CAA de Paris, 5 décembre 2022, 20PA04197
CAA de Paris, 5 décembre 2022, 20PA04197

Type de juridiction : Cour administrative d’appel

Juridiction : CAA de Paris

Résumé

Le 3 juillet 2012, L’ARCOM a autorisé Diversité TV France à diffuser le service national de télévision « Numéro 23 ». Suite à des augmentations de capital, le capital social a été redistribué entre plusieurs actionnaires. En 2015, Diversité TV a demandé l’agrément pour céder son capital au groupe NextRadioTV. Cependant, L’ARCOM a abrogé l’autorisation en octobre 2015, considérant que des modifications substantielles avaient eu lieu. Cette décision a été annulée par le Conseil d’État en mars 2016, mais a conduit à des préjudices financiers pour l’ancien actionnaire majoritaire, M. B.

Une convention d’émettre de l’ARCOM peut être abrogée si les clauses d’un pacte d’actionnaires constituent une modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation d’émettre avait été délivrée.

Affaire Diversité TV / Numéro 23

Par une décision du 3 juillet 2012, l’ARCOM (ARCOM) a autorisé la société par actions simplifiée Diversité TV France et son unique actionnaire, à utiliser une ressource radioélectrique pour diffuser un service national de télévision initialement dénommé « TVous la Télédiversité » puis renommé « Numéro 23 ».

A la suite de deux augmentations de capital, portées à la connaissance de l’ARCOM, le capital social s’est trouvé détenu par la société PHO Holding, elle-même entièrement détenue par l’actionnaire unique, par sept actionnaires entrés en octobre 2012 et par la société UTH Russia Limited, entrée en octobre 2013.

l’ARCOM a alors sollicité la communication du pacte d’actionnaires conclu entre la société PHO Holding et la société UTH Russia Limited le 21 octobre 2013.

Cession du capital au groupe NextRadioTV

Par ailleurs, le 9 avril 2015, la société Diversité TV France a demandé au ARCOM, en application du cinquième alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 issu de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013, d’agréer la cession de l’intégralité de son capital au groupe NextRadioTV.

Un contrat de cession des actions de la société Diversité TV France et des titres de la société PHO Holding a été signé le 7 mai 2015 entre les actionnaires de la société Diversité TV France et la société NextRadioTV sous réserve de l’obtention au plus tard le 30 novembre 2015 de l’agrément sollicité auprès de l’ARCOM le 9 avril 2005.

A la suite d’une nouvelle relance de l’ARCOM, la société Diversité TV France a transmis au directeur général de l’ARCOM le pacte d’actionnaires conclu entre la société PHO Holding et la société UTH Russia Limited.

Le 23 juin 2015, le rapporteur indépendant chargé, en application des dispositions de l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986, d’engager les poursuites préalables au prononcé par l’ARCOM de sanctions contre les titulaires d’autorisation et de mener l’instruction a notifié au représentant de la société des griefs tirés de ce que la conclusion de ce pacte était, eu égard à certaines de ses clauses, susceptible d’être regardée comme une modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée et de justifier son retrait en application des dispositions du premier alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986.

Abrogation de convention d’émettre

Par une décision n° 2015-367 du 14 octobre 2015, l’ARCOM a abrogé, avec effet au 30 juin 2016, la décision du 3 juillet 2012 autorisant la société Diversité TV France à exploiter le service de télévision « Numéro 23 ».

Par une décision du 30 mars 2016, le Conseil d’Etat a annulé la décision n° 2015-367 du 14 octobre 2015 de l’ARCOM ainsi que sa décision du 10 décembre 2015 rejetant le recours gracieux de la société Diversité TV France. Le 1er avril 2016, un protocole d’accord a été conclu entre les actionnaires de la société Diversité TV France et la société NextRadioTV.

Action en indemnisation contre l’ARCOM

Le 14 janvier 2019, l’ancien actionnaire majoritaire de la société Diversité TV France, a adressé une demande indemnitaire au ARCOM tendant à la réparation des préjudices qu’il estime avoir subis du fait des trois décisions de l’ARCOM des 14 octobre et 10 décembre 2015.

La juridiction a considéré qu’il n’était pas démontré que les décisions de l’ARCOM intervenues le 14 octobre 2015 et le 10 décembre 2015 aient eu une incidence sur la part d’audience de la chaîne « Numéro 23 ».

