Responsabilité locative et preuve des obligations contractuelles

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Responsabilité locative et preuve des obligations contractuelles

L’Essentiel : La Caisse d’épargne et de prévoyance d’Alsace a signé un bail commercial avec la Sarl Green estate en janvier 2015, pour un local au troisième étage, avec un loyer annuel de 21 780 € TTC. Après le départ de la Sarl Green estate le 30 juillet 2021, la Caisse d’épargne a réclamé 3 708,94 € pour des travaux et loyers impayés. Cependant, le tribunal a constaté un manque de preuves suffisantes pour justifier cette somme, déboutant ainsi la Caisse d’épargne de sa demande et la condamnant aux dépens. La décision a été déclarée exécutoire à titre provisoire.

Contexte de la location

La société Caisse d’épargne et de prévoyance d’Alsace a signé un bail commercial avec la Sarl Green estate le 15 janvier 2015, pour un local situé au troisième étage d’un bâtiment, avec une durée de neuf ans à compter du 1er mars 2015. Le loyer annuel était fixé à 21 780 € TTC, payable mensuellement, en plus d’une provision sur charges.

État des lieux et départ du locataire

La Sarl Green estate a quitté les lieux loués le 30 juillet 2021, date à laquelle un état des lieux de sortie a été réalisé. Par la suite, la Caisse d’épargne a mis en demeure la Sarl Green estate par courrier le 21 février 2022, lui réclamant un montant de 3 708,94 €.

Procédure judiciaire

Le 25 avril 2024, la Caisse d’épargne a saisi le tribunal judiciaire de Strasbourg, demandant la condamnation de la Sarl Green estate pour le paiement de la somme due, ainsi que des frais et dépens. La Sarl Green estate n’a pas constitué avocat pour se défendre.

Arguments de la Caisse d’épargne

La Caisse d’épargne a soutenu que la Sarl Green estate devait payer le coût des travaux de remise en état des lieux, ainsi que les loyers impayés des mois de juin et juillet 2021. Elle a également affirmé que le dépôt de garantie ne couvrait pas le montant total des travaux effectués.

Analyse des preuves

Le tribunal a constaté que la Caisse d’épargne n’a pas fourni de preuves suffisantes pour justifier la somme de 3 708,94 €. Les documents présentés ne permettaient pas de comprendre le calcul de cette somme, et aucune mise en demeure détaillée n’avait été adressée à la Sarl Green estate.

Décision du tribunal

Le tribunal a débouté la Caisse d’épargne de sa demande, concluant qu’elle n’avait pas prouvé que la Sarl Green estate était débitrice. En conséquence, la Caisse d’épargne a été condamnée aux dépens, et sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée. La décision a été déclarée exécutoire à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature des obligations du preneur en vertu de l’article 1718 du code civil ?

L’article 1718 du code civil stipule que le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.

Cela signifie que le locataire doit respecter les modalités de paiement établies dans le contrat de bail, y compris le montant et la fréquence des paiements.

En cas de non-paiement, le bailleur peut engager des actions en justice pour récupérer les sommes dues.

Il est donc essentiel pour le preneur de s’acquitter de ses obligations financières pour éviter des litiges.

Quelles sont les conséquences de l’inexécution des obligations contractuelles selon l’article 1147 du code civil ?

L’article 1147 du code civil précise que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts en cas d’inexécution de l’obligation.

Cela inclut les situations où le débiteur ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.

Ainsi, si un locataire ne respecte pas ses obligations, il peut être tenu de verser des dommages et intérêts au bailleur.

Ces dommages et intérêts visent à compenser le préjudice subi par le créancier en raison de l’inexécution.

Comment le preneur peut-il se défendre contre des demandes de paiement selon l’article 1353 du code civil ?

L’article 1353 du code civil stipule que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Cela signifie que le bailleur doit démontrer que le locataire est redevable des sommes qu’il réclame.

Inversement, le preneur qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Ainsi, le locataire peut contester les demandes de paiement en fournissant des preuves de son bon paiement ou en démontrant que les sommes réclamées ne sont pas dues.

Quelles sont les responsabilités du preneur en matière de dégradations selon l’article 1732 du code civil ?

L’article 1732 du code civil indique que le preneur répond des dégradations ou des pertes qui surviennent pendant sa jouissance, sauf s’il prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.

Cela signifie que le locataire est responsable de l’état des lieux loués et doit les restituer en bon état.

