Le caractère distinctif d’une marque

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Le caractère distinctif d’une marque

Le Calot français est une marque valide et non descriptive pour les produits désignant du linge de maison.

L’article L711-1 du code de la propriété intellectuelle définit la marque comme étant « un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales ».

L’article L711-2 du même code interdit l’enregistrement, et déclare nul l’enregistrement de signes qui ne peuvent constituer une marque au sens de l’article L711-1.

Qu’il soit intrinsèque ou acquis par l’usage, le caractère distinctif s’apprécie par rapport, d’une part, aux produits ou services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, à la perception présumée d’un consommateur moyen de la catégorie de produits ou services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Le caractère distinctif d’une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés et par rapport à la perception qu’en a le public auquel cette marque est destinée.

Pour être distinctif, un signe, même s’il n’est ni nécessaire, ni générique, ni usuel, ni descriptif, doit conduire le public pertinent à penser que les produits ou services en cause proviennent d’une entreprise déterminée.

Le caractère distinctif/descriptif s’apprécie, ensuite, en tenant compte de la perception présumée de ces produits par un consommateur moyen, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé.

Le caractère distinctif de la marque demandée s’apprécie enfin en fonction de la catégorie de marque demandée.

Un signe est dépourvu de caractère distinctif car descriptif si au moins une des significations potentielles du signe désigne une caractéristique des produits concernés, en revanche, il ne peut être exclu que la pluralité de significations du signe puisse être invoquée pour établir son caractère distinctif.

L’Essentiel : La présente affaire oppose deux sociétés, l’acheteur, spécialisée dans la vente de calots pour professionnels de santé, et le vendeur, également actif dans ce secteur. Les litiges portent sur des questions de propriété intellectuelle, notamment l’enregistrement et l’utilisation de marques. En 2020, le vendeur a mis en demeure l’acheteur de cesser l’utilisation du nom commercial « LE CALOT FRANÇAIS ». En réponse, l’acheteur a assigné le vendeur en justice pour contrefaçon et concurrence déloyale. Le tribunal a rejeté les demandes de nullité des marques du vendeur et a ordonné à ce dernier de cesser l’usage de certaines marques, condamnant également le vendeur à verser des dommages et intérêts.
Résumé de l’affaire :

Contexte de l’affaire

La présente affaire oppose deux sociétés, la société LE CALOT FRANÇAIS, spécialisée dans la vente de calots pour professionnels de santé, et la société CHRYSVAL, également active dans ce secteur. Les litiges portent principalement sur des questions de propriété intellectuelle, notamment l’enregistrement et l’utilisation de marques.

Dépôts de marques et enregistrements

La gérante de la société LE CALOT FRANÇAIS a déposé plusieurs marques, dont une semi-figurative en 2018 et une autre en 2019, pour des produits d’origine française. De son côté, la gérante de la société CHRYSVAL a enregistré le nom de domaine lecalotfrancais.fr et a tenté de déposer une marque verbale qui a été retirée peu après.

Mise en demeure et actions judiciaires

En 2020, la gérante de la société CHRYSVAL a mis en demeure la gérante de la société LE CALOT FRANÇAIS, lui demandant de cesser l’utilisation du nom commercial « LE CALOT FRANÇAIS ». En réponse, la gérante de la société LE CALOT FRANÇAIS a assigné la société CHRYSVAL en justice pour contrefaçon et concurrence déloyale.

Demandes des parties

La gérante de la société LE CALOT FRANÇAIS et sa société demandent au tribunal de rejeter les demandes de nullité des marques de la société CHRYSVAL, de constater la contrefaçon et la concurrence déloyale, et d’ordonner la cessation de l’utilisation des marques par la société CHRYSVAL. En contrepartie, la société CHRYSVAL demande l’annulation des marques pour défaut de caractère distinctif et dénonce un dépôt frauduleux.

Arguments des parties

La société LE CALOT FRANÇAIS soutient que ses marques sont distinctives et qu’elles ont acquis une notoriété dans le secteur. Elle accuse la société CHRYSVAL d’avoir créé une confusion dans l’esprit du public. La société CHRYSVAL, quant à elle, argue que les marques de la société LE CALOT FRANÇAIS manquent de caractère distinctif et que son propre usage du terme « le calot français » est antérieur.

Décisions du tribunal

Le tribunal a rejeté les demandes de nullité des marques de la société LE CALOT FRANÇAIS pour défaut de caractère distinctif et a prononcé la déchéance de la marque n°4489031. Il a ordonné à la société CHRYSVAL de cesser l’usage de la marque n°4523805 et de transférer les noms de domaine contestés à la société LE CALOT FRANÇAIS. La société CHRYSVAL a été condamnée à verser 25.000 € de dommages et intérêts à la société LE CALOT FRANÇAIS.

Conclusion

Cette affaire met en lumière les enjeux de la propriété intellectuelle dans le secteur de la santé, ainsi que les conflits qui peuvent surgir entre entreprises concurrentes. Le tribunal a tranché en faveur de la société LE CALOT FRANÇAIS sur plusieurs points, tout en rejetant certaines de ses demandes, illustrant ainsi la complexité des litiges en matière de marques.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de validité d’une marque selon le Code de la propriété intellectuelle ?

La validité d’une marque est régie par plusieurs articles du Code de la propriété intellectuelle.

L’article L711-1 définit la marque comme étant « un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales ».

L’article L711-2 précise que l’enregistrement de signes qui ne peuvent constituer une marque au sens de l’article L711-1 est interdit et déclaré nul.

Pour qu’une marque soit considérée comme valide, elle doit posséder un caractère distinctif, qui s’apprécie par rapport aux produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé, ainsi qu’à la perception d’un consommateur moyen.

