L’article R. 142-1 du Code de la sécurité sociale stipule que toute réclamation contre un organisme de sécurité sociale doit être préalablement soumise à la commission de recours amiable. Cette exigence est renforcée par l’article R. 142-2, qui précise que la saisine de cette commission est un préalable obligatoire avant d’intenter une action en justice. En cas de non-réponse dans un délai de deux mois, l’article R. 142-6 permet à l’intéressé de considérer sa demande comme rejetée, ce qui lui ouvre la voie à un recours judiciaire.
La mise en demeure, quant à elle, doit respecter les exigences des articles L. 244-2, L. 244-9, R. 133-3 et R. 244-1 du Code de la sécurité sociale, qui imposent qu’elle précise la nature, la cause et l’étendue de l’obligation de paiement. La jurisprudence, notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 15 février 1989 (n° 86-18.354), souligne que l’absence de cette formalité préalable peut entraîner la nullité de la procédure de recouvrement. Concernant l’affiliation des gérants de sociétés, l’article L. 311-3-11° du Code de la sécurité sociale établit que les gérants de sociétés à responsabilité limitée, sous certaines conditions, sont assimilés à des salariés pour leur affiliation au régime général de sécurité sociale. La jurisprudence a confirmé que les gérants peuvent être affiliés à la fois en tant que mandataires sociaux et en tant que travailleurs indépendants, ce qui est pertinent pour le cas de M. [E] [D]. Enfin, les articles L. 111-1 et L. 111-2-2 du Code de la sécurité sociale rappellent le principe de solidarité qui sous-tend le système de sécurité sociale, imposant l’obligation d’affiliation pour toute personne exerçant une activité professionnelle non salariée sur le territoire français. La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne a également affirmé que chaque État membre est libre de déterminer les conditions d’affiliation à son système de sécurité sociale, tant que cela respecte les principes de solidarité nationale. |
L’Essentiel : L’article R. 142-1 du Code de la sécurité sociale stipule que toute réclamation contre un organisme de sécurité sociale doit être soumise à la commission de recours amiable. L’article R. 142-2 précise que cette saisine est un préalable obligatoire avant d’intenter une action en justice. En cas de non-réponse dans un délai de deux mois, l’article R. 142-6 permet de considérer la demande comme rejetée, ouvrant ainsi la voie à un recours judiciaire.
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Résumé de l’affaire : Le 25 janvier 2023, l’URSSAF Centre Val de Loire a notifié à M. [E] [D] une mise en demeure concernant des cotisations et majorations dues pour un montant de 35 289 euros, relatif aux 4ème trimestres 2021 et 2022. M. [D] a contesté cette mise en demeure par une requête déposée le 20 avril 2023 devant le tribunal judiciaire de Tours, ainsi qu’une décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF. Le 9 octobre 2023, le tribunal a jugé le recours recevable mais mal fondé, validant la mise en demeure et condamnant M. [D] à payer la somme due ainsi qu’une indemnité de 1 000 euros. M. [D] a interjeté appel le 17 octobre 2023. Lors de l’audience du 18 juin 2024, il a demandé la réformation du jugement, tandis que l’URSSAF a demandé la confirmation de celui-ci. La cour a finalement confirmé le jugement du 9 octobre 2023, déboutant M. [D] de sa demande d’indemnité et le condamnant aux dépens d’appel.
