Justification des charges locatives et restitution des sommes indûment perçues

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Justification des charges locatives et restitution des sommes indûment perçues

L’Essentiel : La société AB INVEST, dirigée par M. [X] [T], a signé un bail dérogatoire avec la SCI JF DES CHARTREUX, stipulant un loyer mensuel de 4.100 euros et des charges trimestrielles de 3.000 euros. Entre 2017 et 2021, AB INVEST et ABM France ont versé 58.800 euros au titre des provisions sur charges. Contestant ces paiements, ABM France a demandé le remboursement, arguant l’absence de justificatifs. Le tribunal a constaté que la SCI n’avait pas prouvé les charges, ordonnant la restitution de 57.700 euros, plus intérêts et frais, en faveur des sociétés plaignantes.

Contexte du litige

La société AB INVEST, dirigée par M. [X] [T], a signé un bail dérogatoire de 36 mois avec la société SCI JF DES CHARTREUX pour des locaux à compter du 1er septembre 2017. La société ABM France, également sous la direction de M. [X] [T], a agi en tant que caution pour le paiement des loyers et charges. Le bail stipulait un loyer mensuel de 4.100 euros TTC et une provision trimestrielle sur charges de 3.000 euros, incluant la taxe foncière, les frais de gestion et l’assurance de l’immeuble.

Demandes de remboursement

Entre septembre 2017 et septembre 2021, les sociétés AB INVEST et ABM France ont versé un total de 58.800 euros TTC au titre des provisions sur charges. En octobre 2021, ABM France a contesté ces paiements, jugeant les charges injustifiées, et a demandé le remboursement. Après des échanges sans résultat, les sociétés ont assigné la SCI JF DES CHARTREUX devant le tribunal judiciaire de Nîmes en août 2022, réclamant le remboursement des provisions.

Arguments des parties

Les sociétés AB INVEST et ABM France soutiennent que la SCI JF DES CHARTREUX n’a pas fourni de justificatifs pour les charges payées, se limitant à une quittance d’assurance et à des frais de gestion qu’elles estiment non imputables. En réponse, la SCI JF DES CHARTREUX affirme que les provisions ont été réglées lors de la vente de l’immeuble et qu’elle a fourni les justificatifs nécessaires, tout en soulignant les retards de paiement des locataires.

Décision du tribunal

Le tribunal a rappelé que le bailleur doit justifier des dépenses engagées pour conserver les provisions. Il a constaté que la SCI JF DES CHARTREUX n’a pas prouvé le paiement des charges, notamment les frais de gestion et les taxes foncières, et a ordonné la restitution de 8.750,84 euros pour des sommes indûment perçues. De plus, les frais de gestion de 11.808 euros ont été jugés non dus, entraînant une condamnation supplémentaire.

Intérêts et dépens

Le tribunal a également accordé des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 octobre 2021. La SCI JF DES CHARTREUX a été condamnée à payer les dépens et une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir les frais non compris dans les dépens.

Conclusion

En conclusion, la SCI JF DES CHARTREUX a été condamnée à rembourser un total de 57.700 euros, augmentés des intérêts, ainsi qu’à payer des frais supplémentaires aux sociétés AB INVEST et ABM France.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de restitution des sommes versées au titre des provisions sur charges ?

La restitution des sommes versées au titre des provisions sur charges est régie par les articles 1302 et 1303 du Code civil.

L’article 1302 stipule que « tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution ». Cela signifie que si une somme a été versée sans qu’il y ait une obligation légale ou contractuelle de la part du créancier, le débiteur a le droit de demander la restitution de cette somme.

De plus, l’article 1303 précise qu’en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, « celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement ».

Dans le cas présent, les sociétés AB INVEST et ABM France ont versé des provisions sur charges qui, selon le tribunal, n’étaient pas justifiées par la SCI JF DES CHARTREUX.

Ainsi, les sommes versées, qui ont été considérées comme reçues sans être dues, sont sujettes à restitution.

Quelles sont les obligations du bailleur en matière de justification des charges ?

Les obligations du bailleur en matière de justification des charges sont clairement définies par les articles L145-40-2 et R145-36 du Code de commerce.

L’article L145-40-2 stipule que « tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire ».

Cet inventaire doit être accompagné d’un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire, et en cours de bail, le bailleur doit informer le locataire des charges nouvelles.