Le caractère distinctif doit permettre au public de penser que les produits ou services proviennent d’une entreprise déterminée.

Ainsi, une marque ne peut être considérée comme valide si elle est descriptive ou générique par rapport aux produits qu’elle désigne.

Quelles sont les conséquences d’un dépôt frauduleux de marque ?

L’article L711-2, 11° du Code de la propriété intellectuelle stipule que « ne peuvent être valablement enregistrés, et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclarés nuls, une marque dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur ».

Le dépôt d’une marque est considéré comme frauduleux lorsqu’il est effectué avec l’intention de porter atteinte à des intérêts préexistants ou de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité.

Pour établir la mauvaise foi, il est nécessaire de démontrer que le déposant avait connaissance de l’existence d’un signe utilisé par un concurrent comme signe distinctif.

Dans le cas présent, la société CHRYSVAL a soutenu que la gérante de la société LE CALOT FRANÇAIS avait déposé les marques en cause après avoir eu connaissance de l’utilisation du signe « le calot français » par la société CHRYSVAL. Cependant, cette mauvaise foi n’a pas été établie.

Quelles sont les conditions pour établir une contrefaçon de marque ?

L’article L713-2 du Code de la propriété intellectuelle interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires d’un signe identique à la marque pour des produits ou services identiques.

Il est également interdit d’utiliser un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou services similaires, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

L’appréciation de la contrefaçon se fait en tenant compte des ressemblances et non des différences, et il appartient au juge d’établir une comparaison entre la marque antérieure et le signe contesté.

Le risque de confusion doit être évalué globalement, en prenant en compte la perception du public, qui est considéré comme un consommateur d’attention moyenne.

Dans cette affaire, la société LE CALOT FRANÇAIS a démontré que la société CHRYSVAL utilisait des noms de domaine et un nom commercial identiques à ses marques, ce qui a créé un risque de confusion.

Quelles sont les implications de la déchéance d’une marque ?

L’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle stipule que le titulaire d’une marque encourt la déchéance de ses droits s’il n’a pas fait un usage sérieux de la marque pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Le point de départ de cette période est fixé à la date d’enregistrement de la marque. L’usage sérieux implique que la marque soit utilisée conformément à sa fonction de garantie de l’identité des produits et services pour lesquels elle a été enregistrée.

Dans le cas de la marque n°4489031, la société LE CALOT FRANÇAIS n’a pas produit d’éléments prouvant qu’elle avait commercialisé des produits sous cette marque depuis son dépôt, ce qui a conduit à la prononciation de sa déchéance.

Quelles sont les conséquences d’une action en concurrence déloyale ?

L’action en concurrence déloyale peut être exercée en parallèle avec l’action en contrefaçon, mais elle doit reposer sur des faits distincts.

La concurrence déloyale implique la démonstration d’une faute et d’un préjudice en lien de causalité direct avec celle-ci.

La faute est appréciée au regard du principe général de libre concurrence, qui permet à tout commerçant d’attirer la clientèle de ses concurrents, tant qu’il n’y a pas de droit privatif.

Dans cette affaire, les demanderesses ont reproché à la société CHRYSVAL l’utilisation de noms de domaine similaires, mais ces faits ont déjà été sanctionnés au titre de la contrefaçon, ce qui a conduit à leur déboutement de la demande de concurrence déloyale.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 25/ DU 06 Février 2025

Enrôlement : N° RG 24/00637 – N° Portalis DBW3-W-B7H-4KGY

AFFAIRE : Mme [F] [E] et Société LE CALOT FRANÇAIS (SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS)
C/ S.A.S.U. CHRYSVAL (Me Magali RAGETLY)

DÉBATS : A l’audience Publique du 05 Décembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente
Assesseur : BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 06 Février 2025

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSES

Madame [F] [E]
née le 28 Mai 1983 à [Localité 7] (30)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

Société LE CALOT FRANÇAIS
SARL immatriculée au RCS de Nîmes sous le n° 952 246 031, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

représentées par Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Candice POLLAUD-DULIAND, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

C O N T R E

DEFENDERESSE

Société CHRYSVAL
SASU immatriculée au RCS de Montpellier sous le n° 885 183 384, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Magali RAGETLY, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Laetitia RETY-FERNANDEZ, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

EXPOSÉ DU LITIGE :

Faits et procédure :

La société LE CALOT FRANÇAIS a été immatriculée le 1er avril 2011. Elle a pour activité la vente de calots fabriqués en France destinés aux professionnels de santé.

La société CHRYSVAL a été immatriculée le 3 septembre 2012 et a également pour activité la vente de calots destinés aux professionnels de santé.

Le 6 octobre 2018 madame [E], gérante de la société LE CALOT FRANÇAIS, a procédé au dépôt de la marque française semi-figurative sous le numéro 4489031, pour désigner les produits et services suivants : 24 : linge de maison : tous ces produits sont d’origine française ou fabriqués en France.

Le 10 février 2019, madame [E] a procédé au dépôt de la marque semi-figurative française

sous le numéro 4523805, pour désigner les produits et services en classe 10 : vêtements spéciaux pour salles d’opération ; Vêtements spéciaux pour salles d’opération : tous ces produits sont d’origine française ou fabriqués en France ; et classe 25 : Vêtements : tous ces produits sont d’origine française ou fabriqués en France.

Le 21 janvier 2019 madame [U], gérante de la société CHRYSVAL, a enregistré le nom de domaine lecalotfrancais.fr.

Le 2 mai 2020, madame [U], gérante de la société CHRYSVAL, a procédé au dépôt de la marque verbale « LE CALOT FRANÇAIS » qui subissait un retrait total le 30 août 2020.

