N° RG 20/04096 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NCJN
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT-ETIENNE
Au fond du 02 juin 2020
RG : 19/01173
[J]
C/
Association BUREAU CENTRAL FRANCAIS
Société [Localité 12] INSURANCE PLC
Organisme CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA LOIRE-CP AM
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 24 Mai 2022
APPELANT :
M. [B] [J]
né le [Date naissance 5] 1968 à [Localité 9] (TUNISIE)
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106
Assisté de la SELARL GERAY AVOCATS, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 101
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/012202 du 23/07/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 11])
INTIMÉS :
BUREAU CENTRAL FRANCAIS, Association, pris es qualités de représentant en FRANCE de la compagnie [Localité 12] Portugal
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représenté par la SELARL SOREL-HUET-LAMBERT MICOUD, avocats au barreau de LYON, toque : 603
[Localité 12] INSURANCE PLC
R. [M] [D] 41
[Adresse 3]
Représentée par la SELARL SOREL-HUET-LAMBERT MICOUD, avocats au barreau de LYON, toque : 603
La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA LOIRE –
CPAM
[Adresse 1]
[Localité 6]
Non constituée
******
Date de clôture de l’instruction : 17 Juin 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Mars 2022
Date de mise à disposition : 24 Mai 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Olivier GOURSAUD, président
– Laurence VALETTE, conseiller
– Stéphanie LEMOINE, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l’audience, Stéphanie LEMOINE a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSÉ DE L’AFFAIRE
Le 12 septembre 2009, M. [J] a été victime d’un accident de la circulation en tant que conducteur d’un véhicule.
Son droit à indemnisation n’est pas discuté.
Le véhicule adverse, doté d’une immatriculation portugaise, était conduit par M. [G] et assuré auprès de la Compagnie d’assurance [Localité 12] Portugal.
Une expertise médicale amiable a été diligentée par Capita Insurance Services, représentant de la compagnie d’assurance [Localité 12] Portugal sur le territoire français, assureur du véhicule impliqué.
Le Dr [V] a déposé un rapport le 8 octobre 2012.
Une nouvelle expertise a été sollicitée et confiée au Dr [U], qui a déposé un rapport le 12 mai 2015.
Par acte d’huissier de justice du 3 avril 2019, M. [J] a assigné le Bureau central français, représentant en France de [Localité 12] Portugal, devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne aux fins d’obtenir l’indemnisation de son préjudice et ce, au contradictoire de la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire.
Par jugement du 2 juin 2020, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne a :
– donné acte à [Localité 12] Insurance PLC de son intervention volontaire,
– condamné le Bureau central français à indemniser M. [J] comme suit :
assistance à expertise : 1 200 €
tierce personne temporaire : 2 674,29 €
déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 3 443,75 €
souffrances endurées : 2 000 €
déficit fonctionnel permanent : 23 930 €
dont à déduire 9.662,04 € de provisions ;
– ordonné la capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil;
– débouté les parties du surplus de leur demande ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– déclaré le jugement à intervenir opposable à la CPAM de la Loire ;
– condamné le Bureau central français à verser à Me Geray, avocat, la somme de 2.000 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
– condamné le Bureau central français au paiement des entiers dépens de l’instance.
Par déclaration du 27 juillet 2020, M. [J] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions du 15 juin 2021, M. [J] demande à la cour de :
– infirmer le jugement,,
– condamner le Bureau central français à lui payer les sommes de :
‘ 1.162,04 € au titre des dépenses de santé actuelles
‘ 174.404,13 € au titre des pertes de gains professionnels futurs
‘ 40.000 € au titre de l’incidence professionnelle
‘ 35.572,40 € au titre de l’assistance tierce personne permanente
‘ 3.600 € au titre des souffrances endurées
‘ 24.700 € au titre du déficit fonctionnel permanent
– débouter le Bureau central français de sa demande de déduction de provisions à hauteur de 9.662,04 € ;
– juger que, dans la limite de 25.555 €, l’indemnité devant revenir à M. [J] en réparation de son entier préjudice, avant imputation de la créance de l’organisme social, produira intérêts de plein droit au double du taux d’intérêt légal à compter du 8 mars 2012 et jusqu’au 13 juin 2015, en application des articles L. 211-9 et L.211-13 du code des assurances ;
– ordonner le report du point de départ des intérêts au jour de la consolidation de ses lésions, telle que fixée par le rapport d’expertise du Dr [V] au 17 juillet 2012, par application de l’article 1231-7 du code civil ;
– ordonner la capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil ;
– déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la CPAM de la Loire ;
– condamner le Bureau central français à verser à Me [P], avocat, la somme de 3.000 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
– condamner le Bureau central français au paiement des entiers dépens de l’instance au profit de Me [P], et à recouvrer comme il est prescrit en matière d’aide juridictionnelle.
