Caractère fictif des fonctions et lien de subordinationEn matière de droit du travail, il est établi qu’en présence d’un contrat de travail apparent, la charge de la preuve du caractère fictif des fonctions exercées ou de l’absence de lien de subordination incombe à la partie qui l’invoque. Cette règle est fondée sur l’article L. 1221-1 du Code du travail, qui définit le contrat de travail comme un accord par lequel une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre, sous l’autorité de celle-ci, moyennant une rémunération. Conditions d’attribution des allocations chômageLes conditions d’attribution des allocations d’aide au retour à l’emploi sont régies par les articles L. 5421-1 et suivants du Code du travail. Ces dispositions stipulent que pour bénéficier de ces allocations, le demandeur doit justifier d’une perte involontaire d’emploi et d’une durée minimale de travail salarié. En l’espèce, la question de la qualité de salariée de Mme [P] est centrale pour déterminer son droit à ces allocations. Absence de lien de subordinationL’absence de lien de subordination est un élément déterminant pour la qualification d’un contrat de travail. Selon la jurisprudence, un salarié doit être placé sous l’autorité d’un employeur qui exerce un pouvoir de direction et de contrôle sur son activité. En l’espèce, il a été établi que Mme [P] n’était plus sous la subordination de la société [6] lorsqu’elle exerçait des fonctions de co-gérante de la société Holding [5], ce qui remet en question son statut de salariée. Rémunération et fonctions distinctesLa question de la rémunération est également cruciale. Les articles R. 5424-2 et R. 5424-6 du Code du travail précisent que les allocations chômage sont calculées sur la base des salaires perçus par le salarié. Dans le cas présent, il a été démontré que Mme [P] était rémunérée par la société [6] pour ses prestations, mais la coexistence de ses fonctions de salariée et de mandataire social soulève des interrogations sur la nature réelle de son emploi. Contrôle de l’URSSAF et lien avec France TravailLe contrôle de l’URSSAF, bien qu’il puisse établir la qualité de salariée pour des questions de cotisations sociales, n’a pas d’incidence sur l’application des dispositions du Code du travail régissant le droit à un revenu de remplacement. Cela signifie que les conclusions de l’URSSAF ne lient pas France Travail, qui doit apprécier la situation de Mme [P] selon les critères définis par le Code du travail. Réserves et demandes de preuvesLa cour a ordonné la réouverture des débats pour permettre à Mme [P] de produire des pièces justificatives, telles que la lettre de licenciement et le solde de tout compte, afin d’évaluer correctement son statut et ses droits. Cette démarche est conforme aux principes de procédure civile, qui prévoient que chaque partie doit avoir la possibilité de prouver ses allégations. |
L’Essentiel : En matière de droit du travail, la charge de la preuve du caractère fictif des fonctions ou de l’absence de lien de subordination incombe à la partie qui l’invoque. La question de la qualité de salariée de Mme [P] est centrale pour déterminer son droit aux allocations chômage. Il a été établi qu’elle n’était plus sous la subordination de la société [6] lorsqu’elle exerçait des fonctions de co-gérante, remettant en question son statut de salariée.
|
Résumé de l’affaire : Le litige oppose une ancienne salariée, ayant exercé des fonctions de courtière pour le compte d’une société, à l’établissement public France Travail (anciennement Pôle Emploi). Le 9 avril 2017, la salariée a demandé une allocation d’aide au retour à l’emploi après avoir été licenciée le 15 mars 2017. Pôle Emploi a ouvert ses droits à cette allocation, qu’elle a perçue jusqu’à ce qu’un contrôle interne remette en question sa qualité de salariée.