Par ailleurs, il ressort du courrier en date du 26 janvier 2016 que la société TFI Publicité a alerté la société Diversité France TV sur les « difficultés de commercialisation des espaces (publicitaires) de la Chaine depuis la décision de l’ARCOM, et qui ne font que s’accentuer en ce début d’année 2016, de nombreux annonceurs refusant expressément de communiquer sur Numéro 23, de sorte que nous sommes aujourd’hui très pessimistes quant à la réalisation des objectifs d’affaires fixés pour 2016 ».

Il est ainsi établi que la sanction infligée à la société Diversité TV France par l’ARCOM a eu un impact négatif sur les annonceurs, ce qui a nécessairement conduit à une diminution des recettes publicitaires de la chaîne « Numéro 23 ».

Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que cette diminution de recettes publicitaires, dont le montant n’est au demeurant pas précisé et qui s’inscrit dans un contexte de baisse du montant «  minimum garanti » de recettes publicitaires de la société Diversité TV France au titre de 2015 en raison des faibles audiences de la chaîne sur certaines cibles de téléspectateurs ainsi que dans une situation de diminution générale des dépenses publicitaires (-0,4 % en 2015 et -0,1% en 2016) comme cela ressort de l’étude d’impact de l’ARCOM élaborée dans le cadre de la procédure d’instruction de la demande d’agrément de la société Diversité TV France, serait à elle-seule à l’origine de l’aggravation des difficultés financières de la société Diversité TV France. 

Tribunal administratif de Paris

5 décembre 2022

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… B… a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l’ARCOM à lui verser la somme de 20 205 001 euros en réparation des préjudices que lui ont causé les décisions n°s 2015-367 et 2015-368 du 14 octobre 2015 par lesquelles l’ARCOM a respectivement prononcé une sanction à l’encontre de la société Diversité TV France et constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande d’agrément formulée par cette société ainsi que la décision du 10 décembre 2015 rejetant le recours gracieux de la société à l’encontre de la sanction.

Par un jugement n° 1906300/5-2 du 12 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 décembre 2020, 10 mai et 8 juillet 2021, M. B…, représenté par la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat au Conseil d’Etat, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1906300/5-2 du 12 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l’ARCOM (ARCOM) à lui verser la somme de 20 205 001 euros en réparation des préjudices que lui ont causé les décisions n°s 2015-367 et 2015-368 du 14 octobre 2015 et la décision du 10 décembre 2015 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l’ARCOM la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – en prenant les décisions n°s 2015-367 et 2015-368 du 14 octobre 2015 qui ont été jugées illégales par le Conseil d’Etat dans sa décision du 30 mars 2016, l’ARCOM a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son encontre en sa qualité d’ancien actionnaire majoritaire de la société Diversité TV France ;

 – il n’a pas commis de faute dans la communication du pacte d’actionnaire conclu entre la société PHO Holding et la société UTH Russia Limited le 21 octobre 2013 qui serait de nature à exonérer l’ARCOM de sa responsabilité ;

 – les décisions du 14 octobre 2015 de l’ARCOM et la communication de l’ARCOM sur ces décisions ont eu pour conséquence de dégrader l’image de la chaîne de télévision « Numéro 23 », exploitée par la société Diversité TV France, auprès du public et des annonceurs publicitaires entraînant une aggravation majeure des difficultés financières de la société et, par suite, des conditions dégradées de négociation de sa cession à la société NextRadioTV en avril 2016 par rapport au premier contrat de cession négocié en mai 2015 ;

 – le lien de causalité direct et certain entre, d’une part, l’illégalité des décisions de l’ARCOM du 14 octobre 2015 et de la décision du 10 décembre 2015 rejetant le recours gracieux de la société Diversité TV France et, d’autre part, le préjudice financier subi est établi ;

 – en sa qualité d’ancien actionnaire majoritaire de la société Diversité TV France, il a subi un manque à gagner évalué à 20 205 001 euros correspondant, d’une part, à la perte de valeur des actions de la société Diversité TV France entre le premier contrat de cession du 7 mai 2015 et le protocole d’accord conclu le 1er avril 2016 à hauteur de 11 653 000 euros et, d’autre part, au préjudice financier résultant de la modification des modalités de la cession de la société retenues dans le cadre du protocole d’accord du 1er avril 2016 évalué à 8 552 000 euros ;