Aux termes de leurs conclusions du 20 mai 2021, le Bureau central français et la compagnie [Localité 12] insurance PLC demandent à la cour de :
– débouter M. [J] de la demande présentée au titre de l’incidence professionnelle pour la première fois en cause d’appel ;
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne le 2 juin 2020 en ce qu’il a débouté M. [J] de ses demandes au titre des dépenses de santé actuelles, de pertes de gains professionnelles futures, d’aide humaine permanente, et de doublement des intérêts légaux et en ce qu’il a fixé les postes suivants :
frais d’assistance à expertise : 1.200 €
déficit fonctionnel temporaire : 3.443,75 €
souffrances endurées : 3.600 €
L’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,
– homologuer le rapport du Dr [U],
– débouter M. [J] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– fixer comme suit les postes :
dépenses de santé actuelles : néant
aide humaine temporaire : néant et à titre subsidiaire à 15 € de l’heure
dépenses de santé futures : néant
perte de gains professionnels futurs : néant et à titre subsidiaire 40.688 € (avec un taux de capitalisation pour une rente arrêtée à 65 ans)
aide humaine permanente : néant
déficit fonctionnel permanent : 20.800 €
incidence professionnelle : néant
– déduire les provisions versées à hauteur de 9.662,04 € et le règlement effectué au titre de l’exécution provisoire à hauteur de 23.634,78 €.
– dire n’y avoir lieu à doublement d’intérêts
– dire n’y avoir lieu au prononcé d’une indemnité au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991
– condamner M. [J] aux entiers dépens.
Par exploit d’huissier de justice du 25 juin et du 2 novembre 2020, M. [J] a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions à la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire.
La caisse primaire d’assurance maladie de la Loire n’a pas constitué avocat.
Elle a été assignée à domicile et il convient de statuer par décision réputée contradictoire.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 juin 2021.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I. Sur la fixation du préjudice de M. [J]
Le droit à indemnisation de M. [J] n’est pas contesté par le Bureau central français.
Le Bureau central français sollicite que l’indemnisation du préjudice de M. [J] soit évaluée sur la base du rapport d’expertise du Dr [U] et en conséquence, que ce rapport d’expertise soit homologué par la cour. Il expose que, selon un acte du 13 novembre 2014, un compromis d’arbitrage médical amiable a été mis en place avec M. [J], désignant le Dr [U] pour évaluer les conséquences de l’accident et précisant à l’article 21 de ce compromis d’arbitrage, que cet examen «aura la valeur d’expertise judiciaire».
Cependant, ainsi que l’ont à bon droit retenu les premiers juges, les rapports d’expertise n’ont vocation qu’à éclairer le juge, lequel ne saurait être lié par les constatations ou les conclusions du technicien.
En conséquence, il convient de débouter les intimés de leur demande d’homologation du rapport d’expertise du Dr [U].
Il ressort du rapport du Dr [V], établi le 13 mars 2012, qu’à la suite de l’accident, M. [J] a présenté:
– un traumatisme crânien avec perte de connaissance et déficit moteur modéré du membre inférieur gauche,
– une contusion simple du rachis lombaire,
– une contusion du rachis cervical.
Des céphalées, des insomnies et des troubles cognitifs l’ont conduit à consulter à plusieurs reprises son médecin traitant, sans que l’IRM encéphalique réalisée en mars 2010, ne montre d’anomalie.
Du 10 juin 2010 au 30 mai 2011, il a été suivi dans un service de réadaptation fonctionnelle spécialisé dans la prise en charge des traumatismes crâniens. Une prise en charge par un psychiatre a par ailleurs été assurée de juin 2010, au printemps 2011.