Le 1er avril 2019, Pôle Emploi a demandé des pièces justificatives pour vérifier le statut de la salariée. Suite à l’examen de ces documents, Pôle Emploi a refusé de verser l’allocation, arguant que la salariée ne justifiait pas d’une fin de contrat de travail ouvrant droit aux allocations chômage. De plus, elle a été informée qu’elle devait rembourser la somme de 67.692,11 euros perçue indûment. La salariée a contesté cette décision par un recours gracieux, qui a été rejeté. En novembre 2019, Pôle Emploi a signifié une contrainte de remboursement. La salariée a alors formé opposition à cette contrainte, soutenant qu’elle avait bien le statut de salariée. Le tribunal judiciaire de Toulouse a rendu un jugement le 17 mars 2023, déclarant l’opposition non fondée et condamnant la salariée à rembourser la somme due. Elle a ensuite interjeté appel, demandant la réformation du jugement et la reconnaissance de son statut de salariée, ainsi que le paiement des allocations échues. France Travail, en tant qu’intimé, conteste le statut de salariée de l’appelante, arguant de l’absence de lien de subordination et de la nature fictive de ses fonctions. L’affaire a été renvoyée pour complément d’instruction, notamment pour examiner les documents relatifs à l’emploi de la salariée et déterminer ses droits aux allocations. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le statut de salariée de la personne ayant exercé des fonctions au sein de la société [6] ?La question du statut de salariée est cruciale dans le cadre de l’attribution des allocations d’aide au retour à l’emploi. Selon l’article L. 5421-1 du Code du travail, « le droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi est ouvert aux personnes qui justifient d’une période d’activité salariée ». Il est établi que la personne a été sous la subordination de la société [6] de janvier 2000 à août 2010. Toutefois, il est également mentionné qu’elle a exercé des fonctions de co-gérante et d’associée de la société Holding [5], ce qui soulève des doutes quant à son lien de subordination avec la société [6] entre septembre 2010 et décembre 2016. L’absence de lien de subordination pendant cette période est corroborée par le fait qu’elle a reconnu ne pas avoir à rendre compte de ses activités et qu’elle ne recevait pas d’instructions. En conséquence, il est difficile de considérer qu’elle pouvait revendiquer un statut de salariée durant cette période. Quel est l’impact de la qualité d’associée sur le droit à l’allocation chômage ?L’article L. 5421-1 du Code du travail stipule que pour bénéficier des allocations chômage, il faut justifier d’une activité salariée. La qualité d’associée dans une société peut compliquer cette situation, car elle peut impliquer l’absence de lien de subordination, élément essentiel du contrat de travail. Dans le cas présent, l’établissement public France Travail conteste le statut de salariée de la personne, arguant qu’elle ne remplissait pas les conditions d’ouverture de droits aux allocations de retour à l’emploi en raison de ses fonctions exercées au sein de la société [6]. Il est précisé que l’absence de lien de subordination est un élément caractéristique du contrat de travail. Ainsi, même si la personne a été rémunérée par la société [6], son statut d’associée de la société Holding [5] pourrait la disqualifier de la qualité de salariée, rendant difficile l’accès aux allocations chômage. Quel est le rôle de l’URSSAF dans la détermination du statut de salariée ?L’URSSAF joue un rôle dans la vérification des cotisations sociales, mais son appréciation n’est pas déterminante pour le droit à l’allocation chômage. En effet, l’article L. 5421-1 du Code du travail précise que le droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi est indépendant des décisions de l’URSSAF. Dans cette affaire, bien que l’URSSAF ait reconnu la qualité de salariée de la personne, cela ne lie pas France Travail dans l’appréciation de son statut. L’établissement public soutient que la personne ne justifie pas d’un lien de subordination suffisant pour revendiquer un statut de salariée, ce qui est essentiel pour l’ouverture de droits aux allocations chômage. Quel est le processus de contestation des décisions de Pôle Emploi ?Le processus de contestation des décisions de Pôle Emploi est encadré par le Code de procédure civile. La personne a formé un recours gracieux auprès du directeur de Pôle Emploi, qui a été rejeté. Elle a ensuite déposé une opposition à la contrainte signifiée par Pôle Emploi, ce qui a conduit à un jugement du tribunal judiciaire. Selon l’article 1302 du Code civil, « tout paiement suppose une dette », et la personne conteste la dette qui lui est réclamée par Pôle Emploi. Le tribunal a déclaré l’opposition non fondée, confirmant ainsi la décision de Pôle Emploi. La personne a alors relevé appel, demandant la réformation du jugement et la reconnaissance de son statut de salariée, ce qui pourrait lui permettre de bénéficier des allocations chômage. |
ARRÊT N° 148/25
N° RG 23/02408
N° Portalis DBVI-V-B7H-PRYN
NA – SC
Décision déférée du 17 Mars 2023
TJ de TOULOUSE – 20/00493
M. RUFFAT
REOUVERTURE DES DEBATS
RENVOI MEE 12.06.2025
Grosse délivrée
le 26/03/2025
à
Me Anne MARIN
Me Françoise DUVERNEUIL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
*
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
*
ARRÊT DU VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT CINQ
*
APPELANTE
Madame [G] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne MARIN de la SELARL MARIN AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME
ETABLISSEMENT PUBLIC NATIONAL FRANCE TRAVAIL (anciennement POLE EMPLOI)
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Françoise DUVERNEUIL de l’ASSOCIATION VACARIE – DUVERNEUIL, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 janvier 2025 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant N. ASSELAIN, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. DEFIX, président
S. LECLERCQ, conseillère
N. ASSELAIN, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière : lors des débats M. POZZOBON
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière
Le 9 avril 2017, Mme [G] [S] épouse [P] a déposé une demande d’allocation auprès de l’établissement public Pôle Emploi (aujourd’hui France Travail), en déclarant qu’elle avait été licenciée le 15 mars 2017, pour un motif autre qu’économique, de son activité salariée. Mme [P] a déclaré avoir exercé des fonctions de courtière pour le compte de la société [6] ([6]), du 17 janvier 2000 au 15 mars 2017.
