Cessation des paiements et redressement judiciaire : constatation et motivation insuffisantes.

·

·

Cessation des paiements et redressement judiciaire : constatation et motivation insuffisantes.

État de cessation des paiements

L’article L. 631-1 du code de commerce stipule que la procédure de redressement judiciaire est ouverte à tout débiteur en cessation des paiements, définie comme l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Cette règle implique que le créancier qui assigne son débiteur en redressement judiciaire doit prouver l’état de cessation des paiements, c’est-à-dire démontrer que le débiteur ne peut pas régler ses dettes à leur échéance.

Motivation du jugement

Conformément aux articles 455 et 458 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé, à peine de nullité. La motivation doit caractériser la situation de cessation des paiements, en analysant les éléments de preuve fournis par les parties.

Le tribunal doit donc examiner les créances déclarées et l’actif disponible pour établir si le débiteur est effectivement en cessation de paiements.

Preuve de la cessation des paiements

La jurisprudence précise que les procédures civiles d’exécution engagées en vain contre le débiteur peuvent établir l’absence d’actif disponible, ce qui est un indicateur de cessation des paiements.

L’actif disponible comprend la trésorerie, les valeurs réalisables à court terme et les sommes dont le débiteur peut immédiatement disposer.

Refus de paiement

En cas de refus de paiement, le débiteur doit justifier ce refus conformément à l’article 1353 du code civil.

Si le débiteur ne fournit pas de justification valable, cela peut renforcer la présomption de cessation des paiements.

Conséquences de la constatation de cessation des paiements

La constatation de l’état de cessation des paiements entraîne l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, conformément aux articles L. 631-1 et suivants du code de commerce.

Cette procédure vise à permettre la sauvegarde de l’entreprise et le règlement de ses dettes dans un cadre judiciaire.

L’Essentiel : L’article L. 631-1 du code de commerce stipule que la procédure de redressement judiciaire est ouverte à tout débiteur en cessation des paiements, définie comme l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible. Le créancier doit prouver cet état, démontrant que le débiteur ne peut pas régler ses dettes. Le tribunal examine les créances déclarées et l’actif disponible pour établir la cessation des paiements, tandis que les procédures civiles d’exécution engagées peuvent indiquer l’absence d’actif disponible.
Résumé de l’affaire : La SAS ACR Construction, créée en 2020 pour des activités de construction et de rénovation, a fait face à des contraintes financières émises par l’URSSAF Languedoc Roussillon entre janvier et novembre 2023, totalisant 94 757,84 euros. En juin 2024, l’URSSAF a assigné la société pour constater la cessation des paiements et ouvrir une procédure de redressement judiciaire. Le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé l’ouverture de cette procédure par un jugement du 20 septembre 2024, fixant la date de cessation des paiements au 11 juin 2024 et désignant un juge-commissaire ainsi qu’un mandataire judiciaire.

La société ACR Construction a interjeté appel de ce jugement le 26 septembre 2024, demandant son annulation ou, à titre subsidiaire, la réformation du jugement pour contester la constatation de la cessation des paiements. L’URSSAF a, de son côté, demandé la confirmation du jugement, soutenant que la société était en cessation de paiements, avec des créances impayées et des tentatives de recouvrement infructueuses. Le mandataire judiciaire a également demandé la confirmation du jugement, arguant que la société ne pouvait justifier de sa situation financière.

La cour a examiné les arguments des parties, notant que le jugement initial manquait de motivation suffisante pour établir la cessation des paiements. Cependant, elle a constaté que la société ne pouvait faire face à son passif exigible, avec un passif total de 171 591,03 euros et un actif disponible très limité. En conséquence, la cour a annulé le jugement déféré, tout en confirmant l’état de cessation des paiements et en ordonnant l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, avec des mesures pour la gestion de la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le fondement juridique de la cessation des paiements ?

La cessation des paiements est définie par l’article L. 631-1 du code de commerce, qui stipule que « la procédure de redressement judiciaire est ouverte à tout débiteur en cessation des paiements, définie comme l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible. »

Cette définition implique que le débiteur doit démontrer qu’il ne peut pas régler ses dettes à leur échéance, ce qui est une condition préalable à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.

