l’acte de recours relevée d’office, la signification doit être effectuée dans le mois de l’avis adressé par le greffe ; cependant, si, entre-temps, le défendeur a constitué avocat avant la signification de l’acte de recours, il est procédé par voie de notification à son avocat. » Dans cette affaire, le greffier a bien adressé un avis à la société Eclor boissons le 31 octobre 2022, et celle-ci a signifié l’acte le 28 novembre 2022, respectant ainsi le délai requis. Quel est le fondement de la nullité de la déclaration de recours ?La société Nanjing Mizan soutient que l’acte de recours est nul, en invoquant l’article 562 du code de procédure civile, qui précise que l’acte de recours doit mentionner les chefs critiqués de la décision de l’INPI. La société Eclor boissons rétorque que cette demande en nullité est irrecevable, conformément à l’article 74 du code de procédure civile, qui stipule : « Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. » En présentant cette exception de nullité après avoir soulevé la caducité, la société Nanjing Mizan n’a pas respecté cette exigence, rendant sa demande irrecevable. De plus, l’article R. 411-20 du code de la propriété intellectuelle indique que les recours sont formés conformément aux dispositions du code de procédure civile, mais l’article R. 411-25 précise que les mentions requises pour l’acte de recours ne comprennent pas les chefs de la décision critiqués. Ainsi, la demande de nullité sera déclarée irrecevable. Quel est le critère d’appréciation du risque de confusion entre les marques ?L’article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle énonce que : « Ne peut être valablement enregistrée une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment : 1° Une marque antérieure : […] b) Lorsqu’elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu’elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association avec la marque antérieure. » Dans cette affaire, la marque antérieure ECUSSON est enregistrée pour des « boissons alcooliques (à l’exception des bières) », tandis que la marque Lecurson vise des produits similaires, notamment des « vins » et des « spiritueux ». La cour a constaté que, bien que les produits soient similaires, la comparaison des marques révèle une structure identique, mais avec des différences visuelles et phonétiques notables. Les six lettres communes dans le même ordre créent une sonorité proche, mais la lettre d’attaque et la lettre R placée différemment atténuent cette similitude. En outre, la marque antérieure a un sens clair et distinctif, tandis que le signe contesté est un nom de fantaisie sans signification. Cette différence conceptuelle, associée à une faible similitude visuelle et phonétique, conduit à conclure qu’il n’existe pas de risque de confusion dans l’esprit du public. Quel est le sort des demandes d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ?La société Nanjing Mizan demande une indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui prévoit que : « La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Cependant, la cour a décidé qu’il n’y a pas lieu de faire application de cet article au profit de l’une ou l’autre des parties, ce qui signifie qu’aucune indemnisation ne sera accordée. La cour a également condamné la société Eclor boissons aux dépens d’appel, conformément aux règles de procédure civile, sans allouer de frais supplémentaires au titre de l’article 700. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 3CE
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 29 JANVIER 2025
N° RG 22/05822 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VNMR
AFFAIRE :
S.A. ECLOR BOISSONS
C/
Société NANJING MIZAN INTERNATIONAL TRADING CO LTD
LE DIRECTEUR DE L’I.N.P.I.
Décision déférée à la cour : Décision rendue le 22 Août 2022 par l’Institut National de la Propriété Industrielle (N° : OP22-0252)
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Oriane DONTOT
Me Stéphanie ARENA
INPI
Ministère Public
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. ECLOR BOISSONS – RCS Rennes n° 808 860 316 – [Adresse 2] [Localité 3]
Représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Flora DONAUD substituant à l’audience Me Pierre GREFFE, Plaidant, avocat au barreau de Paris
REQUERANT
Société NANJING MIZAN INTERNATIONAL TRADING CO LTD
[Adresse 6], [Localité 5] Province CHINE
Représentée par Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637 et Me Yaotian CHAI, Plaidant, avocat au barreau de Paris
APPELEE EN CAUSE
Monsieur LE DIRECTEUR DE L’I.N.P.I.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Mme [J] [L], chargée de mission
AUTRE PARTIE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 26 novembre 2024, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés devant Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT
En présence du ministère public à qui le dossier a été préalablement soumis et représenté par M. Fabien BONAN, Avocat général, qui a présenté des observations écrites le 30 août 2023.
La société Nanjing Mizan international trading co., ltd (« la société Nanjing Mizan ») a déposé la demande d’enregistrement n° 214812377du 28 octobre 2021 de la marque verbale Lecurson désignant ‘ suite à régularisation proposée par l’INPI et acceptée par la titulaire ‘ les produits suivants : « Vins ; cocktails ; extraits de fruits avec alcool ; spiritueux ; saké ; Baijiu [boisson chinoise d’alcool distillé] ; vodka ; boissons alcoolisées à l’exception des bières ; boissons alcoolisées contenant des fruits ; vins effervescents légers ».
La société Eclor boissons a formé opposition à l’enregistrement de cette marque sur la base de sa marque de l’Union européenne n° 011152022, ECUSSON, déposée le 30 août 2012 et désignant des « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ; cidres, calvados, poiré, pommeau ».