Le 25 avril 2017, Pôle Emploi lui a notifié l’ouverture de ses droits à l’allocation d’aide au retour à l’emploi pour une durée de 1095 jours, à compter du 14 mai 2017, au taux journalier net de 69,76 euros sur la base d’un salaire journalier brut de référence de 138,30 euros.
Elle a perçu, à ce titre, la somme de 67.692,11 euros pour la période du 27 avril 2017 au 28 février 2019.
Par courrier du 1er avril 2019, et dans le cadre d’un contrôle réalisé par ses services, Pôle Emploi a sollicité de Mme [P] la production de pièces complémentaires pour l’étude de sa qualité de salariée. Dans ce cadre, elle a notamment rempli un questionnaire relatif à la définition de ses fonctions, daté du 17 mai 2019.
Suivants courriers du 18 juin 2019, Pôle Emploi a informé Mme [P] de son refus de lui verser l’allocation d’aide au retour à l’emploi, au motif qu’elle ne justifiait pas ‘d’une fin de contrat de travail permettant de (lui) ouvrir des droits aux allocations chômage’. Par ailleurs, Pôle Emploi lui a indiqué qu’elle était redevable d’une somme de 67.692,11 euros au titre des allocations indûment perçues pour la période d’avril 2017 à février 2019, au motif qu’elle ne remplissait pas les conditions d’attribution de cette allocation.
Mme [P] a formé un recours gracieux préalable auprès du directeur de Pôle Emploi Occitanie, qui a été rejeté. Suivant courrier recommandé distribué le 31 août 2019, Mme [P] a été mise en demeure d’avoir à rembourser la somme indûment perçue.
Par acte d’huissier du 25 novembre 2019, Pôle Emploi Occitanie a fait signifier à Mme [P] une contrainte portant sur une somme principale de 67.696,82 euros en suite de l’annulation de son droit aux allocations de retour à l’emploi.
Par courrier du 6 décembre 2019, reçu au tribunal de grande instance de Toulouse le 10 décembre 2019, Mme [P] a formé opposition à cette contrainte en soutenant qu’elle avait bien le statut de salariée lorsqu’elle travaillait pour le compte de la société [6], de sorte qu’elle remplissait les conditions d’attribution de l’allocation chômage.