L’article R145-36 précise que « l’état récapitulatif annuel mentionné au premier alinéa de l’article L. 145-40-2, qui inclut la liquidation et la régularisation des comptes de charges, est communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle au titre de laquelle il est établi ».

Il est donc de la responsabilité du bailleur de fournir des justificatifs des charges, et en cas de contestation, il doit prouver que les sommes demandées correspondent bien aux dépenses engagées.

Dans cette affaire, la SCI JF DES CHARTREUX n’a pas réussi à justifier les charges demandées, ce qui a conduit à la condamnation à restitution des sommes versées.

Quels sont les effets de la mise en demeure sur le calcul des intérêts ?

Les effets de la mise en demeure sur le calcul des intérêts sont régis par l’article 1231-6 du Code civil.

Cet article stipule que « les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ».

Cela signifie que dès qu’une mise en demeure est effectuée, le débiteur est tenu de payer des intérêts sur la somme due, et ce, sans que le créancier ait à prouver un préjudice.

Dans le cas présent, la société ABM France a mis en demeure la SCI JF DES CHARTREUX par lettre du 11 octobre 2021.

Cette mise en demeure a été reçue par la défenderesse, ce qui a permis au tribunal de faire droit à la demande des sociétés AB INVEST et ABM France concernant le point de départ des intérêts au taux légal, à compter de cette date.

Quelles sont les conséquences de la perte du procès pour la partie défenderesse ?

Les conséquences de la perte du procès pour la partie défenderesse sont régies par les articles 696 et 700 du Code de procédure civile.

L’article 696 dispose que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Cela signifie que la partie qui perd le procès doit généralement supporter les frais de justice, sauf décision contraire du juge.

L’article 700, quant à lui, stipule que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».

Le juge peut tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Dans cette affaire, la SCI JF DES CHARTREUX, ayant perdu le procès, a été condamnée à payer les dépens ainsi qu’une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 pour couvrir les frais irrépétibles des demandeurs.

Copie ❑ exécutoire
❑ certifiée conforme
délivrée le
à
Me Camille ALLIEZ
Me Isabelle PORCHER

TRIBUNAL JUDICIAIRE Par mise à disposition au greffe
DE NIMES
**** Le 19 Novembre 2024
1ère Chambre Civile

N° RG 22/03718 – N° Portalis DBX2-W-B7G-JTGR
Minute n° JG24/

JUGEMENT

Le tribunal judiciaire de Nîmes, 1ère Chambre Civile, a dans l’affaire opposant :

S.A.R.L. AB INVEST
inscrite au RCS sous le n° 789 365 038 et prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège social, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Camille ALLIEZ, avocat au barreau de NIMES, avocat postulant et par la SELARL 3a – Avocats d’Affaires Associés – Me David Goldenberg – Avocat au Barreau de Rouen, avocat plaidant,

S.A.S. ABM FRANCE
inscrite au RCS sous le n° 812 137 172 et prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège social, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Camille ALLIEZ, avocat au barreau de NIMES, avocat postulant et par la SELARL 3a – Avocats d’Affaires Associés – Me David Goldenberg – Avocat au Barreau de Rouen, avocat plaidant,

à :

S.C.I. JF DES CHARTREUX,
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Isabelle PORCHER, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

Rendu publiquement le jugement contradictoire suivant, statuant en premier ressort après que la cause a été débattue en audience publique le 17 Septembre 2024 devant Antoine GIUNTINI, Vice-président, statuant comme juge unique, assisté de Aurélie VIALLE, greffière, et qu’il en a été délibéré.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 31 août 2017, la société AB INVEST détenue par M. [X] [T], a pris à bail, à compter du 1er septembre 2017, dans le cadre d’un bail dérogatoire de 36 mois signé avec la société SCI JF DES CHARTREUX, des locaux sis [Adresse 4].
La société ABM France, également détenue par M. [X] [T], s’est portée caution du paiement des loyers et charges.

Outre le paiement du loyer de 4.100 euros TTC mensuels, le bail prévoyait le paiement d’une provision sur charge de 3.000 euros par trimestre comprenant  » entre autres :
– La totalité de la taxe foncière,
– La totalité des frais de gestion plafonnés à 6% hors taxes du loyer ;
– L’assurance propriétaire de l’immeuble. « .

Ces provisions sur charges ont été facturées par la société SCI JF DES CHARTREUX pour la période du 1er septembre 2017 au 30 septembre 2021, soit sur 49 mois, à hauteur de 49.000 euros hors taxe (58.800 euros TTC). Elles ont été intégralement payées par les sociétés AB INVEST et ABM France.