Par décision du 22 août 2022, le directeur général de l’INPI (« l’INPI ») a rejeté l’opposition, en l’absence de risque de confusion.
Par actes des 15 et 20 septembre 2022 (RG 22/5768 et 22/5822), la société Eclor boissons a formé un recours en annulation de cette décision. Les deux procédures ont été jointes le 27 juin 2023 pour se poursuivre sous le n° RG 22/5822.
L’acte de recours a fait l’objet d’une signification à la société Nanjing Mizan le 28 novembre 2022.
Par conclusions remises au greffe par RPVA le 8 décembre 2022 et signifiées à la société Nanjing Mizan le 19 décembre 2022, la société Eclor boissons demande à la cour d’annuler la décision de l’INPI du 22 août 2022.
La société Nanjing Mizan a constitué avocat le 1er août 2023 et, par conclusions d’incident et conclusions au fond, remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 septembre 2023, elle demande :
– sur l’incident, de juger que « la déclaration d’appel » (sic) litigieuse est caduque, subsidiairement qu’elle est nulle, et, en conséquence, de juger que les conclusions de la société Eclor boissons sont irrecevables, en tout état de cause, de condamner la société Eclor boissons à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– sur le fond, de confirmer la décision de l’INPI et, en tout état de cause, de condamner la société Eclor boissons à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 12 octobre 2023 en réponse sur incident, la société Eclor boissons demande de voir déclarer la demande en nullité irrecevable et mal fondée, de débouter la société Nanjing Mizan de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par observations reçues au greffe le 17 juillet 2023, l’INPI confirme sa position, les différences conceptuelles entre les signes étant de nature à neutraliser les éventuelles similitudes visuelles et phonétiques et à écarter tout risque de confusion.
Par avis du 30 août 2023, le ministère public préconise que la cour rejette le recours, le risque de confusion n’étant pas démontré, les deux signes en cause se distinguant nettement.
Sur la caducité de l’acte de recours :
La société Nanjing Mizan soutient que l’acte de recours est caduc au motif que la société Eclor boissons ne l’a pas signifié dans le mois de l’avis du greffe d’avoir à le signifier.
La société Eclor boissons soutient que l’acte de recours n’est pas caduc faisant valoir que l’avis du greffe est du 31 octobre 2022 et qu’elle a signifié l’acte le 28 novembre 2022, dans le délai requis.
Selon l’article R. 411-26 du code de la propriété intellectuelle :
« Le greffier adresse sans délai à toutes les parties auxquelles la décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle a été notifiée, par lettre simple, un exemplaire de l’acte de recours avec l’indication de l’obligation de constituer avocat.
En cas de retour au greffe de la lettre de notification ou lorsque le défendeur n’a pas constitué avocat dans un délai d’un mois à compter de l’envoi de la lettre de notification, le greffier en avise l’avocat du requérant afin que celui-ci procède par voie de signification de l’acte de recours.
A peine de caducité de l’acte de recours relevée d’office, la signification doit être effectuée dans le mois de l’avis adressé par le greffe ; cependant, si, entre-temps, le défendeur a constitué avocat avant la signification de l’acte de recours, il est procédé par voie de notification à son avocat. »
Le greffier a adressé à la société Eclor boissons un avis d’avoir à signifier l’acte de recours à la société Nanjing Mizan, non constituée, le 31 octobre 2022.
Le 28 novembre 2022, le commissaire de justice mandaté par la société Eclor boissons a adressé, par lettre recommandée avec accusé de réception, aux autorités chinoises compétentes une demande de signification de l’acte de recours et sa traduction et le formulaire prévu par la convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale.
La société Eclor boissons a ainsi procédé aux formalités de signification de l’acte d’appel à la société Nanjing Mizan domiciliée en Chine dans le délai d’un mois requis expirant le 30 novembre 2022.
Sur la nullité de la déclaration de recours :
A titre subsidiaire, la société Nanjing Mizan soutient que l’acte de recours est nul. Invoquant l’article 562 du code de procédure civile, elle fait valoir que l’acte de recours ne mentionne ni les chefs critiqués de la décision de l’INPI ni qu’il tend à l’annulation de la décision, que l’effet dévolutif n’a pas joué et que l’acte est ainsi entaché d’un vice de forme non remédié dans le délai d’appel.
La société Eclor boissons soutient que la demande en nullité est irrecevable faute d’avoir été soulevée in limine litis conformément à l’article 74 du code de procédure civile. Elle observe en outre que, selon les articles R. 411-19 et L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, le recours contre une décision d’opposition rendue par l’INPI est un recours en annulation, par définition dépourvu d’effet dévolutif, et qu’il est par conséquent sans incidence que les chefs de dispositif critiqués ne soient pas expressément mentionnés.
Aux termes de l’article 74 du code de procédure civile, « les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ».
