Clarification des relations contractuelles entre avocats et clients

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Clarification des relations contractuelles entre avocats et clients

L’existence d’un mandat entre un client et un avocat peut être établie par des éléments de preuve, même en l’absence d’un écrit formel, conformément à l’article 1985 du Code civil, qui stipule que le mandat peut être donné par acte authentique, acte sous seing privé, verbalement, ou par l’exécution de la mission par le mandataire. La preuve du mandat doit répondre aux exigences des articles 1353 et suivants du Code civil, qui imposent que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. En l’espèce, la période allant du 4 avril 2013 au 1er mai 2016 a été marquée par l’intervention de la Selas [12] dans la défense des intérêts de M. [L] et de la Sarl, bien que les parties aient contesté la qualification de cette intervention.

Les articles 1359 et 1362 du Code civil précisent que les actes juridiques portant sur des sommes excédant 5.000 euros doivent être prouvés par écrit, mais qu’un commencement de preuve par écrit peut suffire, corroboré par d’autres éléments de preuve. Dans cette affaire, des courriels et courriers échangés entre les parties, ainsi que des déclarations faites devant le Bâtonnier, ont été considérés comme des commencements de preuve par écrit, établissant ainsi l’existence d’un mandat tacite entre la Selas [12] et M. [L] et la Sarl pour la période précitée.

Concernant la période du 2 mai au 18 juillet 2016, la convention d’honoraires signée par toutes les parties a formalisé le mandat, établissant ainsi que la Selas [12] était liée à M. [L] et à la Sarl. L’absence de contestation de la Selas [12] sur les faits ayant mis fin à son obligation avant le 18 juillet 2016 a également contribué à établir la preuve de ce mandat.

En ce qui concerne la résistance abusive, l’article 32-1 du Code de procédure civile permet de condamner une partie à une amende civile pour des actions dilatoires ou abusives. Toutefois, il a été jugé que M. [H] n’a pas réussi à prouver l’attitude malicieuse de la Selas [12], ce qui a conduit à débouter sa demande.

Enfin, l’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour les frais exposés. Dans cette affaire, la Selas [12] a été condamnée à verser une somme à M. [H] en vertu de cet article, tandis que les demandes des autres parties ont été rejetées.

L’Essentiel : L’existence d’un mandat entre un client et un avocat peut être établie par des éléments de preuve, même sans écrit formel. La période du 4 avril 2013 au 1er mai 2016 a vu l’intervention de la Selas [12] dans la défense des intérêts de M. [L] et de la Sarl, malgré des contestations. Des courriels et déclarations ont été considérés comme des commencements de preuve, établissant un mandat tacite. La convention d’honoraires signée du 2 mai au 18 juillet 2016 a formalisé ce mandat.
Résumé de l’affaire :

Contexte de l’affaire

Le 2 mai 2016, une seconde convention d’honoraires est signée entre M. [L], la Sarl, Me [H] et la Selas [12], représentée par Me [I], dans le but d’obtenir l’annulation d’une vente réalisée le 4 août 2008.

Dessaisissement et contestation des honoraires

Le 18 juillet 2016, Me [H] et la Selas [12] informent M. [L] de leur dessaisissement. En réponse, M. [L] exprime son intention d’engager des actions en responsabilité et conteste les honoraires versés, s’élevant à 87.596,81 euros pour Me [H] et 6.666,67 euros pour la Selas [12].

Décision du Bâtonnier

Le 21 avril 2017, le Bâtonnier de [Localité 13] fixe le montant total des honoraires dus à 21.187,50 euros, répartis entre Me [H] et la Selas [12]. Il ordonne également des restitutions de sommes perçues par Me [H] et la Selas [12] à la Sarl.

Appel et renvoi au juge de droit commun

Suite à un appel, la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 21 octobre 2021, déclare que les rapports entre Me [H] et la Selas [12] ne relèvent pas de la compétence du Bâtonnier et renvoie les parties à saisir le juge de droit commun.