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Q/R juridiques soulevées :
La légalité de la décision de la commission de recours amiableIl est soutenu que la décision de la commission de recours amiable est illégale car intervenue au-delà du délai de deux mois prévu par l’article R. 142-6 du Code de la sécurité sociale. L’article R. 142-6 dispose que « lorsque la décision du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale ou de la commission n’a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois, l’intéressé peut considérer sa demande comme rejetée ». Cependant, la Cour rappelle que la saisine de la commission de recours amiable est un préalable obligatoire à toute saisine de la juridiction de la sécurité sociale. Ainsi, même si la décision est tardive, cela n’affecte pas la compétence de la juridiction pour statuer Le fond du litige. Les moyens soulevés par le requérant sont donc inopérants. La régularité de la mise en demeureLe requérant conteste la régularité de la mise en demeure du 25 janvier 2023, arguant qu’elle ne précise pas suffisamment la nature et l’étendue de son obligation. Selon l’article L. 244-2 du Code de la sécurité sociale, la mise en demeure doit permettre à la personne notifiée de connaître la cause, la nature et l’étendue de son obligation. En l’espèce, la mise en demeure précise la date, la cause des sommes réclamées, la nature des sommes, ainsi que les périodes concernées. La Cour conclut que la mise en demeure est conforme aux exigences légales, peu importe que les périodes ne soient pas successives. Les arguments du requérant sont donc rejetés. L’affiliation du gérant de SELARLLe requérant soutient qu’il ne doit pas être assujetti aux cotisations car il est gérant d’une SELARL, distincte de sa personne. L’article L. 311-3-11° du Code de la sécurité sociale stipule que les gérants de sociétés à responsabilité limitée doivent être affiliés au régime général de sécurité sociale, sauf s’ils sont minoritaires. Le requérant ne conteste pas avoir exercé une activité de travailleur indépendant, ce qui justifie son obligation d’affiliation à l’URSSAF. Ainsi, il est fondé à être redevable des cotisations Les revenus tirés de son activité libérale. Le montant de la mise en demeureLe requérant affirme que les montants de la mise en demeure sont erronés en raison de l’absence d’application des réductions Covid et de l’exonération de CSG-CRDS. Les mesures d’exonération instaurées par la loi n° 2020-935 ne s’appliquent qu’à certains secteurs, et le requérant ne justifie pas d’une baisse de chiffre d’affaires ni d’une activité dans ces secteurs. Les articles L. 111-1 et L. 111-2-2 du Code de la sécurité sociale imposent l’affiliation à un régime de sécurité sociale pour les personnes exerçant une activité professionnelle non salariée. La Cour conclut que le requérant n’est pas fondé à contester le montant de la mise en demeure. L’article 700 et les dépensLa Cour confirme le jugement en ce qu’il a condamné le requérant à payer 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. L’article 700 permet à la Cour de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme pour couvrir ses frais irrépétibles. Le requérant est également condamné aux dépens d’appel, conformément aux dispositions applicables. |
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
SELARL DE MAITRE COIMBRA
URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE
EXPÉDITION à :
[E] [D]
Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS
ARRÊT DU : 8 OCTOBRE 2024
Minute n°315/2024
N° RG 23/02504 – N° Portalis DBVN-V-B7H-G4C7
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS en date du 9 Octobre 2023
ENTRE
APPELANT :
Monsieur [E] [D]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Ayant pour avocat Me Ana Cristina COIMBRA de la SELARL DE MAITRE COIMBRA, avocat au barreau de BORDEAUX
Dispensé de comparution à l’audience du 18 juin 2024
D’UNE PART,
ET
INTIMÉE :
URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par M. [I] [G], en vertu d’un pouvoir spécial
D’AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 JUIN 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, chargé du rapport.
Lors du délibéré :
Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,
Madame Férréole DELONS, Conseiller,
Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt.
DÉBATS :
A l’audience publique le 18 JUIN 2024.
ARRÊT :
– Contradictoire, en dernier ressort.
– Prononcé le 8 OCTOBRE 2024, après prorogation du délibéré, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– Signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
Le 25 janvier 2023, l’URSSAF Centre Val de Loire a adressé à M. [E] [D] une mise en demeure afférente aux cotisations et majorations dues pour le 4ème trimestre 2021 et le 4ème trimestre 2022 pour un montant de 35 289 euros.
Par requête en date du 20 avril 2023, M. [E] [D] a formé opposition à cette mise en demeure devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours, ainsi qu’à la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l’URSSAF que M. [D] avait saisie d’une contestation de cette mise en demeure.
