Vrai faux contrat d’édition et destruction des supports

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Vrai faux contrat d’édition et destruction des supports

Un contrat d’édition en partenariat, ne peut être qualifié de contrat d’édition, tel que défini par l’article L 132-1 du code de la propriété intellectuelle si aux termes du contrat, l’éditeur (Le Cherche Midi Editeur) est uniquement chargé d’assurer la fabrication et la diffusion du livre à partir de la maquette fournie par son client (la Fondation Neva) qui assure un suivi des étapes de production et qu’il est stipulé que « l’ensemble du copyright reste la propriété intellectuelle de la Fondation Neva ».

Par ailleurs, si le contrat ne stipule aucune disposition sur le pilonnage des livres, l’éditeur est mal fondé à invoquer les usages en matière d’édition pour en justifier alors que le contrat liant les parties ne peut être qualifié, de contrat d’édition (l’éditeur n’était pas titulaire des droits patrimoniaux d’auteur sur l’ouvrage mais uniquement chargée de sa commercialisation). Si la résiliation du contrat décharge l’éditeur de son obligation de conserver le stock, en l’absence d’accord de son client, il ne peut procéder à la destruction des ouvrages, propriété du client.

Règle de droit applicable

La question centrale de cette affaire repose sur l’exécution des obligations contractuelles, notamment en matière de promotion et de commercialisation d’un ouvrage, ainsi que sur la responsabilité en cas d’erreur d’impression.

L’article 1134 du Code civil, dans sa version applicable, stipule que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » et qu’elles doivent être exécutées de bonne foi. Cela implique que chaque partie doit respecter les engagements pris dans le contrat, en l’occurrence, la société Le Cherche Midi Éditeur devait assurer la promotion de l’ouvrage en collaboration avec la Fondation Neva, conformément aux stipulations contractuelles.

Obligation de promotion

L’article 7 du contrat stipule que « Le Cherche Midi Éditeur organisera la communication et la promotion de l’ouvrage en collaboration avec la Fondation Neva ». Cette obligation de collaboration implique que l’éditeur doit non seulement promouvoir l’ouvrage, mais aussi le faire en concertation avec la Fondation, ce qui a été contesté par cette dernière.

La cour a constaté que la société Le Cherche Midi Éditeur avait effectivement exécuté ses obligations de promotion, en justifiant des actions menées et des échanges avec la Fondation Neva, ce qui a conduit à un rejet des demandes de dommages et intérêts de cette dernière.

Erreur d’impression et responsabilité

Concernant l’erreur d’impression, l’article 4 du contrat impose une double validation par la Fondation Neva des étapes de production, y compris le bon à tirer. La cour a jugé que la Fondation Neva, en ayant signé le bon à tirer, ne pouvait pas reprocher à l’éditeur l’erreur d’impression, car elle n’a pas prouvé que la version validée était différente de celle imprimée.

L’article 1147 du Code civil précise que le débiteur est condamné au paiement de dommages et intérêts en cas d’inexécution de l’obligation, sauf s’il prouve que l’inexécution provient d’une cause étrangère. En l’espèce, la Fondation Neva n’a pas pu établir que l’éditeur avait commis une faute dans la gestion de l’impression.

Pilonnage des ouvrages

La question du pilonnage des ouvrages a également été soulevée. Le contrat ne prévoyait pas explicitement la possibilité de pilonner les livres, et la société Le Cherche Midi Éditeur n’était pas titulaire des droits patrimoniaux d’auteur, mais seulement chargée de la commercialisation.

L’absence de disposition contractuelle sur le pilonnage a conduit la cour à conclure que la destruction des ouvrages, sans accord préalable de la Fondation Neva, constituait une violation des droits de propriété intellectuelle de cette dernière, en vertu des articles 1134 et 1147 du Code civil.

Indemnisation et préjudice

La Fondation Neva a demandé des dommages et intérêts pour le préjudice subi, en se basant sur l’article 1149 du Code civil, qui stipule que les dommages et intérêts dus au créancier sont en général de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.

Cependant, la cour a estimé que le préjudice allégué par la Fondation Neva n’était pas justifié, notamment en ce qui concerne les ouvrages pilonnés, car elle n’a pas prouvé qu’elle aurait pu les commercialiser avec succès après la résiliation du contrat.

Frais internes et validation des coûts

La contestation des frais internes facturés par la société Le Cherche Midi Éditeur a également été examinée. L’absence de validation préalable des coûts par la Fondation Neva ne l’autorisait pas à se dispenser du paiement des prestations réellement effectuées, conformément aux stipulations contractuelles.

L’article 2 du contrat précise que l’ouvrage est réalisé sous la direction de l’éditeur, impliquant que les frais engagés pour la coordination éditoriale et le suivi de fabrication sont dus, sauf preuve du contraire par la Fondation Neva.

Ainsi, la cour a jugé que la Fondation Neva était redevable de certains frais, tout en rejetant d’autres qui n’étaient pas justifiés.

L’Essentiel : La question centrale de cette affaire repose sur l’exécution des obligations contractuelles, notamment en matière de promotion et de commercialisation d’un ouvrage, ainsi que sur la responsabilité en cas d’erreur d’impression. L’article 7 du contrat stipule que « Le Cherche Midi Éditeur organisera la communication et la promotion de l’ouvrage en collaboration avec la Fondation Neva ». La cour a constaté que la société avait exécuté ses obligations de promotion, justifiant des actions menées et des échanges avec la Fondation Neva.
Résumé de l’affaire : L’affaire opposant une fondation de droit suisse, ayant pour mission de promouvoir la culture, à une société d’édition française, concerne la publication d’un ouvrage sur les monastères orthodoxes russes. En avril 2014, la fondation a signé un contrat avec la société d’édition pour la réalisation d’un livre, stipulant que la fondation conserverait les droits d’auteur et que l’éditeur s’engageait à produire un tirage de 3 000 exemplaires pour un budget total de 320 000 euros HT.