En cas de dégradations, le bailleur peut demander réparation pour le préjudice subi, y compris le coût des travaux de remise en état.

Le preneur doit donc être vigilant quant à l’entretien des locaux pour éviter des litiges.

Quelles sont les implications de l’article 514 du code de procédure civile concernant l’exécution provisoire ?

L’article 514 du code de procédure civile précise que la décision rendue par le tribunal est exécutoire à titre provisoire.

Cela signifie que, même si la décision est susceptible d’appel, elle peut être exécutée immédiatement.

Cette disposition vise à garantir que le créancier puisse obtenir rapidement satisfaction, même en cas de contestation par le débiteur.

Ainsi, le bailleur peut engager des mesures d’exécution pour récupérer les sommes dues sans attendre l’issue d’un éventuel appel.

N° RG 24/05975 – N° Portalis DB2E-W-B7I-M2IH

3ème Ch. Civile Cab. 1

N° RG 24/05975 – N° Portalis DB2E-W-B7I-M2IH

Minute n°

Copie exec. à :

Me Stéphanie BOEUF

Le

Le greffier

Me Stéphanie BOEUF

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE STRASBOURG

JUGEMENT DU 19 NOVEMBRE 2024

DEMANDERESSE :

CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE, immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le n° 775.618.622. prise en la personne de son représentant légal en exercice audit siège,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Stéphanie BOEUF, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire 111

DEFENDERESSE :

S.A.R.L. Green Estate, immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le n° 534.474.325. prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Vincent BARRÉ, Vice-président, Président,

assisté de Aude MULLER, greffier

OBJET : Autres demandes en matière de baux commerciaux

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 Octobre 2024 à l’issue de laquelle le Président, Vincent BARRÉ, Vice-président, statuant en formation de juge unique a avisé les parties que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 19 Novembre 2024.

JUGEMENT :

Rendu par défaut, en dernier ressort,
Rendu par mise à disposition au greffe,
Signé par Vincent BARRÉ, Vice-président et par Aude MULLER, greffier

Par un acte sous seing privé signé le 15 janvier 2015, la société Caisse d’épargne et de prévoyance d’Alsace, désormais dénommée Caisse d’épargne et de prévoyance grand est Europe (ci-après la Caisse d’épargne), a donné à bail commercial à la Sarl Green estate un local au troisième étage d’un bâtiment [Adresse 4] à [Localité 3] pour une durée de neuf ans à compter du 1er mars 2015, soit jusqu’au 29 février 2024, moyennant un loyer annuel de base de 21 780 € ttc payable mensuellement et d’avance outre une provision sur charges.

La Sarl Green estate a quitté les lieux loués le 30 juillet 2021, date à laquelle un état des lieux de sortie contradictoire a été dressé.

Par un courrier du 21 février 2022 la Caisse d’épargne a mis en demeure la Sarl Green estate de lui payer la somme de 3 708,94 €.

Par un acte de commissaire de justice délivré à la Sarl Green estate le 25 avril 2024, la Caisse d’épargne a saisi le tribunal judiciaire de Strasbourg et demande de :
– déclarer régulières et recevables ses demandes,
– condamner la Sarl Green estate à lui payer la somme de 3 708,94 € au titre du montant des travaux,
– condamner la Sarl Green estate à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la Sarl Green estate aux entiers frais et dépens,
– rappeler que la décision à intervenir est exécutoire de plein droit.

La Sarl Green estate, assignée par dépôt à étude, n’a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux termes de l’assignation visée ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 8 octobre 2024, l’affaire a été évoquée à l’audience du même jour et mise en délibéré au 19 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 472 du code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

– Sur la demande en paiement :

La Caisse d’épargne demande que la Sarl Green estate soit condamnée à lui payer le coût des travaux de remise en état des lieux ainsi que le paiement des termes des loyers des mois de juin et juillet 2021, après déduction du montant du dépôt de garantie.

Selon l’article 1718 du code civil, le preneur est tenu notamment 2° de payer le prix du bail aux termes convenus.

Conformément à l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Par ailleurs, selon l’article 1147 du code civil dans leur version applicable au présent litige, le bail commercial ayant été conclu le 15 janvier 2015, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L’article 1149 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

Enfin, conformément à l’article 1732 du code civil, le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.