Par jugement prononcé le 9 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Tours a :
– déclaré le recours de M. [E] [D] recevable mais mal fondé,
– déclaré régulière la mise en demeure émise par l’URSSAF Centre Val de Loire le 25 janvier 2023,
– validé la mise en demeure du 25 janvier 2023 émise par l’URSSAF Centre Val de Loire relative aux cotisations du 4ème trimestre 2021 et du 4ème trimestre 2022 pour une somme de 35 289 euros,
– condamné M. [E] [D] à régler à l’URSSAF Centre Val de Loire la somme de 35 289 euros au titre des 4ème trimestre 2021 et du 4ème trimestre 2022,
– condamné M. [E] [D] à régler à l’URSSAF Centre Val de Loire la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
– condamné M. [E] [D] aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration du 17 octobre 2023, réceptionné le 19 octobre suivant, M. [E] [D] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions soutenues à l’audience du 18 juin 2024, M. [E] [D] demande à la Cour de :
– déclarer l’appel recevable,
– réformer le jugement au fond rendu le 9 octobre 2023 en ce qu’il :
‘ déclare le recours de M. [E] [D] mal fondé,
‘ déclare régulière la mise en demeure émise par l’URSSAF Centre Val de Loire le 25 janvier 2023,
‘ valide la mise en demeure du 25 janvier 2023 émise par l’URSSAF Centre Val de Loire relative aux cotisations du 4ème trimestre 2021 et du 4ème trimestre 2022 pour une somme de 35 289 euros,
‘ condamne M. [E] [D] à régler à l’URSSAF Centre Val de Loire la somme de 35 289 euros au titre du 4ème trimestre 2021 et du 4ème trimestre 2022,
‘ condamne M. [E] [D] à régler à l’URSSAF Centre Val de Loire la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
‘ déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
‘ condamne M. [E] [D] aux entiers dépens de l’instance,
Et statuant à nouveau,
– annuler la mise en demeure litigieuse,
– annuler la décision de la commission de recours amiable,
Subsidiairement,
Pour le cas où la Cour ne ferait pas droit aux précédentes demandes,
Et en tout état de cause,
– déclarer qu’il n’y a pas lieu de valider la mise en demeure litigieuse,
– déclarer qu’il n’y a pas lieu de valider la décision de la commission de recours amiable,
– débouter l’URSSAF intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires à celles de l’appelant,
– condamner l’URSSAF intimée au paiement de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner l’URSSAF intimée aux entiers dépens.
Par conclusions soutenues à l’audience du 18 juin 2024, l’URSSAF Centre Val de Loire demande à la Cour de :
– débouter M. [E] [D] de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– confirmer le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire de Tours du 9 octobre 2023 en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu’il valide la mise en demeure du 25 janvier 2023 pour son montant de 35 289 euros correspondant aux cotisations et majorations de retard du 4ème trimestre 2021 et du 4ème trimestre 2022, et condamner M. [D] au paiement de cette somme, outre la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens,
– condamner M. [D] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés par l’URSSAF devant la Cour d’appel,
– condamner M. [D] aux entiers dépens de l’instance.
En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
– Sur la légalité de la décision de la commission de recours amiable
Moyens des parties
M. [E] [D] poursuit l’infirmation du jugement entrepris. Il soutient que la décision de la commission de recours amiable qui lui a été notifiée le 3 mai 2023 est entachée d’illégalité dès lors qu’elle est intervenue au-delà du délai de deux mois visés à l’article R. 142-6 du Code de la sécurité sociale, et que la composition de la commission n’est pas justifiée.
L’URSSAF Centre Val de Loire conclut à la confirmation du jugement déféré. Rappelant les dispositions des articles 114 du Code de procédure civile et R. 142-1 et R. 142-2 du Code de la sécurité sociale, elle expose que si la saisine de la commission de recours amiable constitue un préalable obligatoire à toute saisine de la juridiction de la sécurité sociale, il appartient à la juridiction du contentieux général de se prononcer sur le fond du litige, les moyens soulevés devant elle et tirés d’une irrégularité de la décision de la commission de recours amiable étant inopérants. Elle ajoute qu’aucun délai n’est imposé à la commission pour rendre sa décision, l’article R. 142-6 du Code de la sécurité sociale permettant de considérer la demande comme rejetée en l’absence de réponse dans le délai de deux mois.
Appréciation de la Cour
Il résulte des dispositions des articles R. 142-1 et R. 142-2 du Code de la sécurité sociale dans leur version applicable à la cause que le tribunal ne peut être saisi d’une réclamation contre un organisme de sécurité sociale qu’après que celle-ci a été soumise à la commission de recours amiable.