Deux ans et demi après l’accident, il a persisté des troubles cognitifs à type de difficultés de mémorisation, de troubles de la concentration et des troubles psychologiques à type de reviviscence pénible de l’accident.
L’examen clinique ne note pas d’anomalie somatique pouvant être directement imputée à l’accident.
Les troubles cognitifs ont été évalués au centre médical d’Argentière le 17 juillet 2011, qui ont montré un certain nombre de difficultés cognitives. En 2012, le bilan neuro psychologique conclut à la persistance d’un certain nombre de difficultés cognitives qu’il est néanmoins difficile de rapporter de façon certaine au traumatisme crânien, ainsi que des capacités de raisonnement verbal un peu insuffisantes, avec des difficultés aussi bien pour les tests faisant appel aux capacités de conceptualisation, de compréhension et d’explication du fondement des conduites sociales.
Les conséquences médico-légales de l’accident de M. [J] s’établissent comme suit :
– date d’hospitalisation imputable : du 12 au 16 septembre 2009,
– date de l’arrêt d’activité professionnelle imputable : du 12 septembre 2009 au 14 juin 2011,
– déficit fonctionnel temporaire total du 12 au 16 septembre 2009,
– déficit fonctionnel partiel de classe III du 17 septembre au 16 octobre 2009,
– déficit fonctionnel partiel de classe II du 17 octobre 2009 au 8 février 2010,
– déficit fonctionnel partiel de classe I du 9 février 2010 au 16 juillet 2012,
– date de consolidation le 17 juillet 2012,
– déficit fonctionnel permanent de 13%,
– souffrances endurées de 1,5/7,
– préjudice esthétique : néant,
– répercussions des séquelles sur l’activité professionnelle : existe, M. [J] ayant pu reprendre des activités en maçonnerie mais à un niveau inférieur à celui auquel il les exerçait antérieurement (maçon au lieu de chef d’équipe),
– répercussions des séquelles sur l’agrément : néant
– frais futurs à caractère certain et prévisible : néant.
Selon le rapport du Dr [U], établi le 12 mai 2015, les lésions ont consisté en :
– un véritable traumatisme psychologique à l’origine de troubles mnésiques immédiats en l’absence de notion de traumatisme crânien et avec une iconographie (scanner, IRM) qui est toujours restée négative,
– un vraisemblable traumatisme cervical qui n’apparaît que le 5 octobre 2009, un collier cervical souple aurait été porté pendant un mois,
– un traumatisme lombaire, avec douleurs lombaires basses, ainsi qu’un déficit moteur modéré du membre inférieur gauche, qui n’a par la suite pas été retrouvé.
Après l’hospitalisation de M. [J], le tableau était dominé par des troubles de type céphalées, insomnie, apathie, troubles du comportement avec amnésie lacunaire.
La prise en charge psychiatrique par le centre médical de [10] à compter du 10 juin 2010 a atténué les phénomènes de reviviscence et les cauchemars, sans apporter d’amélioration définitive.
M. [J] a repris une activité professionnelle à un poste inférieur du 16 juin 2011 jusqu’au 25 novembre 2011, date à laquelle il a eu un arrêt de travail. Il a ensuite repris au premier semestre 2013, mais a été de nouveau arrêté le 12 juin 2013, sans qu’il n’y ait eu de reprise professionnelle.
Le 2 décembre 2014, M. [J] a débuté un stage dans un centre de rééducation professionnelle mais le 27 mars 2015, ce stage a été interrompu «pour raisons médicales.»
Cinq ans après l’accident, M. [J] se plaint de troubles de la mémoire, troubles de la concentration, troubles du comportement, d’épisodes de désorientation temporo spatiale.
M. [J] poursuit un traitement antidépresseur, anxiolytique et anti-épileptique/migraineux.
L’examen clinique du 18 mai 2015 n’a pas retrouvé de séquelles au niveau somatique et l’examen psychiatrique a essentiellement retrouvé des signes de la lignée post-traumatique.
Les conséquences médico-légales de l’accident de M. [J] retenues par le Dr [U] sont identiques à celles retenues par le Dr [V], sauf en ce qui concerne:
– les souffrances endurées, évaluées à 2,5/7,
– la répercussion des séquelles sur l’activité professionnelle : néant.
