Un logiciel, qui peut se définir comme une séquence d’instructions interprétables par un système d’exploitation en considération du langage de programmation dans lequel est écrit son code source puis de sa retranscription en langage binaire (code objet), n’est protégé que si la forme de son expression est originale en ce sens qu’elle traduit un effort personnalisé du programmateur dépassant la simple mise en oeuvre d’une logique automatique et contraignante qui se matérialise dans une structure individualisée. Seul le code source permet de connaître les choix précis du programmateur qui ont présidé à la mise en forme qui consitue le siège d’un logiciel.
L’assignation en contrefaçon de logiciel doit comporter les caractéristiques du logiciel et de ses modules qui en feraient l’originalité. En la cause, la description du logiciel réalisé par l’expert met bien le défendeur en mesure d’appréhender les éléments d’architecture et de composantes qui lui sont opposés et d’en discuter l’originalité des choix de conception qui ont été analysés par cet expert. Toutefois, au stade de l’assignation, il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’originalité de l’oeuvre logicielle qui relève d’un débat au fond. La validité de l’assignation doit s’apprécier au regard de l’objet de l’action. L’action en contrefaçon de droits d’auteur, d’interprétation sticte, ne protège par les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils sont exprimés. Par application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à l’auteur d’identifier l’oeuvre sur laquelle il fonde ses droits et, plus spécialement, les caractéristiques qui constituent, selon lui le siège de son originalité, l’identitification de l’oeuvre étant le préalable indispensable à l’examen de son originalité. En la cause, l’assignation avec son annexe liste par leur dénomination les modules du logiciel SOLIDWORKS dont il est dénoncé une installation illicite sur quatre ordinateurs de la société ACK EQUIPEMENT. Ces dénominations permettent d’identifier qu’il est reproché une copie illicite du pack du logiciel SOLIDWORKS intitulé “Premium 2020″ et le nom des différents modules ( par exemple Solidworks Simulation Premium 2020, Solidwoks Flow Simulation 2020… ) pour lesquelles une installation illicite est dénoncée. Le seul titre du logiciel et de ses modules, même s’il est précisé la date de sa version est insuffisant à identifier l’oeuvre logiciel dont la protection est recherchée dès lors que la seule dénomination est impropre à déterminer la consistance du logiciel qui est opposé ni d’en discuter l’originalité. |
L’Essentiel : La Société DASSAULT SYSTEMES SOLIDWORKS CORPORATION a assigné la SARL ACK EQUIPEMENT pour contrefaçon de son logiciel SOLIDWORKS, en raison d’une utilisation sans licences. La SARL conteste l’assignation, arguant d’un vice de forme, tandis que DASSAULT défend la validité de sa demande. Le tribunal, après analyse, conclut que l’assignation respecte les exigences légales et identifie suffisamment le logiciel. En conséquence, il rejette la demande de nullité et condamne la SARL ACK EQUIPEMENT à verser 1500 euros à DASSAULT pour frais. L’affaire est renvoyée à une audience prévue pour janvier 2025.
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Résumé de l’affaire :
Contexte de l’affaireLa Société DASSAULT SYSTEMES SOLIDWORKS CORPORATION a assigné la SARL ACK EQUIPEMENT et son gérant, M. [X] [E], pour contrefaçon de son logiciel SOLIDWORKS, en raison de l’installation et de l’utilisation de ce logiciel sans licences suffisantes. L’assignation a été délivrée le 10 janvier 2024 devant le tribunal judiciaire de Bordeaux. Demandes des partiesDans ses conclusions d’incident du 13 septembre 2024, la SARL ACK EQUIPEMENT et M. [X] [E] demandent l’annulation de l’assignation pour vice de forme et réclament une indemnité de 5000 euros chacun, ainsi que le remboursement des dépens. De son côté, la société DASSAULT, dans ses conclusions du 12 septembre 2024, demande le rejet de la demande de nullité et réclame 10 000 euros à titre de dommages-intérêts. Arguments de la SARL ACK EQUIPEMENTLa SARL ACK EQUIPEMENT conteste la validité de l’assignation, arguant qu’elle manque de précision concernant le logiciel, ses versions et modules. Elle soutient que l’assignation ne permet pas d’identifier clairement l’œuvre en question, ce qui constitue un vice de forme. Les défendeurs estiment que les éléments fournis par DASSAULT ne suffisent pas à établir l’originalité du logiciel. Réponse de la société DASSAULTLa société DASSAULT défend la validité de l’assignation, affirmant que l’œuvre est correctement identifiée et que les éléments fournis, y compris un rapport d’expertise, permettent de délimiter les droits d’auteur revendiqués. DASSAULT soutient que l’expert a analysé le code source du logiciel et a démontré son originalité. Analyse du tribunalLe tribunal examine si l’assignation respecte les exigences de l’article 56 du code de procédure civile. Il conclut que l’assignation identifie suffisamment le logiciel et ses modules, permettant aux défendeurs de préparer leur défense. Le tribunal souligne que la description du logiciel par l’expert est adéquate pour établir l’originalité. Décision du tribunalLe juge de la mise en état rejette la demande de nullité de l’assignation et condamne la SARL ACK EQUIPEMENT et M. [X] [E] à verser 1500 euros à la société DASSAULT au titre des frais irrépétibles. L’affaire est renvoyée à une audience de mise en état prévue pour le 9 janvier 2025, avec injonction de conclure au fond. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de validité d’une assignation en justice selon le code de procédure civile ?L’article 56 du code de procédure civile stipule que l’assignation doit contenir, à peine de nullité, l’objet de la demande ainsi qu’un exposé des moyens en fait et en droit. Cela signifie que l’assignation doit être suffisamment précise pour permettre au défendeur de comprendre la nature de la demande et de préparer sa défense. En effet, la validité de l’assignation s’apprécie au regard de l’objet de l’action. Dans le cadre d’une action en contrefaçon de droits d’auteur, il est essentiel que l’auteur identifie clairement l’œuvre sur laquelle il fonde ses droits, ainsi que les caractéristiques qui constituent son originalité. L’article 9 du même code précise que l’auteur doit identifier l’œuvre, ce qui est un préalable indispensable à l’examen de son originalité. Ainsi, une assignation qui ne respecte pas ces exigences peut être déclarée nulle, ce qui pourrait avoir des conséquences significatives sur le déroulement de la procédure. Quels sont les droits d’auteur relatifs aux logiciels et comment sont-ils protégés ?Les droits d’auteur relatifs aux logiciels sont protégés par le Code de la propriété intellectuelle, notamment par l’article L112-2 qui énonce que les logiciels sont considérés comme des œuvres de l’esprit. Pour qu’un logiciel soit protégé, il doit présenter une originalité, c’est-à-dire qu’il doit refléter un effort créatif et ne pas être une simple application de règles logiques ou techniques. L’article L122-4 précise que toute reproduction ou représentation d’une œuvre sans l’autorisation de l’auteur est interdite. En matière de contrefaçon, il est donc nécessaire de prouver que le logiciel en question est original et que la contrefaçon porte sur cette œuvre protégée. La protection s’étend également aux modifications et adaptations du logiciel, tant que celles-ci ne portent pas atteinte aux droits de l’auteur initial. Quelles sont les conséquences d’une demande de nullité d’assignation en justice ?La demande de nullité d’assignation peut avoir des conséquences significatives sur le déroulement d’une procédure judiciaire. Si le juge accepte cette demande, l’assignation est déclarée nulle, ce qui entraîne l’irrecevabilité de l’action en justice. Cela signifie que le demandeur doit recommencer la procédure en émettant une nouvelle assignation conforme aux exigences légales, ce qui peut entraîner des délais supplémentaires et des frais supplémentaires. En revanche, si la demande de nullité est rejetée, comme dans le cas présent, l’assignation est considérée comme valide et la procédure peut se poursuivre. Il est également important de noter que la partie qui a demandé la nullité peut être condamnée à payer des frais irrépétibles, comme le stipule l’article 700 du code de procédure civile, qui permet au juge d’allouer une somme à la partie gagnante pour couvrir ses frais d’avocat. Comment se déroule l’évaluation de l’originalité d’un logiciel en cas de litige ?L’évaluation de l’originalité d’un logiciel en cas de litige repose sur l’analyse de son code source et de ses caractéristiques techniques. L’article L112-3 du Code de la propriété intellectuelle précise que l’originalité d’une œuvre est appréciée au regard de l’effort créatif de son auteur. Dans le cadre d’une procédure judiciaire, un expert peut être désigné pour analyser le code source du logiciel et déterminer si celui-ci présente des éléments d’originalité. L’expert doit examiner les choix techniques et créatifs qui ont été faits lors de la conception du logiciel, ainsi que son architecture et ses fonctionnalités. Les conclusions de l’expert sont alors soumises au tribunal, qui appréciera si les éléments présentés suffisent à établir l’originalité du logiciel et, par conséquent, la validité des droits d’auteur revendiqués. Il est essentiel que cette analyse soit rigoureuse et documentée pour permettre au tribunal de rendre une décision éclairée sur la question de la contrefaçon. |
INCIDENT
RME
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
1ERE CHAMBRE CIVILE
N° RG 24/00384 – N° Portalis DBX6-W-B7I-YUIJ
N° de Minute : 2024/00
AFFAIRE :
Société DASSAULT SYSTEMES SOLIDWORKS CORPORATION
C/
S.A.R.L. ACK Equipement, [X] [E]
Exécutoire Délivrée
le :
à
Avocats : la SELARL MARIE CHAMFEUIL
la SELARL MOMENTUM AVOCATS
SOCIETE D’AVOCATS CHRISTINE JAIS
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
Le VINGT HUIT OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente
Juge de la Mise en Etat de la 1ERE CHAMBRE CIVILE,
Assistée de David PENICHON, Greffier.