Aux termes des dispositions des articles 5 et 12 du Code de procédure civile, il appartient à la juridiction du contentieux général de se prononcer sur le fond du litige, peu important les éventuelles irrégularités affectant la décision de cette commission de recours amiable.
L’article R. 142-6 du Code de la sécurité sociale dispose que ‘lorsque la décision du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale ou de la commission n’a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois, l’intéressé peut considérer sa demande comme rejetée’.
Ainsi, si elle n’est valablement saisie qu’après rejet explicite ou implicite (absence de réponse dans le délai de deux mois) de la réclamation préalable (‘), il appartient à la juridiction du contentieux général de se prononcer sur le fond du litige, les moyens soulevés devant elle et tirés d’une irrégularité de la décision de la commission de recours amiable étant inopérants (Civ., 2ème 21 juin 2018, n° 17-27.756).
Dès lors, les moyens soulevés par M. [D], tirés de l’éventuelle illégalité de la décision commission de recours amiable qu’il a saisie dans le cadre de la mise en demeure qui lui a été adressée, résultant du non-respect du délai de deux mois visé à l’article R. 142-6 du Code de la sécurité sociale ou de l’absence de communication de sa composition, sont inopérants et la cour, comme le tribunal en son temps, est tenue de statuer sur le fond du litige.
– Sur la régularité de la mise en demeure
Sur l’absence de détail de la mise en demeure
Moyens des parties
M. [E] [D] poursuit l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré régulière la mise en demeure du 25 janvier 2023. Invoquant la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l’intéressé doit être en mesure d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation, il soutient qu’en l’espèce la mise en demeure doit être invalidée dès lors que le montant dont le paiement est réclamé n’est ni justifié ni détaillé. Il ajoute que la mise en demeure est nécessairement irrégulière faute de viser des trimestres qui se suivent.
L’URSSAF Centre Val de Loire conclut à la confirmation du jugement déféré. Elle expose que la mise en demeure contestée répond aux exigences légales et jurisprudentielles dès lors qu’elle précise la nature des sommes réclamées (cotisations et contributions sociales personnelles obligatoires, majorations et pénalités), le motif de mise en recouvrement (absence de paiement), les périodes concernées (4ème trimestre 2021, 4ème trimestre 2022) ainsi que le montant des cotisations dues par échéance, et qu’il est parfaitement indifférent que les périodes de la mise en demeure ne se suivent pas.
Appréciation de la Cour
Par application combinée des articles L. 244-2, L. 244-9, R. 133-3, et R. 244-1 du Code de la sécurité sociale, la mise en demeure doit permettre à la personne à laquelle elle est notifiée, d’avoir connaissance de la cause, la nature, et l’étendue de son obligation. La mise en demeure doit ainsi, à peine de nullité, être motivée et préciser outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte.
L’envoi d’une mise en demeure au débiteur constitue donc une formalité préalable obligatoire à la délivrance de la contrainte dont l’inobservation est de nature à vicier la procédure de recouvrement (Soc., 15 févr. 1989, n° 86-18.354).
Au cas particulier, la mise en demeure litigieuse en date du 25 janvier 2023, adressée à M. [E] [D] précise :
– la date de son établissement,
– la cause des sommes réclamées : règlement des cotisations et contributions sociales obligatoires dues au titre du 4ème trimestre 2021, et du 4ème trimestres 2022 compte tenu des déclarations et versements enregistrés au 20 janvier 2023,
– la nature des sommes réclamées : cotisations et contributions sociales personnelles obligatoires, majorations et pénalités,
– la ventilation entre les cotisations et contributions sociales, les régularisations, les majorations/pénalités, le montant déjà payé et le montant restant à payer,
– la période précise à laquelle se rapporte chacune de ces sommes par trimestre.
La Cour relève en outre que la mise en demeure porte également la mention selon laquelle à défaut de règlement des sommes dues, des poursuites seront engagées sans nouvel avis et dans les conditions indiquées au verso.
La mise en demeure, dont les mentions précises et complètes sont de nature à permettre à l’appelant de connaître la cause, la nature et l’étendue de ses obligations, est ainsi conforme aux dispositions légales, peu important que les trimestres réclamés dans le cadre de cette mise en demeure ne soient pas des trimestres successifs.