A propos des répercussions sur l’activité professionnelle, le Dr [U] explique que l’incapacité au travail n’est pas en relation directe, certaine et exclusive avec l’accident du 12 septembre 2009, s’agissant d’une pathologie traumatique anorganique, psychiatrique caractérisée par une amnésie lacunaire, des épisodes de reviviscence de l’accident et des cauchemars. Il précise qu’on peut penser qu’au moins une partie des séquelles psychiatriques doit être imputée à l’accident du 12 septembre 2009, qui a été l’élément déclencheur.
Ces deux rapports d’expertise, de M. [V] et M. [U], sont retenus comme base d’évaluation du préjudice subi par M. [J], sous les éventuelles réserves qui seront alors précisées.
A. Préjudices patrimoniaux
1. Préjudices patrimoniaux temporaires
– les dépenses de santé actuelles :
M. [J] sollicite, au titre des frais d’hospitalisation, la somme de 1 162, 04 euros. Il précise qu’il ne dispose pas des justificatifs de la somme demandée, qu’il dit avoir transmis à la compagnie d’assurance.
Le Bureau central français conclut au rejet des demandes au titre de ce poste de préjudice, en l’absence de justificatif, la «quittance frais d’hospitalisation» d’un montant de 1 162,04 euros correspondant selon lui, à une provision à valoir sur la liquidation de son préjudice corporel ayant été affectée à des frais d’hospitalisation qui resteraient éventuellement à charge.
En l’absence de justificatif précis des frais de santé qui seraient définitivement à charge, il convient de débouter M. [J] et de confirmer le jugement de ce chef.
– les frais d’assistance à expertise :
Conformément à l’accord des parties sur ce point, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il fixe ce poste de préjudice à la somme de 1.200 euros.
– l’assistance tierce personne temporaire :
M. [J] sollicite à ce titre la somme de 2.674, 29 euros, représentant une aide d’une heure par semaine, rémunérée à hauteur de 18 euros, pour la réalisation de tâches administratives, du 12 septembre 2009 au 17 juillet 2012, soit pour 1.040 jours.
Il fait valoir que ce besoin a été retenu par le Dr [V] jusqu’à la date de consolidation, le 17 juillet 2012 et que le Dr [U], qui ne s’est pas prononcé dessus, ne l’a pas réfuté. Il ajoute qu’il convient de retenir la nécessité d’une assistance tierce personne sur toute la période d’évolution traumatique des lésions, qui a été réalisée par ses proches, compte tenu de la névrose post traumatique à laquelle il doit faire face.
Le Bureau central français conclut à l’infirmation du jugement de ce chef et au débouté de cette demande, le dr [U] n’ayant pas retenu ce poste de préjudice. A titre subsidiaire, il propose que soit retenu un taux horaire de 15 euros, en l’absence de tout justificatif relatif à l’intervention d’une société spécialisée.
Ainsi que l’ont pertinemment retenu les premiers juges, compte tenu des incapacités fonctionnelles engendrées par la névrose post traumatique, consistant en un ralentissement intellectuel, des troubles de la concentration et du comportement, ainsi qu’une apathie et des céphalées, il est établi, ainsi que le préconise le Dr [V], que M. [J] a eu besoin d’une assistance par une tierce personne d’une heure par semaine à compter du 12 septembre 2009 et jusqu’à la date de consolidation, le 17 juillet 2012, soit pendant 1.040 jours.
Au regard des prix moyens du marché, il convient de retenir, pour une aide, par une personne active, qui n’a pas besoin d’être spécialisée compte tenu de la nature des séquelles, un taux horaire de 18 €, étant rappelé que le taux horaire ne saurait être réduit lorsque l’assistance a un caractère familial et provient, comme en l’espèce, des proches de la victime.
Ainsi, l’indemnisation de l’aide humaine est fixée à la somme de (1 heure/7 jours X 1040 jours X 18 euros) 2.674,29 euros et le jugement déféré est, en conséquence, confirmé de ce chef.