Par courrier du 11 octobre 2021, estimant le paiement de ces charges injustifié, la société ABM France a mis la société SCI JF DES CHARTREUX en demeure de lui rembourser les paiements à ce titre. Insatisfaite des réponses apportées par le bailleur, les sociétés AB INVEST et ABM France ont mis en demeure la société SCI JF DES CHARTREUX par courrier du 29 novembre 2021 de rembourser ces provisions sur charge à hauteur de 58.800 euros.

Par acte du 8 août 2022, les sociétés AB INVEST et ABM France ont fait assigner la société SCI JF DES CHARTREUX devant le tribunal judiciaire de Nîmes.

Aux termes de leurs dernières écritures, notifiées 06 septembre 2024, les sociétés AB INVEST et ABM France demandent au tribunal, au visa des articles 1302 et suivants et 1303 du Code civil, L145-40-2, R145-35 et R145-36 du Code de commerce, outre l’article 700 du Code de procédure civile, de :

– Condamner la société SCI JF DES CHARTREUX à leur payer la somme de 57.700 euros, augmentée des intérêts au taux légal depuis le 11 octobre 2021, date de la mise en demeure adressée par la société ABM France,

– Condamner la société SCI JF DES CHARTREUX à leur payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la société SCI JF DES CHARTREUX aux entiers dépens.

A l’appui de leurs demandes, les sociétés AB INVEST et ABM FRANCE soutiennent que malgré leurs sollicitations, la société SCI JF DES CHARTREUX n’a fourni aucun justificatif des provisions payées. Elles précisent que la société SCI JF DES CHARTREUX n’apporte la preuve que d’une quittance d’assurance payée et qu’elle se faisait payer la taxe foncière en sus de la provision sur charges. Elle considère que les frais de gestion stipulés sont des honoraires du bailleur qui ne peuvent être répercutés au locataire.
En réplique aux moyens de la défenderesse, elle pointe que l’acte de cession évoqué ne comporte aucune mention d’un compte entre les parties et n’est d’ailleurs pas produit. Elle indique que ni l’existence d’un avoir sur les loyers, ni leur indexation, ni la pénalité de 10% sur les loyers impayés ne dispensent de l’obligation de justifier et de régulariser les charges.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 septembre 2024, la société SCI JF DES CHARTREUX demande au tribunal au visa des articles 1302 et suivants du Code civil, L145-40-2 et R145-36 du Code de commerce, outre l’article 700 du code de procédure civile, de :
– Déclarer recevables et bien fondées les conclusions de la SCI JF DES CHARTREUX,
– Débouter la SARL AB INVEST et la SAS ABM France de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
– Condamner la SARL AB INVEST et la SAS ABM France à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la SARL AB INVEST et la SAS ABM France au paiement des entiers dépens ;

A l’appui de ses demandes la SCI JF DES CHARTREUX indique que les sociétés AB INVEST et ABM FRANCE ont réglé la totalité des 58.800 euros de provisions sur charges par régularisation au jour de la signature de vente de l’immeuble loué, en date du 7 octobre 2021. Elle précise que dans cet acte de vente les parties ont fait les comptes des sommes dues entre elles, et qu’alors les demanderesses n’ont élevé aucune réclamation sur les charges, leurs montants et leurs justificatifs. Elle explique que les locataires ont cumulé les incidents de paiement et les impayés de loyers ou de charges. Elle soutient fournir les justificatifs demandés des provisions sur charge. Elle fait également état de la clause d’indexation des loyers, ainsi que de la clause de pénalité de 10% sur les loyers impayés, qu’elle n’avait pas appliquées. Elle relate les difficultés de paiement et les retards accumulés dans le paiement des loyers et la signature de la vente. Elle mentionne que dans sa contestation des charges dues, les sociétés AB INVEST ET ABM FRANCE remettent en question les conditions contractuelles du bail.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il y a lieu en vertu de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs dernières écritures.

Par ordonnance du 05 septembre 2024, la clôture de l’instruction a été fixée à la date du 10 septembre 2024. A l’audience de plaidoirie du 17 septembre 2024, la décision a été mise en délibéré au 19 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

À titre liminaire, il est rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater », « déclarer », « juger » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du Code de procédure civile, mais des moyens invoqués par les parties. Il ne sera donc pas statué sur ces « demandes » qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES :

Aux termes de l’article 1302 du Code civil,  » tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
La restitution n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées « .

L’article 1303 du même code dispose qu’  » en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement « .

Aux termes de l’article L145-40-2 du Code du commerce  » tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.
Lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur communique à chaque locataire :
1° Un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d’un budget prévisionnel ;
2° Un état récapitulatif des travaux qu’il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.
Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l’exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d’informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.
Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d’information des preneurs « .

L’article R145-35 du même code dispose que  » ne peuvent être imputés au locataire :
1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;
2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l’alinéa précédent ;
3° Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l’immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;
4° Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail ;
5° Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires.
La répartition entre les locataires des charges, des impôts, taxes et redevances et du coût des travaux relatifs à l’ensemble immobilier peut être conventionnellement pondérée. Ces pondérations sont portées à la connaissance des locataires.
Ne sont pas comprises dans les dépenses mentionnées aux 1o et 2o celles se rapportant à des travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique « .

Selon l’article R145-36 du Code de commerce  » l’état récapitulatif annuel mentionné au premier alinéa de l’article L. 145-40-2, qui inclut la liquidation et la régularisation des comptes de charges, est communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l’exercice annuel. Le bailleur communique au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci « .

Il n’est pas contesté par SCI JF DES CHARTREUX que les sociétés AB INVEST et ABM FRANCE ont payé les 58.800 euros de provisions sur charges stipulés dans le contrat. Il n’est par ailleurs justifié par la SCI JF DES CHARTREUX d’aucun compte entre les parties.

Or, les provisions sur charges s’analysent comme des  » créances probables  » du bailleur, qui ne deviennent certaines, en cas de contestation du preneur, que s’il produit la justification de ses dépenses. Pour conserver les sommes versées au titre des provisions, Il incombe donc au bailleur de justifier du montant des dépenses engagées.

En l’espèce, la SCI JF DES CHARTREUX invoque au titre des provisions sur charges engagées :
– 4.400 euros de frais d’assurance,
– 30.667 euros de taxes foncières,
– 11.808 euros de frais de gestion,
– 3.061,44 euros de rappel de la clause d’indexation des loyers,
– 5.689,40 euros de pénalités de 10% sur les loyers impayés.

S’agissant du rappel de la clause d’indexation des loyers et des pénalités sur loyers impayés :

Les charges s’appréhendent comme des dépenses incombant définitivement au propriétaire. Elles sont d’ailleurs définies dans le contrat de bail dérogatoire liant les parties, dans la clause  » LOYER  » comme  » les remboursements de la part contributive du preneur dans les charges d’exploitation et d’entretien ainsi que les impôts et les taxes établis au nom du bailleur « . Cette même clause précise à la suite que ces charges comprennent  » entre autres :
– La totalité de la taxe foncière,
– La totalité des frais de gestion plafonnés à 6% hors taxes du loyer ;
– L’assurance propriétaire de l’immeuble. « .

Aucun de ces éléments, déterminant les provisions pour charges incombant aux demandeurs, ne peut être considéré comme se rapportant à un rappel de la clause d’indexation ou aux pénalités sur loyers impayés.

Par ailleurs, les stipulations relatives à l’indexation des loyers sont développées dans une autre clause, intitulée  » INDEXATION « , celles relatives au paiement régulier des loyers se retrouvent dans la clause intitulée  » DEPÔT DE GARANTIE  » et celles sur les 10% de pénalités sur les loyers impayés figurent dans la  » CLAUSE PENALE  » du contrat.

Il en ressort que ni les 3.061,44 euros de rappel de la clause d’indexation des loyers, ni les 5.689,40 euros de pénalités de 10% sur les loyers impayés invoqués n’entrent dans le champ des provisions pour charge. La SCI JF DES CHARTREUX est donc mal fondée à les invoquer pour les retenir au titre de sa créance.

Ces sommes d’un montant global de 8.750,84 euros ayant été reçues sans être dues sont sujettes à restitution. La SCI JF DES CHARTREUX sera en conséquence condamnée à payer aux AB INVEST et ABM FRANCE la somme de 8.750,84 euros à ce titre.