Le 24 juin 2020, madame [E] était destinataire d’une mise en demeure de la part de madame [U], par le biais de son conseil, exigeant la cessation de l’usage du nom commercial « LE CALOT FRANÇAIS », car, selon cette dernière, elle utilisait ce nom commercial depuis 2016.

Le 16 juillet 2020, madame [U] a procédé à l’immatriculation de sa société par actions simplifiée unipersonnelle, avec un début d’activité au 8 juin 2020 et « LE CALOT FRANÇAIS » comme nom commercial.

Le 10 novembre 2020, Madame [U] a enregistré les noms de domaine calotfrancais.fr et calotfrancais.com.

Le 13 avril 2023, le conseil de Madame [E] adressait à la société CHRYSVAL un courrier de mise en demeure de cesser toute utilisation de la marque « LE CALOT FRANÇAIS », à titre de nom commercial et de noms de domaine et de réparer les préjudices de sa cliente.

Par acte de commissaire de justice en date du 16 janvier 2024 madame [E] et la société LE CALOT FRANÇAIS ont fait assigner la société CHRYSVAL.

Demandes et moyens des parties :

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 3 juin 2024 madame [E] et la société LE CALOT FRANÇAIS demandent au tribunal :
de rejeter la demande en annulation des marques n°4489031 et n°423805 ;de constater que les actes commis par la société CHRYSVAL par l’usage du signe et de la marque semi figurative LE CALOT FRANÇAIS constituent une contrefaçon des marques semi figuratives LE CALOT FRANÇAIS n°4489031et n°423805,de constater que les agissements de la société CHRYSVAL, ayant créé la confusion du public, constituent une concurrence déloyale à l’encontre de la société LE CALOT FRANÇAIS,de constater que la société CHRYSVAL a commis des agissements parasitaires en se plaçant dans le sillage de la société LE CALOT FRANÇAIS ;d’ordonner à la société CHRYSVAL de cesser l’usage des marques semi figurative LE CALOT FRANÇAIS n°4489031et n°423805 sous quelque forme et de quelque titre et nature que ce soit, et de retirer toute référence auxdites marques sur son site internet chrysval.fr, et ce, sous astreinte définitive et non comminatoire de cinq cent euros (500 €) par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,d’ordonner le transfert des noms de domaine contrefaisants « lecalotfrancais.fr », « calotfrancais.fr » et « calotfrancais.com » au profit de la société LE CALOT FRANÇAIS et ce, sous astreinte définitive et non comminatoire de cinq cent euros (500 €) par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,de condamner la société CHRYSVAL à leur payer la somme globale de 54.306,06 € au titre des dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant de la contrefaçon de la marque LE CALOT FRANÇAIS, ou bien au paiement d’une somme forfaitaire de 50.000 € correspondant au montant des redevances qu’elle aurait dû payer pour l’utilisation des marques de la société LE CALOT FRANÇAIS,de condamner la société CHRYSVAL à leur payer la somme de 54.306,06 € au titre des dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant de la concurrence déloyale et parasitaire,de condamner la société CHRYSVAL à leur payer la somme de 7.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,de débouter la société CHRYSVAL de ses demandes au titre de la concurrence déloyale.
Au soutien de leurs demandes elles font valoir :
sur le caractère distinctif de leurs marques, que la marque n°4489031 se distingue par les éléments figuratifs qui le composent, une typographie particulière utilisée de type cursive qui rappelle le modèle d’écriture enseignée dans les écoles, et une couleur bleu marine, également en usage dans les écoles. S’agissant de la marque n° 4523805, se distingue par la présence de la représentation stylisée des termes « LE CALOT FRANÇAIS » dans une typographie cursive rappelant le modèle d’écriture enseignée dans les écoles françaises ; les couleurs du cercle qui évoquent le drapeau français ; la représentation graphique d’un électrocardiogramme, d’un cœur rouge et de la seringue qui évoquent le domaine médical et donc font nécessairement référence aux produits déposés. Elles ajoutent que les termes « LE CALOT FRANÇAIS » sont parfaitement arbitraires et donc distinctifs au regard des produits déposés dans la mesure où le libellé ne désigne jamais le terme « calot ». Elles soutiennent encore que ces marques ont en tout état de cause acquis un caractère distinctif du fait de leur usage prolongé depuis 2011.sur le caractère frauduleux du dépôt de ces marques, elles exposent qu’en raison de la faible audience des publications et du compte Facebook de la société CHRYSVAL, madame [E] ne pouvait valablement avoir aucune connaissance de l’utilisation du signe « le calot français » par madame [U], que celle-ci ne dispose d’aucune antériorité ni sur le nom commercial ni sur la marque puisque l’INPI s’est opposé à son dépôt effectué le 2 mai 2020, soit postérieurement aux dépôts des marques en cause, que ce signe ne jouissait d’aucune notoriété particulière dans le secteur d’activité des vêtements à usage médical lors du dépôt et que dans ces conditions la mauvaise foi n’est pas démontrée.Sur l’utilisation des couleurs nationales, elles exposent que l’impression d’ensemble données par les marques en cause est trop éloignée de celle du drapeau français, et qu’il existe un grand nombre d’autres marques utilisant ces couleurs.Sur les actes de contrefaçon, elles reprochent à la société CHRYSVAL d’utiliser le nom de domaine lecalotfrançais.fr et lecalotfrançais.com, ainsi que le nom commercial LE CALOT FRANÇAIS, postérieurement au dépôt des marques n°4489031et n°423805, faisant ainsi usage d’un signe identique ou similaire dans la vie des affaires, pour identifier des produits similaires. Elles ajoutent que l’identification de l’origine des produits, par l’identification du bon site internet, est donc immédiatement compromise pour les usagers, prenant exemple d’une commande de l’Hôpital [4] à [Localité 5], qui a commandé à la société LE CALOT FRANÇAIS un modèle commercialisé par la société CHRYSVAL.Sur le préjudice de la société LE CALOT FRANÇAIS, cette dernière fait état de ventes perdues à hauteur de 39.996 €, d’une somme de 5.310,06 € au titre du préjudice économique correspondant à la somme de 3.764,98 euros qu’elle a été contrainte d’engager pour la mise en place d’une annonce journalière Google Ads afin de tenter de