En l’espèce, le tribunal a constaté que la SAS ACR Construction ne pouvait pas faire face à ses obligations financières, ce qui a conduit à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Quel est l’impact de l’absence de motivation dans le jugement ?

L’article 455 du code de procédure civile impose que « tout jugement doit être motivé, à peine de nullité. » Cela signifie que le tribunal doit expliquer les raisons qui l’ont conduit à sa décision, en analysant les éléments de preuve présentés.

Dans le cas présent, la SAS ACR Construction a soutenu que le jugement ne contenait aucune motivation valable, se limitant à une simple affirmation sur l’état de cessation des paiements.

La cour a conclu que le jugement déféré ne satisfaisait pas aux exigences de motivation, ce qui a conduit à l’annulation de ce jugement.

Quel est le rôle du créancier dans la procédure de redressement judiciaire ?

Selon l’article L. 631-1 du code de commerce, le créancier qui assigne son débiteur en redressement judiciaire doit prouver que ce dernier est en cessation des paiements. Cela implique de démontrer que le débiteur ne peut pas faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

La cour a rappelé que les procédures civiles d’exécution engagées contre le débiteur, qui n’ont pas abouti, peuvent servir de preuve de l’absence d’actif disponible.

Ainsi, l’URSSAF a pu justifier sa créance par des titres impayés, ce qui a contribué à établir la cessation des paiements de la SAS ACR Construction.

Quel est le délai pour établir la liste des créances déclarées ?

Le jugement a fixé à 18 mois le délai d’établissement de la liste des créances déclarées. Cette disposition est conforme aux articles L. 622-6 et suivants du code de commerce, qui régissent la procédure de redressement judiciaire.

Ce délai est crucial pour permettre aux créanciers de faire valoir leurs droits et pour assurer une gestion ordonnée de la procédure collective.

Quel est le rôle du mandataire judiciaire dans cette procédure ?

Le mandataire judiciaire, désigné par le tribunal, a pour mission de représenter les intérêts des créanciers et de gérer la procédure de redressement judiciaire. L’article L. 631-1 du code de commerce précise que le mandataire judiciaire doit veiller à la bonne administration de la procédure et à la protection des droits des créanciers.

Dans cette affaire, la SELARL Bleu Sud a été désignée en qualité de mandataire judiciaire, ce qui lui confère des responsabilités importantes dans la gestion des actifs et des passifs de la SAS ACR Construction.

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 01 AVRIL 2025

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 24/04794 – N° Portalis DBVK-V-B7I-QMM6

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 20 SEPTEMBRE 2024

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2024006782

APPELANTE :

S.A.S.U. ACR CONSTRUCTION prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée par Me Andie FULACHIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Organisme URSSAF DE LANGUEDOC ROUSSILLON – UNION DE RECOUVREMENT DE SECURITE SOCIALE ET D’ALLOCATIONS FAMILIALES DE LANGUEDOC ROUSSILLON, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège situé

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me François BORIE de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Jean-Denis CLERMONT, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.E.L.A.R.L. BLEU SUD prise en la personne de Maître [X] [P], en qualité de mandataire judiciaire de la SASU ACR CONSTRUCTION immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MONTPELLIER sous le numéro 882 341 365, dont le siège social est situé [Adresse 1].

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Charlotte BARTHELEMY, avocat au barreau de MONTPELLIER

LE PROCUREUR GENERAL

En son parquet [Adresse 6]

[Localité 4]

Ordonnance de clôture du 30 janvier 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 février 2025,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Fabrice VETU, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Gaëlle DELAGE

Ministère public :

L’affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

– Contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévue au 18 mars 2025 et prorogée au 01avril 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Gaëlle DELAGE, greffière.

FAITS ET PROCEDURE :

La SAS ACR Construction a été constituée en 2020 aux fins d’exploiter un fonds de commerce de construction et rénovation sis [Adresse 1], sur la commune de [Localité 3].

