L’essentiel : Le Décret n° 2024-1086 du 2 décembre 2024, en application de l’article L. 2241-2-1 du code des transports, encadre le droit de communication des données des contrevenants par les exploitants de services de transport. Ce droit permet d’obtenir des informations telles que le nom, prénom, date et lieu de naissance, ainsi que l’adresse des contrevenants, exclusivement pour le recouvrement des amendes. L’accès à ces données est limité à vingt agents habilités au sein d’une personne morale unique, garantissant ainsi la protection des données personnelles conformément au RGPD. |
Le Décret n° 2024-1086 du 2 décembre 2024 pris pour l’application de l’article L. 2241-2-1 du code des transports a précisé les modalités d’exercice du droit de communication de données relatives aux contrevenants à l’initiative des exploitants de services de transports auprès des administrations publiques, par le biais d’une personne morale unique. L’article L. 2241-2-1 du code des transportsL’article L. 2241-2-1 du code des transports permet aux exploitants de services de transports d’obtenir communication auprès des administrations publiques, de données limités aux noms, prénoms, date et lieu de naissance des contrevenants, ainsi qu’à l’adresse de leur domicile. Le décret précise les modalités d’obtention de ces informations. Les renseignements transmis ne peuvent être utilisés qu’en vue de permettre le recouvrement des sommes dues au titre de la transaction pénale ou de l’amende forfaitaire majorée. Les agents qui ont accès aux données des fraudeursL’Arrêté du 2 décembre 2024 a également fixé le nombre d’agents de la personne morale unique, commune aux exploitants, mentionnée à l’article L. 2241-2-1 du code des transports susceptibles d’avoir accès aux renseignements communiqués Le nombre maximal d’agents de la personne morale unique, commune aux exploitants mentionnée à l’article L. 2241-2-1 du code des transports susceptibles d’avoir accès aux renseignements communiqués par cette dernière est fixé à vingt. Ces agents doivent être spécialement habilités par la personne morale unique, qui prend les mesures nécessaires afin de pouvoir tracer leur accès à ces renseignements.
L’essentiel sur le nouveau dispositif
Le recouvrement des sommes dues au titre de la transactionL’article L. 2241-2-1 du code des transports, créé par la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016, ouvre la possibilité aux exploitants du service de transport, dans le cadre du recouvrement des sommes dues au titre de la transaction mentionnée à l’article 529-4 du code de procédure pénale, d’obtenir communication de la part des administrations publiques et des organismes de sécurité sociale des informations relatives aux contrevenants. Il impose que cette communication se fasse par l’intermédiaire d’une personne morale unique.
Saisine de la CNILLa CNIL a été saisie, le 21 juin 2024, par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, d’une demande d’avis relative au projet de décret en Conseil d’Etat pris en application de l’article L. 2241-2-1 du code des transports. Une saisine rectificative a été transmise le 5 juillet 2024. Le décret :
Les conditions générales d’exercice du droit de communicationLe législateur a assorti l’exercice de ce droit de communication de plusieurs garanties de nature à concilier l’objectif poursuivi de lutte contre la fraude et le respect de la vie privée et de la protection des données à caractère personnel : les renseignements transmis ne peuvent être utilisés que dans le cadre du recouvrement des sommes dues et ne peuvent pas être communiqués à d’autres personnes que celles chargées du recouvrement de ces sommes ou qu’à l’autorité judiciaire (en cas d’usurpation d’identité). Les demandes des exploitants et les réponses sont transmises par l’intermédiaire d’une personne morale unique, dont les agents, spécialement désignés et habilités à cet effet, sont tenus au secret professionnel.
Par ailleurs, le texte limite strictement les personnes qui peuvent accéder aux données au sein des exploitants de service de transport et de la personne morale unique, et prévoit que l’habilitation des agents de la personne morale unique soit délivrée à la suite du suivi d’une formation initiale et continue en matière de protection des données à caractère personnel.
Le périmètre du droit de communicationLes fichiers concernés par le droit de communication : Le projet d’article R. 2241-7-3 du code des transports prévoyait que seuls « les fichiers nationaux permettant d’obtenir des adresses de personnes physiques régulièrement mises à jour » entrent dans le champ d’application de l’article L. 2241-2-1 du code des transports. La formulation employée ne permettait pas de déterminer précisément le ou les fichiers concernés. Le ministère a indiqué que la rédaction employée doit permettre de s’adapter aux éventuelles évolutions du dispositif ou de la configuration et des caractéristiques des fichiers concernés. Bien que la loi autorise l’interrogation de fichiers des organismes de sécurité sociale, il précise que le dispositif envisagé aura pour le moment recours uniquement à l’interface de programmation d’application recherche des personnes physiques (« API R2P »), produite par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Ce choix s’explique, selon le ministère, par la qualité et l’étendue du jeu de données qu’elle contient. Concrètement, cette API interroge :
Aucun autre fichier ou base de données ne serait consulté dans l’hypothèse où l’API R2P ne permettrait pas d’obtenir les informations demandées.
