Cour de cassation, 26 février 2025, Pourvoi n° 24-87.075
Cour de cassation, 26 février 2025, Pourvoi n° 24-87.075

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Le délit d’appels et messages malveillants

Résumé

Contexte de la Question Prioritaire de Constitutionnalité

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée concerne les dispositions de l’article 222-16 du code pénal. Elle interroge si ces dispositions portent atteinte aux principes de légalité des délits et des peines, de clarté de la loi, de nécessité et de proportionnalité des peines, ainsi qu’à la liberté d’expression. Les critiques portent sur le manque de précision du texte concernant le caractère public ou privé des appels et messages malveillants, ce qui pourrait nuire à la clarté et à la légalité.

Problèmes Soulevés par la Jurisprudence

La jurisprudence a déjà appliqué l’article 222-16 à des messages diffusés sur des pages publiques de réseaux sociaux, ce qui soulève des préoccupations quant à une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression. Les délais de prescription, les peines encourues et les mesures de contrainte durant l’enquête sont également mis en question, remettant en cause les principes de nécessité et de proportionnalité des peines.

Ambiguïtés de la Définition Légale

Un autre point soulevé est l’absence de définition légale du terme « malveillant », ce qui entraîne une qualification juridique unique pour des comportements très variés. Cela inclut des actes allant de l’envoi d’injures privées à des tentatives d’escroquerie, rendant le champ d’application excessivement vaste et flou. Cette situation pourrait mener à des applications arbitraires de la loi, en contradiction avec les principes de clarté et d’égalité devant la loi.

Incompatibilité avec d’Autres Dispositions Légales

La QPC souligne également que les comportements visés par l’article incriminé sont déjà couverts par d’autres qualifications légales, qui peuvent être plus douces ou plus sévères. Cela soulève des questions sur la variabilité et l’arbitraire des choix de qualification et de peine, ainsi que sur les délais de prescription et les mesures de contrainte applicables.

Décision de la Cour de Cassation

La Cour de cassation a maintenu la déclaration de culpabilité d’un prévenu pour appels téléphoniques malveillants et envoi de messages malveillants, ce qui a acquis un caractère définitif. Par conséquent, la disposition législative contestée n’est pas applicable à la procédure postérieure. En conséquence, la Cour a décidé de ne pas renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

N° T 24-87.075 F-D

N° 00395

26 FÉVRIER 2025

RB5

QPC INCIDENTE : NON LIEU À RENVOI AU CC

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 FÉVRIER 2025

M. [V] [C] a présenté, par mémoire spécial reçu le 11 décembre 2024, une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion du pourvoi formé par lui contre l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 5-2, en date du 20 novembre 2024, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 9 mars 2022, pourvoi n° 21-83.557), pour appels téléphoniques malveillants et envoi par la voie des communications électroniques de messages malveillants, l’a condamné à huit mois d’emprisonnement avec sursis probatoire.

Des observations ont été produites.

Sur le rapport de M. Laurent, conseiller, et les conclusions de M. Fusina, avocat général, après débats en l’audience publique du 26 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l’article 222-16 du code pénal, à la lumière de la jurisprudence afférente, portent-elles atteinte aux principes de légalité des délits et des peines (art. 5 et 8 DDHC), de clarté de la loi (art. 34 Constitution), de nécessité et de proportionnalité des peines (art. 5 et 8 DDHC), et de liberté d’expression (art. 10 et 11 DDHC),

en ce que :

1°/ le texte incriminé ne précise pas si les appels et messages malveillants doivent revêtir un caractère public ou privé, ce qui porte atteinte aux principes de légalité et clarté susvisés ;

2°/ la jurisprudence afférente a déjà retenu, à cet égard, l’applicabilité de l’article 222-16 du code pénal en raison de messages diffusés sur une page publique d’un réseau social (CA Aix en-Provence 13 avril 2021 n° 2021/189 RG n°20/01854 ; Crim 9 mars 2022 n° 21-83.557), ce qui porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression — eu égard, notamment, au délai de prescription, aux peines encourues, ainsi qu’aux mesures de contraintes applicables durant l’enquête — et par suite aux principes de nécessité et proportionnalité des peines ;

3°/ en raison de l’absence de définition légale du terme « malveillant », l’article incriminé prévoit une qualification juridique et une peine uniques pour recouvrir un champ d’application excessivement vaste et flou, susceptibles de s’appliquer à des faits sans commune mesure les uns par rapport aux autres, tels :

– l’envoi réitéré d’injures ou outrages privés par appels téléphoniques, SMS ou messages électroniques,
– l’envoi réitéré de menaces (de, violences, de mort … ), privées ou publiques par les mêmes moyens,
– l’envoi réitéré de propos privés « vindicatifs » mais dénués de caractère injurieux, diffamatoire ou menaçant,
– l’envoi réitéré de canulars téléphoniques, aussi bien publics que privés,
– la diffusion réitérée d’injures, outrages ou autres propos « vindicatifs » publics sur une page publique d’un réseau social,
– l’envoi réitéré d’appels téléphoniques ou SMS dénués de contenu dans le seul but de provoquer des nuisances sonores,
– l’envoi réitérés de courriels dénués de contenu dans le seul but de saturer une boîte mail,
– l’émission réitérée de démarchages téléphoniques malgré le refus exprimé par leur destinataire,
– l’envoi réitéré de tentatives d’escroquerie par des « brouteurs »…

ce qui porte atteinte aux principes susvisés,

4°/ l’article incriminé viole les principes susvisés, ainsi que le principe d’égalité des citoyens devant la loi (art. 6 DDHC), dès lors que les comportements susceptibles de tomber sous le coup de ce dernier tombent déjà, par ailleurs, sous le coup d’autres qualifications plus douces (contraventions de menaces de violences ou injures privées, délits d’outrage ou d’injures publiques…) ou plus sévères (délits de harcèlement moral, cyber-harcèlement, menaces de mort, traitements illicites de données à caractère personnel, tentatives d’escroquerie…), rendant variable et arbitraire le choix de la qualification et la peine qui s’ensuit, ainsi que les délais de prescription et mesures de contrainte applicables ? »

2. La déclaration de culpabilité de M. [C], des chefs d’appels téléphoniques malveillants et d’envoi par la voie des communications électroniques de messages malveillants, ayant été expressément maintenue par l’arrêt de cassation partielle rendu le 9 mars 2022 et ayant, de ce fait, acquis un caractère définitif, la disposition législative contestée, qui définit les éléments constitutifs de ces délits, seuls critiqués par la question posée, n’est pas applicable à la procédure postérieure.

3. En conséquence, il n’y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

 


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