Sur la période du 19 janvier au 13 novembre 2023, l’URSSAF Languedoc Roussillon a émis diverses contraintes à l’encontre de la SASU ACR Construction dont les montants totalisent la somme de 94 757,84 euros.

Par exploit du 11 juin, 2024 l’URSSAF a assigné la société ACR Construction pour voir constater la cessation des paiements et ouvrir une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement contradictoire du 20 septembre 2024, le tribunal de commerce de Montpellier a :

-constaté l’état de cessation des paiements et prononcé l’ouverture du redressement judiciaire à l’égard de la société ACR Construction ;

-dit qu’il sera fait application des articles L. 631-1 et suivants du code de commerce et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 11 juin 2024 ;

-désigné pour cette procédure M. Bernard Smila en qualité de juge-commissaire et la SELARL Bleu Sud en qualité de mandataire judiciaire ;

-dit que l’affaire sera rappelée en chambre du conseil et constaté que l’indication de cette date a été donnée à l’audience ;

-ordonné la désignation de la SCP Bertrand de Latour et Jean-Christophe Giuseppi pour réaliser l’inventaire et la prisée prévue à l’article L. 622-6 du code de commerce ;

-invité, s’il y a lieu, les salariées de l’entreprise à désigner leur représentant dont le nom sera communiqué sans délai au greffe ;

-fixé à 18 mois le délai d’établissement de la liste des créances déclarées ;

-dit que la publicité du présent jugement sera effectuée sans délai nonobstant toute voie de recours ;

-rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;

-et employé les dépens en frais privilégiés.

Par déclaration du 26 septembre 2024, la société ACR Construction a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 16 décembre 2024, elle demande à la cour, au visa des articles L. 631-1 et suivants du code de procédure civile, de :

-juger son appel recevable et bien fondé ;

À titre principal,

-juger nul le jugement attaqué ;

À titre subsidiaire,

-réformer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté la cessation des paiements, fixé sa date au 11 juin 2024 et prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à son égard ;

-juger qu’il n’y a pas lieu à l’ouverture d’une procédure de redressement judicaire ;

-débouter l’URSSAF Languedoc Roussillon de l’ensemble de ses demandes ;

-et la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers frais et dépens.

Par conclusions du 10 décembre 2024, l’URSSAF Languedoc Roussillon demande à la cour, au visa des articles 455, 458 du code de procédure civile et des articles L. 631-1 et R. 631-2 du code de commerce, de :

-débouter la société ACR Construction de l’ensemble de ses demandes ;

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

-et statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions du 23 décembre 2024 la SELARL Bleu Sud, ès qualités de mandataire judiciaire de la SASU ACR Construction, demande à la cour, au visa des articles 656 et suivants du code de procédure civile et de l’article L. 631-1 du code de commerce, de :

-statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel formé par la société ACR Construction ;

-la débouter de l’ensemble de ses demandes ;

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

-et la condamner aux entiers dépens.

Il est renvoyé, pour l’exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Le ministère public, par conclusions communiquées aux autres parties par RPVA le 6 novembre 2024, a sollicité la confirmation du jugement entrepris.

L’ordonnance de clôture est datée du 30 janvier 2025.

MOTIFS :

Sur l’appel-annulation du jugement déféré

Moyens des parties :

1. La SAS ACR Construction, au visa des articles 455 et 458 du code de procédure civile, fait valoir que le jugement ne contient aucune motivation dès lors que le tribunal se borne à indiquer que « l’état de cessation des paiements étant constaté, il convient de prononcer une mesure de redressement judiciaire », simple affirmation, sans aucune étude de pièces produites, ni aucune application d’une quelconque règle, de sorte qu’à la lecture du jugement, elle ne peut même pas déterminer quelle serait la créance l’URSSAF ayant emporté la conviction du tribunal de commerce.

2. La SAS ACR Construction souligne que n’étant pas comparante, elle n’a pu justifier de sa situation, contrairement à ce qui est soutenu.