remédier à la perte de clientèle qu’elle a subi du fait de la requise et à la somme de 1.545,08 € pour l’entretien de l’annonce géré par un informaticien, outre 9.000 € au titre des estimations d’économies d’investissement réalisées par la contrefactrice.Sur la concurrence déloyale, reprochent à la société CHRYSVAL d’avoir utilisé la marque LE CALOT FRANÇAIS quelques temps après que madame [E] ait procédé au dépôt de cette marque, alors qu’elle ne l’avait jamais utilisée auparavant, et d’avoir enregistré trois noms de domaines aux marques et nom de domaines leur appartenant, dans des conditions de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du public relativement à l’origine des produits et services vendus.Sur les faits de parasitisme, elles font valoir que la société CHRYSVAL a utilisé une pratique de spamdexing consistant à tromper les moteurs de recherche sur la qualité d’une page ou d’un site afin d’obtenir, pour un mot-clef donné, un bon classement dans les résultats des moteurs, de sorte que lorsque l’on saisit les mots clés « le calot français » dans la barre de recherche GOOGLE, le site internet de la défenderesse est référencé en deuxième position.Sur la demande reconventionnelle au titre de la concurrence déloyale, elles font observer que le logo de la société CHRYSVAL dont la reprise est reprochée à madame [E] n’a pas été déposé à titre de marque et que les préjudices allégués ne sont pas démontrés.
La société CHRYSVAL a conclu le 25 août 2024 :
au rejet des demandes formées à son encontre,à titre reconventionnel à l’annulation des marques n°4489031 et n°4523805,subsidiairement à la déchéance de la marque n°4489031,plus subsidiairement à la restriction des marques n°4489031 et n°4523805 en excluant les calots et produits similaires, à la condamnation de madame [E] et de la société LE CALOT FRANÇAIS à lui payer la somme de 10.000 € de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, outre 10.000 € pour procédure abusive et 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.Elle soutient que les deux marques en cause sont nulles pour défaut de caractère distinctif, le terme « français » étant seulement propre à identifier l’origine géographique d’un produit, et le terme « calot » étant purement descriptif pour désigner une pièce d’habillement. Elle se prévaut à ce titre de la lettre de l’INPI en date du 29 juillet 2020 qui a rejeté la marque verbale « LE CALOT FRANÇAIS » au motif que cette marque ne permettra pas au consommateur de distinguer les produits visés ci-dessus de ceux des concurrents.
Elle ajoute que les éléments visuels des marques en cause ne sont pas de nature à compenser leur manque de distinctivité, ceux de la marque n°4489031 étant purement secondaires, dès lors que la couleur bleue étant une couleur très communément utilisée, de même que le fond blanc, et ceux de la marque n°4523805 ne faisant que reprendre les couleurs nationales propres à identifier l’origine des produits, de même que les deux dessins renvoient expressément à la médecine, ce qui est descriptif s’agissant de vêtements spéciaux pour salle d’opération.
La société CHRYSVAL soutient encore que ces marques sont nulles pour avoir fait l’objet d’un dépôt frauduleux, dès lors que madame [U] a utilisé le signe LE CALOT FRANÇAIS sur les réseaux sociaux dès 2013, l’usage par les demanderesses n’ayant commencé qu’en 2018. S’agissant de la marque n°4523805 elle expose qu’elle encourt la nullité pour reproduire le drapeau national, contrairement à l’article 6ter de la convention de Paris prohibant l’usage à titre de marque des drapeaux, armoiries et emblèmes d’un État.
Sur la déchéance de la marque n°4489031, elle expose que celle-ci n’a pas été utilisée pour la commercialisation de linge de maison, classe pour laquelle elle a été enregistrée.
Sur la contrefaçon, la société CHRYSVAL fait valoir que la seule existence du nom commercial au RCS ne constitue pas un usage dans la vie des affaires, étant souligné que le nom LE CALOT FRANÇAIS n’apparaît sur aucun produit vendu par la concluante ni sur son site internet commercial chrysval.fr. Elle ajoute que l’expression « calot français » ne figure plus depuis longtemps sur son site, les captures d’écran produites étant nécessairement relatives à d’anciennes pages aujourd’hui désactivées, et qu’en tout état de cause elle n’a pas été faite à titre de marque dès lors qu’elle appose sa propre marque sur les produits qu’elle commercialise. La société CHRYSVAL soutient également que les faits de contrefaçon ne sont pas démontrés en l’absence d’identification de la marque contrefaisante, qu’elle-même n’a fait que reprendre l’expression « calot français » sans reprendre les éléments visuels, qu’en présence de marques faiblement distinctives toute différence est de nature à exclure un risque de confusion et que la simple reprise des éléments verbaux ne fait que décrire les produits en cause. Elle rappelle que l’INPI dans sa lettre du 29 juillet 2020 a indiqué qu’une telle expression doit rester à la libre disposition des professionnels du secteur, et soutient que la comparaison ne peut s’opérer que sur les éléments distinctifs, en l’espèce les éléments visuels, qui ne sont pas repris dans les noms de domaine contestés.
Elle affirme encore que le préjudice allégué n’est pas démontré.
Sur la demande au titre de la concurrence déloyale, la société CHRYSVAL expose qu’elle ne repose sur aucun fait distinct de ceux allégués au titre de la contrefaçon, qu’elle n’a en tout état de cause pas commis de faute en ne faisant que reprendre dans les noms de domaine qu’elle a déposés une expression générique destinée à décrire les produits qu’elle commercialise, que les faits de spamdexing ne sont pas démontrés.
À titre reconventionnel la société CHRYSVAL reproche aux demanderesses d’avoir utilisé à partir de 2018 l’expression LE CALOT FRANÇAIS alors qu’elle-même l’utilisait déjà depuis 2013, soulignant que cette expression est utile pour attirer les clients cherchant des calots chirurgicaux français, et le fait d’avoir choisi d’utiliser ce même terme et tenté de se constituer un monopole en déposant des marques puis en utilisant ces dernières à son encontre. Elle leur reproche également la reprise d’un logo qu’elle avait fait réaliser.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 octobre 2024.