 – en sa qualité d’actionnaire majoritaire et de président directeur général de la société Diversité TV France, il a subi une atteinte à son image et à sa réputation professionnelle distincte du préjudice subi par la société ;

 – il renvoie aux observations présentées devant le tribunal administratif en ce qui concerne, d’une part, l’annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le président de l’ARCOM sur la demande d’indemnisation et d’autre part, la condamnation de l’ARCOM à lui verser la somme de 20 205 001 euros au titre des préjudices subis.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 mars et 24 juin 2021, l’ARCOM, représenté par la SCP Baraduc-Duhamel-Rameix, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

-le lien de causalité entre les décisions de l’ARCOM et la modification des modalités de cession de la société Diversité TV France entre le contrat de cession du 7 mai 2015 et le protocole d’accord du 1er avril 2016 n’est pas établi ;

 – le requérant n’a pas subi de préjudice personnel distinct de celui de sa société ;

 – à titre subsidiaire, aucun lien de causalité entre les décisions de l’ARCOM et le préjudice invoqué par le requérant n’est établi dès lors que s’il n’avait pas commis d’illégalité en se fondant sur le motif erroné tiré de la fraude, il aurait pu légalement fonder sa décision de sanction sur le motif tiré de la modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation d’exploiter une chaîne de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique avait été délivrée en 2012 sans qu’il en soit informé ;

 – si le requérant avait répondu dès mars 2014 ou dans un délai raisonnable aux sollicitations du régulateur, la saisine du rapporteur indépendant aurait été effectuée plus tôt et la procédure de sanction qui a été engagée par le rapporteur le 23 juin 2015 aurait été achevée avant toute demande d’agrément ; en outre, si le requérant avait sollicité un agrément auprès de l’ARCOM avant de conclure le pacte d’actionnaires du 21 octobre 2013, aucune procédure de sanction n’aurait été engagée ; les carences de l’intéressé sont de nature à l’exonérer de sa responsabilité ;

 – à titre très subsidiaire, le requérant n’établit pas la réalité et l’étendue de son préjudice.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme C…,

 – les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

 – et les observations de Me Bouniol-Brochier, avocat de M. B…, et de Me Gregory, avocat de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Une note en délibéré a été présentée pour M. B… le 18 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l’instruction que par une décision du 3 juillet 2012, l’ARCOM (ARCOM) a autorisé la société par actions simplifiée Diversité TV France dont M. B… était alors l’unique actionnaire, à utiliser une ressource radioélectrique pour diffuser par voie hertzienne terrestre en mode numérique un service national de télévision initialement dénommé « TVous la Télédiversité » puis renommé « Numéro 23 ».

A la suite de deux augmentations de capital, portées à la connaissance de l’ARCOM, le capital social s’est trouvé détenu par la société PHO Holding, elle-même entièrement détenue par M. B…, par sept actionnaires entrés en octobre 2012 et par la société UTH Russia Limited, entrée en octobre 2013.

Les 3 mars et 1er septembre 2014, l’ARCOM a sollicité la communication du pacte d’actionnaires conclu entre la société PHO Holding et la société UTH Russia Limited le 21 octobre 2013.

Par ailleurs, le 9 avril 2015, la société Diversité TV France a demandé au ARCOM, en application du cinquième alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 issu de la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013, d’agréer la cession de l’intégralité de son capital au groupe NextRadioTV.

Un contrat de cession des actions de la société Diversité TV France et des titres de la société PHO Holding a été signé le 7 mai 2015 entre les actionnaires de la société Diversité TV France et la société NextRadioTV sous réserve de l’obtention au plus tard le 30 novembre 2015 de l’agrément sollicité auprès de l’ARCOM le 9 avril 2005.

A la suite d’une nouvelle relance de l’ARCOM, la société Diversité TV France a transmis au directeur général de l’ARCOM le 25 mai 2015 le pacte d’actionnaires conclu entre la société PHO Holding et la société UTH Russia Limited.