Après la publication de l’ouvrage, des problèmes sont survenus, notamment une mauvaise reproduction du logo de la fondation sur 1 500 exemplaires, entraînant leur destruction et réimpression. En avril 2015, la société d’édition a facturé à la fondation le solde restant dû, mais celle-ci a contesté le paiement, arguant que certaines sommes n’étaient pas contractuellement justifiées. En conséquence, la société d’édition a résilié le contrat et a procédé à la destruction de 1 394 exemplaires, ce qui a conduit la fondation à saisir le tribunal.

Le tribunal judiciaire de Paris, par jugement du 17 juin 2021, a rejeté les demandes de la fondation et l’a condamnée à payer un montant de 90 748 euros à la société d’édition, en plus des dépens. La fondation a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de ses droits, notamment en ce qui concerne les dommages et intérêts pour manquements contractuels de l’éditeur.

En appel, la cour a examiné la recevabilité des demandes de la fondation et a constaté que certaines d’entre elles étaient fondées sur des manquements contractuels. Finalement, la cour a partiellement accueilli les demandes de la fondation, condamnant la société d’édition à lui verser 6 107,23 euros, tout en déboutant les parties de leurs autres demandes. La société d’édition a également été condamnée aux dépens et à indemniser la fondation pour les frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique des demandes de la Fondation Neva concernant la réimpression des ouvrages ?

La Fondation Neva conteste le paiement de la somme de 29 690 euros au titre de la réimpression de 1 500 ouvrages, en raison d’une erreur sur le logo. Elle soutient que cette réimpression n’a pas été validée, ce qui constituerait une violation des stipulations contractuelles.

Selon l’article 6 du contrat, il est stipulé que « le solde (troisième tiers) sera réglé après décompte de l’ensemble de nos factures détaillées des travaux chiffrés préalablement validés par la Fondation Neva ».

Ainsi, la Fondation Neva argue que l’absence de validation de cette réimpression par ses soins l’exonère de toute obligation de paiement.

Cependant, la société Le Cherche Midi Editeur fait valoir que la Fondation Neva a donné son accord pour la réimpression, et qu’elle ne conteste pas le montant facturé.

Il en résulte que, bien que la Fondation Neva ait invoqué l’absence de validation, elle a effectivement accepté la réimpression, ce qui la rend redevable de la somme de 29 690 euros.

Quel est le cadre juridique de l’obligation de promotion de l’ouvrage par la société Le Cherche Midi Editeur ?

La Fondation Neva reproche à la société Le Cherche Midi Editeur de ne pas avoir respecté son obligation de promotion de l’ouvrage, stipulée dans l’article 7 du contrat, qui précise que « Le Cherche Midi Editeur organisera la communication et la promotion de l’ouvrage en collaboration avec la Fondation Neva ».

La société Le Cherche Midi Editeur, de son côté, soutient avoir respecté ses obligations, en ayant organisé des actions de promotion en concertation avec la Fondation Neva.

Les échanges entre les parties, ainsi que les actions de communication et de promotion, sont documentés dans des courriels et lettres échangées entre avril et novembre 2014.

La cour a constaté que la Fondation Neva a été associée aux opérations de promotion, notamment lors de la soirée de lancement, et a validé les supports de communication.

Ainsi, la cour a jugé que la société Le Cherche Midi Editeur avait exécuté son obligation de promotion, et la Fondation Neva a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Quel est le régime juridique applicable aux dommages et intérêts en cas d’inexécution contractuelle ?

La Fondation Neva demande des dommages et intérêts en raison de l’inexécution des obligations contractuelles par la société Le Cherche Midi Editeur.

En vertu de l’article 1147 du code civil, « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée ».

De plus, l’article 1149 du code civil précise que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé ».

Dans le cas présent, la Fondation Neva a tenté de prouver qu’elle avait subi un préjudice en raison de l’inexécution des obligations de l’éditeur.

Cependant, la cour a constaté que la Fondation Neva ne justifiait pas d’un préjudice direct et certain résultant des manquements allégués, ce qui a conduit à débouter la Fondation de ses demandes de dommages et intérêts.

Quel est le statut juridique des ouvrages pilonnés par la société Le Cherche Midi Editeur ?

La Fondation Neva conteste la légitimité du pilonnage de 1 394 exemplaires de l’ouvrage par la société Le Cherche Midi Editeur, arguant que le contrat ne prévoyait pas cette possibilité.

La société Le Cherche Midi Editeur, quant à elle, justifie le pilonnage par le coût de stockage des livres, qui excédait les chances de gain en cas de vente.

Il est établi que le contrat ne contenait aucune disposition sur le pilonnage des livres, et que la société Le Cherche Midi Editeur n’était pas titulaire des droits patrimoniaux d’auteur sur l’ouvrage, mais uniquement chargée de sa commercialisation.

En vertu de l’article 1147 du code civil, l’éditeur est responsable de l’inexécution de ses obligations, et la Fondation Neva a droit à réparation pour le préjudice subi.

La cour a donc jugé que la société Le Cherche Midi Editeur ne pouvait procéder à la destruction des ouvrages sans l’accord de la Fondation Neva, ce qui a conduit à la reconnaissance d’un préjudice pour la Fondation.

Quel est le principe de la compensation des créances entre les parties ?

La compensation des créances entre les parties est régie par les articles 1289 et suivants du code civil.

L’article 1289 dispose que « la compensation a lieu entre deux créances qui sont toutes deux liquides et exigibles ».

Dans le cadre de ce litige, la cour a constaté que la Fondation Neva devait à la société Le Cherche Midi Editeur une somme de 241 528,25 euros, correspondant aux coûts externes, ainsi que 33 000 euros au titre de la facture du 14 avril 2015.

De l’autre côté, la société Le Cherche Midi Editeur devait à la Fondation Neva des sommes liées aux ouvrages pilonnés et absents du stock, totalisant 74 815,98 euros et 2 576,16 euros respectivement.

La cour a donc procédé à une compensation entre les sommes dues, aboutissant à la conclusion que la société Le Cherche Midi Editeur était redevable d’une somme de 6 107,23 euros hors taxe à la Fondation Neva.

Cette compensation est conforme aux principes de droit civil régissant les obligations et les créances.