Le 21 novembre 2024 madame [E] et la société LE CALOT FRANÇAIS ont déposé de nouvelles conclusions et de nouvelles pièces avec demande de révocation de l’ordonnance de clôture.
Elles exposent que la société LE CALOT FRANÇAIS a enregistré au cours de l’exercice clos au 30 juin 2024 une perte de 27.081 €, et que par ordonnance de référé du 21 octobre 2024 le juge des référés de ce siège a ordonné à la société CHRYSVAL de cesser toute utilisation des marques déposées par la société LE CALOT FRANÇAIS.
Elles portent le montant de leurs demandes indemnitaires à 67.333,38 € au titre des préjudices économiques résultant de la contrefaçon, 30.000 € au titre de la concurrence déloyale, ou à titre alternatif à hauteur de 50.000 € correspondant au montant des redevances pour l’utilisation des marques en cause. À titre subsidiaire elles demandent l’instauration d’une expertise pour déterminer leur préjudice économique.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il n’est justifié d’aucune cause grave survenue postérieurement à l’ordonnance de clôture, dès lors que l’ordonnance de référé et la clôture des comptes dont il est fait état dans les dernières conclusions des demanderesses lui sont antérieures.
La demande tendant à la révocation de l’ordonnance de clôture sera rejetée.

En conséquence, les pièces et conclusions signifiées par RPVA par ces dernières le 21 novembre 2024, et les pièces et conclusions de la défenderesse du 4 décembre 2024 seront déclarées irrecevables.

Sur les demandes en nullité des marques pour défaut de caractère distinctif :

L’article L711-1 du code de la propriété intellectuelle définit la marque comme étant « un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales ».

L’article L711-2 du même code interdit l’enregistrement, et déclare nul l’enregistrement de signes qui ne peuvent constituer une marque au sens de l’article L711-1.

Qu’il soit intrinsèque ou acquis par l’usage, le caractère distinctif s’apprécie par rapport, d’une part, aux produits ou services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, à la perception présumée d’un consommateur moyen de la catégorie de produits ou services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Le caractère distinctif d’une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés et par rapport à la perception qu’en a le public auquel cette marque est destinée.
Pour être distinctif, un signe, même s’il n’est ni nécessaire, ni générique, ni usuel, ni descriptif, doit conduire le public pertinent à penser que les produits ou services en cause proviennent d’une entreprise déterminée.

Le caractère distinctif/descriptif s’apprécie, ensuite, en tenant compte de la perception présumée de ces produits par un consommateur moyen, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé.

Le caractère distinctif de la marque demandée s’apprécie enfin en fonction de la catégorie de marque demandée.

Un signe est dépourvu de caractère distinctif car descriptif si au moins une des significations potentielles du signe désigne une caractéristique des produits concernés, en revanche, il ne peut être exclu que la pluralité de significations du signe puisse être invoquée pour établir son caractère distinctif.

Concernant la marque n°4489031 :
La marque numéro 4489031 est une marque semi-figurative, composé du syntagme « le calot français » présenté en police cursive de type scolaire et de couleur bleu marine. Elle a été déposée en classe 24 : linge de maison.

La société CHRYSVAL se prévaut, au soutien de sa demande de nullité de cette marque pour défaut de caractère distinctif, d’une décision de refus provisoire total de l’INPI du 29 juillet 2020 d’enregistrement de la marque verbale « le calot français » déposée pour désigner les appareils et instruments médicaux, vêtements spéciaux pour salles d’opération, vêtements, chapellerie, bonneterie. L’INPI a motivé sa décision en indiquant qu’appliqué aux produits susvisés, tels que notamment des vêtements spéciaux pour salles d’opération, ce signe ne sera pas perçu comme une marque par le consommateur d’attention moyenne mais comme une indication le renseignant sur leur particularité à savoir d’être des produits pouvant être des calots provenant de France, et qu’à l’égard de ces mêmes produits, le signe en cause peut servir à en désigner une caractéristique, à savoir leur nature.

Toutefois ainsi qu’il a été dit, la marque en cause se compose d’un élément figuratif associé à l’élément verbal, lui permettant ainsi de se distinguer sur seul ensemble de mots « le calot français ».
En outre cette expression, qui désigne en premier lieu des couvre-chefs, ne désigne pas en premier lieu du linge de maison. Ainsi le consommateur d’attention moyenne de cette catégorie de produits ne sera pas amené à les désigner sous l’expression « le calot français ».
En ce qu’elle ne désigne pas du linge de maison, la marque en cause n’est ni nécessaire, ni descriptive.

La marque numéro 4489031 n’encourt donc pas la nullité de ce chef.

Concernant la marque n°4523805 :
Cette marque est constituée d’un élément figuratif composé de deux cercles très fins : un premier cercle de couleur bleu au sein duquel se trouve un second cercle de couleur rouge. À l’intérieur du second cercle, il est inscrit les éléments verbaux « LE CALOT FRANÇAIS » en lettres minuscules dans une police cursive de couleur bleue. En dessous du terme « FRANÇAIS » se trouve la représentation graphique d’un électrocardiogramme de couleur verte suivi d’un cœur de couleur rouge et en dessous duquel se trouve une seringue.