Assignation devant le tribunal

Le 22 juin 2022, M. [L] et la Sarl, devenue Sas [9], assignent Me [H] et la Selas [12] pour établir qu’il n’existe pas de mandat entre eux.

Demandes des parties

Dans leurs conclusions du 7 février 2023, M. [L] et la Sas [10] demandent au tribunal de juger qu’il n’existe pas de mandat et de condamner la Selas [12] à payer 2.000 euros. La Selas [12], dans ses conclusions du 13 mars 2023, conteste l’existence d’un mandat et demande des condamnations à son encontre.

Arguments de Me [H]

Me [H], dans ses conclusions du 28 mai 2023, soutient que les demandeurs ont mandaté la Selas [12] et demande des condamnations à son encontre, tout en contestant l’absence d’un écrit formel.

Examen de l’existence du mandat

Le tribunal examine l’existence d’un mandat entre les parties, en distinguant deux périodes : du 4 avril 2013 au 1er mai 2016 et du 2 mai au 18 juillet 2016. Il conclut à l’existence d’un mandat tacite durant la première période et à une obligation établie durant la seconde période.

Résistance abusive et opposabilité du jugement

Le tribunal rejette la demande de M. [H] concernant la résistance abusive de la Selas [12] et déclare que le jugement est opposable à Me [H], qui est partie à l’instance.

Décisions finales du tribunal

Le tribunal déclare que la Selas [12] est liée par un mandat à M. [L] et à la Sas [10] entre le 4 avril 2013 et le 18 juillet 2016. Il condamne la Selas [12], M. [L] et la Sas [10] aux dépens et ordonne le paiement de 5.000 euros à Me [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

L’existence du mandat

L’article 1985 du code civil dispose :

« Le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement, mais la preuve testimoniale n’en est reçue que conformément au titre « Des contrats ou des obligations conventionnelles en général ».

L’acceptation du mandat peut n’être que tacite et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire. »

La preuve du mandat est soumise aux règles générales de la preuve des conventions et doit répondre aux exigences des articles 1353 et suivants du code civil.

En l’espèce, deux périodes doivent être distinguées : la première allant du 4 avril 2013 au 1er mai 2016 et la seconde allant du 2 mai au 18 juillet 2016.

La période allant du 4 avril 2013 au 1er mai 2016, les parties s’accordent à dire que la Selas [12] est intervenue dans la défense des intérêts de M. [L] et de la Sarl à compter du mois d’avril 2013.

Elles s’opposent La qualification de cette intervention, M. [H] soutenant qu’un mandat existait entre la Selas [12] et les demandeurs, ces derniers le contestant.

Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Le mandat querellé porte sur des honoraires supérieurs à la somme de 5.000 euros. Force est de constater que M. [H] ne justifie d’aucune convention écrite liant les demandeurs à la Selas [12] avant le 2 mai 2016.

Cependant, de nombreuses pièces versées aux débats émanant de la Selas [12] rendent vraisemblable l’existence du mandat allégué par M. [H].

Ces éléments, qui émanent tous de la Selas [12], et plus précisément de Me [I], constituent des commencements de preuve par écrit.

Il convient donc de déduire de l’ensemble de ces éléments que la preuve d’un mandat tacite entre la Selas [12] d’une part et M. [L] et la Sarl d’autre part La période allant du 1er avril 2013 au 1er mai 2016 est rapportée.

La période du 2 mai au 18 juillet 2016, la convention d’honoraire signée par toutes les parties désigne au titre de « l’avocat » : la Selas [12] et Me [H] au soutien des intérêts de M. [L] et de la Sarl.

La Selas [12] ne fait état d’aucun fait susceptible de mettre fin à son obligation avant le 18 juillet 2016, date de son dessaisissement.

La preuve du mandat de la Selas [12] La seconde période considérée est donc établie.

La résistance abusive

Selon l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

En l’espèce, M. [H] ne caractérise pas l’attitude malicieuse de la Selas [12] susceptible de caractériser un abus du droit d’agir en défense.