La CNIL prend acte des engagements du ministère de préciser, que la date et le numéro du procès-verbal ne sont pas transmis aux administrations publiques. Sous cette réserve, la CNIL considère que ces informations sont de nature à garantir que le droit de communication porte sur des demandes spécifiques et précises et à permettre un contrôle adéquat par la personne morale unique.
S’agissant de l’identifiant « supplémentaire », le ministère a précisé, d’une part, qu’il ne doit pas s’agir d’une donnée à caractère personnel et, d’autre part, que le champ sera soit supprimé, soit modifié pour répondre à une nomenclature strictement définie en fonction des besoins des opérateurs de transport, soit assorti d’une alerte automatique pour rappeler qu’il ne doit en aucun cas mentionner des données à caractère personnel. La CNIL en prend acte et invite le ministère à une vigilance renforcée quant à la nature des informations pouvant être communiquées.
La CNIL estime que les « informations utiles », dont la transmission est également possible, ne devraient pas contenir de données à caractère personnel ne correspondant à aucune des catégories mentionnées par le décret.
Le recours systématique au dispositif de fiabilisation de l’adresse du contrevenantSi le décret reste silencieux sur ce point, le ministère a indiqué que le recours au dispositif de fiabilisation serait systématique pour tout recouvrement des sommes dues au titre de la transaction mentionnée à l’article 529-4 du code de procédure pénale.
Compte tenu de la finalité du dispositif prévu par la loi (la fiabilisation des données relatives aux contrevenants) et au regard des garanties prévues par le décret, la CNIL considère que le caractère systématique du recours au dispositif ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits et libertés des personnes concernées. Les durées de conservation des données à caractère personnelS’agissant de la conservation des données par la personne morale unique :
La CNIL estime, en l’état du dossier, que seule la conservation du numéro de la demande et du fait qu’elle a été traitée semble utile une fois que la réponse a été apportée, opération qui devrait en pratique être très brève. Conformément à l’article 5.1.d du RGPD, la durée de conservation des données à caractère personnel doit être déterminée en fonction des finalités pour lesquelles elles sont traitées et non des enjeux techniques inhérents au dispositif. S’il peut être admis que les données à caractère personnel puissent être conservées au-delà de la transmission des informations, notamment parce que la réponse ne peut être traitée immédiatement par l’exploitant, la possibilité de conserver pendant un délai de trois mois à compter de l’établissement du procès-verbal l’ensemble des demandes reçues ne respecte pas le principe de limitation de la durée de conservation.
S’agissant de la conservation des données par l’administration publique ou les organismes de sécurité sociale :
Le ministère a précisé que ce choix est uniquement dû aux limitations techniques de l’API R2P qui prévoit une seule et unique durée de conservation des données pour l’ensemble des utilisateurs concernés, indépendamment de la finalité poursuivie par une demande en particulier.
Si le ministère souhaite règlementer la durée de conservation des données pour le seul usage prévu par le décret, cette durée doit être adaptée aux finalités pour lesquelles les données sont traitées. En effet, la CNIL considère que le choix d’une solution technique particulière ne doit pas déterminer la définition de la durée de conservation, en application du principe de limitation de la conservation des données posé par l’article 5.1.d du RGPD.
L’information et les droits des personnes concernées
En tout état de cause, elle rappelle que cette information doit être concise, compréhensible et aisément accessible, rédigée en des termes clairs et simples, en particulier dans la mesure où elle peut être adressée à des mineurs.
Les mesures de sécurité encadrant le droit de communicationLa CNIL observe que l’article R. 2241-7-3 du code des transports prévoit que « le droit de communication […] s’exerce par voie dématérialisée dans le cadre d’un dispositif sécurisé », et que l’article R. 2241-7-6 précise que « les échanges d’information entre les exploitants de service de transport et la personne morale unique, d’une part, et la personne morale unique et les administrations publiques et organismes de sécurité sociale d’autre part, sont réalisés dans des conditions sécurisées, de nature à garantir la confidentialité et l’intégrité des données qui transitent ».