Elle a été déposée pour désigner les produits et services en classe 10 : vêtements spéciaux pour salles d’opération ; Vêtements spéciaux pour salles d’opération : tous ces produits sont d’origine française ou fabriqués en France ; et classe 25 : Vêtements : tous ces produits sont d’origine française ou fabriqués en France.

L’ensemble de ces éléments n’est en aucune manière nécessaire pour décrire ou désigner des calots chirurgicaux fabriqués en France. En particulier l’ajout d’un élément visuel complexe et dominant dans la perception d’ensemble et dont la composition apparaît parfaitement arbitraire confère à cette marque un caractère distinctif élevé.

Cette marque n’encourt donc pas la nullité pour défaut de caractère distinctif.

Sur les demandes en nullité des marques pour dépôt frauduleux :

L’article L711-2, 11° du code de la propriété intellectuelle dispose que ne peuvent être valablement enregistrés, et, s’ils sont enregistrés, sont susceptible d’être déclarés nuls, une marque dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur.

L’intention du déposant au moment du dépôt d’une demande d’enregistrement est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence à l’ensemble des facteurs pertinents propres au cas d’espèce, lesquels peuvent être postérieurs au dépôt.
Le dépôt d’une marque est frauduleux lorsqu’il est effectué dans l’intention maligne de porter atteinte à des intérêts préexistants ou de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité et que l’intention frauduleuse consiste dans la connaissance, par le déposant, de l’existence d’un signe utilisé par un concurrent comme signe distinctif pour identifier un de ses produits ou une de ses activités.

La société CHRYSVAL soutient que madame [E] a déposé les marques en cause plusieurs années après que madame [U] a commencé à utiliser la dénomination « le calot français » à titre de nom commercial.
Pour démontrer cette antériorité elle ne produit toutefois en pièce n°3 que trois copies d’écran partiellement illisibles d’un compte Facebook, sans date certaine.

À supposer que madame [U], qui n’est pas partie à l’instance, a effectivement utilisé le signe verbal « le calot français » à partir de 2013, il n’est en tout état de cause par démontré que cette utilisation ait été connue de madame [E]. Aucune relation d’affaires ou de travail n’est en effet caractérisée entre elles, ni aucune autre circonstance qui serait de nature à démontrer que madame [E] a, ou aurait dû avoir connaissance de l’utilisation de ce signe antérieurement au dépôt des marques en cause.

La mauvaise foi de madame [E] au moment du dépôt n’étant pas établie, les marques n’encourent pas la nullité de ce chef.

Sur la demande en nullité de la marque n°4523805 pour contrariété à l’ordre public :

La société CHRYSVAL soutient que ladite marque est nulle en ce qu’elle fait usage des couleurs nationales, contrairement à l’article 6ter de la convention de Paris prohibant l’usage à titre de marque des armoiries, drapeaux et autres emblèmes des États de l’Union Européenne.

Pour apprécier cette imitation il ne peut être fait abstraction de la configuration dans laquelle se présente la succession des trois couleurs bleue, blanche et rouge.

Tel n’est pas le cas en l’espèce. L’apparence très particulière sous laquelle sont présentées les couleurs composant l’élément figuratif de la marque contestée, et le fait qu’elle sont associées à d’autres éléments graphiques sans rapport avec un emblème officiel, aboutit à une impression trop éloignée de celle donnée par le drapeau français pour qu’il puisse être considéré que ledit élément sera perçu par le public pertinent comme constituant une imitation au point de vue héraldique ou vexillologique du drapeau français.

Cette marque n’encourt donc pas la nullité de ce chef.

Sur la demande en déchéance de la marque n°4489031 :

Aux termes de l’article L714-5 du code de la propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date d’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par décret en Conseil d’État.

Il y a usage sérieux de la marque lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction de garantie de l’identité des produits et services pour lesquels elle a été enregistrée, usage emportant un contact de la marque avec la clientèle.
Il n’y a pas usage sérieux si elle sert à identifier des produits ou services similaires, si elle constitue une dénomination sociale ou un nom commercial ou encore si elle est uniquement apposée sur des documents publicitaires.
L’exploitation est appréciée selon des critères qualitatifs et non quantitatifs, il suffit qu’elle soit effective.

Madame [E] a déposé la marque en cause en classe 24 : linge de maison.

Or elle ne produit aux débats aucun élément tendant à montrer que depuis son dépôt le 6 octobre 2018 elle a commercialisé du linge de maison en faisant usage de cette marque. Aux termes de ses conclusions elle n’identifie d’ailleurs pas d’acte d’exploitation de cette marque pour les produits relevant de la classe pour laquelle elle a été enregistrée. Elle n’invoque non plus aucune excuse légitime pour justifier ce non-usage.

Il convient donc de prononcer la déchéance totale de la marque numéro 4489031 à l’expiration du délai de cinq ans suivant son dépôt, soit le 6 octobre 2023.

Sur la contrefaçon de marques :

L’article L713-2 du code de la propriété intellectuelle interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° d’un signe identique à la marque utilisée pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° d’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association avec la marque.

L’appréciation de la contrefaçon s’effectue au regard des ressemblances, non des différences. Il appartient au juge d’établir une comparaison entre le bien intellectuel approprié et le bien contrefaisant. Il dégage dans cette opération des similitudes allant au-delà du hasard ou de la nécessité technique pour en déduire la présence d’une contrefaçon. C’est alors éventuellement l’impression d’ensemble qui permet de constater la présence d’une contrefaçon.