2. Préjudices patrimoniaux permanents
– la perte de gains professionnels futurs :
M. [J] sollicite la somme de 174.404,13 euros à ce titre.
Le Bureau central français conclut à la confirmation du jugement et au débouté de ce chef de préjudice au motif que le dr [U] n’a retenu aucune répercussion de l’accident sur l’activité professionnelle de M. [J], de sorte qu’il ne rapporte pas la preuve que la perte de son emploi, en 2013, puis sa mise en invalidité et l’octroi d’une pension sont en rapport avec l’accident de 2009.
Ce poste de préjudice vise à indemniser la victime de la perte ou la diminution des revenus de la victime consécutive à l’accident, à laquelle elle est confrontée dans sa vie professionnelle à compter de la date de consolidation. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut entraîner pour la victime la perte de son emploi ou son aménagement à temps partiel à la suite du dommage consolidé.
A ce titre, les deux experts ont retenu que M. [J] souffrait d’une névrose post traumatique engendrant des difficultés cognitives, une fatigabilité et des troubles du caractère justifiant l’attribution d’un taux de déficit fonctionnel permanent de 13% sur la base des bilans effectués.
Néanmoins, ils s’opposent sur les conséquences de ce diagnostic : si le dr [V] a retenu une répercussion professionnelle des séquelles sur l’activité professionnelle de M. [J], qui a pu reprendre des activités en maçonnerie en juin 2011, mais à un niveau inférieur, en revanche, le dr [U] a retenu que l’incapacité au travail n’était pas en relation directe, certaine et exclusive avec l’accident du 12 septembre 2009. Selon lui, s’agissant «d’une pathologie traumatique anorganique», les difficultés professionnelles rencontrées lors de la reprise professionnelle, et à distance de la reprise professionnelle ne pouvaient pas être imputés de manière directe et certaine à l’accident. L’expert a cependant précisé, en page 12 de son rapport, que l’«on peut quand même penser qu’au moins une partie des séquelles psychiatriques doit être imputée à l’accident du 12 septembre 2009, qui a été l’élément déclencheur.»
Il résulte de ces éléments que l’accident de M. [J] a eu une répercussion sur ses facultés cognitives, qui ont eu des conséquences sur ses activités professionnelles puisque les bilans neuro-psychologiques effectués en février 2010 et en juillet 2011, puis les expertises, ont montré d’importants troubles de la mémoire, de la concentration et des troubles psychologiques à type de reviviscence pénible de l’accident.
Cependant, il n’est pas établi que M. [J] ne pouvait plus travailler, le dr [V] ayant constaté qu’il avait pu reprendre des activités en maçonnerie, même si c’était à un niveau inférieur à celui auquel il les exerçait antérieurement (maçon au lieu de chef d’équipe). De même, le fait qu’il se soit vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé le 1er mars 2014 par la MDPH de la Loire, puis qu’il se soit vu attribuer une pension d’invalidité de 2ème catégorie le 25 mars 2015, ne signifie pas qu’il n’était plus en mesure d’exercer aucune activité professionnelle.
Or, à compter de la date de consolidation, fixée au 17 juillet 2012, il ressort du rapport du Dr [U] que M. [J] a travaillé du mois de janvier 2013 jusqu’au 12 juin 2013, date à laquelle il a été en arrêt de travail en raison d’une fracture de l’épaule gauche avec lésion de la coiffe des rotateurs, sans qu’il n’y ait plus de reprise professionnelle à compter de cette date et sans qu’il ne soit établi que cet arrêt était en lien avec son accident de 2009.
Dès lors, en l’absence de lien de causalité certain entre l’absence de reprise professionnelle après l’arrêt de travail du 12 juin 2013 et l’accident de 2009, M. [J] doit être indemnisé pour la perte de revenus qu’il a subi à compter de la date de consolidation, fixée au 17 juillet 2012 jusqu’au 12 juin 2013, soit pour 331 jours.
Il résulte des bulletins de salaire de M. [J] et de ses avis d’impôts sur le revenu 2008 et 2009, qu’il percevait avant son accident un revenu annuel de 14.627 euros, soit 1.219 euros net mensuel. Contrairement à ce qu’il soutient, M. [J] n’a pas uniquement perçu des indemnités de chômage, non déductibles, à compter du 1er janvier 2013, puisqu’il a travaillé et son avis d’impôt sur le revenu de 2014 mentionne qu’il a perçu à ce titre la somme de 3.598 euros, qu’il y a lieu de déduire.