Il convient donc de débouter M. [H] de sa demande de ce chef.

L’opposabilité du présent jugement à M. [H]

Il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande, M. [H] étant partie à la présente instance.

Les mesures de fin de jugement

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La Selas société d’avocats [12], M. [L] et la Sas [10], parties perdantes, sont condamnés aux dépens.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La Selas [12] est condamnée à payer à M. [H] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aucune demande n’est formulée de ce chef à l’encontre de M. [L] et de la Sas [10].

Il convient par ailleurs de rejeter les prétentions formulées sur ce fondement par ces derniers à l’encontre de la Selas [12] et réciproquement.

Les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile disposent que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Aucun motif ne justifie en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit du présent jugement.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

1/1/2 resp profess du drt

N° RG 22/08007
N° Portalis 352J-W-B7G-CXHKI

N° MINUTE :

Assignation du :
22 Juin 2022

JUGEMENT
rendu le 30 Octobre 2024
DEMANDEURS

Monsieur [U] [L]
[Adresse 8]
[Localité 3]

S.A.S. [9] aujourd’hui dénommée [10]
[Adresse 6]
[Localité 3]

Représentés par Maître Véronique COUTURIER-CHOLLET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0061

DÉFENDEURS

S.E.L.A.S. [14], prise en la personne de son représentant légal Maître [R] [I]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentée par Maître Isabelle HAMDACHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0084

Maître [O] [H]
[Adresse 7]
[Localité 4]

Représenté par Maître Juliette SCHWEBLIN, membre de la S.E.L.A.R.L. JENSEN & SCHWEBLIN AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R183
Décision du 30 Octobre 2024
[Adresse 1]
N° RG 22/08007 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXHKI

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame VITON, Première vice-présidente adjointe,
Présidente de formation,

Madame GUIBERT, Vice-présidente,
Madame MESSAS, Vice-présidente,
Assesseurs,

assistées de Marion CHARRIER, Greffier lors des débats et de Gilles ARCAS, Greffier lors du prononcé

DÉBATS

A l’audience du 25 Septembre 2024
tenue en audience publique

JUGEMENT

– Contradictoire
– En premier ressort
– Prononcé par mise à disposition au greffe

Suivant convention d’honoraire du 20 décembre 2011, M. [U] [L] et la Sarl [9] (ci-après Sarl), dont il assurait la gérance, ont missionné Me [O] [H], avocat, aux fins de faire annuler la vente des murs du fonds de commerce exploité par la Sarl, vente intervenue le 4 août 2008 entre les consorts [G], vendeurs, et les consorts [E], acquéreurs, auxquels s’est substituée la Sci [Adresse 11].

Par jugement du 21 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré la demande en nullité de M. [L] et de la Sarl irrecevable pour défaut de qualité à agir en tant que tiers à la vente. Sur leur appel, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Paris a, par ordonnance du 2 février 2017, prononcé la caducité de la déclaration d’appel pour défaut des formalités requises et de la signification des conclusions au soutien de la demande des appelants.

Le 2 mai 2016, une seconde convention d’honoraires est signée entre, d’une part, M. [L] et la Sarl, d’autre part, Me [H] et la Selas société d’avocats [12] (« Selas [12] »), représentée par Me [I], avocat et ancien notaire par ailleurs, aux fins, à nouveau, d’obtenir l’annulation de la vente du 4 août 2008.

Par courriers des 18 juillet 2016, Me [H] et la Selas [12] ont respectivement informé M. [L] de leur dessaisissement.

Par courrier en réponse du 26 juillet 2016 adressé à Me [H], M. [L] a exprimé son intention d’engager des actions en responsabilité et en contestation d’honoraire.

M. [L] et la Sarl ont ainsi saisi le Bâtonnier de [Localité 13] afin de contester les honoraires versés d’une part à Me [H] à hauteur de 87.596,81 euros et d’autre part à la Selas [12] à hauteur de 6.666,67 euros.