ORDONNANCE :
Contradictoire, susceptible d’appel dans les conditions prévues à l’article 795 du Code de Procédure Civile,
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,
Vu la procédure entre :
DEMANDEURS A L’INCIDENT
ACK Equipement
Société à responsabilité limitée ayant son siège sis
[Adresse 6]
[Localité 2]
Prise en la personne de son représentant légal domicilié au dit siège
Monsieur [X] [E]
né le 03 Juillet 1984 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
Tous deux représentés par Maître Marie CHAMFEUIL de la SELARL MARIE CHAMFEUIL, avocat au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
DEFENDERESSE
la Société DASSAULT SYSTEMES SOLIDWORKS CORPORATION
Société régulièrement constituée sous forme de “Corporation” ayant son siège social :
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1] ETATS UNIS D’AMERIQUE
Prise en la personne de son représentant lagal domicilié en cette qualité au dit siège
Représentée par Maître Christine JAIS de la SOCIETE D’AVOCATS CHRISTINE JAIS, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, et par Maître Jean-Sébastien MARIEZ de la SELARL MOMENTUM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocats plaidant
Reprochant à la SARL ACK EQUIPEMENT d’avoir installé et utilisé des exemplaires de son logiciel SOLIDWORKS sans disposer de licences en nombre suffisant, la Société DASSAULT SYSTEMES SOLIDWORKS CORPORATION ( ci-après la société DASSAULT) a fait assigner la SARL ACK Equipement et son gérant M. [X] [E], par acte du 10 janvier 2024, devant le tribunal judiciaire de Bordeaux en contrefaçon de son logiciel SOLIDWORKS.
Dans ses dernières conclusions d’incident notifiées par RPVA le 13 septembre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé complet des moyens développés, la SARL ACK EQUIPEMENT et M. [X] [E] demandent au juge de la mise en état, sur le fondement des articles 4, 9, 15, 56, 73 et 789 du code de procédure civile, de:
– prononcer la nullité de l’assignation qui leur a été délivrée le 10 janvier 2024,
– condamner la société DASSAULT à leur verser une indemnité de 5000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 diu code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de la SELARL Marie CHAMFEUIL.
Dans ses dernières conclusions d’incident notifiées par RPVA le 12 septembre 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé complet des moyens développés, la société DASSAULT demande au juge de la mise en état, sur le fondement des articles 56, 114 et 115 du code de procédure civile, de:
– débouter la société ACK EQUIPEMENT et M. [X] [E] de leur exception de nullité de l’acte d’assignation délivré le 10 janvier 2024 et de leurs demandes au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
– condamner conjointement et solidairement la société ACK EQUIPEMENT et M. [X] [E] à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dire que les dépens suivront ceux de l’instance principale,
– renvoyer l’affaire à une audience de mise en état pour les conclusions des défendeurs au fond.
L’affaire a été plaidée à l’audience d’incident du 16 septembre 2024 et mise en délibéré ce jour.
moyens des parties
La société ACK EQUIPEMENT et M. [E] demandent l’annulation de l’assignation pour vice de forme sur le fondement de l’artilce 56 du code de procédure civile pour un défaut d’exposé des moyens en fait et en droit. Ils font grief à l’assignation d’être imprécise en ce qu’elle ne contient aucune description du logiciel, de la version et/ou des modules concernés par l’action que ce soit en termes de contenu, de fonctionnalités, de caractéristiques. Ils ajoutent que les conclusions au fond et les pièces produites n’apportent pas plus de précision.
Ils font valoir qu’il ne suffit pas de nommer une oeuvre en se référant à son titre pour que l’action soit valable et plaident qu’il appartenait au demandeur à l’action d’identifier précisémment les caractéristiques du logiciel dont l’originalité conditionnait l’existence de ses droits. Ils considèrent que les brefs éléments de présentation du logiciel se réduisant à la question de sa titularité et à des développements très généraux sur les fonctionnalités qui peuvent s’appliquer à de nombreux autres logiciels (“gestion des données techniques en passant par l’automatisation, la simulation, la validation et la collaboration”) sont insuffisants.