Le 23 juin 2015, le rapporteur indépendant chargé, en application des dispositions de l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986, d’engager les poursuites préalables au prononcé par l’ARCOM de sanctions contre les titulaires d’autorisation et de mener l’instruction a notifié au représentant de la société des griefs tirés de ce que la conclusion de ce pacte était, eu égard à certaines de ses clauses, susceptible d’être regardée comme une modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée et de justifier son retrait en application des dispositions du premier alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986.

Par une décision n° 2015-367 du 14 octobre 2015, l’ARCOM a abrogé, avec effet au 30 juin 2016, la décision du 3 juillet 2012 autorisant la société Diversité TV France à exploiter le service de télévision « Numéro 23 ». Par une décision n° 2015-368 du même jour, l’ARCOM a estimé que du fait de l’abrogation de la décision du 3 juillet 2012, il n’y avait plus lieu de se prononcer sur la demande d’agrément de cession de l’intégralité du capital de la société Diversité TV France à la société NextRadioTV. Par une décision du 10 décembre 2015, l’ARCOM a rejeté le recours gracieux formé par la société Diversité TV France contre la décision de sanction du 14 octobre 2015.

2. Par une décision du 30 mars 2016, le Conseil d’Etat a annulé la décision n° 2015-367 du 14 octobre 2015 de l’ARCOM ainsi que sa décision du 10 décembre 2015 rejetant le recours gracieux de la société Diversité TV France. Le 1er avril 2016, un protocole d’accord a été conclu entre les actionnaires de la société Diversité TV France et la société NextRadioTV.

Le 14 janvier 2019, M. B…, en sa qualité d’ancien actionnaire majoritaire de la société Diversité TV France, a adressé une demande indemnitaire au ARCOM tendant à la réparation des préjudices qu’il estime avoir subis du fait des trois décisions de l’ARCOM des 14 octobre et 10 décembre 2015.

Sa demande a été implicitement rejetée par l’ARCOM. Par un jugement du 12 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B… tendant à la condamnation de l’ARCOM à lui verser la somme de 20 205 001 euros au titre de ses préjudices. M. B… relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. M. B… soutient que les décisions du 14 octobre 2015 de l’ARCOM et la communication de l’ARCOM sur ces décisions ont eu pour conséquence de dégrader l’image de la chaîne de télévision « Numéro 23 », exploitée par la société Diversité TV France, auprès du public et des annonceurs publicitaires qui n’ont pas renouvelé leurs engagements financiers entraînant une aggravation majeure des difficultés financières de la société et, par suite, des conditions dégradées de négociation de sa cession à la société NextRadioTV en avril 2016 par rapport au premier contrat de cession négocié en mai 2015. Sollicitée par la société Diversité TV France pour évaluer ses préjudices ainsi que ceux de ses actionnaires, la société Ricol Lasteyrie Conseil a évalué la perte de valeur des actions détenues par M. B… entre le contrat de cession du 7 mai 2015 et le protocole d’accord du 1er avril 2016 à 11 653 000 euros et le préjudice financier résultant pour ce dernier de la modification des modalités de la cession de la société, le protocole d’accord du 1er avril 2016 ne retenant qu’une rémunération en numéraire contrairement à l’accord du 7 mai 2015 qui prévoyait à la fois une rémunération en numéraire et l’attribution d’obligations convertibles en actions, à 8 552 000 euros.

4. Il résulte de l’instruction que le protocole d’accord du 1er avril 2016 conclu entre les actionnaires de la société Diversité France TV et la société NextRadioTV stipulait que le prix de cession des actions de la société Diversité France TV serait ajusté au moment de la vente en tenant compte des différentes variables relatives à la situation financière de la société. Si le requérant se prévaut d’une baisse de l’audience de la chaîne de télévision « Numéro 23 » du fait de la sanction prononcée par l’ARCOM le 14 octobre 2015, il ressort toutefois du graphique établi par la société Médiamétrie retraçant la courbe de l’audience de la chaîne « Numéro 23 » que la part de l’audience de cette chaîne en avril 2015, lors des négociations du premier contrat de cession, et en mars 2016, lors des négociations du protocole d’accord, était identique, soit 0,7%. Si sur la période comprise entre avril 2015 et mars 2016, la part d’audience de la chaîne a atteint un pic à 0,8 % en août 2015 avant de diminuer sur la période allant d’août à novembre 2015 où elle est descendue à 0,5 %, l’audience de la chaîne repart à la hausse pour atteindre 0,6 % dès décembre 2015 puis 0,7 % à compter de février 2016, c’est-à-dire 0,2 points supplémentaires entre novembre 2015 et avril 2016. Dans ces conditions, et à supposer même que les chaînes concurrentes aient connu une hausse de leurs parts d’audience comprise entre 0,2 % et 0,4 % sur la période allant de mars 2015 à mars 2016, il n’est pas démontré que les décisions de l’ARCOM intervenues le 14 octobre 2015 et le 10 décembre 2015 aient eu une incidence sur la part d’audience de la chaîne « Numéro 23 ».