3. La SELARL Bleu Sud, prise en la personne de Maître [X] [P], ès qualités de liquidateur de la SAS ACR Construction, objecte que l’invocation au sein de ses écritures de la nullité par la SAS ACR Construction, ne donne lieu à aucune demande précise au dispositif desdites écritures ; et que la cour serait dans l’impossibilité de se prononcer sur une demande de nullité qui ne lui est en réalité pas soumise.

4. Par ailleurs, selon lui, le jugement déféré aurait bien constaté l’état de cessation des paiements en l’état de sa motivation.

5. L’URSSAF du Languedoc Roussillon explique également que le tribunal a valablement motivé sa décision au regard de ses constatations et qu’aucune nullité n’est donc encourue.

Réponse de la cour :

6. À titre liminaire, il sera fait observer que la SELARL Bleu Sud ne peut intervenir qu’en qualité de mandataire judiciaire, non pas, ès qualités de liquidateur de l’appelante, comme elle le mentionne, dès lors qu’il a été exclusivement prononcé un redressement judiciaire par le jugement du 20 septembre 2024 déféré, et non pas une liquidation judiciaire.

7. L’article 542 du code de procédure civile dispose que l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.

8. En application des dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé, à peine de nullité.

9. L’article L. 631-1 du code de commerce dispose notamment que la procédure de redressement judiciaire est ouverte à tout débiteur en cessation des paiements, définie comme l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

10. La motivation d’un jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire doit ainsi caractériser cette situation.

12. Il ressort des motifs du jugement déféré que le premier juge, à l’appui de sa décision d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, s’est déterminé par des motifs généraux abstraits, au regard des « débats et dossier » dont il n’évoque pas le contenu et dont il n’a pas fait l’analyse, si bien qu’il ne satisfait pas aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

13. Il sera consécutivement fait droit à la demande d’annulation qui est formée dans la déclaration d’appel et le dispositif des écritures de l’appelante, contrairement à ce que soutient le mandataire.

14. En application de l’article 562 du code de procédure civile prévoyant que la dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement, la cour doit néanmoins statuer sur l’ensemble du litige au fond.

Sur le bienfondé de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire

Moyens des parties :

15. Se fondant sur les dispositions des articles L. 631-1 et L. 631-5 du code de commerce et de l’article 9 du code de procédure civile, la SAS ACR Construction explique que la seule référence par un créancier à l’existence d’une créance ne rapporte pas la preuve de l’état de cessation des paiements.

L’appelante expose par ailleurs qu’il est inexact d’indiquer, comme le fait le mandataire, que le passif serait et vérifié et définitif, la quasi intégralité des créances déclarées au passif étant déclarées à titre provisionnel, ce qui démontrait, selon elle, que ces sommes, dont aucun détail n’est communiqué, ne pouvaient être exigibles au jour du jugement d’ouverture.

16. Enfin, la SAS ACR Construction explique que la seule référence au plan de trésorerie qu’elle aurait bâti n’est pas susceptible de démontrer l’existence d’un actif disponible insuffisant au jour du jugement d’ouverture dès lors qu’il lui est postérieur.

17. Le mandataire réplique qu’en l’espèce, l’essentiel des créances déclarées sont définitives, notamment, les créances déclarées par :

o La DGFIP Hérault pour les sommes de 26 743,59 euros et 3 700 euros (Pièces n°3 et 4), relatives à des amendes dues depuis Octobre 2022 ;

o L’URSSAF pour la somme de 106 117,41 euros (Pièce n°5), relative à des cotisations dues depuis juillet 2020 ;

o SOLOCAL pour la somme de 11 340 euros (Pièce n°6), relative à des factures impayées depuis le mois de novembre 2022.

18. Rappelant que ces seules créances représentent à elles seules près de 65% du passif déclaré et révélatrices de leur ancienneté, le mandataire indique qu’en guise d’actif, le débiteur, en produisant un plan de trésorerie pour la période d’octobre à décembre 2024, a lui-même mis en évidence l’absence d’actif disponible susceptible de lui permettre de faire face au passif exigible.