Par jugement du 17 mars 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
– déclaré recevable l’opposition de Mme [G] [S] épouse [P] du 6 décembre 2019 à la contrainte de Pôle Emploi du 19 novembre 2019 d’un montant de 67.696,82 euros pour un indu d’allocations d’aide au retour à l’emploi pour la période du 27 avril 2017 au 28 février 2019,
– déclaré l’opposition à la contrainte du 19 novembre 2019 non fondée,
– condamné Mme [G] [S] épouse [P] à payer à Pôle Emploi, établissement public national, pris en son établissement Pôle Emploi Occitanie, la somme de 67.696,82 euros, au titre des allocations chômage indûment perçues pour la période du 27 avril 2017 au 28 février 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 août 2019,
– débouté Mme [G] [S] épouse [P] de ses demandes d’annulation de la contrainte du 19 novembre 2019 et de la décision de Pôle Emploi du 18 juin 2019 supprimant l’allocation d’aide au retour à l’emploi à son profit,
– débouté Mme [G] [S] épouse [P] de ses demandes en réintégration à effet du 18 juin 2019 et en paiement des allocations échues depuis cette date,
– condamné Mme [G] [S] épouse [P] aux dépens de l’instance,
– condamné Mme [G] [S] épouse [P] à payer à Pôle Emploi, établissement public national, pris en son établissement Pôle Emploi Occitanie la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté la demande de Mme [G] [S] épouse [P] au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration du 3 juillet 2023, Mme [G] [P] a relevé appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 octobre 2023, Mme [G] [P], appelante, demande à la cour, au visa des articles L. 5421-1 et suivants et R. 5426-22 du code du travail, de :
– réformer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 17 mars 2023 en ce qu’il a :
‘ déclaré l’opposition à la contrainte du 19 novembre 2019 non fondée,
‘ condamné Mme [G] [P] à payer à Pôle Emploi, établissement public national, pris en son établissement Pôle Emploi Occitanie, la somme de 67.696,82 euros au titre des allocations chômage indûment perçues pour la période du 27 avril 2017 au 28 février 2019 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 août 2019,
‘ débouté Mme [G] [P] de ses demandes d’annulation de la contrainte du 19 novembre 2019 et de la décision de Pôle Emploi du 18 juin 2019 supprimant l’allocation d’aide au retour à l’emploi à son profit,
‘ débouté Mme [G] [P] de ses demandes en réintégration à effet du 18 juin 2019 et en paiement des allocations échues depuis cette date,
‘ condamné Mme [G] [P] aux dépens de l’instance,
‘ condamné Mme [G] [P] à payer à Pôle Emploi, établissement public national, pris en son établissement Pôle Emploi Occitanie la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ rejeté la demande de Mme [G] [P] au titre des frais irrépétibles,
– déclarer nulle la contrainte du 19 novembre 2019 signifiée le 25 novembre 2019,
– déclarer nulle la décision de Pôle Emploi du 18 juin 2019 supprimant l’allocation d’aide au retour à l’emploi au profit de Mme [P],
– condamner Pôle Emploi à réintégrer Mme [P] à effet du 18 juin 2019 et à lui verser les allocations échues depuis cette date jusqu’au terme de l’indemnisation conformément à la convention d’assurance chômage,
– déclarer nulle la décision de Pôle Emploi du 18 juin 2019 notifiant la restitution d’un trop-perçu de 67.692,11 euros,
– dire qu’aucun trop-perçu n’est dû par Mme [P],
– débouter Pôle Emploi de l’intégralité de ses demandes,
– condamner Pôle Emploi à payer à Mme [P] la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Mme [P] indique avoir été salariée de la Sasu [6] à compter du 17 janvier 2000, et licenciée le 15 mars 2017. Elle fait valoir que la société [6] a fait l’objet d’un redressement de la part de l’URSSAF, et que ses salaires ont été assujettis aux cotisations d’assurance chômage et AGS, alors qu’elle était associée de la holding qui dirigeait la société [6]. Elle en conclut que l’URSSAF a retenu sa qualité de salariée. Elle souligne qu’en 2017, elle était uniquement salariée de la société. Elle rappelle qu’il appartient à France Travail de démontrer l’absence de lien de subordination, et soutient que celle-ci ne saurait se déduire de sa seule qualité d’associée de la holding. Elle indique avoir été sous la subordination de Mme [U], co-fondatrice de la holding [5] et également salariée de la Sasu [6], puis du repreneur. Elle se prévaut des mentions de son contrat de travail, fixant ses horaires de travail, et prévoyant qu’elle doit ‘se conformer aux directives et instructions émanant de la direction ou de son représentant’. Elle fait valoir qu’elle ne disposait d’aucun mandat dans la société [6].