5. Par ailleurs, il ressort du courrier en date du 26 janvier 2016 que la société TFI Publicité a alerté la société Diversité France TV sur les « difficultés de commercialisation des espaces (publicitaires) de la Chaine depuis la décision de l’ARCOM, et qui ne font que s’accentuer en ce début d’année 2016, de nombreux annonceurs refusant expressément de communiquer sur Numéro 23, de sorte que nous sommes aujourd’hui très pessimistes quant à la réalisation des objectifs d’affaires fixés pour 2016 ».

Il est ainsi établi que la sanction infligée à la société Diversité TV France par l’ARCOM a eu un impact négatif sur les annonceurs, ce qui a nécessairement conduit à une diminution des recettes publicitaires de la chaîne « Numéro 23 ».

Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que cette diminution de recettes publicitaires, dont le montant n’est au demeurant pas précisé et qui s’inscrit dans un contexte de baisse du montant «  minimum garanti » de recettes publicitaires de la société Diversité TV France au titre de 2015 en raison des faibles audiences de la chaîne sur certaines cibles de téléspectateurs ainsi que dans une situation de diminution générale des dépenses publicitaires (-0,4 % en 2015 et -0,1% en 2016) comme cela ressort de l’étude d’impact de l’ARCOM élaborée dans le cadre de la procédure d’instruction de la demande d’agrément de la société Diversité TV France, serait à elle-seule à l’origine de l’aggravation des difficultés financières de la société Diversité TV France.

6. Il ressort des points 4 et 5 que les décisions de l’ARCOM ne sauraient être regardées comme étant, de manière directe et certaine, à l’origine de la perte de valeur de la société Diversité France TV et, par voie de conséquence, de la valeur des actions de M. B… ainsi que des conditions dégradées de négociation du protocole d’accord du 1er avril 2016 à l’issue desquelles des modalités de cession moins favorable à l’intéressé ont pu être retenues.

7. Enfin, le requérant soutient qu’en sa qualité d’actionnaire majoritaire et de président directeur général de la société Diversité TV France, il a subi un préjudice en termes d’image et de réputation professionnelle distinct de celui subi par la société du fait de la sanction infligée par l’ARCOM le 14 octobre 2015 et de son retentissement dans les médias qui ont associé son nom à celui de la société Diversité TV France. Cependant, les articles des hebdomadaires Le Point et L’Obs des 15 et 27 octobre 2015 et du journal Le Monde du 10 octobre 2015 cités par M. B… à l’appui du préjudice dont il entend obtenir réparation, sont insuffisants pour établir la réalité de l’atteinte qui aurait été portée à son image et à sa réputation professionnelle.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l’instance :

9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’ARCOM, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B… au titre des frais liés à l’instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, par application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. B… une somme de 2 000 euros à verser au ARCOM.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.

Article 2 : M. B… versera à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… B… et à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Délibéré après l’audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

– M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

– Mme Collet, première conseillère,

– Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.

La rapporteure,

CAA de PARIS, 8ème chambre, 5 décembre 2022, 20PA04197, Inédit au recueil Lebon

V. C… Le président,

F. HO SI FAT

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

2

N° 20PA04197

Questions / Réponses juridiques

Quelles sont les conditions d’abrogation d’une convention d’émettre de l’ARCOM ?

L’abrogation d’une convention d’émettre de l’ARCOM peut se produire si les clauses d’un pacte d’actionnaires entraînent une modification substantielle des données sur lesquelles l’autorisation d’émettre a été accordée. Cela signifie que si des changements significatifs surviennent dans la structure de propriété ou dans les accords entre actionnaires, cela peut justifier une réévaluation de l’autorisation initiale.