En conséquence, l’indemnité s’élève à la somme de ((1.219 X 12 mois)/365 jours) X 331 jours – 3.598 euros) 9.667,39 euros.
– l’incidence professionnelle :
La demande d’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle, sollicitée pour la première fois en cause d’appel, ne constitue pas une demande nouvelle, dans la mesure où elle a le même fondement que les demandes initiales en réparation du préjudice corporel de M. [J], consécutif à l’accident de 2009, et ce aux fins d’indemnisation intégrale.
En conséquence, cette demande, même formulée pour la première fois en cause d’appel par M. [J] est recevable.
L’incidence professionnelle a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ainsi, l’indemnisation au titre de l’incidence professionnelle se cumule avec l’indemnisation de la perte de gains futurs.
Comme le soutient M. [J], il est établi que du fait de l’accident, il a subi une dévalorisation sur le marché du travail, n’a pas pu progresser dans son activité professionnelle ainsi que le laissait présager son ancien poste puisqu’il était antérieurement, chef d’équipe dans le bâtiment, ce qui aurait en principe dû lui permettre d’accéder à un poste d’agent de maîtrise, avec une augmentation corrélative de son salaire et de ses droits à la retraite.
En conséquence de ces éléments, il convient de fixer ce préjudice à la somme de 20.000 euros.
– l’assistance tierce personne permanente :
M. [J] sollicite à ce titre de retenir un besoin en aide humaine permanent à raison d’une heure par semaine, rémunérée selon un taux horaire de 18 euros, soit la somme totale de 35.572,40 euros.
Le Bureau central français s’oppose à cette demande.
Ce poste de préjudice n’ayant pas été retenu par les experts, il convient de rejeter cette demande et de confirmer le jugement de ce chef.
B. Préjudices extra patrimoniaux
1. Préjudices extra patrimoniaux temporaires
– déficit fonctionnel temporaire :
Conformément à l’accord des parties sur ce point, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il fixe ce poste de préjudice à la somme de 3.443,75 euros.
– Souffrances endurées :
Conformément à l’accord des parties sur ce point, il y a lieu de fixer ce poste de préjudice à la somme de 3.600 euros. Le jugement est donc réformé de ce chef.
2. Préjudices extra patrimoniaux permanents
– déficit fonctionnel permanent :
Il a été évalué à 13% par les deux experts. M. [J] sollicite 24.700 euros de ce chef, tandis que le Bureau central français demande qu’il soit fixé à la somme de 20.800 euros.
C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont fixé ce préjudice à la somme de 23.930 euros. Le jugement est donc confirmé de ce chef.
C. Doublement des intérêts légaux
En application de l’article L. 211-9 du code des assurances, le Bureau central français est tenu de faire à la victime une offre d’indemnisation dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident, qui peut avoir un caractère provisionnel lorsque le Bureau central français n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de la victime ; l’offre d’indemnisation définitive doit être présentée dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle le Bureau central français a été informé de la consolidation.
Aux termes de l’article L. 211-13 du code des assurances, lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L. 211-9, le montant de l’indemnité offerte par le Bureau central français ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables au Bureau central français.
En l’espèce, M. [J] demande l’application de la sanction depuis le 8 mars 2012 ,soit 5 mois après le dépôt du rapport d’expertise par le dr [V], le 8 octobre 2012, et jusqu’au 13 juin 2015, date de l’offre faite par le Bureau central français.
Le Bureau central français s’oppose à la demande en invoquant de circonstances particulières ayant retardé la proposition d’indemnisation du Bureau central français et il soutient qu’il n’a pas été en mesure de formuler une offre définitive suite au dépôt du rapport du docteur [V] au regard des contestations élevées par M. [J] sur les conclusions expertales, ayant nécessité la mise en place d’une nouvelle expertise, confiée au dr [U] et qu’elle a fait diligence dans l’indemnisation des préjudices de M. [J] dans le respect de ses obligations issues de la loi du 5 juillet 1985.
Il ressort des pièces produites que dans un rapport d’expertise, le docteur [V], missionné en qualité d’expert par le Bureau central français, a défini les conséquences médico-légales de l’accident pour M. [J] et a fixé la date de consolidation de la victime au 17 juillet 2012.