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 21 FEVRIER 2025

(n°26, 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 24/06923 – n° Portalis 35L7-V-B7I-CJIBI

Décision déférée à la Cour : jugement du 17 juin 2021 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n°19/11322

APPELANTE

FONDATION NEVA, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège situé

[Adresse 6]

[Localité 1]

SUISSE

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avocate au barreau de PARIS, toque K 111

Assistée de Me Valérie MONTI plaidant pour la SELARL PHILIPS & PARTNERS, avocate au barreau de GRASSE

INTIMÉE

S.A. LE CHERCHE MIDI EDITEUR, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Localité 2]

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 311 945 604

Représentée par Me Guillaume SAUVAGE de l’AARPI BAGS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque E 1404

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, en présence de Mme Marie SALORD, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mmes Véronique RENARD et Marie SALORD ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente

Mme Marie SALORD, Présidente de chambre

Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre, désignée en remplacement de M. Gilles BUFFET, Conseiller, empêché

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 17 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris,

Vu l’appel interjeté le 19 octobre 2021 par la Fondation Neva,

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 juin 2024 par la Fondation Neva,

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 2024 par la société Le Cherche Midi Editeur,

Vu l’ordonnance de clôture du 19 septembre 2024.

SUR CE, LA COUR,

La Fondation de droit suisse Neva, créée en 2008, a pour but, d’après le registre du commerce du canton de Genève, d’« entreprendre toute action en vue d’aider, promouvoir, accorder un soutien financier, à des personnes, des activités, des projets, des manifestations et des programmes, dans le domaine de l’art, de la culture, de l’architecture, de la conservation de monuments historiques, du sport, de la santé, de l’éducation, de l’environnement, de la construction de logements ou de bâtiments d’intérêts collectif (tels des établissements hospitaliers, des homes pour des personnes invalides ou des personnes âgées ou des lieux de culte) pour le bien-être de la collectivité ». Elle indique qu’elle a pour mission de favoriser les échanges interculturels entre la Russie et l’Europe de l’ouest et le rayonnement de la culture russe.

Souhaitant faire publier un « beau livre » sur les monastères orthodoxes russes, comprenant des photographies de monastères rattachés au Patriarcat de [Localité 4] situés dans plusieurs pays et des textes d’accompagnement, elle a signé le 11 avril 2014 avec la société Le Cherche Midi Editeur, ayant une activité d’édition, impression et diffusion des oeuvres de l’esprit, une « convention d’édition en partenariat » aux fins d’éditer et commercialiser un ouvrage ayant pour titre provisoire « Les monastères orthodoxes russes », publié en langues anglaise et russe pour une parution en novembre 2014 au prix public de 500 euros.

Aux termes du contrat, la société Le Cherche Midi Editeur est tenue de « réaliser une édition de l’ouvrage haut de gamme dans la qualité exceptionnelle du livre fini et du coffret (choix des papiers, impression) pour un tirage de 3 000 exemplaires (‘) pour la Fondation Neva et les librairies et à favoriser, avec ses ressources humaines, la diffusion de l’ouvrage dans tous les réseaux de librairies pour un budget global de 320.000 euros HT (hors frais de livraison) », moyennant un « budget global maximum de 320.000 euros HT (hors frais de livraison) payable par tiers » (article 6). De plus, « l’ensemble du copyright reste la propriété intellectuelle de la Fondation Neva » qui percevra 25% du prix public hors taxes du livre pour les ouvrages vendus en librairies (article 5).

La Fondation Neva a réglé les deux premiers acomptes d’un montant de 106.666,67 euros HT, le premier à la signature du contrat et le second à la signature du bon à tirer, soit la somme totale de 213.333,34 euros. En vertu de l’article 6 du contrat, le solde devait être versé à la livraison de l’ouvrage.

L’ouvrage a été finalement publié sous le titre « The holly abodes of the russian soul » (soit en français ‘Les saintes demeures de l’âme russe’) et son exploitation commerciale a débuté en mars 2015.

1.500 exemplaires de l’ouvrage en anglais ont été détruits le 16 mars 2015 à la suite d’une mauvaise reproduction du logo de la Fondation Neva et ont été réimprimés.

Le 14 avril 2015, la société Le Cherche Midi Editeur a fait parvenir à la Fondation Neva une facture d’un montant de 116.756,66 € HT correspondant au solde restant dû, augmenté des frais de livraison des exemplaires au siège de la Fondation.

Suite à une relance du 12 août 2015, par lettre du 28 août 2015, la Fondation Neva, par le biais de son conseil, a refusé le paiement de la facture portant selon elle sur des sommes non contractuellement prévues ou résultant de l’erreur de la société Le Cherche Midi dans l’édition du logo et critiqué les prestations fournies par l’éditeur.

La société Le Cherche Midi Editeur a répondu par lettre du 23 septembre 2015 en fournissant des précisions.

La société Le Cherche Midi Editeur a, par lettre de son conseil du 16 février 2018, indiqué que faute de règlement du solde, le contrat était résilié avec « toutes ses conséquences, notamment sur le stock des ouvrages en sa possession ». Elle a indiqué qu’à défaut de proposition par la Fondation Neva de rachat du stock dans un délai de 15 jours, les ouvrages seront pilonnés.

Par lettre du 22 février 2018, la Fondation Neva, par l’intermédiaire de son conseil, a contesté la possibilité pour la société Le Cherche Midi Editeur de pilonner les ouvrages, ce qui porterait atteinte à ses droits de propriété intellectuelle.

Le 26 juin 2018, la société Le Cherche Midi Editeur a fait procéder, sous le contrôle d’un huissier de justice, à la destruction de 699 exemplaires en langue anglaise de l’ouvrage et de 695 en langue russe, soit un total de 1 394 exemplaires.

Par lettres des 4 décembre 2018 et 12 février 2019, la Fondation Neva a enjoint à la société Le Cherche Midi Editeur de lui communiquer l’état des stocks des livres et de procéder à leur restitution.

Par lettre du 22 février 2019, la société Le Cherche Midi Editeur a transmis à la Fondation Neva un état détaillé des ventes entre le 1er janvier 2015 et 1er janvier 2019, l’a informée que 410 ouvrages restaient en stock, lui a demandé de régler la somme de 116 378 euros et de faire procéder à l’enlèvement du stock, à défaut de quoi les ouvrages seraient pilonnés.