Il résulte de la combinaison de ces textes et du principe de réparation intégrale du préjudice que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur, que ce préjudice peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l’exécution des réparations ou à l’engagement effectif de dépenses et que, tenu d’évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu’elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition (Civ. 3, 27 juin 2024, n° 22-24.502, n° 22-21.272 et n° 22-10.298).

Selon les pièces produites par la Caisse d’épargne, celle-ci a donné à bail commercial à la Sarl Green estate un local à compter du 1er mars 2015, le bail précise en son article 4 qu’un état des lieux sera établi amiablement et contradictoirement par les parties à l’entrée dans les lieux du preneur, que si un tel état des lieux ne peut être établi, il sera établi par un huissier de justice sur l’initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés, et qu’en l’absence de tout état des lieux, les locaux seront considérés comme ayant été loués en parfait état, et un état des lieux de sortie a été établi contradictoirement le 30 juillet 2021.

En l’espèce, dans son assignation, la Caisse d’épargne fait état de ce que les loyers des mois de juin et juillet 2021 n’ont pas été payés par son locataire, que l’état des lieux de sortie laisse apparaître des dégradations, que le coût de remise en conformité du local s’élève à la somme de 4 995,10 € ttc, outre le coût de remplacement d’un badge à hauteur de 290,12 € et elle affirme « le dépôt de garantie n’étant pas suffisant pour solder le paiement total des travaux effectués, le locataire demeure redevable d’un montant de 3 708,94 € ».

Il sera constaté que l’assignation ne renvoie à aucune des pièces visées au bordereau des pièces produites aux débats, étant observé qu’aucune mise en demeure détaillée n’a été adressée par la Caisse d’épargne à la Sarl Green estate, le courrier du 21 février 2022, dont la preuve de l’envoi n’est en outre pas rapportée, l’accusé réception de l’envoi en lettre recommandée avec accusé réception n’étant pas joint à la lettre, mettant en demeure la Sarl Green estate de lui payer la somme de 3 708,94 € ne fournissant aucun détail, se référant uniquement à un précédant envoi, non produit à la présente procédure.

La Caisse d’épargne ne formule ainsi aucun développement articulé et cohérent permettant de comprendre le calcul qu’elle opère pour fonder sa demande à hauteur de 3 708,94 €.

Les pièces produites sont les suivantes :
– le contrat de bail commercial,
– le constat des lieux sortant du 30 juillet 2021,
– la régularisation des charges locatives 2018 : solde créditeur locataire de 2 744,77 €,
– la régularisation des charges locatives 2019 : solde créditeur locataire de 2 713,32 €,
– la régularisation des charges locatives 2020 : solde créditeur locataire de 2 720,28 €,
– la régularisation des charges locatives 2021 : solde créditeur locataire de 1 570,80 €,
– taxe foncière 2021 : 529,10 €,
– devis de remplacement d’une pompe de relevage : 407,28 €,
– devis revêtement de sol, peinture, nettoyage vmc, remplacement abattant wc : 4 995,10 €,
– un arrêté de compte locataire du 13 décembre 2021 mentionnant un débit total de 5 693,16 €, un crédit constitué du dépôt de garantie de 4 537,50 € et la mention charges locatives créditrice : 2 713,32 € [soit un solde créditeur pour le locataire],
– un courrier de mise en demeure portant sur la somme de 3 708,94 € sans détail des sommes dues,
– un constat de carence relatif à une tentative de conciliation.

Il ne résulte d’aucune des pièces du bordereau de la Caisse d’épargne qu’une somme de 3 708,94 € serait due par la Sarl Green estate.

Ainsi, la Caisse d’épargne ne rapporte pas la preuve de ce que la Sarl Green estate serait débitrice à son égard.

La Caisse d’épargne sera en conséquence déboutée de sa demande de condamnation.

– Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

La demande en paiement de la Caisse d’épargne ayant été rejetée, elle sera condamnée aux dépens conformément aux termes de l’article 696 du code de procédure civile.

Sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

– Sur l’exécution provisoire :

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, en dernier ressort, par jugement rendu par défaut, par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE la Société coopérative à forme anonyme Caisse d’épargne et de prévoyance grand est Europe de l’ensemble de ses demandes,

CONDAMNE la Société coopérative à forme anonyme Caisse d’épargne et de prévoyance grand est Europe aux dépens,

RAPPELLE l’exécution provisoire du présent jugement.

Le Greffier Le Président
Aude MULLER Vincent BARRÉ


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