Il n’est pas discuté par le Bureau central français que ce rapport a été porté à sa connaissance le 8 octobre 2012.
Il aurait dû, en conséquence, formuler une offre d’indemnisation au plus tard le 8 mars 2012.
La contestation émise par M. [J] sur ce rapport, ne dispensait pas le Bureau central français de faire une offre d’indemnisation et cette contestation ne caractérisait pas une circonstance particulière retardant la proposition d’indemnisation du Bureau central français.
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception adressé le 13 juin 2015, le Bureau central français a formulé une offre d’indemnisation dont il n’est pas soutenu qu’elle était incomplète ou manifestement insuffisante.
En application des dispositions légales sus visées, il convient de dire que le Bureau central français est tenu au paiement des intérêts au double de l’intérêt légal sur la somme de 25.555 €, montant de l’offre formulée par le Bureau central français, à compter du 8 mars 2012 et jusqu’au 13 juin 2015, date de l’offre d’indemnisation du Bureau central français.
Le jugement est infirmé de ce chef.
En outre, il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts et de dire que les intérêts dus au moins pour une année entière, produisent intérêts. En revanche, il n’y a pas lieu d’ordonner le report du point de départ des intérêts au 17 juillet 2012, correspondant à la date de consolidation des lésions de M. [J].
D. Déduction des provisions
Le Bureau central français sollicite que soient déduites des sommes dues à M. [J], les provisions qu’il allègue avoir versées, à hauteur de 9.662,04 euros et le règlement effectué au titre de l’exécution provisoire, à hauteur de 23.634,78 euros.
M. [J] conclut au débouté de la demande de déduction des provisions invoquées en l’absence de preuve de leur paiement.
Par trois documents du 15 mars 2010 et 23 avril 2013, M. [J] a donné quittance à Capita insurance services, agissant en qualité de correspondant en France de [Localité 12] Portugal, du versement, respectivement, des sommes de 1.162,04 euros, 500 euros et 8.000 euros. Il n’est donc pas fondé à soutenir qu’il ne les a pas perçues et ces sommes devront être déduites des sommes dues. Il y a donc lieu de confirmer le jugement de ce chef. Devront également être déduites, les sommes perçues au titre de l’exécution provisoire, à hauteur de la somme de 23.634,78 euros.
II. Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 2° du code de procédure civile au profit Me Nathalie Rose, avocat intervenant au titre de l’aide juridictionnelle, en appel et le Bureau central français est condamné à lui payer à ce titre la somme de 3.000 €.
Les dépens d’appel sont à la charge du Bureau central français qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.
La caisse primaire d’assurance maladie de la Loire est partie à l’instance, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de lui déclarer commun le présent arrêt, lequel lui est par principe opposable en raison de sa qualité de partie.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives à la perte de gains professionnels futurs, aux souffrances endurées et au doublement des intérêts légaux.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe comme suit les préjudices subis par M. [J]:
* préjudices patrimoniaux
préjudices patrimoniaux permanents
– perte de gains professionnels futurs : 9.667,39 €
– incidence professionnelle : 20.000 €
* préjudices extra-patrimoniaux
préjudices extra patrimoniaux temporaires
– les souffrances endurées : 3.600 €
Condamne le Bureau central français à payer à M. [J] la somme de 33.267,39 €, au titre de ses préjudices;
Dit que les sommes perçues au titre de l’exécution provisoire du jugement, à hauteur de la somme de 23.634,78 euros, sont à déduire de cette condamnation, étant précisé que le jugement est confirmé en ce qu’il a déjà déduit la provision de 9.662, 04 €;
Condamne le Bureau central français à payer à M. [J] des intérêts au double du taux légal sur la somme de 25.555 €, à compter du 8 mars 2012 et jusqu’au 13 juin 2015 ;
Dit que les intérêts dus au moins pour une année entière, produisent intérêts.
Dit n’y avoir lieu à déclarer le présent arrêt opposable à la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne le Bureau central français aux dépens d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Rose, avocat, par application de l’article 699 du code de procédure civile,
Condamne le Bureau central français à payer en cause d’appel à Me [P], avocat, la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 2° du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
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