C’est dans ce contexte que la Fondation Neva a, par acte d’huissier du 27 septembre 2019, fait assigner la société Le Cherche Midi Editeur devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire.

Le 21 janvier 2020, la Fondation Neva a récupéré un stock de 427 livres.

Par jugement du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

– rejeté les demandes de la Fondation Neva,

– condamné la Fondation Neva à payer à la société Le Cherche Midi Editeur la somme de 90 748 euros au titre du solde restant dû en exécution de la convention d’édition en partenariat, après compensation des droits dus sur les ventes, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 février 2018,

– ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– condamné la Fondation Neva aux dépens,

– condamné la Fondation Neva à payer à la société Le Cherche Midi Editeur la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Le 19 octobre 2021, la Fondation Neva a interjeté appel de cette décision.

Le 18 novembre 2021, la Fondation Neva a saisi le premier président de la cour d’appel de Paris aux fins de voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement et à titre subsidiaire d’ordonner la consignation des condamnations prononcées. Par ordonnance du 10 février 2022, le premier président a débouté la Fondation Neva de ses demandes et l’a condamnée aux dépens et à payer à la société Le Cherche Midi Editeur la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions du 31 mars 2022, la société Le Cherche Midi Editeur a saisi le conseiller de la mise en état d’une demande de radiation du rôle en raison de l’absence d’exécution du jugement de première instance par la Fondation Neva. Par ordonnance du 16 juin 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation du rôle de l’affaire.

Justifiant de l’exécution du jugement de première instance, la Fondation Neva a sollicité la réinscription au rôle de l’affaire le 21 mars 2024. L’affaire a été réinscrite au rôle le 17 avril 2024.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 juin 2024, la Fondation Neva demande à la cour de :

In limine litis (sic), constater et au besoin juger qu’elle ne forme aucune prétention nouvelle mais n’a fait que modifier le quantum des dommages et intérêts qui lui seront octroyés,

En conséquence,

– rejeter et au besoin débouter la demande de la société Le Cherche Midi Editeur tendant à juger que la demande de dommages et intérêts à hauteur de 60 000 euros, de 15 000 euros et de 29 60 euros serait irrecevable,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer 90 748 euros au titre du solde restant dû en exécution de la convention d’édition en partenariat,

– infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts dus à compter du 16 février 2018,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer la société Le Cherche Midi Editeur la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné l’exécution provisoire,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée aux dépens,

En conséquence, statuant à nouveau,

– juger que la société Le Cherche Midi Éditeur a commis différentes violations dans ses obligations contractuelles telles que résultant de la convention d’édition en partenariat du 11 avril 2014,

– condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à régler la somme de 282 769,19 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice tout chef confondu,

– juger que la société Le Cherche Midi Éditeur n’est pas recevable à solliciter le règlement de la facture du troisième tiers à hauteur de ses demandes,

– ramener la facturation due à la société Le Cherche Midi Éditeur à la somme de 28 234,91 € HT,

– ordonner la compensation entre les sommes dues entre la société Le Cherche Midi Éditeur et la Fondation Neva,

– condamner la société Le Cherche Midi Éditeur à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance, ainsi que des dépens en cause d’appel dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l’article 699 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

– débouter la société Le Cherche Midi Éditeur de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions plus amples et contraires.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 2024, la société Le Cherche Midi Editeur demande à la cour de :

In limine litis,

– juger irrecevable la demande de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de l’obligation contractuelle de promotion de l’ouvrage en collaboration avec la Fondation Neva, formée dans les conclusions du 7/06/2024,

-juger irrecevable la demande de ne pas avoir à supporter le paiement de la somme de 29 690 euros au titre de la réimpression de 1 500 ouvrages, formée en appel,

-juger irrecevable la demande de 15 000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de l’erreur ayant nécessité la réimpression de 1 500 ouvrages, formée dans les conclusions du 7/06/2024,

A titre principal,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Fondation Neva de l’ensemble de ses demandes et condamne’ la Fondation Neva à lui payer 98 804,64 euros, ramenés à 90 748,00 euros après compensation avec les 8 056,64 euros dus par le Cherche Midi Editeur à la Fondation Neva,

En conséquence,

– débouter la Fondation Neva de sa demande de ne pas supporter le paiement de la somme de 90 169,73 euros au titre de la convention du 11 avril 2014,

– débouter la Fondation Neva de sa demande de condamnation du Cherche Midi Editeur à lui payer 282 769,19 euros en réparation du préjudice prétendument subi,

A titre subsidiaire,

-juger que la Fondation Neva ne justifie d’aucun préjudice direct et certain résultant des manquements contractuels allégués,

– juger que le montant des demandes de la Fondation Neva n’est pas justifié,

– débouter la Fondation Neva de l’ensemble de ses demandes,

En tout état de cause, ajoutant au jugement de première instance :

– condamner la Fondation Neva à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel,

– débouter la Fondation Neva de sa demande au titre des frais irrépétibles,

– condamner la Fondation Neva aux entiers dépens.

SUR CE,

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la recevabilité des demandes de la Fondation Neva

La société Le Cherche Midi Editions demande de déclarer irrecevables, comme nouvelles, la demande de l’appelante formée selon elle pour la première fois en cause d’appel de ne pas mettre à sa charge la somme de 15 000 euros correspondant à la réimpression des ouvrages suite à l’erreur sur les logos et ses demandes figurant selon elle pour la première fois dans ses conclusions du 7 juin 2024 portant sur les dommages et intérêts fondés sur l’absence de collaboration entre les parties (60 000 euros) et la réparation de l’erreur faite dans l’impression du logo de la Fondation (15 000 euros).

La Fondation Neva répond que ces demandes sont recevables en ce qu’elles ne constituent pas de nouvelles prétentions mais portent uniquement sur le quantum de sa demande. Elle soutient qu’elle avait formé une demande en dommages et intérêts en indemnisation du préjudice né d’un manquement contractuel de la société Le Cherche Midi Editeur en première instance et dans le cadre de ses premières conclusions en appel.

