Une tentative de piratage informatique par usurpation de l’identité numérique d’un Avocat constitue un cas de force majeure lui permettant de disposer d’un nouveau délai pour déposer ses conclusions.
L’article 910-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911. Ainsi les conclusions d’intimés, déposées hors du délai mentionné par l’article précité, sont donc irrecevables. En application de ces dispositions, la force majeure doit être constituée par la circonstance non imputable au fait de la partie qui l’invoque et doit revêtir un caractère insurmontable. Aux termes de l’article 905-2 alinéa 2 du code de procédure civile, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant un appel incident ou un appel provoqué. L’article 642 du code de procédure civile dispose que tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant En l’espèce, la société Areas Dommages a notifié ses conclusions d’appelante le 9 février 2024. Le 9 mars 2024 était un samedi. Le délai expirait donc le lundi 11 mars 2024. Le conseil de M. [S] a répliqué que le 13 mars 2024 et invoque la force majeure afin d’expliquer cette notification tardive. Le conseil de M. [S] expose avoir fait l’objet d’une usurpation d’identité numérique le 6 mars 2024 et justifie en avoir informé le bâtonnier qui le lendemain, diffusait une circulaire à tous les avocats du barreau de Grasse. Dans son courrier le bâtonnier invoque expressément un message frauduleux d’une boîte mail prétendûment attribuée au cabinet de Maître Martine Bittard. Au vu de ces éléments la tentative de piratage subie, en ce qu’elle est imprévisible, insurmontable est non imputable au conseil de M. [S], est constitutive d’un cas de force majeure, dès lors que ce dernier était dans l’incapacité de notifier ses conclusions entre le 7 mars 2024 et le 13 mars 2024, période durant laquelle il ne disposait d’aucun matériel informatique. Dans ses conditions, les conclusions signifiées le 13 mars 2024 ont été déclarées recevables. |
L’Essentiel : Le 30 novembre 2023, le tribunal judiciaire de Grasse a jugé recevable la demande d’expertise médicale de M. [S], ordonnant une expertise par le docteur [C] [N]. La société Areas Dommages a été condamnée à verser 12 000 euros à M. [S] pour préjudice, ainsi que 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. En réponse, Areas Dommages a interjeté appel le 4 janvier 2024, avec une audience prévue le 15 octobre 2024. M. [S] a également contesté la recevabilité des conclusions d’Areas Dommages, invoquant la force majeure et formulant des demandes subsidiaires.
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Résumé de l’affaire : Le 30 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Grasse a déclaré la demande d’expertise médicale de M. [S] recevable et fondée, ordonnant une expertise par le docteur [C] [N]. La société Areas Dommages a été reconnue opposable à la décision et condamnée à verser 12 000 euros à M. [S] pour son préjudice, ainsi que 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société Areas Dommages a interjeté appel le 4 janvier 2024. Une audience a été fixée au 15 octobre 2024, avec clôture des débats au 1er octobre. La société Areas Dommages a contesté la recevabilité des conclusions de M. [S] notifiées le 13 mars 2024 et a demandé des dommages-intérêts. M. [S] a, de son côté, demandé la recevabilité de ses conclusions en raison de la force majeure et a formulé des demandes subsidiaires.
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Q/R juridiques soulevées : Une tentative de piratage informatique par usurpation de l’identité numérique d’un Avocat constitue un cas de force majeure lui permettant de disposer d’un nouveau délai pour déposer ses conclusions.
L’article 910-3 du code de procédure civile dispose qu’en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911. Ainsi les conclusions d’intimés, déposées hors du délai mentionné par l’article précité, sont donc irrecevables. En application de ces dispositions, la force majeure doit être constituée par la circonstance non imputable au fait de la partie qui l’invoque et doit revêtir un caractère insurmontable. Aux termes de l’article 905-2 alinéa 2 du code de procédure civile, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant un appel incident ou un appel provoqué. L’article 642 du code de procédure civile dispose que tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant En l’espèce, la société Areas Dommages a notifié ses conclusions d’appelante le 9 février 2024. Le 9 mars 2024 était un samedi. Le délai expirait donc le lundi 11 mars 2024. Le conseil de M. [S] a répliqué que le 13 mars 2024 et invoque la force majeure afin d’expliquer cette notification tardive. Le conseil de M. [S] expose avoir fait l’objet d’une usurpation d’identité numérique le 6 mars 2024 et justifie en avoir informé le bâtonnier qui le lendemain, diffusait une circulaire à tous les avocats du barreau de Grasse. Dans son courrier le bâtonnier invoque expressément un message frauduleux d’une boîte mail prétendûment attribuée au cabinet de Maître Martine Bittard. Au vu de ces éléments la tentative de piratage subie, en ce qu’elle est imprévisible, insurmontable est non imputable au conseil de M. [S], est constitutive d’un cas de force majeure, dès lors que ce dernier était dans l’incapacité de notifier ses conclusions entre le 7 mars 2024 et le 13 mars 2024, période durant laquelle il ne disposait d’aucun matériel informatique. Dans ses conditions, les conclusions signifiées le 13 mars 2024 ont été déclarées recevables. |
[Adresse 2]
[Localité 1]
Chambre 1-2
N° RG 24/00094 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BMLSK
Ordonnance n° 2024/M235
Compagnie d’Assurances AREAS DOMMAGES
Société d’Assurances Mutuelles,
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Diane ROUSSEAU, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Cindy VERNIER, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
Appelante