En présentant à titre subsidiaire, après avoir soulevé la caducité de l’acte de recours, une exception de nullité de l’acte de recours, la société Nanjing Mizan n’a pas soulevé cette exception de procédure avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir de sorte que sa demande n’est pas recevable.
La cour observe en outre que l’article R. 411-20 du code de la propriété intellectuelle dispose que « sous réserve des dispositions particulières de la présente section, les recours mentionnés à l’article R. 411-19 sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de procédure civile » et que l’article R. 411-25 définit les mentions que l’acte de recours doit contenir parmi lesquelles ne figurent pas les chefs de la décision critiqués ni la précision qu’il s’agit le cas échéant d’un recours en annulation. L’article R. 411-25 étant une disposition particulière, l’article 901 du code de procédure civile, qui énonce les mentions qu’une déclaration d’appel doit contenir à peine de nullité, n’est pas applicable à la procédure de recours formé à l’encontre d’une décision de l’INPI. Enfin, comme le fait observer la requérante, le recours formé contre une décision de l’INPI statuant sur une opposition est, en application des articles L. 411-4 et R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle, un recours en annulation dépourvu de tout effet dévolutif.
La demande de nullité sera déclarée irrecevable.
Sur le fond :
L’article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que « ne peut être valablement enregistrée [‘] une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment: 1° Une marque antérieure : [‘] b) Lorsqu’elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu’elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association avec la marque antérieure ».
La marque antérieure ECUSSON a été enregistrée pour les produits suivants : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ; cidres, calvados, poiré, pommeau ».
La société Nanjing Mizan a déposé la marque verbale Lecurson pour les produits suivants : « Vins ; cocktails ; extraits de fruits avec alcool ; spiritueux ; saké ; Baijiu [boisson chinoise d’alcool distillé] ; vodka ; boissons alcoolisées à l’exception des bières ; boissons alcoolisées contenant des fruits ; vins effervescents légers ».
La société Nanjing Mizan ne conteste pas que les produits désignés par la marque Lecurson sont « similaires » à ceux de la marque antérieure.
Mais, comme le relève la société Eclor boissons et comme l’a estimé l’INPI, certains d’entre eux sont en outre identiques. En effet la marque antérieure vise les boissons alcooliques à l’exception des bières quand le signe contesté vise les boissons alcoolisées à l’exception des bières, ce qui correspond à une parfaite identité.
Il ressort de leur comparaison que la marque antérieure et le signe contesté ont une structure identique, chacun ayant trois syllabes et pratiquement le même nombre de lettres (sept pour la marque antérieure et huit pour le signe contesté) dont six sont communes et placées dans le même ordre : E, C, U, S, O, N.
Cette structure identique est néanmoins visuellement atténuée par la lettre d’attaque (Le pour le signe contesté, E pour la marque antérieure) et les lettres R et S placées respectivement à la fin de la deuxième syllabe (-CUR pour le signe contesté, -CUS pour la marque antérieure).
De même, phonétiquement, si les six lettres communes placées dans le même ordre leur donnent une sonorité et un tempo proches, la lettre L placée en attaque et la lettre R placée entre les lettres U et S dans le seul signe Lecurson différencient les deux signes sur ce plan phonétique.
L’impression d’ensemble, visuelle et phonétique, présente ainsi une similitude relativement faible.
En revanche, les deux signes en présence sont conceptuellement différents. La marque antérieure, qui reprend un nom commun de la langue française, a un sens clair immédiatement perceptible par le public et un caractère arbitraire tandis que le signe contesté est un signe de fantaisie sans signification mais pouvant évoquer un nom patronymique.
Associée à une similitude visuelle et phonétique relativement faible, cette très nette différence conceptuelle confère aux deux signes en présence une impression d’ensemble bien distincte, étant par ailleurs relevé que le caractère arbitraire du mot ECUSSON confère à la marque antérieure une forte distinctivité par rapport aux produits similaires ou identiques désignés par les deux signes en présence.
Même si ces produits similaires ou, pour certains, identiques sont destinés non au consommateur averti mais au grand public composé de consommateurs d’attention moyenne, la société Eclor boissons observant à juste titre que ces consommateurs n’ont pas la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doivent se fier à leur mémoire, compte tenu de la faible similitude entre les signes constatée ci-avant, il n’existe pas de risque de confusion dans l’esprit du public, lequel, qu’il soit d’attention moyenne ou averti, ne pourra ni confondre les marques ni percevoir dans la marque contestée une déclinaison de la marque antérieure ou une origine commune avec cette dernière.
Il ne sera donc pas fait droit à la demande d’annulation de la décision de l’INPI.
La société Eclor boissons sera condamnée aux dépens.
Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Rejette la demande de caducité de l’acte de recours formée par la société Nanjing Mizan international trading co ;
Déclare irrecevable la demande de nullité de l’acte de recours formée par la société Nanjing Mizan international trading co ;
Rejette la demande d’annulation de la décision du directeur de l’INPI n° OP22-0252 du 22 août 2022 statuant sur l’opposition de la société Eclor boissons ;
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Eclor boissons aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente
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