Aux termes des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Dans ses premières conclusions en appel, notifiées le 22 octobre 2021, la Fondation Neva demande de juger qu’elle « n’a pas à supporter le paiement de la somme de 90 169,73 euros en raison des manquements contractuels de la société Le Cherche Midi », cette somme comprenant la somme de 29 690 euros correspondant à la réimpression de 1 500 exemplaires de l’ouvrage suite à l’erreur d’impression du logo de la Fondation.

Aucune partie ne produit les conclusions de première instance de la Fondation Neva. Il résulte cependant du jugement déféré qu’en première instance, la Fondation Neva demandait dans le dispositif de ses conclusions le paiement de :

– 10. 189,49 euros correspondant aux 86 livres vendus,

– 165 164,60 euros correspondant au manque à gagner sur les 1394 livres pilonnés,

-12 677,62 euros correspondant au manque à gagner sur les 107 livres manquants, à défaut de restitution de ces livres.

Si dans le dispositif de ces conclusions elle ne formait pas de demande spécifique correspondant à la facturation de la réimpression des ouvrages, elle demandait le débouté de l’ensemble des demandes de la société du Cherche Midi Editeur, demandes comprenant le paiement des frais de réimpression à hauteur de 29 690 euros. Il résulte du jugement que la Fondation Neva contestait devoir régler des frais qu’elle n’a pas acceptés en l’absence de validation et qu’elle reprochait à l’éditeur l’impression de livres avec un logo mal reproduit. Dès lors, le tribunal judiciaire était saisi d’une demande tendant à juger que la Fondation Neva n’avait pas à payer le coût de la réimpression, demande recevable en cause d’appel.

En vertu de l’article 910-4 du code de procédure civile, dans sa version applicable au litige, « A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ».

Aux termes du dispositif de ses premières conclusions d’appel, notifiées le 22 octobre 2021, la Fondation Neva demandait, outre l’infirmation du jugement :

– de juger que la société le Cherche Midi a commis différentes violations de la convention d’édition en partenariat,

– de juger qu’elle n’a pas à supporter le paiement de la somme de 90 169,73 euros en raison des manquements contractuels de la société Le Cherche Midi,

– de condamner la société Le Cherche Midi à lui payer la somme de 178 079,19 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice, tous chefs confondus.

La cour constate que la somme de 90 169,73 euros correspond aux coûts de réimpression des ouvrages suite à l’erreur sur le logo, soit 29 690 euros, et à la facture de l’éditeur du 14 avril 2015. Celle de 178 079,19 euros comprend la somme de 165 164,60 euros qui correspond à la valeur des 1 394 livres pilonnés et celle de 12 914,59 euros représente la valeur de 109 exemplaires perdus.

Dans le dispositif de ses dernières conclusions, la Fondation Neva sollicite la condamnation de la société Le Cherche Midi Editeur à lui payer une somme globale de 282 769,19 euros. Il résulte de ses écritures que cette somme comprend la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi suite à l’erreur sur le logo ayant nécessité la réimpression en ce qu’elle a retardé la parution du livre et celle de 60 000 euros au titre de l’inexécution de l’obligation de promotion qui entraîne une perte de chance de bénéficier du fruit des ventes escomptées.

Or, la prétention visant à juger que la somme de 29 690 euros n’est pas due est fondée en partie sur le fait que la société Cherche Midi Edition a commis une faute de nature contractuelle portant sur l’impression du logo. La demande de dommages et intérêts a le même fondement, si bien qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle prétention puisqu’elle tend aux mêmes fins.

Concernant l’obligation de promotion de l’ouvrage, l’appelante indiquait dans ses premières conclusions que la somme de 60 479,73 euros devait lui être restituée en raison de la violation par la société Le Cherche Midi Editions de cette obligation. La demande de dommages et intérêts tend également aux mêmes fins, à savoir sanctionner une inexécution contractuelle.

Ces demandes seront donc déclarées recevables en cause d’appel.

Sur les inexécutions contractuelles imputées par la Fondation Neva à la société Le Cherche Midi Éditeur

A titre liminaire, la cour constate que les parties s’accordent sur le fait que le contrat du 11 avril 2014, intitulé « édition en partenariat », ne peut être qualifié de contrat d’édition, tel que défini par l’article L 132-1 du code de la propriété intellectuelle. En effet, aux termes du contrat, la société Le Cherche Midi Editeur est chargée d’assurer la fabrication et la diffusion du livre à partir de la maquette fournie par la Fondation Neva qui assure un suivi des étapes de production et il est stipulé que « l’ensemble du copyright reste la propriété intellectuelle de la Fondation Neva ».

Dans ses écritures, la Fondation Neva vise des articles du code civil dans leur version issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Or, en vertu de l’article 16 III de la loi n°2018-287 du 20 avril 2018, ratifiant cette ordonnance, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne.

L’article 1134 du code civil, dans sa version applicable au contrat, dispose que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

Sur l’obligation de communication, de promotion et de commercialisation de l’ouvrage

Pour s’opposer au paiement de la facture du 14 avril 2015, la Fondation Neva soutient que la société Le Cherche Midi Éditeur ne justifie pas de la réalisation de la promotion de l’ouvrage, des moyens mis en oeuvre à cet effet, de la communication faite par ses soins autour du livre, ni avoir sollicité sa collaboration. Elle en conclut que l’éditeur a failli à son obligation de collaboration, de promotion et de commercialisation des ouvrages.

La société Le Cherche Midi Éditeur répond qu’elle s’est acquittée de ses obligations et que la promotion de l’ouvrage a eu lieu en concertation permanente avec la Fondation Neva.

L’article 7 du contrat, intitulé « Lancement et communication » stipule « Le cherche midi éditeur organisera la communication et la promotion de l’ouvrage en collaboration avec la Fondation NEVA.

Dans toute la communication (et/ou support de communication) dédiée à l’ouvrage, la Fondation NEVA sera explicitement mentionnée.

Tout support de communication étant préalablement soumis à la Fondation.