Ils font valoir que la version mentionnée dans les conclusions de la société DASSAULT, à savoir une version Premium 2020 ne se retrouve pas dans les pièces, contestant qu’il s’agisse du même logiciel que SOLIDWORKS 2020 pour lequel il est produit un certificat d’enregistrement de l’US Copyright Office, qui aurait en tout état de cause était insuffisant pour identifier la version Premium 2020 si ce certificat avait été produit pour cette version. Ils ajoutent qu’aucune description utile n’est faite de la vingtaine de modules listés dans les conclusions permettant d’identifier les caractéristiques de ces modules afin de lui permerttre d’organiser sa défense. Ils relèvent notamment que la société DASSAULT soutient de manière floue et imprécise qu’il y aurait 4 copies illicites du logiciel tout en revendiquant des dommages-intérêts pour la détention de 81 exemplaires de produits logiciels SOLIDWORKS.
Ils concluent également que les nouveaux développements apportés par la société DASSAULT dans ses conclusions au fond et la production d’un rapport d’expertise, dont ils critiquent la pertinence, n’apportent aucune précision utile sur l’objet du litige et concernent le logiciel SOLIDWORKS en général mais pas la version prétendument contrefaite.
La société DASSAULT s’oppose à la demande de nullité de l’assignation en faisant valoir que l’oeuvre revendiquée est parfaitement identifiée alors que les demandes portent précisément sur la version 2020 du pack Premium du logiciel SOLIDWORKS et qu’il a été fait l’inventaire des 81 copies des modules installés illicitement sur 4 postes informatiques de la société ACK EQUIPEMENT.
Elle plaide que l’assiette des droits d’auteur revendiqués a été explicitée par des conclusions régularisées au fond au soutien desquelles est versé aux débats un rapport d’expertise intitulé “ Rapport sur l’originalité du logiciel SOLIDWORKS” rédigé par M. [N] [Y], expert en informatique près la Cour d’appel de Versailles, qui permet parfaitement de délimiter l’assiette et l’objet de la revendication et les éléments caractérisant l’originalité du logiciel SOLIDWORKS.
Elle fait valoir que l’expert présente l’architecture technique et fonctionnelle du logiciel SOLIDWORKS, décrivant chacune des grandes composantes logicielles (l’interface utilisateur, les commandes, les APO etc) puis procède à l’analyse concrète du code source portant sur une fonctionnalité essentielle et représentative du logiciel, présente sur l’ensemble des versions depuis mars 2000, quelque soit le pack considéré et donc présente dans la version 2020 du pack SOLIDWORKS PREMIUM. Elle ajoute que sur la base de ce rapport, le tribunal judiciaire de Rennes a jugé dans un jugement en date du 6 mai 2024 que le logiciel SOLIDWORKKS est une oeuvre de l’esprit originale protégée par des droits d’auteurs.
La société DASSAULT objecte également que les défendeurs au fond ne démontrent concrètement aucun grief alors qu’ils sont parfaitement à même d’asurer leur défense s’agissant de l’installation délibérée de version piratée du logiciel SOLIDWORKS.
Sur ce
Aux termes de l’article 56 du code de procédure civile, l’assigantion contient à peine de nullité, (…) l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit.
La validité de l’assignation doit s’apprécier au regard de l’objet de l’action. L’action en contrefaçon de droits d’auteur, d’interprétation sticte, ne protège par les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils sont exprimés. Par application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à l’auteur d’identifier l’oeuvre sur laquelle il fonde ses droits et, plus spécialement, les caractéristiques qui constituent, selon lui le siège de son originalité, l’identitification de l’oeuvre étant le préalable indispensable à l’examen de son originalité.
En l’espèce, il est constant que l’assignation avec son annexe liste par leur dénomination les modules du logiciel SOLIDWORKS dont il est dénoncé une installation illicite sur quatre ordinateurs de la société ACK EQUIPEMENT. Ces dénominations permettent d’identifier qu’il est reproché une copie illicite du pack du logiciel SOLIDWORKS intitulé “Premium 2020″ et le nom des différents modules ( par exemple Solidworks Simulation Premium 2020, Solidwoks Flow Simulation 2020… ) pour lesquelles une installation illicite est dénoncée.
Le seul titre du logiciel et de ses modules, même s’il est précisé la date de sa version est insuffisant à identifier l’oeuvre logiciel dont la protection est recherchée dès lors que la seule dénomination est impropre à déterminer la consistance du logiciel qui est opposé ni d’en discuter l’originalité.