Par décision du 21 avril 2017, le Bâtonnier de [Localité 13] a notamment :
– fixé à la somme de 21.187,50 euros le montant total des honoraires dus conjointement à Me [H] et à la Selas [12] par la Sarl, respectivement à hauteur de 15.000 euros pour le premier et de 6.187,50 euros pour la seconde,
– donné acte à Me [H] de ce qu’il déclare avoir reçu, à titre d’honoraires personnels, la somme de 16.711,72 euros et à la Selas [12] de ce qu’elle déclare avoir reçu de Me [H] la somme de 60,473,33 euros, outre celle de 1.666,67 euros directement de la Sarl,
– dit, en conséquence, que Me [H] doit restituer, sur ses honoraires personnels, à la Sarl la somme de 1.711,62 euros, et sur ceux qu’il a facturés pour le compte de la Selas [12], la somme de 54.285,83 euros,
– dit que la Selas [12] doit restituer à la Sarl la somme de 6.666,67 euros,
– dit que la Selas [12] devra garantir Me [H] des sommes qu’il aura à restituer à la Sarl à concurrence de la somme de 60.469,07 euros (54.285,23+6.183,24).

Sur appel de cette décision, la cour d’appel de Paris a jugé, dans un arrêt du 21 octobre 2021, entre autres dispositions, que les rapports entre Me [H] et la Selas [12] ne relevaient pas du pouvoir d’appréciation du Bâtonnier  qu’il ne relevait pas plus de sa compétence de statuer sur l’existence d’un mandat  qu’elle renvoyait, sur ce point, les parties à saisir le juge de droit commun et que, dans cette attente, elle ordonnait un sursis à statuer.

***

C’est dans ce contexte que, par acte du 22 juin 2022, M. [L] et la Sarl devenue Sas [9] ont assigné M. [O] [H] et la Selas [12] devant ce tribunal aux fins de juger qu’il n’existe pas de mandat entre eux et la société [12].

L’ordonnance de clôture a été rendue par le juge de la mise en état le 21 septembre 2023.

***

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 7 février 2023, M. [L] et la Sas [9], aujourd’hui dénommée la Sas [10] (« Sas »), demandent au tribunal de :
juger : qu’il n’existe pas de mandat entre les demandeurs d’une part et la Selas [12] d’autre part,opposable cette décision à Me [H],condamner la Selas [12] à payer aux demandeurs la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,débouter la Selas [12] de toute demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’égard des demandeurs, dire n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Les demandeurs exposent que du 4 avril 2013, date à laquelle Me [I] déclare intervenir pour la première fois au côté de Me [H], au 2 mai 2016, il n’existe aucun mandat écrit les liant à la Selas [12] qu’ils n’étaient d’ailleurs pas informés de l’intervention de Me [I] aux côtés de leur conseil, Me [H]  que s’agissant de la convention du 2 mai 2016, celle-ci ne prévoit une intervention de Me [I] qu’au cas par cas, sans exclusivité, à la demande de Me [H] et/ou de Me [X] pour la satisfaction de leurs besoins d’assistance  qu’à ce jour, ils ne comprennent pas l’intervention de Me [I], étant précisé que M. [L] ne sait ni lire ni écrire le français.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 mars 2023, la Selas [12] demande au tribunal de :
dire qu’il n’existe pas de mandat entre elle et les demandeurs et que Me [H] est le seul avocat désigné par les demandeurs  juger la décision opposable à Me [H]  débouter les demandeurs de toutes autres demandes  les condamner, reconventionnellement, ainsi que Me [H] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle expose que l’action en nullité intentée par M. [L] et la Sarl devant le tribunal de grande instance de Paris présentait des difficultés juridiques sérieuses, raisons pour lesquelles Me [H] s’était adjoint le concours de Me [I], sans consultation préalable de M. [L]  qu’à compter du 4 avril 2013, la Selas [12] intervenait donc sur demande exclusive de Me [H], unique conseil de M. [L] et de la Sarl que jusqu’à la conclusion de la convention d’honoraire du 2 mai 2016, aucun mandat écrit ne liait la Sarl à la Selas [12] et aucune facture n’était adressée par la Selas [12] à la Sarl que la convention du 2 mai 2016 ne prévoyait qu’une simple mission d’assistance, pour laquelle la Selas [12] n’avait perçu qu’une provision d’honoraire d’un montant de 8.000 euros TTC.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 mai 2023, M. [H] demande au tribunal de :
A titre principal, sur le fondement des articles 1984, 1985, 1361 et 1362 du code civil, juger que les demandeurs ont mandaté la Selas [12] à compter du mois d’avril 2013 et débouter, en conséquence, ces parties de toutes leurs prétentions  A titre subsidiaire, renvoyer cette dernière et M. [H] devant le Bâtonnier de [Localité 13] En tout état de cause, condamner la Selas [12] à lui payer les sommes suivantes :15.000 euros pour résistance abusive, 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Il soutient, à titre principal, que l’absence d’un écrit ne fait pas obstacle à l’existence d’un mandat  qu’en l’espèce, celui-ci est établi par le rôle prépondérant joué par la Selas [12] dans la stratégie de défense adoptée et dans la rédaction des différentes conventions conclues entre les consorts [G] et la Sarl ainsi que par l’absence d’une relation de sous-traitance entre lui et la Selas [12] que la convention d’honoraire de 2016 ne fait qu’officialiser une situation préexistante. A titre subsidiaire, il expose, sur le fondement de l’article 179-1 du décret du 27 novembre 1991, que le tribunal devra renvoyer les parties à mieux se pourvoir en saisissant le Bâtonnier de [Localité 13], seul compétent pour trancher le différend qui les oppose  qu’en tout état de cause, la Selas [12] fait preuve d’acharnement et de mauvaise foi, la présente procédure étant purement dilatoire.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, dans les conditions de l’article 455 du code de procédure civile.