Tous les moyens de notre direction de la communication et du marketing (préconisations marketing et communication, fichiers journalistes, presse écrite, radio et télévision et fichiers VIP), seront rassemblées pour faire du lancement et de la promotion du livre un succès.

Une attachée de presse sera dédiée au livre sous la direction de [F] [Y] (Directeur marketing et communication) ».

Il résulte des pièces produites par la société Le Cherche Midi Editeur que de nombreux échanges ont eu lieu entre les parties entre avril et novembre 2014, qui se sont réunies à plusieurs reprises, et que la Fondation Neva a été associée aux opérations de promotion et de communication, notamment à la soirée de lancement le 19 novembre 2014, et a validé les affiches, communiqués de presse et plaquettes de présentation de l’ouvrage.

Les actions de communication, de promotion et de commercialisation pour 2015 sont récapitulées dans la lettre de la société Le Cherche Midi Editeur du 23 septembre 2015 et son courriel du 24 novembre 2015 qui démontrent l’ensemble des moyens mis en oeuvre à ces fins.

La Fondation Neva fait grief à l’éditeur de ne pas l’avoir associée à la remise du prix « beaux livres » dont a bénéficié l’ouvrage lors de la nuit du livre à [Localité 5] mais ce prix récompensait le travail du chef de fabrication et l’auteur, à savoir le photographe, et il n’est pas contesté par l’appelante que la société Le Cherche Midi éditeur n’a eu connaissance de l’attribution du prix à l’ouvrage que lors de la soirée de remise de ce prix.

Par ailleurs, l’obligation de collaboration n’impliquait pas que la Fondation Neva soit informée de chaque salon du livre au cours duquel l’ouvrage serait présenté mais qu’elle ait validé les axes de promotion et de commercialisation, ce qui n’est pas contesté.

L’éditeur justifie d’ailleurs des retombées de ses actions dans les médias, notamment à travers un article dans le Figaro Magazine du 28 septembre 2014 et une présentation du livre lors du journal télévisé de France 2 le 20 décembre 2014.

Il s’ensuit que l’éditeur a exécuté son obligation de communication, de promotion et de commercialisation de l’ouvrage et la Fondation Neva sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur l’erreur de logo entraînant la réimpression de 1 500 ouvrages

Les parties s’accordent sur le fait que suite à une mauvaise reproduction du logo de la Fondation Neva sur l’ensemble des livres en langue anglaise, 1 500 exemplaires ont été détruits le 16 mars 2015 et réimprimés.

Le logo de la Fondation a été imprimé ainsi .

La société Le Cherche Midi Editeur a facturé cette réimpression à hauteur de 26 690 euros à la Fondation Neva.

La Fondation Neva affirme que l’intimée, responsable de cette erreur, doit en supporter le coût et qu’en outre, elle n’a pas validé cette facture, en violation des stipulations contractuelles.

Selon la société Le Cherche Midi Editeur, la Fondation Neva ne démontre pas qu’elle aurait commis une faute dès lors qu’elle lui a elle-même adressé le logo.

La société Le Cherche Midi Editeur produit un courriel du 5 août 2014 envoyé par le Studio Ekidra, avec en copie la Fondation Neva, auquel est joint un pré visuel des pages 4 à 7 du livre avec l’intégration du logo. Cependant, il résulte tant de l’objet du courriel (« maquette russe et couvertures ») que de la pièce jointe, que ce pré visuel porte sur la version du livre en russe. Or, l’erreur d’impression du logo concerne l’édition en anglais.

En vertu de l’article 4 du contrat, les étapes de production du livre étaient soumises à une double validation de la Fondation Neva sous la forme d’un bon à tirer.

Dans ses conclusions (page 10), la Fondation Neva indique que les parties étaient d’accord sur la version finale du livre et que le bon à tirer avait été signé.

Il appartient à la partie qui invoque une inexécution contractuelle d’en rapporter la preuve. Or, la Fondation Neva en s’abstenant de produire la version correspondant au bon à tirer qu’elle a signé n’apporte pas la preuve que la version qu’elle a validée était différente de celle finalement imprimée en ce qui concerne le logo. Il s’ensuit qu’ayant délivré un bon à tirer, elle ne peut reprocher une faute à l’éditeur résultant de l’erreur d’impression du logo.

L’article 6 du contrat stipule que « Le Cherche Midi Editeur s’engage à réaliser une édition de l’ouvrage haut de gamme dans la qualité exceptionnelle du livre fini et du coffret (choix des papiers, impression) pour un tirage de 3 000 exemplaires (‘) pour la Fondation Neva et les librairies et à favoriser avec ses ressources humaines la diffusion de l’ouvrage dans tous les réseaux de librairies pour un budget global de 320.000 € HT (hors frais de livraison).

Le budget global de 320.000 € HT (hors frais de livraison) inclut l’ensemble des postes sans aucun supplément possible sauf demande explicite en plus de la Fondation Neva, ce budget est donc à maximum.

Les conditions de règlement sont : 1/3 à la signature de la présente convention, 1/3 au bon à tirer des 2 versions, 1/3 à la livraison.

Il a été convenu que les premiers et deuxièmes tiers seront des acomptes.

Le solde (troisième tiers) sera réglé après décompte de l’ensemble de nos factures détaillées des travaux chiffrés préalablement validés par la Fondation Neva ».

La Fondation Neva invoque le dernier paragraphe de cet article pour s’opposer au paiement de la réimpression, n’ayant pas validé cette prestation. Pour la société Le Cherche Midi Editeur, l’esprit de la convention n’était pas d’accorder un droit de veto à la Fondation sur le paiement des factures.

Contrairement à ce que soutient l’intimée, le contrat n’autorise pas la Fondation à s’opposer au paiement des factures mais impose que, préalablement au décompte des factures, elle valide les travaux chiffrés, cette validation ne portant pas, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, sur le seul choix des prestataires. En application de cette disposition, il appartenait donc à la société Le Cherche Midi Editeur de présenter à la Fondation Neva, pour chaque prestation, un devis qu’elle devait accepter.