Les signes doivent être appréciés tels qu’ils ressortent de l’enregistrement, sans tenir compte des conditions d’exploitation de la marque.

Concernant les similitudes visuelles, auditives ou conceptuelles, l’appréciation globale de l’existence d’un risque de confusion entre une marque antérieure et un signe contesté doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ces signes sur le consommateur d’attention moyenne, en prenant en compte les éléments distinctifs et dominants.

Constitue un risque de confusion l’éventualité que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Ce risque doit être apprécié globalement, selon la perception que le public a des signes et des produits ou services en cause et en tenant compte de tous les facteurs pertinents.

L’appréciation globale évoquée ci-dessus implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, entre la similitude des marques et celle des produits ou services désignés. Ainsi plus la similitude entre les produits et services couverts par la marque est grande et plus le caractère distinctif est fort, plus le risque de confusion est élevé.

Selon le procès-verbal de constat de commissaire de justice du 24 mars 2023, une recherche dans un moteur de recherche sur Internet des termes « lecalotfrançais.fr » redirige vers le site internet de la société CHYSVAL.
Les capture d’écran figurant dans ce procès-verbal montrent des calots chirurgicaux sur lesquels sont apposés une étiquette « Chrysval », et les mentions « fabriqué en France », « atelier de couture dans le sud de la France près de [Localité 6] » et « créateur de calots depuis 2012 ».

Il est ainsi démontré par ce procès-verbal que la société CHRYSVAL utilise à titre de nom de domaine et de nom commercial l’élément verbal des deux marques déposées par madame [E], étant rappelé qu’au 24 mars 2023 la déchéance de la marque numéro 4489031 n’avait pas encore pris effet.

Pour apprécier le risque de confusion pouvant caractériser la contrefaçon, il convient de prendre en considération le public pertinent, soit en l’espèce les professionnels de santé ayant recours à du matériel chirurgical, public averti et d’attention élevée.

En l’espèce il n’existe aucune similitude visuelle entre les marques en cause, semi-figuratives, et un nom de domaine purement verbal.

Sur le plan conceptuel, à savoir la signification que le public pertinent associe au signe, la similitude apparaît démontrée, étant toutefois rappelé qu’elle se limite à l’élément verbal.

Sur le plan phonétique les signes en cause contiennent les mêmes sonorités, ce qui leur confère une prononciation très proche. La similitude doit être considérée comme élevée.

Le risque de confusion est par ailleurs démontré par la commande faite par l’hôpital [4] de [Localité 5] qui, s’adressant aux demanderesses, y a joint un modèle de calot chirurgical commercialisé par la société CHRYSVAL.

La marque n°4489031 a été déposée en classe 24 : linge de maison. Or la société CHRYSVAL commercialise des calots chirurgicaux. Elle ne propose pas des produits et services similaires à ceux pour lesquels cette marque a été déposée, et aucun fait de contrefaçon ne saurait être retenu à ce titre.

La marque n°4523805 a été déposée pour désigner les produits et services en classe 10 : vêtements spéciaux pour salles d’opération ; Vêtements spéciaux pour salles d’opération : tous ces produits sont d’origine française ou fabriqués en France ; et classe 25 : Vêtements : tous ces produits sont d’origine française ou fabriqués en France.

La société CHRYSVAL propose des produits ou services similaires, en particulier des vêtements spéciaux pour salles d’opération, fabriqués en France ou originaires de France.

Il se déduit de ces éléments qu’un risque de confusion au titre de cette seule marque existe chez le consommateur pertinent qui peut être amené à croire à l’identité d’origine des produits et services ou, à tout le moins, à une association entre les deux entreprises qui les distribuent, étant précisé que le risque de confusion s’apprécie par rapport au consommateur moyen qui n’a pas les différents signes sous les yeux.

Pour mettre fin aux faits de contrefaçon de la marque n°4523805, il sera ordonné à la société CHRYSVAL de cesser l’usage de la marque semi figurative LE CALOT FRANÇAIS n°4523805 sous quelque forme et de quelque titre et nature que ce soit, et de retirer toute référence auxdites marques sur son site internet chrysval.fr, et ce, sous astreinte de cinq cents euros (500 €) par jour de retard à compter de la signification du présent jugement.

De même il convient d’ordonner le transfert des noms de domaine « lecalotfrancais.fr », « calotfrancais.fr » et « calotfrancais.com » au profit de la société LE CALOT FRANÇAIS et ce, sous astreinte de cinq cents euros (500 €) par jour de retard à compter de la signification du présent jugement.

Ces deux astreintes courant pendant un délai de deux ans.

L’article L716-14-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que « pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. »

La société LE CALOT FRANÇAIS fait état de préjudices à hauteur de 39.996 € au titre de la perte de chance, 5.310,06 € au titre du préjudice économique correspondant à la somme de 3.764,98 € qu’elle a été contrainte d’engager pour la mise en place d’une annonce journalière Google Ads afin de tenter de remédier à la perte de clientèle qu’elle a subi du fait de la requise et à la somme de 1.545,08 € pour l’entretien de l’annonce géré par un informaticien, outre 9.000 € au titre des estimations d’économies d’investissement réalisées par la contrefactrice.
Elle sollicite à titre alternatif une somme de 50.000 € correspondant au montant des redevances qu’aurait dû payer la société CHRYSVAL pour l’utilisation contrefaisante des marques de la société LE CALOT FRANÇAIS.

La demanderesse ne produit aucun élément comptable ou financier à l’appui de ses demandes.

La contrefaçon ne portant en outre que sur l’une de ses marques, il lui sera accordé une somme de 25.000 € de dommages et intérêts correspondant au montant des redevances qu’aurait dû payer la société CHRYSVAL pour l’utilisation de la marque n°4523805.