***

L’affaire a été examinée à l’audience publique collégiale du 25 septembre 2024 et mise en délibéré au 30 octobre 2024.

SUR CE,

Sur l’existence du mandat

L’article 1985 du code civil dispose :

« Le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement, mais la preuve testimoniale n’en est reçue que conformément au titre  » Des contrats ou des obligations conventionnelles en général « .
L’acceptation du mandat peut n’être que tacite et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire ».

La preuve du mandat est soumise aux règles générales de la preuve des conventions et doit répondre aux exigences des articles 1353 et suivants du code civil.

En l’espèce, deux périodes doivent être distinguées : la première allant du 4 avril 2013 au 1er mai 2016 et la seconde allant du 2 mai au 18 juillet 2016.

1/ Sur la période allant du 4 avril 2013 au 1er mai 2016

Les parties s’accordent à dire que la Selas [12] est intervenue dans la défense des intérêts de M. [L] et de la Sarl à compter du mois d’avril 2013. Ils s’opposent sur la qualification de cette intervention, M. [H] soutenant qu’un mandat existait entre la Selas [12] et les demandeurs, ces derniers le contestant.

Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Selon le premier alinéa de l’article 1359 du même code, l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret (5.000 euros), doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

Toutefois, selon les premiers alinéas des articles 1362 et 1363 du même code, il peut être suppléé à l’écrit par l’aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve et constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué.

En l’espèce, le mandat querellé porte sur des honoraires supérieurs à la somme de 5.000 euros. Force est de constater que M. [H] ne justifie d’aucune convention écrite liant les demandeurs à la Selas [12] avant le 2 mai 2016.