Or, aucune validation n’a été présentée par l’éditeur en violation des stipulations contractuelles et l’absence de demande de validation de la Fondation Neva n’a pas pour conséquence de décharger la société Le Cherche Midi Editeur de cette obligation qu’elle devait exécuter de sa propre initiative.

Cependant, l’intimée fait valoir à juste titre que le défaut de validation préalable constitue un grief qui ne saurait autoriser la Fondation Neva à refuser de payer la prestation sans juste motif de fond. Ainsi, la prestation de réimpression a été réalisée et la Fondation Neva ne conteste pas qu’elle avait donné son accord à cette réimpression. De plus, elle n’émet aucune critique sur le montant facturé. Il s’ensuit que la somme de 29 690 euros correspondant à la réimpression de 1 500 ouvrages en version anglaise est bien due par la Fondation à la société Le Cherche Midi Editeur et l’appelante sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur le pilonnage des ouvrages réalisé par la société Le Cherche Midi Éditeur

L’appelante soutient que le pilonnage par la société Le Cherche Midi Editeur de 1 394 exemplaires du livre a été effectué en violation du contrat qui ne prévoit pas une telle possibilité. Elle ajoute que le délai de 15 jours qui lui a été accordé pour faire une proposition de rachat du stock ne lui permettait pas d’opter pour la restitution du stock et qu’elle n’a été informée du pilonnage auquel elle s’était opposée que  8 mois après la destruction des livres.

Selon l’éditeur, le pilonnage se justifiait par le coût de stockage des livres qui dépassait les chances de gain en cas de vente et il n’est pas fautif compte tenu du délai entre son annonce et sa réalisation et l’absence de proposition de rachat de la Fondation.

Par lettre officielle du 16 février 2018, le conseil de la société Le Cherche Midi Editeur a indiqué au conseil de la Fondation Neva que le contrat était résilié en raison de l’absence de paiement de la facture constituant le solde et qu’à défaut de proposition de rachat du stock dans un délai de quinze jours, les ouvrages seront pilonnés.

Par lettre du 22 février 2018, par le biais de son conseil, la Fondation Neva s’est opposée à la destruction des livres au motif que la résiliation du contrat ne permettait pas à la société Le Cherche Midi Editeur de pilonner le stock.

Il résulte du procès-verbal de constat d’huissier de justice du 26 juin 2018 qu’à cette date 699 exemplaires de l’ouvrage en anglais et 695 en langue russe ont été pilonnés.

Le contrat ne contenait aucune disposition sur le pilonnage des livres et la société Le Cherche Midi Editeur est mal fondée à invoquer les usages en matière d’édition pour en justifier alors que le contrat liant les parties ne peut être qualifié, comme elle le reconnait elle-même, de contrat d’édition.

La société Le Cherche Midi Editeur n’était pas titulaire des droits patrimoniaux d’auteur sur l’ouvrage mais uniquement chargée de sa commercialisation. Si la résiliation du contrat, qui n’est pas contestée par les parties, déchargeait la société Le Cherche Midi Editeur de son obligation de conserver le stock, en l’absence d’accord de la Fondation Neva, elle ne pouvait procéder à la destruction des ouvrages, propriétés de la Fondation.

La Fondation Neva demande l’indemnisation de son préjudice sur la base de 25% du prix de vente hors taxe du livre, montant lui revenant en vertu du contrat en cas de vente. La société Le Cherche Midi Editeur répond qu’il s’agit d’un préjudice hypothétique.

En vertu de l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable au contrat, « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

L’article 1149 du code civil, dans sa version applicable au contrat, dispose que « Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé ».

Le préjudice de la Fondation Neva ne correspond pas au montant qu’elle aurait touché de la vente des ouvrages pilonnés puisque compte tenu de la résiliation du contrat, les ouvrages n’étaient plus commercialisés par la société Le Cherche Midi Editeur et qu’elle ne justifie pas qu’elle aurait réussi à les commercialiser, plus de trois ans après leur publication et compte tenu du très faible nombre de ventes, à savoir 68.

Son préjudice résulte de la perte liée aux coûts de fabrication du livre qu’elle a engagés, soit (241 528,25 euros HT/ 4 500 exemplaires imprimés) = 53,67 euros HT par ouvrage. Il s’élève donc à (53,67 X 1 394 exemplaires) = 74 815, 98 euros.

Sur l’écart de stock

L’appelante fait valoir que la société Le Cherche Midi Editeur ne justifie que de l’existence de 2 891 exemplaires du livre sur les 3 000 qui devaient être fabriqués, ce qui constitue un manquement contractuel.

La société Le Cherche Midi Éditeur répond qu’en réalité seuls 48 livres sont « perdus » et que cet écart de stock, qui correspondant à 1,6% du tirage, est conforme aux usages de l’édition et n’est pas fautif.

Les parties s’accordent sur le fait que sur les 3 000 exemplaires imprimés :

– 1 002 exemplaires ont été livrés à la Fondation Neva,

– 1 394 exemplaires ont été pilonnés par la société Le Cherche Midi Editeur,

– 68 exemplaires ont été vendus,

– et 427 exemplaires ont été récupérés par la Fondation Neva.

Concernant les 109 exemplaires manquants, il résulte du courriel du 24 novembre 2015 de la société Le Cherche Midi Editeur à la Fondation Neva que trois livres ont été placés en dépôt et que deux exemplaires ont été envoyés à deux journalistes. Dans ce courriel, elle donnait le nom des 50 journalistes auxquels un exemplaire de l’ouvrage allait être envoyé dans le cadre de la promotion du livre. Or, la Fondation Neva ne s’est pas opposée à cet envoi.

La société Le Cherche Midi Editeur rappelle qu’en vertu de l’obligation de dépôt légal, résultant de l’article R. 132-4 du code du patrimoine dans sa version en vigueur lors de la publication de l’ouvrage, deux exemplaires de chaque version linguistique ont été déposés. Elle indique qu’un ouvrage a été versé au débat dans la cadre de cette instance et qu’un ouvrage est revenu défectueux.

Il s’ensuit que la société Le Cherche Midi Editeur justifie de la destination de 61 exemplaires.