Elle considère que la traçabilité ne devrait pas reposer uniquement sur la personne morale unique mais qu’elle devrait également être effectuée au niveau de l’exploitant du service de transport, notamment pour ce qui concerne la capacité à rendre compte du lien entre les demandes transmises et l’existence d’un procès-verbal.
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Q/R juridiques soulevées : Qu’est-ce que le Décret n° 2024-1086 du 2 décembre 2024 ?Le Décret n° 2024-1086, pris pour l’application de l’article L. 2241-2-1 du code des transports, établit les modalités d’exercice du droit de communication des données concernant les contrevenants. Ce décret permet aux exploitants de services de transports d’accéder à des informations personnelles, telles que les noms, prénoms, date et lieu de naissance, ainsi que l’adresse des contrevenants, via une personne morale unique. Cette initiative vise à faciliter le recouvrement des amendes et à améliorer l’efficacité des opérations de contrôle dans le secteur des transports publics.Quels sont les droits des exploitants de services de transport selon l’article L. 2241-2-1 ?L’article L. 2241-2-1 du code des transports autorise les exploitants de services de transport à demander des informations aux administrations publiques concernant les contrevenants. Les données accessibles se limitent à l’identité et à l’adresse des contrevenants, et ces informations ne peuvent être utilisées que pour le recouvrement des amendes ou des transactions pénales. Cela signifie que les exploitants ne peuvent pas utiliser ces données à d’autres fins, garantissant ainsi une protection des données personnelles conformément aux exigences du RGPD.Qui a accès aux données des fraudeurs ?L’Arrêté du 2 décembre 2024 fixe le nombre d’agents de la personne morale unique, qui est commune aux exploitants, pouvant accéder aux données des fraudeurs à un maximum de vingt. Ces agents doivent être habilités spécifiquement par la personne morale unique, qui doit également mettre en place des mesures pour tracer l’accès à ces informations. De plus, ces agents sont tenus au secret professionnel, ce qui renforce la protection des données personnelles traitées dans ce cadre.Quelles sont les garanties mises en place pour protéger les données personnelles ?Le législateur a introduit plusieurs garanties pour concilier la lutte contre la fraude et le respect de la vie privée. Les renseignements transmis ne peuvent être utilisés que pour le recouvrement des sommes dues et ne peuvent pas être partagés avec d’autres entités, sauf en cas d’usurpation d’identité. De plus, les demandes et réponses doivent passer par une personne morale unique, et seuls les fichiers régulièrement mis à jour peuvent être interrogés, garantissant ainsi l’exactitude des données.Comment la CNIL a-t-elle réagi à ce dispositif ?La CNIL a été saisie pour donner son avis sur le projet de décret et a souligné que la mise en œuvre de ce dispositif doit respecter les exigences du RGPD. Elle a recommandé des garanties pour protéger la vie privée, comme la nécessité d’informer les personnes concernées par des mentions sur les reçus de contravention. La CNIL a également insisté sur la nécessité d’une analyse d’impact sur la protection des données avant la mise en œuvre du dispositif, en raison des risques potentiels pour les droits des individus.Quelles sont les conditions de conservation des données ?Le décret prévoit que la personne morale unique peut conserver les demandes de renseignements pour une durée maximale de trois mois à partir de l’établissement du procès-verbal. Les réponses aux demandes doivent être supprimées dans un délai maximal d’un mois après leur mise à disposition à l’exploitant de service de transport. La CNIL a exprimé des réserves sur la durée de conservation, soulignant que celle-ci doit être proportionnelle aux finalités pour lesquelles les données sont traitées, conformément au RGPD.Comment les personnes concernées sont-elles informées de l’utilisation de leurs données ?L’article R. 2241-7-8 stipule que le public doit être informé de la vérification des données personnelles lors de l’établissement d’un procès-verbal. Cette information sera diffusée sur les sites web des exploitants et du ministère des transports, ainsi que par affichage dans les moyens de transport. La CNIL recommande également d’inclure des mentions sur les reçus de contravention pour garantir que les personnes concernées soient bien informées de l’utilisation de leurs données.Quelles mesures de sécurité sont mises en place pour protéger les données ?Le décret impose que le droit de communication s’exerce par voie dématérialisée dans un cadre sécurisé, garantissant la confidentialité et l’intégrité des données. Les échanges d’informations entre les exploitants et la personne morale unique, ainsi qu’avec les administrations publiques, doivent se faire dans des conditions sécurisées. La CNIL a également souligné l’importance de la traçabilité des demandes, qui doit être assurée non seulement par la personne morale unique, mais aussi par les exploitants de services de transport. |
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