19. L’URSSAF du Languedoc, pour sa part, explique qu’elle a dû, durant l’année 2023, émettre des titres qui sont demeurés impayés en dépit de plusieurs tentatives de recouvrement amiable et forcée.

20. Aucun recours ni contestation n’ayant été formés à l’encontre de ces titres, sa créance serait indéniablement liquide, certaine et exigible.

Réponse de la cour :

21. Le créancier qui assigne son débiteur en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire doit rapporter les éléments de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements de ce dernier, c’est-à-dire son impossibilité à faire face à son passif exigible avec son actif disponible prévue à l’article L. 631-1 susmentionné (en ce sens, Com., 23 sept. 2020, n°18-26.143).

22. Les procédures civiles d’exécution forcée engagées en vain contre le débiteur, établissant l’absence d’actif disponible peuvent faire cette démonstration, contrairement à ce que soutient l’appelante (en ce sens, Cass. com., 20 mars 2019, n° 17-26.602).

23. Il est admis que l’actif disponible comprend la trésorerie de l’entreprise (l’existant en caisse et les soldes bancaires créditeurs), les valeurs réalisables à très court terme et les sommes dont le débiteur peut immédiatement disposer telles que les réserves ou ouvertures de crédit.

24. Dans l’hypothèse où le débiteur opposerait un refus de paiement pour quelque motif que ce soit, lequel se distingue comme le souligne à juste titre l’appelante de la cessation des paiements, il lui appartient alors de justifier des motifs de ce refus conformément à l’article 1353 du code civil.

25. Des productions retenues du mandataire, il s’avère qu’à la date du jugement d’ouverture :

– Le passif échu, créance de l’URSSAF incluses pour un montant de 58 789,77 euros, était d’un montant global de 171 591,03 euros ;

– l’actif disponible, exclusivement constitué d’une trésorerie, n’est pas renseigné au 20 septembre 2024, le mandataire fournissant des indications en ce qui concerne le 1er octobre 2024, lequel était de 55 euros.

26. Toutefois, l’impossibilité pour l’appelante de faire face à son passif exigible avec son actif disponible est caractérisée à la date du 20 septembre 2024 dès lors que l’URSSAF du Languedoc Roussillon, qui a assigné en redressement judiciaire, justifie avoir entrepris une saisie-attribution en vertu de cinq contraintes pour un montant de 72 048,17 euros (dont l’exigibilité est incontestable) sur le compte de la SAS ACR Construction inscrit dans les livres de la Société Générale, laquelle est demeurée vaine (en raison d’un compte courant débiteur selon le tiers-saisi de 10 072,53 euros) et qu’il n’est donné à la date d’ouverture aucun motif par la SAS ACR Construction du refus de paiement qu’elle allègue.

27. Il y a lieu ainsi de constater l’état de cessation des paiements, et de prononcer l’ouverture du redressement judiciaire à l’égard de la SAS ACR Construction

PAR CES MOTIFS

La cour,

Prononce l’annulation du jugement déféré,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute la SAS ACR Construction de ses demandes,

Constate l’état de cessation des paiements et prononce l’ouverture du redressement judiciaire de la SAS ACR Construction,

Dit qu’il sera fait application des articles L. 631-1 et suivants du code de commerce et fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 11 juin 2024,

Désigne M. Bernard Smila en qualité de juge-commissaire et M. Jean-Pierre Aurieres en qualité de juge-commissaire suppléants ainsi que la SELARL Bleu Sud, prise en la personne de Me [X] [P] en qualité de mandataire judiciaire,

Ordonne la désignation de SCP Bertrand de Latour et Jean-Christophe Giuseppi, commissaires de justice, pour réaliser l’inventaire et la prisée prévue à l’article L. 622-6 du code de commerce,

Fixe à 18 mois le délai d’établissement de la liste des créances déclarées,

Dit que les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective,

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Votre avis sur ce point juridique ? Une actualité ? Une recommandation ?

Merci pour votre retour ! Partagez votre point de vue, une info ou une ressource utile.

Chat Icon