Concernant les 48 ouvrages restant, la société Le Cherche Midi Editeur invoque des envois à la presse ou à d’autres cibles considérées comme possiblement prescriptrices de l’ouvrage, des exemplaires défectueux retournés antérieurement au 22 février 2019, des libraires qui n’ont ni vendu, ni retourné le livre et des variations ou des erreurs de stock entre libraires et entrepôts de stockage.

Cependant, la société Le Cherche Midi Editeur n’apporte aucun élément de nature à justifier de ses allégations. Concernant les ouvrages prétendument défectueux, la cour observe que le livre était présenté à la vente dans un coffret, ce qui est de nature à le protéger. De plus, le fait que les livres n’ont été proposés à la vente que dans 34 points de vente (lettre de l’intimée du 23 septembre 2015, pièce 5 de la Fondation Neva) était de nature permettre un suivi sans erreur de ces exemplaires. Par ailleurs, l’éditeur est mal fondé à se référer aux usages de la profession pour un livre qu’il qualifie lui-même dans ses écritures de « hors norme » et qui, compte tenu de son prix, impose un suivi de stock méticuleux. Dans ces conditions, la perte de 48 livres constitue une faute de l’éditeur dont il doit réparation.

Le préjudice de la Fondation Neva sera calculé de la même manière que celui résultant du pilonnage, soit (53,67 X 48=) 2 576,16 euros.

Sur la contestation des sommes facturées à la Fondation Neva au titre des frais internes de la société Le Cherche Midi Editeur

La Fondation Neva conteste être redevable de la somme de 60 479,73 euros qui porte sur les coûts internes de la société Le Cherche Midi Editeur et se décompose comme suit :

– coordination éditoriale : 15 000 euros,

– relations presse : 9 000 euros,

– suivi de fabrication : 9 000 euros,

– frais généraux (10%) : 27 479,73 euros.

Il a été jugé que l’absence de validation du coût des prestations par la Fondation Neva ne l’autorisait pas à se dispenser du paiement de celles réellement effectuées.

Contrairement à ce qu’elle soutient, les frais facturés ne portent pas uniquement sur le paiement des équipes investies dans la communication et la promotion de l’ouvrage.

Aux termes de l’article 2 du contrat, « l’ouvrage est réalisé sous la direction et la responsabilité de l’éditeur, avec une équipe dédiée à l’ouvrage composée de :

– Un éditeur

– Un directeur artistique

– Un secrétaire de rédaction

– Un directeur de fabrication

– Un directeur de marketing et de la communication

– Un directeur commercial

– Une attachée de presse ».

Ainsi, le contrat prévoyait les prestations d’une équipe de la société Le Cherche Midi Editeur qui doivent être rémunérées.

A l’exception de l’erreur sur le logo, dont il a été jugé qu’elle ne relevait pas de la responsabilité de l’intimée, la Fondation Neva ne forme aucune critique sur le suivi de fabrication de l’ouvrage. Il a aussi été jugé que la société Le Cherche Midi Editeur avait exécuté son obligation de communication et de commercialisation et la Fondation Neva ne remet pas en cause les autres aspects de la coordination éditoriale, si bien que la facturation des relations de presse et de la coordination éditoriale est justifiée.

Concernant les frais généraux, la société Le Cherche Midi Editeur indique qu’ils s’élèvent à 22 000 euros pour chaque livre édité, augmenté de 5 479,73 euros en raison de l’ampleur des efforts mobilisés pour la réalisation du projet, compte tenu des multiples demandes de la Fondation Neva.

L’intimée fait référence à des frais généraux calculés pour les livres édités dans le cadre d’un contrat d’édition. Or, en l’absence de ce cadre contractuel, d’accord de la Fondation Neva pour cette facturation et de justificatifs, ces frais généraux ne sont pas dus.

La Fondation Neva est donc redevable de la somme de 33 000 euros au titre des frais internes.

Sur les comptes entre les parties

La Fondation Neva doit à la société Le Cherche Midi Editeur la somme de 241 528,25 euros qui correspond aux coûts externes qui ne sont pas contestés, outre 33 000 euros au titre de la facture du 14 avril 2015 dont le montant a été réduit par la cour et 10 090 euros qui correspondent aux frais de transport qui ne sont pas plus contestés, soit la somme de 284 618,25 euros HT.

De cette somme doivent être déduits les deux premiers acomptes payés par la Fondation, soit 213 333,34 euros et les sommes mises à la charge de l’intimée portant sur les exemplaires pilonnés (74 815, 98 euros) et absents du stock (2 576,16 euros), soit au total 290 725,48 euros HT.

Compte tenu de la compensation opérée à la demande des parties, la société Le Cherche Midi Editeur est redevable de la somme de 6 107,23 euros hors taxe, qu’elle devra régler à la Fondation Neva.

Sur les autres demandes

Dans le dispositif de ses dernières conclusions, la Fondation Neva demande d’infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné l’exécution provisoire.

Aux termes de l’article 515 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 qui ne s’applique qu’aux instance introduites à compter du 1er janvier 2020, l’exécution provoisoire peut être ordonnée, si elle n’est pas interdite par la loi, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire.

La Fondation Neva ne produit aucun argumentaire dans la partie discussion de ses conclusions au soutien de sa demande d’infirmation. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a ordonné l’exécution provisoire.

La solution du litige commande d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Fondation Neva aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les demandes de la Fondation Neva étant partiellement accueillies, la société Le Cherche Midi Editeur sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à indemniser la Fondation Neva des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager à hauteur de 10 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a ordonné l’exécution provisoire,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables les demandes de la Fondation Neva tendant à juger qu’elle n’a pas à supporter le paiement de la somme de 29 690 euros au titre de la réimpression de 1 500 ouvrages, à condamner la société Le Cherche Midi Editeur à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l’erreur ayant nécessité la réimpression de 1 500 ouvrages et la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de l’obligation contractuelle de promotion de l’ouvrage,

Condamne la société Le Cherche Midi Editeur à payer à la Fondation Neva la somme de 6 107,23 euros hors taxes,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Le Cherche Midi Editeur aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SCP Grappotte-Bénétreau conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Le Cherche Midi Editeur à payer à la Fondation Neva la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


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