Un logiciel, qui peut se définir comme une séquence d’instructions interprétables par un système d’exploitation en considération du langage de programmation dans lequel est écrit son code source puis de sa retranscription en langage binaire (code objet), n’est protégé que si la forme de son expression est originale en ce sens qu’elle traduit un effort personnalisé du programmateur dépassant la simple mise en oeuvre d’une logique automatique et contraignante qui se matérialise dans une structure individualisée. Seul le code source permet de connaître les choix précis du programmateur qui ont présidé à la mise en forme qui consitue le siège d’un logiciel.
La société DASSAULT convient de cette insuffisance et plaide, sur le fondement de l’article 115 du code de procédure civile, une régularisation ultérieure de l’acte introductif d’instance par ses conclusions au fond et la production du rapport d’un expert informatique.
Il lieu ainsi d’examiner si ces éléments apportent la description utile des caractéristiques du logiciel et de ses modules qui en feraient l’originalité.
Dans ses conclusions au fond n° 1 notifiées par RPVA le 15 juillet 2024, la société DASSAULT, pour décrire son logiciel, se réfère au rapport de l’expert informatique M. [N] [Y] dont elle reproduit les termes et à qui il a été demandé de présenter le logiciel SOLIDWORKS à travers son architecture technique, ses différentes composantes et ses spécificications fonctionnelles et de se prononcer sur son originalité.
M. [Y] propose à partir de son analyse du code source du logiciel de mettre en exergue les spécificités de ce code et les choix opérés par les développeurs.
Il ressort de la lecture de ce rapport que M. [Y] a travaillé sur le code source de la version du logiciel “SOLIDWORKS PREMIUM “ de juin 2020 , précisant que le code analysé n’a subi aucune évolution depuis cette date et est repris dans les dernières versions du logiciel SOLIDWORKS jusqu’à la version 2023.
En conséquence, contrairement à ce qui est soutenu, il apparaît bien que l’analyse de l’expert a porté sur une version Premium du logiciel de juin 2020, dont il est incriminé une reproduction illicite, si bien que la description du logiciel réalisé par cet expert met le défendeur en mesure d’appréhender les éléments d’architecture et de composantes qui lui sont opposés et d’en discuter l’originalité des choix de conception qui ont été analysés par cet expert.
L’analyse de l’expert a porté sur le logiciel SOLIDWORKS comprenant l’intégralité des modules, si bien que son rapport apparaît utile pour satisfaire à la description des caractéristiques du logiciel et de ses modules.
A ce titre, l’expert précise ainsi que la combinaison des grandes composantes logicielles qu’il décrit forme un tout unique, le logiciel SOLIDWORKS comprenant l’intégralité des modules. Il indique “ cette unicité se reflète dans le mode de commercialisation des licences de SOLIDWORKS. Les sociétés commandent des licences avec les modules qui leur sont nécessaires et qu’elles ont choisis. Elles reçoivent l’intégralité de la version en cours de SOLIDWORKS et des clés d’activation pour les seuls modules choisis.”
Les éléments produits par la société DASSAULT seront donc jugés suffisants pour permettre aux défendeurs d’identifier le logiciel SOLDWORKS dans sa version 2020 avec les modules dont il est dénoncé une installation illicite sur quatre de leurs ordinateurs.
A ce stade, et les parties en conviennent de chaque côté, il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’originalité de l’oeuvre, débat qui relève des juges du fond qui auront à apprécier l’argumentation de la société ACK EQUIPEMENT et M. [E] critiquant dans leurs conclusions d’incident les éléments avancés par la société DASSAULT au titre de l’originalité revendiquée pour le logiciel SOLIDWORKS.
Il convient donc de rejeter la demande de nullité de l’assignation alors qu’il apparaît que les demandes sont suffisamment précises.
Sur les demandes annexes
Il serait inéquitable de laisser à la société DASSAULT l’intégralité de ses frais irrépétibles exposés pour défendre à l’incident. La société ACK EQUIPEMENT et M. [E] seront condamnés à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge de la mise en état,
– REJETTE la demande de nullité de l’assignation délivrée le 10 janvier 2024;
– CONDAMNE la société ACK EQUIPEMENT et M. [X] [E] à payer à la Société DASSAULT SYSTEMES SOLIDWORKS CORPORATION la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état du 9 janvier 2025 avec injonction de conclure au fond aux défendeurs,
– RESERVE les dépens.
La présente décision est signée par Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et David PENICHON, Greffier.
LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ETAT
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