Les moyens soulevés par M. [D] à l’appui de sa demande visant à voir invalidée la mise en demeure litigieuse seront en conséquence rejetés.
– Sur l’affiliation de M. [D] en qualité de gérant de SELARL
Moyens des parties
M. [E] [D] poursuit l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré régulière la mise en demeure du 25 janvier 2023. Il soutient exercer au sein de la SELARL [D], personne juridique différente de M. [D], qui seule doit être assujettie aux cotisations, faute pour M. [D] d’exercer comme travailleur indépendant.
L’URSSAF Centre Val de Loire conclut à la confirmation du jugement déféré. Elle expose qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, confirmée par le Conseil d’Etat, qu’un professionnel libéral peut être affilié à la fois sur la base de sa qualité de mandataire social et sur la base de l’exercice d’une activité libérale.
Appréciation de la Cour
L’article L. 311-3-11° du Code de la sécurité sociale prévoit que sont assimilés aux salariés pour leur affiliation au régime général de sécurité sociale ‘les gérants de sociétés à responsabilité limitée et de sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée à condition que lesdits gérants ne possèdent pas ensemble plus de la moitié du capital social, étant entendu que les parts appartenant, en toute propriété ou en usufruit, au conjoint, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité et aux enfants mineurs non émancipés d’un gérant sont considérées comme possédées par ce dernier’.
Il résulte de ce texte que les gérants minoritaires de SELARL doivent être affiliés au régime général de sécurité sociale et que les gérants majoritaires de SELARL doivent être affiliés au régime des travailleurs indépendants géré par l’URSSAF.
Dès lors, M. [E] [D], qui ne dénie pas avoir exercé une activité de travailleur indépendant sur le territoire national au cours des périodes visées par la mise en demeure, mais soutient être gérant de la SELARL sans prétendre être gérant minoritaire, n’est pas fondé à contester son obligation d’affiliation à l’URSSAF.
C’est pourquoi il lui est réclamé par l’URSSAF des cotisations basées sur les revenus qu’il tire de son activité libérale exercée dans le cadre de cette SELARL, les moyens qu’il oppose relativement à son statut de » salarié ou assimilé » devant être rejetés.
– Sur le montant de la mise en demeure
Moyens des parties
M. [E] [D] poursuit l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré régulière la mise en demeure du 25 janvier 2023. Il soutient que les montants de celle-ci sont nécessairement erronés dès lors que les réductions Covid ne lui ont pas été appliquées et que les montants dus au titre de la CSG-CRDS ne sont pas déduits, alors qu’assuré auprès d’une société d’assurance européenne, M. [D] doit être exonéré de CSG-CRDS.
L’URSSAF Centre Val de Loire conclut à la confirmation du jugement déféré. Elle expose que M. [E] [D], qui n’a transmis à l’administration fiscale aucune déclaration justifiant de son éligibilité aux réductions Covid ne peut prétendre à aucune réduction. S’agissant de l’exonération de CSG-CRDS, elle indique que l’affiliation au régime de sécurité sociale revêt un caractère obligatoire peu important que l’assuré ait souscrit par ailleurs une assurance complémentaire professionnelle ou individuelle, et que cette position a été confirmée tant par la jurisprudence nationale qu’européenne, que dès lors, M. [D], qui exerce son activité libérale sur le territoire français, est redevable de l’ensemble des cotisations et contributions, y compris au titre de la CSG-CRDS.
Appréciation de la Cour
Il résulte de l’application combinée de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020, du décret n° 2021-75 du 27 janvier 2021 et du décret n° 2021-1094 du 19 août 2021, que des mesures d’exonération ou d’aide au paiement des cotisations ont été instaurées dans le cadre de la pandémie de Covid pour les entreprises ou travailleurs indépendants dont l’activité principale relève des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture et de l’événementiel, ainsi que pour les entreprises ou travailleurs indépendants de secteurs liés aux secteurs susvisés et qui enregistrent de très fortes baisses de leur chiffre d’affaire ou concernées par l’interdiction totale d’accueil du public.