Cette disposition vise à garantir que les conditions initiales qui ont conduit à l’octroi de l’autorisation restent valables. Si ces conditions changent de manière significative, cela peut affecter la capacité de l’entité à respecter les obligations qui lui incombent en vertu de l’autorisation.

Quel a été le rôle de l’ARCOM dans l’affaire Diversité TV / Numéro 23 ?

l’ARCOM a joué un rôle central dans l’affaire Diversité TV / Numéro 23 en autorisant la société Diversité TV France à diffuser un service national de télévision. Cette autorisation a été accordée le 3 juillet 2012, permettant à la société d’utiliser une ressource radioélectrique pour diffuser son programme.

Cependant, après des augmentations de capital et des changements dans la structure de propriété, l’ARCOM a demandé des informations sur le pacte d’actionnaires entre PHO Holding et UTH Russia Limited. En 2015, l’ARCOM a abrogé l’autorisation d’émettre, considérant que les modifications apportées par le pacte d’actionnaires constituaient une modification substantielle des données initiales.

Quelles ont été les conséquences de l’abrogation de la convention d’émettre ?

L’abrogation de la convention d’émettre a eu des conséquences significatives pour la société Diversité TV France. En effet, l’ARCOM a abrogé l’autorisation d’exploiter le service de télévision « Numéro 23 » par une décision du 14 octobre 2015, avec effet au 30 juin 2016. Cette décision a eu pour effet immédiat de rendre impossible la cession de l’intégralité du capital de la société à NextRadioTV, qui avait été demandée par Diversité TV France.

Cette situation a conduit à une dégradation de l’image de la chaîne auprès des annonceurs, entraînant une diminution des recettes publicitaires. Les difficultés financières de la société se sont aggravées, ce qui a également affecté les négociations pour la cession de la société à NextRadioTV.

Comment le Conseil d’État a-t-il réagi à la décision de l’ARCOM ?

Le Conseil d’État a annulé la décision n° 2015-367 de l’ARCOM, ainsi que la décision du 10 décembre 2015 qui rejetait le recours gracieux de Diversité TV France. Cette annulation a eu lieu le 30 mars 2016, ce qui a rétabli la validité de l’autorisation initiale accordée à Diversité TV France.

Cette décision a permis de contester les sanctions imposées par l’ARCOM et a ouvert la voie à un protocole d’accord entre les actionnaires de Diversité TV France et NextRadioTV, qui a été conclu le 1er avril 2016. Cela a montré que le Conseil d’État a reconnu que les décisions de l’ARCOM étaient illégales et qu’elles avaient des conséquences néfastes pour la société.

Quelles ont été les répercussions financières pour M. B… en tant qu’ancien actionnaire majoritaire ?

M. B…, en tant qu’ancien actionnaire majoritaire de Diversité TV France, a estimé avoir subi des préjudices financiers importants en raison des décisions de l’ARCOM. Il a demandé une indemnisation de 20 205 001 euros, correspondant à la perte de valeur de ses actions et aux modifications des modalités de cession de la société.

La perte de valeur des actions a été évaluée à 11 653 000 euros, tandis que le préjudice financier lié à la modification des modalités de cession a été estimé à 8 552 000 euros. Cependant, le tribunal a rejeté sa demande, considérant qu’il n’était pas prouvé que les décisions de l’ARCOM aient eu un impact direct sur la part d’audience de la chaîne « Numéro 23 » ou sur les difficultés financières de la société.

Quelles étaient les conclusions du Tribunal administratif de Paris concernant la demande d’indemnisation ?

Le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande d’indemnisation de M. B… par un jugement du 12 novembre 2020. Le tribunal a considéré qu’il n’était pas démontré que les décisions de l’ARCOM avaient eu une incidence sur la part d’audience de la chaîne « Numéro 23 » ou sur les difficultés financières de la société.

De plus, le tribunal a noté que la diminution des recettes publicitaires de la chaîne ne pouvait pas être attribuée uniquement aux décisions de l’ARCOM, car elle s’inscrivait dans un contexte de baisse générale des dépenses publicitaires. Ainsi, le tribunal a conclu que M. B… n’avait pas établi de lien de causalité direct entre les décisions de l’ARCOM et les préjudices financiers qu’il prétendait avoir subis.

 


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