S’agissant des frais de gestion:

Aux fins de justifier du paiement des frais de gestion, la SCI JF DES CHARTREUX produit quatre factures de la SARL IMMOBILIERE ET INFORMATIQUE LELONG – de la CROIX VAUBOIS, datées des 11 septembre 2017, 5 septembre 2018, 9 septembre 2019 et 7 septembre 2020, chacune d’un montant de 2.952 euros. Ces factures visent au  » remboursement des frais pour suivi de locations de vos locaux et ensemble immobilier « .
Elles s’analysent donc comme des  » honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers (…) de l’immeuble faisant l’objet du bail « , en contradiction avec l’article R145-35 (4°) du code du commerce qui dispose que ces dépenses ne peuvent être imputées au locataire, sans ménager d’ailleurs de dérogation contractuelle comme pour la taxe foncière dans le 3° de ce même article.

Il en ressort que ces frais de gestions ne peuvent être imputés au locataire et que les 11.808 euros reçus à ce titre par la SCI JF DES CHARTREUX n’étaient pas dus et sont sujets à restitution.
La défenderesse sera en conséquence condamnée à payer aux demandeurs la somme de 11.808 euros à ce titre.

S’agissant de l’assurance propriétaire de l’immeuble et de la taxe foncière :

Il n’est pas contesté par les sociétés AB INVEST et ABM FRANCE que les frais d’assurance propriétaire de l’immeuble et les taxes foncières sont comprises dans les provisions sur charges du bail dérogatoire.

Néanmoins, force est de constater que malgré les relances des demandeurs, la SCI JF DES CHARTREUX ne produit que le justificatif de paiement d’une échéance annuelle de 1.100 euros de cette assurance, par la communication d’une copie d’un chèque de ce montant en date du 07 septembre 2017. La SCI JF DES CHARTREUX, se contente pour le surplus d’un courrier d’un courtier récapitulant le montant des  » primes du risque  » relatives à l’immeuble considéré, qui ne peut pas être considéré comme une quittance d’assurance payée.

En conséquence, la SCI JF DES CHARTREUX n’établit que le paiement d’une échéance annuelle d’assurance propriétaire de l’immeuble considéré sur la période du 1er septembre 2017 au 1er septembre 2020. Elle ne ressort dès lors en droit de déclarer au titre de sa créances pour provision sur charge que la somme de 1.100 euros, et les 3.300 euros de surplus ayant été reçus sans être dus sont sujets à restitution

De même, malgré les demandes répétées des sociétés AB INVEST et ABM FRANCE, la SCI JF DES CHARTREUX ne produit que les avis d’imposition des taxes foncières 2018, 2019, 2020 et 2021, sans fournir comme sollicité les quittances de paiement de ces taxes. La SCI JF DES CHARTREUX échoue donc là encore à démontrer que ces dépenses ont été engagées. La sommes de 30.667 euros de taxes foncières ayant été reçue sans être due est sujette à restitution

En conséquence, la SCI JF DES CHARTREUX sera condamnée à payer aux sociétés AB INVEST et ABM FRANCE la somme de 33.967 euros au titre des provisions sur charge indûment retenues pour les frais d’assurance propriétaire et les taxes foncières.

En ce qui concerne les intérêts au taux légal :

Aux termes de l’article 1231-6 du code civil,  » les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire « .

En outre, il est constant que la créance d’une somme d’argent dont le principe et le montant résultent de la loi ou du contrat et non de l’appréciation du juge porte intérêt dès la sommation de payer.

En l’espèce, il ressort des pièces fournies que par lettre du 11 octobre 2021, la société ABM FRANCE a mis en demeure la SCI JF DES CHARTREUX de lui rembourser les 58.800 euros de provisions sur charges versées. Cette dernière qui a répondu par mail du 19 octobre a effectivement reçu cette mise en demeure. Il sera donc fait droit à la demande des sociétés AB INVEST et ABM France quant au point de départ des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2021.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En conséquence, la SCI JF DES CHARTREUX qui perd le procès sera condamnée aux dépens

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, l’équité commande la condamnation de la SCI JF DES CHARTREUX à payer une somme de 2.000 euros aux demandeurs au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant après débats tenus en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe :

CONDAMNE la société SCI JF DES CHARTREUX à payer aux sociétés AB INVEST et ABM FRANCE la somme de 57.700 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2021,

CONDAMNE la société SCI JF DES CHARTREUX à payer aux sociétés AB INVEST et ABM FRANCE la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SCI JF DES CHARTREUX aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire provisoirement de droit.

Le présent jugement a été signé par Antoine GIUNTINI, Vice-président et par Aurélie VIALLE, greffière présente lors de sa mise à disposition.

Le Greffier, Le Président,


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