En l’espèce, M. [E] [D], chirurgien-orthopédique, se contente de soutenir que ses revenus ont diminué sans justifier ni une baisse de chiffre d’affaires, ni exercer une activité liée au secteur du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture et de l’événementiel. Au surplus, la cour relève qu’il résulte des pièces produites par l’URSSAF que les revenus déclarés par M. [E] [D] n’ont cessé d’augmenter entre 2020 et 2022, passant de 108 678 euros au titre de l’année 2020, à 170 701 euros au titre de l’année 2021, et 240 693 euros au titre de l’année 2022. Il ne justifie en conséquence aucunement remplir l’une des conditions justifiant une exonération dans le cadre de la pandémie de Covid.
Les articles L. 111-1 et L. 111-2-2 du Code de la sécurité sociale rappellent le principe de solidarité sur lequel repose la sécurité sociale et imposent l’obligation de s’affilier à un régime de sécurité sociale pour les personnes qui exercent sur le territoire français une activité professionnelle non salariée.
La Cour de justice de l’Union Européenne a rappelé à plusieurs reprises que chaque Etat membre est libre de déterminer son système de sécurité sociale et notamment les conditions d’affiliation à ce système (CJCE 7 février 1984 Duphar – CJCE 28 avril 1998, [H], aff. n° C-158/96).
En l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union européenne, il appartient à la législation de chacun des Etats membres de déterminer les conditions du droit ou de l’obligation de s’affilier à un régime de sécurité sociale (CJCE, 28 avril 1998, [H], précité), mais également les conditions d’octroi des prestations en matière de sécurité sociale (CJCE, 30 janvier 1997, [W] et [C] [R], aff. n° C-4/95 et n° C-5/95, Rec. I-p. 511, § 36 CJCE, 4 octobre 1991, [T], aff. n° C-349/87, Rec. I-p. 4501, § 15) ou les revenus à prendre en compte pour le calcul des cotisations (CJCE, 9 mars 2006, [J], aff. n° C-493/04, § 32).
Les dispositions des directives du Conseil des communautés européennes des 18 juin 1992 et 10 novembre 1992 concernant l’assurance ne sont pas applicables aux régimes légaux de sécurité sociale fondés sur le principe de solidarité nationale dans le cadre d’une affiliation obligatoire des intéressés et de leurs ayants droit énoncée à l’article L. 111-1 du Code de la sécurité sociale, ces régimes n’exerçant pas une activité économique, comme l’a rappelé la cour de cassation (Civ., 2ème 25 avril 2013 n°12-13.234).
Dans son arrêt [S] et autres c/ Mutuelle de prévoyance sociale d’Aquitaine et autres (aff. n° 283/94), la Cour de justice des communautés européennes, statuant par arrêt du 26 mars 1996 sur question préjudicielle a précisé : ‘En outre, les États membres ont conservé leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, et donc pour organiser des régimes obligatoires fondés sur la solidarité, régimes qui ne pourraient survivre si la directive qui implique la suppression de l’obligation d’affiliation devait leur être appliquée’, cette solution s’appliquant tant à la directive 92/96 du 10 novembre 1992 qu’à la directive 92/49 du 18 juin 1992.
Le champ d’application de la directive 92/49/CEE est précisé en son article 2§2 qui renvoie au champ d’application de la directive 73/239/CEE dont l’article 2.1 exclut les assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale.
Il ressort de ce qui précède que le caractère obligatoire de l’assujettissement aux régimes de sécurité sociale n’est pas incompatible avec les règles précitées du droit de l’Union Européenne.
Il apparaît, dès lors, que M. [E] [D], qui ne dénie pas avoir exercé une activité de travailleur indépendant sur le territoire national au cours des périodes visées par la mise en demeure, n’est pas fondé à contester son obligation d’affiliation à l’URSSAF.
– Sur l’article 700 et les dépens
La solution donnée au litige commande de confirmer également le jugement en ce qu’il a condamné M. [D] à payer à l’URSSAF la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et de débouter M. [D] de sa propre demande pour ses frais irrépétibles d’appel.
M. [D] sera condamné aux dépens d’appel.
Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 9 octobre 2023 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours
Déboute M. [E] [D] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
Condamne M. [E] [D] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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