Sur les demandes au titre de la concurrence déloyale :

L’action en concurrence déloyale peut être exercée cumulativement avec l’action en contrefaçon. Mais, si ces deux actions peuvent être mises en œuvre et accueillies en même temps, ce ne peut être qu’après avoir constaté que les conditions d’exercice, par hypothèses distinctes, de chacune de ces actions sont réunies. En particulier, il est nécessaire que chaque action repose sur des faits distincts.

Le cumul n’est possible, par exemple, que « si aux faits de contrefaçon spécialement condamnés par la loi viennent s’ajouter d’autres faits dont le caractère abusif ou excessif résulte des principes généraux du droit ou des usages fondés sur des règles de la probité commerciale ».

Une condamnation pour concurrence déloyale ne saurait être prononcée, dès lors que les faits relevés ne caractérisent pas une faute constitutive d’une telle concurrence, distincte de la participation à des faits de contrefaçon également retenue dans l’instance.

La concurrence déloyale et le parasitisme consacrent des fautes susceptibles, dans les conditions fixées par l’article 1240 du code civil, d’engager la responsabilité civile de leur auteur.

Ils supposent la démonstration d’une faute et d’un préjudice en lien de causalité direct avec celle-ci.

La faute en matière de concurrence déloyale s’apprécie au regard du principe général de libre concurrence qui est un principe fondamental des rapports commerciaux. Elle implique que tout commerçant a la possibilité d’attirer à lui la clientèle de ses concurrents sans que ceux-ci puissent le lui reprocher, de vendre des produits similaires à ceux d’un concurrent ou même identiques en l’absence de droit privatif dans la mesure où tout produit qui n’est pas l’objet d’un droit privatif est en principe dans le domaine public, et de vendre des produits similaires ou identiques de qualité moindre à un prix inférieur. Ainsi, même si la reprise procure à celui qui la pratique des économies, elle ne saurait à elle seule être tenue pour fautive sauf à vider de toute substance le principe de liberté ci-dessus rappelé.

Il appartient donc au commerçant qui se plaint d’une concurrence déloyale de démontrer le caractère déloyal des méthodes développées par son concurrent.

Il en va de même du parasitisme qui suppose de démontrer l’existence d’actes de captation indue des efforts et investissements du concurrent.

Enfin et surtout, le demandeur doit démontrer l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle.

Madame [E] et la société LE CALOT FRANÇAIS reprochent en l’espèce à la société CHRYSVAL l’utilisation des noms de domaine « lecalotfrancais.fr », « calotfrancais.fr » et « calotfrancais.com ».

Or ces faits ont déjà été sanctionnés au titre de la contrefaçon, et ne sauraient donner lieu à une nouvelle réparation au titre de la concurrence déloyale ou du parasitisme.

Madame [E] et la société LE CALOT FRANÇAIS seront donc déboutées de leurs demandes à ce titre.

Sur les demandes reconventionnelles :

Ainsi qu’il a été vu dans l’examen des demandes au titre du dépôt frauduleux de marque, la société CHRYSVAL ne démontre pas avoir utilisé, entre 2012 et 2019, la dénomination « le calot français ».

Elle ne saurait donc reprocher cet usage par madame [E] ou la société LE CALOT FRANÇAIS à titre de marque ou de nom commercial.

Enfin la présente instance étant fondée au moins en son principe, elle ne revêt aucun caractère abusif.

La société CHRYSVAL sera en conséquence déboutée de sa demande reconventionnelle.

Sur les demandes accessoires :

La société CHRYSVAL, qui succombe à l’instance, en supportera les dépens.

Elle sera en outre condamnée à payer à madame [E] et à la société LE CALOT FRANÇAIS la somme totale de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture ;

Déclare irrecevables les pièces et conclusions signifiées par RPVA par madame [F] [E] et la SARL LE CALOT FRANÇAIS le 21 novembre 2024, et les pièces et conclusions de la SASU CHRYSVAL du 4 décembre 2024 ;

Déboute la SASU CHRYSVAL de ses demandes tendant à l’annulation des marques n°4489031 et n°4523805 déposées par madame [F] [E] les 6 octobre 2018 et 10 février 2019 pour défaut de caractère distinctif, dépôt frauduleux et contrariété à l’ordre public ;

Prononce la déchéance totale de la marque numéro 4489031 à compter du 6 octobre 2023 ;

Ordonne à la SASU CHRYSVAL de cesser l’usage de la marque semi figurative LE CALOT FRANÇAIS n°4523805 sous quelque forme et de quelque titre et nature que ce soit, et de retirer toute référence auxdites marques sur son site internet chrysval.fr, et ce, sous astreinte de cinq cents euros (500 €) par jour de retard à compter de la signification du présent jugement ;

Ordonne à la SASU CHRYSVAL de procéder au transfert des noms de domaine « lecalotfrancais.fr », « calotfrancais.fr » et « calotfrancais.com » au profit de la SARL LE CALOT FRANÇAIS et ce, sous astreinte de cinq cents euros (500 €) par jour de retard à compter de la signification du présent jugement ;

Dit que ces deux astreintes courront pendant un délai de deux ans ;

Condamne la SASU CHRYSVAL à payer à la SARL LE CALOT FRANÇAIS la somme de 25.000 € de dommages et intérêts ;

Déboute madame [F] [E] et la SARL LE CALOT FRANÇAIS de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ;

Déboute la SASU CHRYSVAL de ses demandes reconventionnelles au titre de la concurrence déloyale et de la procédure abusive ;

Condamne la SASU CHRYSVAL à payer à madame [F] [E] et à la SARL LE CALOT FRANÇAIS la somme totale de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SASU CHRYSVAL aux dépens.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE SIX FÉVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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