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 juin 2024, l’établissement public national France Travail (anciennement Pôle Emploi), intimé, demande à la cour, au visa des articles 1302 et 1302-1 et suivants du code civil, des articles R. 5424-2, R. 5424-6, L. 5426-8-2, R. 5426-20, R.5426-21 et R. 5426-22 du code du travail, et des dispositions du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 relative à l’assurance chômage, de :
– débouter Mme [P] de son appel contre le jugement rendu le 17 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse dans l’instance l’opposant à France Travail, anciennement dénommée Pôle Emploi,
– confirmer le jugement rendu le 17 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse en toutes ses dispositions,
– rejeter l’opposition à contrainte formée par Mme [P] le 6 décembre 2019,
– valider et confirmer la contrainte signifiée le 25 novembre 2019 par France Travail, anciennement dénommée Pôle Emploi, à Mme [P],
En conséquence,
– condamner Mme [P] au remboursement de la somme en principal de 67.696,82 euros au titre des allocations chômage par elle indûment perçues pendant la période du 27 avril 2017 au 28 février 2019, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 août 2019,
– débouter Mme [P] de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles, fins et conclusions,
– condamner Mme [P] à payer à France Travail, anciennement dénommée Pôle Emploi, la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
L’établissement public France Travail conteste le statut de salariée de Mme [P]. Il soutient qu’elle ne remplissait pas en réalité les conditions d’ouverture de droits aux allocations de retour à l’emploi en raison de ses fonctions exercées au sein de la société [6]. Il invoque l’absence de tout lien de subordination au sein de la société [6], élément caractéristique du contrat de travail, ainsi que l’absence de preuve d’une rémunération en contrepartie de fonctions techniques distinctes de son mandat social. Il soutient que le contrôle de l’URSSAF ne lie pas France Travail, et fait valoir que Mme [P] était co-gérante, avec Mme [U], de la société Holding [5], présidente de la Sas [6] du 27 octobre 2010 au 17 avril 2018 . Elle conteste l’effectivité des fonctions de courtière de Mme [P], distinctes de ses fonctions de dirigeante de la société. Elle fait valoir que Mme [P] disposait des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société et avait le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 janvier 2025. L’affaire a été examinée à l’audience du 21 janvier 2025.
Les pièces versées aux débats établissent les éléments suivants.
Concernant Mme [P] :
– elle a été embauchée par la société [6] le 17 janvier 2000, par contrat à durée déterminée, transformé par avenant du 12 octobre 2001 en contrat à durée indéterminée, à temps partiel, en qualité de guichetière, pour un salaire de 656 euros; un avenant du 1er septembre 2003 modifie les horaires de travail de Mme [P], sans modifier ses fonctions ni sa rémunération mensuelle; les avenants postérieurs du contrat de travail ne sont pas produits;
– Mme [P] a été licenciée par la société [6] le 15 mars 2017;
– sa rémunération des douze mois précédant son licenciement s’établit, selon l’attestation de l’employeur du 15 mars 2015, pour un emploi de courtière et une durée de travail mensuelle de 151,67 heures, à la somme mensuelle brute de 4.179,97 euros, ponctuellement portée à 7.179,97 euros en juillet 2016, 6.256,15 euros en août 2016, et 24.270,45 euros en décembre 2016.
Concernant la société [6]:
– cette société anonyme a été transformée en société par actions simplifiée à associé unique (Sasu) le 30 juin 2004;
– la société à responsabilité limitée Holding [5], co-gérée par Mme [P] et Mme [U], est devenue associée unique et présidente de la société [6] le 16 septembre 2010.
Concernant la société Holding [5]:
– la société à responsabilité limitée (Sarl) Holding [5], immatriculée le 8 avril 2010, a été constituée par Mme [P] et Mme [U], co-gérantes et détenant chacune 500 parts;
– elle a été transformée en société par actions simplifiée (Sas) le 6 décembre 2016; Mme [P] a alors cessé ses fonctions de co-gérante et Mme [U] est devenue présidente de la société par actions simplifiée;
– il résulte d’un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire de la Sas Holding [5] en date du 3 janvier 2017 qu’à cette date Mme [P] n’était plus associée de la Sas Holding [5], dont les parts étaient alors détenues à hauteur de 500 actions par Mme [U] et 500 actions par M.[K] [T].
L’établissement public France Travail conteste la possibilité pour Mme [P] de cumuler les qualités de salariée de la société [6] et de mandataire social de la société Holding [5], associée unique de la société [6].
En présence d’un contrat de travail apparent, c’est à la partie qui invoque le caractère fictif des fonctions techniques exercées, ou l’absence de lien de subordination à l’égard de l’employeur désigné par le contrat, qu’il incombe d’en rapporter la preuve.
Les pièces produites laissent présumer que Mme [P] a successivement exercé, au sein de la société [6], les fonctions de guichetière puis de courtière. L’établissement public France Travail ne justifie d’aucun élément propre à démontrer que cet emploi, débuté avant et poursuivi après le mandat social de Mme [P] au sein de la société Holding [5], ait eu un caractère fictif. Mme [P] était rémunérée en contrepartie de ses prestations par la société [6], et non par la société Holding [5]. Les parties ne précisent pas si Mme [P] a également perçu une rémunération de la société Holding [5], pour ses fonctions de co-gérante de cette société, étant rappelé que les statuts de la société Holding [5] prévoient que le mandat de gérance peut être exercé à titre gratuit ou rémunéré.