Toutefois, de nombreuses pièces versées aux débats émanant de la Selas [12] rendent vraisemblable l’existence du mandat allégué par M. [H] :
– de multiples courriels concernant le dossier de la Sarl sont adressés par M. [I] directement à M. [D], dont il n’est pas contesté qu’il était le représentant de M. [L], M. [H] placé en copie (13 et 29 septembre 2014, 16 septembre 2015). Il y est fait état de rendez-vous chez le notaire, d’échanges et d’élaboration de documents, de décisions stratégiques.
– de multiples courriels et courriers adressés à M. [H] par M. [I] établissent la proximité de ce dernier avec MM. [L] et [D] (qu’il appelle par leur prénom), son rôle moteur dans l’avancement de la procédure et dans la tenue de rencontres entreprises par lui seul, notamment à l’étranger et avec Me [X], conseil des consorts [G] (16, 21 avril, 3 mai, 29 juillet et 1er septembre 2013, 3 juin, 20 mai, 1er, 16, 25 et 26 septembre, 3, 8, 15 et 21 octobre, 30 novembre 2014, 20 mai, 10 décembre 2015, 28 avril, 1er mai 2016) 
– des courriers établis par M. [I] et adressés à Me [X] confirment l’investissement direct de la Selas [12] dans la défense des intérêts de M. [L] et de la Sarl (8 octobre 2014, 20 mai 2015).

Ces éléments, qui émanent tous de la Selas [12], et plus précisément de Me [I], constituent des commencements de preuve par écrit.

Ceux-ci sont largement corroborés par :
– les déclarations des demandeurs faites devant le Bâtonnier de [Localité 13] qui, tout en contestant la pertinence du concours de Me [I], reconnaissent l’intervention de la Selas [12] dans la gestion de leur dossier dès 2013 
– les déclarations de la Selas [12] devant le Bâtonnier de [Localité 13] qui expose que son intervention s’est faite en toute transparence à l’égard des demandeurs et que ses honoraires, facturés certes à M. [H], étaient répercutés pour paiement à la Sarl 
– l’établissement même des factures de la Selas [12], certes envoyées à M. [H], mais libellées, au titre du destinataire, à l’adresse et au nom du « [9] SARL » 
– le montant des honoraires perçus par la Selas [12] près de quatre fois supérieurs à ceux perçus par M. [H] sur la période considérée.

Il convient donc de déduire de l’ensemble de ces éléments que la preuve d’un mandat tacite entre la Selas [12] d’une part et M. [L] et la Sarl d’autre part sur la période allant du 1er avril 2013 au 1er mai 2016 est rapportée.

2/ Sur la période du 2 mai au 18 juillet 2016

La convention d’honoraire signée par toutes les parties à la présente instance le 2 mai 2016 désigne au titre de « l’avocat » : la Selas [12] et Me [H] au soutien des intérêts de M. [L] et de la Sarl.

La Selas [12] ne fait état d’aucun fait susceptible de mettre fin à son obligation avant le 18 juillet 2016, date de son dessaisissement.

La preuve du mandat de la Selas [12] sur la seconde période considérée est donc établie.

Sur la résistance abusive

Selon l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

En l’espèce, M. [H] ne caractérise pas l’attitude malicieuse de la Selas [12] susceptible de caractériser un abus du droit d’agir en défense.

Il convient donc de débouter M. [H] de sa demande de ce chef.

Sur l’opposabilité du présent jugement à M. [H]

Il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande, M. [H] étant partie à la présente instance.

Sur les mesures de fin de jugement

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La Selas société d’avocats [12], M. [L] et la Sas [10], parties perdantes, sont condamnés aux dépens.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

La Selas [12] est condamnée à payer à M. [H] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Aucune demande n’est formulée de ce chef à l’encontre de M. [L] et de la Sas [10].

Il convient par ailleurs de rejeter les prétentions formulées sur ce fondement par ces derniers à l’encontre de la Selas [12] et réciproquement.

Les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile disposent que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.

Aucun motif ne justifie en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit du présent jugement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DIT que la Selas société d’avocats [12] est liée par un mandat à M. [L] et à la Sas [10] du 4 avril 2013 au 18 juillet 2016,

CONDAMNE la Selas société d’avocats [12], M. [L] et la Sas [10] aux dépens,

CONDAMNE la Selas société d’avocats [12] à payer à M. [O] [H] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes.

Fait et jugé à Paris le 30 Octobre 2024

Le Greffier La Présidente
Gilles ARCAS Cécile VITON


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