Monsieur [D] [S]
représenté par Me Martine BITTARD de la SCP BITTARD – GARNERO – PIERAZZI, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SELARL CABINET FRANCOIS & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant
La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAR
défaillante
La MGEN – MUTUELLE GÉNÉRALE DE L’ÉDUCATION NATIONALE
défaillante
Intimés
ORDONNANCE D’INCIDENT
Nous, Florence PERRAUT, Conseillère de la Chambre 1-2 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, statuant par délégation, assistée de Caroline VAN-HULST, greffier ;
Vu l’ordonnance en date du 30 novembre 2023, par laquelle le juge des référés du tribunal de judiciaire de Grasse, statuant en référé, a :
– déclaré la demande d’expertise médicale de M. [S] recevable et bien fondée ;
– donné acte à la société Areas Dommages de ses contestations du droit à indemnisation de M. [S], prestations et réserves en ce qui concerne l’expertise médicale judiciaire ;
– ordonné une expertise et commis pour y procéder le docteur [C] [N], avec mission habituelle en la matière ;
– déclaré la décision opposable à la CPAM ;
– condamné la société Areas Dommages à payer à M. [S] la somme de 12 000 euros à titre provisionnel, à valoir sur la réparation de son préjudice patrimonial et extra-patrimonial ;
– condamné la société Areas Dommages à payer à M. [S] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance ;
Vu la déclaration d’appel transmise au greffe par la société Areas Dommages, le 4 janvier 2024 ;
Vu l’ordonnance, en date du 17 janvier 2024, fixant l’affaire à l’audience du 15 octobre 2024 et la clôture au 1er octobre précédant ;
Vu l’avis de fixation adressé le même jour à l’appelante ;
Vu la constitution le 10 janvier 2024 de Maître Bittard, aux intérêts de l’intimé M. [S] ;
Vu la notification, en date du 9 février 2024, des conclusions d’appelante la société Areas Dommages ;
Vu les conclusions d’incident, transmises le 10 juin 2024, par lesquelles la société Areas Dommages, demande à la présidente de la chambre 1-2 ou au magistrat désigné par le premier président de :
– juger irrecevables les conclusions de M. [S] notifiées le 13 mars 2024 en réplique à ses conclusions signifiées le 9 février 2024 ;
– condamner M. [S] à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens du présent incident ;
Vu les conclusions d’incident, transmises le 23 mai 2024, par lesquelles M. [S], demande à la présidente de la chambre 1-2 ou au magistrat désigné par le premier président de :
– à titre principal : juger recevables ses conclusions notifiées le 13 mars 2024 en raison de la force majeure ;
– à titre subsidiaire :
* faire application des dispositions de l’article 954 alinéa 6 du code de procédure civile ;
* juger qu’il est réputé s’approprier les motifs de l’ordonnance entreprise ;
* débouter la société Areas de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de l’article 905-2 alinéa 2 du code de procédure civile, l’intimé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant un appel incident ou un appel provoqué.
L’article 642 du code de procédure civile dispose que tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.
Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant
En l’espèce, il n’est pas contesté que la société Areas Dommages a notifié ses conclusions d’appelante le 9 février 2024.
Le 9 mars 2024 était un samedi. Le délai expirait donc le lundi 11 mars 2024.
Le conseil de M. [S] a répliqué que le 13 mars 2024 et invoque la force majeure afin d’expliquer cette notification tardive.
L’article 910-3 dispose qu’en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l’application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911. Ainsi les conclusions d’intimés, déposées hors du délai mentionné par l’article précité, sont donc irrecevables.
En application de ces dispositions, la force majeure doit être constituée par la circonstance non imputable au fait de la partie qui l’invoque et doit revêtir un caractère insurmontable.
Le conseil de M. [S] expose avoir fait l’objet d’une usurpation d’identité numérique le 6 mars 2024 et justifie en avoir informé le bâtonnier qui le lendemain, diffusait une circulaire à tous les avocats du barreau de Grasse. Dans son courrier le bâtonnier invoque expressément un message frauduleux d’une boîte mail prétendûment attribuée au cabinet de Maître Martine Bittard.
Il produit également un courrier de son informaticien, attestant que son cabinet avait fait l’objet d’un précédent piratage au mois de février 2023 et précisant que l’intégralité de son matériel informatique lui avait été pris en application du principe de précaution et restitué le 13 mars 2024.
Même si l’informaticien ne le précise pas, il apparaît cohérent que ce matériel incluait la clé RPVA, puisqu’est visé ‘l’intégralité du matériel’ pour procéder à des vérifications et analyses (intrusion virus).
Au vu de ces éléments la tentative de piratage subie, en ce qu’elle est imprévisible, insurmontable est non imputable au conseil de M. [S], est constitutive d’un cas de force majeure, dès lors que ce dernier était dans l’incapacité de notifier ses conclusions entre le 7 mars 2024 et le 13 mars 2024, période durant laquelle il ne disposait d’aucun matériel informatique.
Dans ses conditions, les conclusions signifiées le 13 mars 2024 seront déclarées recevables.
L’équité commande que chacune des parties conserve la charge de ses frais et dépens relatifs au présent incident.
Statuant par mise à disposition au greffe et par décision susceptible de déféré devant la cour d’appel, dans les quinze jours de sa date,
Déclarons recevables les conclusions d’intimé déposées le 13 mars 2024 par M. [D] [S] ;
Laissons à chacune des parties la charge de ses frais et dépens du présent incident.
Fait à Aix-en-Provence, le 26 Septembre 2024
La greffière Le magistrat désigné par le premier président
Copie délivrée ce jour aux avocats des parties
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