En revanche, il est établi que du 16 septembre 2010 au 6 décembre 2016, Mme [P], embauchée par la société [6] le 17 janvier 2000, n’était plus sous la subordination de son employeur, lorsqu’elle était simultanément co-gérante et associée égalitaire de la société à responsabilité limitée Holding [5], associée unique et présidente de la Sasu [6].
Mme [P] ne peut utilement soutenir avoir été subordonnée à Mme [U], co-gérante de la société Holding [5] et détenant le même nombre de parts qu’elle, alors que les statuts prévoient que la révocation d’un gérant ne peut intervenir qu’à la majorité de plus de la moitié des parts sociales.
Mme [P] a elle-même reconnu, en répondant le 17 mai 2019 au questionnaire que lui a adressé Pôle Emploi sur ses activités au sein de la société [6], qu’elle bénéficiait d’une procuration bancaire totale, qu’elle n’avait pas à rendre compte de ses activités, qu’elle ne recevait pas d’instructions dans le cadre de l’organisation de ses activités, et que ses activités n’étaient pas contrôlées. La seule mention d’horaires de travail, portée dans l’avenant du 1er septembre 2003, antérieur à la constitution de la société Holding [5], ne contredit pas les indications de Mme [P] sur l’indépendance dont elle bénéficiait dans le cadre de ses activités pour le compte de la société [6], de septembre 2010 à décembre 2016.
En l’absence de lien de subordination et de tout pouvoir hiérarchique s’exerçant sur Mme [P] pendant cette période, celle-ci ne peut se prévaloir de la qualité de salariée. L’appréciation de l’URSSAF, dans le cadre de la législation distincte applicable en matière de sécurité sociale, définissant l’assiette des contributions sociales, n’a pas d’incidence sur l’application des dispositions du code du travail régissant le droit à un revenu de remplacement, et spécialement celles des articles L 5421-1 et suivants du code du travail.
Il demeure que Mme [P] a été sous la subordination de la société [6] de janvier 2000 à août 2010, et qu’en l’état des pièces versées aux débats, aucun élément n’exclut que tel ait également été le cas du 1er janvier au 15 mars 2017, alors qu’elle n’était plus ni associée ni dirigeante de la société Holding [5].
Aucune fausse déclaration n’est établie à la charge de Mme [P], qui ne détenait pas de mandat social au sein de la société [6], et qui a au contraire sincèrement répondu au questionnaire qui lui a été adressé.
Avant dire droit sur le montant des sommes dues par Mme [P] à l’établissement public France Travail, il y a donc lieu:
– d’inviter Mme [P] à produire la lettre de licenciement et le solde de tout compte établis par la société [6], ainsi que toutes pièces relatives à son emploi par cette société du 1er janvier au 15 mars 2017, tels ses bulletins de salaires;
– d’inviter l’établissement public France Travail à préciser si Mme [P] pourrait prétendre au paiement d’allocations d’aide au retour à l’emploi en prenant en considération l’existence d’un travail salarié de janvier 2000 à août 2010, puis du 1er janvier au 15 mars 2017 au sein de la société [6], et dans l’affirmative d’en déterminer le montant, pour la période du 27 avril 2017 au 28 février 2019 visée par la contrainte.
Les dépens et frais irrépétibles sont réservés en fin de cause.
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire,
Ordonne la réouverture des débats;
Invite Mme [P] à produire la lettre de licenciement et le solde de tout compte établi par la société [6], ainsi que toutes pièces relatives à son emploi par cette société du 1er janvier au 15 mars 2017, tels ses bulletins de salaires;
Invite l’établissement public France Travail à préciser si Mme [P] pourrait prétendre au paiement d’allocations d’aide au retour à l’emploi en prenant en considération l’existence d’un travail salarié de janvier 2000 à août 2010, puis du 1er janvier au 15 mars 2017, au sein de la société [6], et dans l’affirmative à en déterminer le montant, pour la période du 27 avril 2017 au 28 février 2019 visée par la contrainte;
Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état dématérialisée du 12 juin 2025;
Réserve l’ensemble des demandes, frais et dépens.
La greffière Le président
M. POZZOBON M. DEFIX
.
Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?